Auteur/autrice : Éric

  • Fin de notre monde

    Je fais un peu d’ar­chéo­lo­gie dans des « liens à lire » qui date de près de deux ans. Je tombe sur un article à propos de la catas­trophe de Fuku­shima, et une inter­view du direc­teur de la centrale :

    En voyant des travailleurs bles­sés reve­nir du lieu de l’ex­plo­sion, nous avons pensé que si l’en­ceinte de confi­ne­ment avait explosé, il y aurait des rejets radio­ac­tifs massifs et que la situa­tion serait hors de contrôle. Il y a eu ensuite une explo­sion affec­tant le réac­teur n°3 et par ailleurs nous n’ar­ri­vions pas à pomper de l’eau dans le réac­teur n° 2. On ne voyait aucune amorce de règle­ment de la crise. Dans le pire scéna­rio, nous pensions que les fusions [de combus­tible dans les réac­teurs] accé­lé­re­raient rapi­de­ment et échap­pe­rait à tout contrôle, signi­fiant la fin de notre monde.

    Il ne s’agit pas tant de critiquer tel ou tel aspect, mais voilà ce que peuvent penser des gens parmi ceux qui ont le plus de contrôle sur les instal­la­tions, et qui devraient avoir le plus confiance dans la robus­tesse de ces instal­la­tions. Deux scéna­rios, un « hors de contrôle » et un « fin de notre monde ».

    Mais à part ça nos instal­la­tions nucléaires sont maîtri­sées et rien de grave ne peut arri­ver.

  • Marchands de tapis Dell

    J’ai commandé chez Dell cinq postes fixes pour déve­lop­peur :

    On commence à 900 € HT en novembre 2011, puis 945 € un mois après avec des allers-retours, puis 955 € en mars 2012 toujours après les allers-retours de négo­cia­tion. On repasse à 900 € HT en avril par chance lors de l’ab­sence du commer­cial et de son rempla­ce­ment par un tiers.

    Négo­cions encore une fois, voilà que j’ai le nouveau modèle à 780 €, proces­seur plus puis­sant (même fréquence, nouvelle géné­ra­tion), à condi­tion de tirer un trait sur la carte graphique addi­tion­nelle. Consi­dé­rant que la dite carte graphique vaut moins de 80 € HT prix public dans le commerce et que le chan­ge­ment de proces­seur est plus un renou­vel­le­ment de gamme comme il y en a tous les six mois à prix équi­valent, j’ai du mal à voir la cohé­rence.

    Qu’à cela ne tienne, voilà qu’on revient à 955 € HT en septembre 2013, 22% d’aug­men­ta­tion, toujours avec un proces­seur nouvelle géné­ra­tion (même fréquence) et 16 Go de RAM mais en sacri­fiant un des deux disques. Pour le coup impos­sible de compa­rer à confi­gu­ra­tion stric­te­ment équi­va­lente mais je suis même proba­ble­ment au-dessus des prix publics entre­prise du site Dell.fr. Mêmes problèmes pour les écrans.

    Dites DELL, comment est-ce qu’on change de commer­cial atti­tré, parce que là c’est non seule­ment n’im­porte quoi mais ça donne une sacré­ment mauvaise image de votre service. J’ai autre chose à faire que jouer le marchand de tapis pendant des heures à chaque commande, et vous aussi proba­ble­ment.

    À force je vais finir par aller ailleurs, même si c’est plus cher, entre le temps de négo­cia­tion et la rela­tion de confiance, je vais y gagner. Si rien ne s’ar­range, je suis preneur de conseils pour un reven­deur pro (donc PC monté, avec les garan­ties longues qui vont bien, etc.).

  • Encou­ra­ger à copier, toute une éduca­tion

    Je rêve d’une école où on encou­rage les élèves à copier, à échan­ger leurs résul­tats et à colla­bo­rer. Est-ce qu’un élève qui a un besoin régu­lier d’un coup de pouce mérite vrai­ment une mauvaise évalua­tion si en groupe il arrive non seule­ment au même résul­tat mais enri­chit le groupe ?

    Il y a quelques temps je parlais de l’uti­li­sa­tion des docu­ments et des ressources numé­riques – pas pour faire des cours modernes, mais réel­le­ment en travail et en évalua­tion. Je crois que tout ça rejoint la même idée. On forme l’in­di­vi­duel alors qu’on devrait former une géné­ra­tion qui sache colla­bo­rer en société pour arri­ver à quelque chose.

    Tiens, pour ceux qui ont du temps : L’école à bout de souffle, vidéo d’une heure.

  • Forte baisse des salaire en raison de la pénu­rie d’in­for­ma­ti­ciens

    Remix Jobs relance la polé­mique sur la mythique pénu­rie d’in­for­ma­ti­ciens. Les mêmes rengaines arrivent chaque année entre juin et septembre. Cette fois ci, une semaine après, on voit dans la presse « Forte baisse des salaires à l’em­bauche en SSII ».

    Je n’ar­ri­ve­rai pas à comprendre comment on peut consi­dé­rer qu’il y a tension au recru­te­ment tout en faisant bais­ser les salaires. Ce n’est pas tant que les infor­ma­ti­ciens soient mal payés – ils ne le sont pas – mais les salaires d’autres pays sont bien plus haut, donc logique­ment la diffi­culté de recherche devrait faire monter les salaires au moins au niveau des voisins.

    Et qu’on ne se trompe pas, si la propor­tion des expé­ri­men­tés passe en dessous du tiers pour les nouvelles embauches, ce n’est pas qu’ils sont rares, c’est que personne n’a envie de payer pour l’ex­pé­rience avec autant de jeunes diplô­més sur le marché.

    Métier mal consi­déré, loca­tion de person­nel (majo­rité des embauches en SSII), salaire en baisse, déve­lop­peurs français recon­nus comme bons et mieux payés à l’étran­ger, déva­lo­ri­sa­tion du déve­lop­peur avec plus de cinq ans d’ex­pé­rience (« il aurait du passer chef de projet »)… il ne faut pas s’éton­ner que certains claquent la porte des recru­teurs français.

  • Vive la trans­la­tion du jargon

    J’ai cher­ché comment traduire « commit » dans le contexte d’un contrôle de versions type git ou subver­sion. J’ai eu quelques propo­si­tions qui peuvent permettre de construire des phrases au cas par cas, mais aucun terme vrai­ment éclai­rant et géné­rique.

    Mais surtout je me suis heurté à pas mal de réac­tions concer­nant l’idée même de traduire le terme.

    Fran­che­ment je ne cherche pas à « défendre la langue française ». Elle va très bien, merci pour elle, et surtout elle ira d’au­tant mieux qu’elle restera vivante et s’au­to­ri­sera à impor­ter des termes étran­gers. Il est d’ailleurs amusant de voir de temps en temps de la résis­tance à impor­ter un terme anglais… qui est en fait un terme français qui a été importé outre-manche ou outre-atlan­tique il y a bien long­temps. Bref, là n’est pas la ques­tion.

    Ma petite histoire

    C’est Eyrolles qui m’a pas mal ouvert les yeux sur l’uti­lité d’une traduc­tion. À l’époque de la rédac­tion de mon livre sur PHP, ils nous ont imposé de cher­cher au maxi­mum des traduc­tions.

    • Premier constat : Quand on cherche, le plus souvent, on trouve un terme français qui corres­pond très bien.
    • Second constat : Le plus souvent même ceux qui n’uti­lisent que les termes anglais ne remarquent même pas qu’il y a eu effort parti­cu­lier de traduc­tion.

    Tout le monde utilise thread, parser, template, tag… mais fina­le­ment un fil de discus­sion ou d’exé­cu­tion, un moteur ou un analy­seur syntaxique, un gaba­rit, une balise ou une étiquette, ça fonc­tionne très bien aussi. En fait ça fonc­tionne même mieux, avec une lecture bien plus fluide quand bien même les termes sont rare­ment fran­ci­sés dans le contexte infor­ma­tique.

    Il m’a ainsi fallu pas mal de volonté pour faire un chapitre sur les gaba­rits de pages HTML en PHP. Damned, j’ai résisté et voulu écrire « template » jusqu’au bout. Je me demande même si nous n’avions pas fini sur un compro­mis en lais­sant « template » dans le titre de chapitre en crai­gnant que « gaba­rit » ne soit pas immé­dia­te­ment compris. Sauf qu’au final je suis bien content de l’avoir fait ce chan­ge­ment.

    Abra­ca­da­bra

    J’ai vu trop d’in­for­ma­ti­ciens utili­ser les termes anglais comme des formules magiques. J’ai même eu plusieurs discus­sions à l’époque du choix de « gaba­rit » où on m’a expliqué qu’un « template » c’était diffé­rent parce que [insé­rez ici une conno­ta­tion imagi­naire]. Moins mon inter­lo­cu­teur avait de recul sur ce qu’il mani­pu­lait et de compré­hen­sion du fonc­tion­ne­ment, plus il était atta­ché au terme anglais. Cette consta­ta­tion n’a jamais été démen­tie (atten­tion à ne pas vous vexer : je ne prétends pas que la réci­proque est vraie).

    Si je tiens au français, c’est juste­ment pour parler français et pour ne pas utili­ser de termes formules magiques où chacun y met son propre imagi­naire. Ça permet de norma­li­ser le discours, de lais­ser prendre du recul à ceux qui sont trop habi­tués à copier sans comprendre, et de parler du fonc­tion­ne­ment plus que d’une série d’ou­tils et de commandes.

    Comme la plupart des infor­ma­ti­ciens, j’ai beau­coup tendance à utili­ser l’an­glais dans mon jargon. J’ai toute­fois pu noter de réelles diffé­rence d’im­pact et de compré­hen­sion dès que je fais l’ef­fort d’uti­li­ser des termes français. Et cette faci­lité d’échange ne concerne pas que les débu­tants : Je la constate aussi face à des habi­tués du terme comme de la tech­nique qu’il recoupe. À vrai dire plus la personne en face a du recul et de la compré­hen­sion, plus on peut parler de ce qu’il y a derrière et autour et plus la langue utili­sée est un détail.

    À l’usage

    Seule l’ha­bi­tude fait un peu résis­tance, mais pas tant que ça. En fait tout l’enjeu c’est de trou­ver un terme qui sera immé­dia­te­ment compris sans réflé­chir par un natif fran­co­phone, même par celui qui n’uti­lise que le terme anglais dans sa vie profes­sion­nelle. Très souvent on trouve, et si extrê­me­ment peu de mes corres­pon­dants parle­ront eux-même de fil d’exé­cu­tion, aucun ne tique quand je le fais.

    Il reste quelques termes diffi­ciles à traduire. Le plus souvent ce sont des termes qui ont déjà été détour­nés de leur sens usuel en anglais. Forcé­ment, trou­ver un terme français revient aussi souvent à le détour­ner de son sens usuel… et là ça coince. À l’écrit, quand ça arrive, je tente de forcer un peu le terme français s’il me semble viable, quitte à mettre le terme anglais en paren­thèses à la première occur­rence.

    Et quand rien ne va ? et bien j’uti­lise l’an­glais, ça me va aussi très bien. Fuck à l’Aca­dé­mie Française qui créé un nouveau mot complè­te­ment déli­rant par volonté abso­lue de ne pas utili­ser l’an­glais. Ce n’est pas ma moti­va­tion. Par contre j’en arrive là après une recherche sérieuse, avec l’aide de ceux qui le veulent.

    Et pour « commit » alors ? Après un nombre impor­tant de contri­bu­tions sans aucune suffi­sam­ment claire et géné­rique – de mon avis person­nel – Karl a proposé le simplis­sime « enre­gis­trer ». Ça ne plaira peut être pas aux puriste, mais j’ai l’im­pres­sion que ça colle parfai­te­ment à pas mal de sens qu’on donne à « commit », et que je trou­ve­rai bien les termes pour les quelques sens manquants avec les notions de version et tran­sac­tion. Ceci dit ça reste un sujet ouvert pour moi.

  • Publier la loi

    Si quelques data geeks ont tenté d’ex­plo­rer nos lois, ils ont vite vue la diffi­culté de suivre ce qu’il se passe. Legi­france met à dispo­si­tion toutes les données souhai­tées, mais allez-savoir ce qui est vrai­ment modi­fié par telle loi ou tel projet de loi…

    Imagi­nez voir simple­ment les diffé­rences entre diffé­rentes versions d’un même code, de voir faci­le­ment l’in­té­gra­lité des chan­ge­ments d’un projet de loi en cours ainsi que ce que donne­rait le code résul­tant. Mieux, imagi­nez qu’on puisse dupliquer les données pour créer des projets de loi, discu­ter les amen­de­ments actuels, etc.

    D’autres pays ont avancé. Les lois du Bundes­tag sont publiées sous github. Un projet débute aux US sur une loi parti­cu­lière, plus dans l’es­prit d’en propo­ser des modi­fi­ca­tions colla­bo­ra­tives.

    Tech­nique­ment ce n’est pas si compliqué : mettre les articles de loi dans des fichiers textes, le tout dans un dépôt git ; chaque décret ou loi promul­guée sous forme d’une nouvelle version du dépôt avec la réfé­rence qui va bien ; projets de loi ou amen­de­ments sous forme de branches et réin­té­gra­tion sous forme de pull-request. Le problème n’est pas là.

    En France ça reste compliqué, pour des raisons non tech­niques. La loi est forcé­ment un peu plus acces­sible que la moyenne des données publiques, mais on se heurte vite à la réalité. Nos insti­tu­tions consi­dèrent que le contenu des bases de Legi­france relève du droit des bases de données et que toute extrac­tion auto­ma­tique ou substan­cielle est soumise à licence… payante.

    Bref, récu­pé­rer nos textes de loi pour les compi­ler dans un dépôt, c’est 4700 € pour l’his­to­rique, plus 1500 € (par an ?) pour les mises à jour. Ajouté aux 400 € de frais de dossier on peut comp­ter près de 7000 € la première année, 1500 € les années suivantes. Est-ce que cela auto­rise toute forme de repu­bli­ca­tion ? Le site n’in­dique en fait aucun terme précis quant à la licence et aux droits accor­dés.

    Seul espoir : Dans la notice il est indiqué que le télé­char­ge­ment des PDF inté­graux n’est pas soumis à l’ob­ten­tion d’une licence. Je ne sais pas si le télé­char­ge­ment de tous les PDF, de façon auto­ma­ti­sée et régu­lière, peut passer sous ce critère. Je ne sais pas non plus si cette excep­tion auto­rise la redif­fu­sion (mais en même temps une fois l’ex­trac­tion auto­ri­sée, le droit lié aux bases de données ne devrait je pense plus faire obstacle à une repu­bli­ca­tion). Dans tous les cas le résul­tat serait forcé­ment dégradé puisqu’on peut voir les modi­fi­ca­tions succes­sives mais pas les attri­buer à tel décret ou telle loi.

    J’ai­me­rai bien que quelqu’un plus au fait de ces ques­tions puisse m’ai­der à y voir clair. Suivant le cas ça peut vouloir dire tenter un finan­ce­ment parti­ci­pa­tif, ou faire un premier proto rapide pour véri­fier que le projet a du sens. Qui se sent de parti­ci­per à un peu d’ex­plo­ra­tion avant-projet ? Qui a déjà tenté ou exploré des choses ? Je louche vers les gens de Regards Citoyens par exemple. Je ne voudrai dupliquer aucun effort, et surtout ne pas réin­ven­ter la roue déjà aban­don­née par d’autres pour de bonnes raisons. Tout contact, toute info et toute aide bien­ve­nue.

  • Chan­ger le monde

    • Redon­ner contrôle au citoyen sur sa démo­cra­tie
    • Abattre la primauté des entre­prises sur les indi­vi­dus
    • Casser le modèle actuel de la propriété intel­lec­tuelle et assi­mi­lés
    • Amener de la trans­pa­rence dans le public et de l’opa­cité dans le privé
    • Réfor­mer la circu­la­tion de richesses entre les indi­vi­dus et avec l’état
    • Deve­nir maître du monde

    Oui, le chemin est encore long, mais je suis preneur d’ini­tia­tives et de sugges­tions pour avan­cer dans la bonne direc­tion. Pas juste des idées, des actions, utiles.

  • Exten­sion de durée du droit d’au­teur

    Très bon résumé publié sur Actua­litté, lui même repre­nant Michael Hart, de l’ex­ten­sion du copy­right de la durée initiale de 14 ans après publi­ca­tion renou­ve­lable 28 ans à une durée de 70 ans après mort de l’au­teur.

    Ce qui est inté­res­sant c’est qu’au moins les quatre premières étapes n’avaient pas vrai­ment comme objec­tif d’aug­men­ter la durée d’ex­ploi­ta­tion des oeuvres. L’idée est clai­re­ment de lutter contre une avan­cée tech­nique qui aurait faci­lité la diffu­sion des oeuvres : presses à vapeur, presses élec­triques, photo­co­pieuses.

    L’en­nemi c’est la concur­rence du domaine public, et en augmen­tant les durées, on évite que tout un pan de la culture s’y élève. C’est une bête appli­ca­tion de l’offre et de la demande avec une stra­té­gie de la rareté : L’idée n’est pas tant d’ex­ploi­ter plus long­temps les oeuvres que de limi­ter la diffu­sion d’oeuvres qui ne seraient pas aussi chères.

    Ça permet de voir d’un coup le côté patri­mo­nial du droit d’au­teur sous un autre angle, qui a pour but de restreindre la culture et l’ac­cès aux oeuvres plutôt que de la déve­lop­per. Il est peut être temps d’en­vi­sa­ger d’autres modèles, à l’heure où tout un pan d’oeuvres sous droit devient perdu pour tout le monde car ni exploité ni libre­ment diffu­sable.

  • Tout bien réflé­chi, le livre numé­rique…

    J’ai voulu commen­ter, citer et répondre mais je suis arrivé à un texte de plusieurs pages, sans saveur, sans atti­rance.

    Mais fina­le­ment ce qui me choque dans ce texte sur le livre numé­rique c’est ce focus si impor­tant sur l’achat et le coût. Est-ce vrai­ment ça l’im­por­tant dans le livre ? Pourquoi ne parlons-nous pas litté­ra­ture, rencontre et échange ?

    Parce que non, un salon du livre réduit à des bornes de télé­char­ge­ment n’au­rait aucun sens, mais un salon du livre réduit à des piles de papier et des caisses enre­gis­treuses n’au­rait pas plus de sens. Quitte à choi­sir un lieu de rencontre et de décou­verte, ne pas avoir une table pleine de papier entre mon inter­lo­cu­teur et moi, je vois plutôt ça comme un avan­tage, ne pas être limité au stock amené sur place m’ap­pa­rait aussi comme une ouver­ture encore plus grande.

    Le livre numé­rique c’est un côté pratique indé­niable, et c’est peut être ça qui attire le plus, mais c’est aussi l’op­por­tu­nité de redé­cou­vrir des milliers de clas­siques et d’oeuvres épui­sées. C’est aussi nombre de lectures à moins de 3 € qu’on n’au­rait jamais vu appa­raitre dans le circuit papier. Ce sont aussi des nouvelles, des feuille­tons, et des jeunes auteurs qui n’ont pas eu le rela­tion­nel néces­saire pour toucher les maisons d’édi­tion. Ce sont aussi des textes simple­ment diffé­rents, qu’il aurait été risqué de publier en papier ou qui ne touchent qu’un public restreint. Ce sont enfin des décou­vertes infi­nies et non limi­tées par ce que le libraire a jugé comme suffi­sam­ment rentable pour consti­tuer un stock sur place.

    Pourquoi ne parlons-nous pas de litté­ra­ture et d’oeuvre ? Pourquoi centrer le numé­rique sur le côté maté­ria­liste et écono­mique pour ensuite se plaindre que ce n’est pas ça le plus impor­tant ? Pensez à tout un pan de litté­ra­ture qui s’ouvre de nouveau et tout un autre qui s’in­vente. Pensez à ces amis que vous ne voyez pas tous les jours qui peuvent vous envoyer leurs notes, leurs livres ou des extraits dans leur corres­pon­dance.

    Je vais vous dire un secret : La plupart de mes amis fouillent ma biblio­thèque numé­rique et empruntent mes livres quand ils passent chez moi. Peu le font sur ma biblio­thèque papier. Mieux : j’ai la même inter­ac­tion, à distance, avec certains que je n’ai pas la chance de croi­ser aussi souvent que je le voudrais. Nous discu­tons, échan­geons, décou­vrons. Où serait cette chance avec le livre papier sur ma table de chevet ou dans ma biblio­thèque Ikea du bureau ? et c’est dommage d’ailleurs parce que le livre de ma table de chevet je le consi­dère comme essen­tiel, simple­ment c’est juste moins pratique et moins agréable à lire alors je recule depuis des semaines le moment où je m’y consa­cre­rai. J’ai beau en parler il semble qu’il en soi de même pour mes amis car aucun ne me l’a emprunté en atten­dant.

    Parce qu’au final j’ai bien lu « Je ne voudrais cepen­dant pas sombrer dans les points de vue para­noïaques et puant l’égoïsme social qui s’était exprimé contre le livre de poche. » mais je suis capable de rempla­cer quasi­ment toutes les occur­rences de « liseuse » par « livre de poche » dans le texte d’ori­gine sans lui faire perdre de sens. Combien à l’ar­ri­vée du livre de poche se sont plaints de ces couver­tures peu chères et trop petites pour la richesse du livre ? Combien se sont plaints que les librai­ries devien­draient un lieu de vente déshu­ma­nisé ? Combien ont argu­menté sur le fait que le coût n’était pas le plus impor­tant ? Sur la mort des libraires à cause du prix de vente réduit ? Sur le plai­sir d’un livre suffi­sam­ment quali­ta­tif pour être relu ? Seul le passage sur le salon du livre et ses bornes de télé­char­ge­ment néces­si­te­rait d’être réécrit mais je suppose que, si l’au­teur avait parlé de tables remplies de cartons livres de poche, l’ef­fet aurait été le même.

    Chan­ger ses habi­tudes est diffi­cile. Ne le feront que ceux qui le souhaitent et c’est très bien ainsi. Le numé­rique ouvre des portes mais personne n’est contraint à les fran­chir. Le papier vivra encore plus long­temps que moi, et j’en suis heureux. Je ne repro­che­rai son choix à personne, mais il est tout de même préfé­rable que ce soit juste­ment un choix conscient, donc de se rendre compte que les argu­ments avan­cés sont essen­tiel­le­ment des prétextes par peur ou refus du chan­ge­ment.

    Fina­le­ment je ne vais extraire que deux blocs de cita­tion, que je trouve fina­le­ment reflé­ter le même esprit :

    « Le vrai motif de la liseuse, c’est de réduire le coût de produc­tion du livre. »
    « La liseuse tire du côté de la valeur d’échange, le livre […] du côté de la valeur d’usage. »

    Quelle étrange vision alors que juste­ment le numé­rique permet de se recen­trer sur l’oeuvre et non l’échange lié au conte­nant, et que la seule révo­lu­tion est juste­ment dans l’usage.

    Pourquoi ne pas non plus parler des rencontres, des échanges du numé­rique ? Mort des lieux ? De ce qui ne gèrent que l’as­pect commer­cial et maté­riel, c’est possible. De ceux qui apportent des décou­vertes, des recom­man­da­tions et des discus­sions, certai­ne­ment pas. Ils évolue­ront, chan­ge­ront, mais s’ils apportent quelque chose de perti­nent pourquoi donc imagi­ner qu’ils seront déser­tés ?

    Si vous ne savez voir dans le numé­rique que l’as­pect maté­ria­liste et commer­cial, ne lui repro­chez pas vos propres oeillères.

  • Dis tonton, c’est quoi le water­mar­king sur les ebooks ?

    Le tatouage d’un ebook c’est un peu comme le gravage anti-vol des vitres auto­mo­biles. L’objec­tif est autant de pouvoir iden­ti­fier l’objet pour en retrou­ver son proprié­taire que de dissua­der les gens de voler l’objet lui-même.

    Comme les analo­gies auto­mo­biles n’aident quasi­ment jamais à comprendre quoi que ce soit, voici ce qu’on peut avoir dans un fichier EPUB :

    • Des infor­ma­tions dissua­sives : Souvent une page de garde en début ou fin de livre avec des données nomi­na­tives et/ou l’in­di­ca­tion que le livre est marqué ainsi que sa diffu­sion est inter­dite (impli­ci­te­ment : que si vous le faites on vous retrou­vera), éven­tuel­le­ment en fin de chaque page et/ou chapitre.
    • Des infor­ma­tions d’iden­ti­fi­ca­tion invi­sibles à la lecture mais posées de façon qu’elles soient impos­sible (raison­na­ble­ment diffi­cile) à reti­rer ; dans les images et/ou dans les données du livre elles-mêmes.

    Mais pourquoi tout ça ?

    Voyez ça comme une alter­na­tive qui fait levier pour faire aban­don­ner les verrous tech­niques (DRM Adobe, Fari­play et autres Kindle) à ceux qui n’ar­rivent pas à envi­sa­ger de lais­ser des fichiers sans « protec­tion » : Pas de problème d’in­te­ro­pé­ra­bi­lité, de compa­ti­bi­lité, de double iden­ti­fi­ca­tion, de péren­nité du fichier.

    Personne ne trouve ça génial, même ceux qui ne jure que par ça. Il s’agit d’un « mieux que les verrous tech­niques » (qui combinent les mêmes problèmes mais en ajoutent d’autres) et c’est déjà pas mal.

    L’idée de l’iden­ti­fi­ca­tion c’est que si on trouve un fichier sur le réseau, on puisse remon­ter jusqu’au client à qui il a été vendu. Si l’iden­ti­fi­ca­tion est bien faite (diffi­cile à reti­rer sans dégra­der le fichier), ça peut fonc­tion­ner. Ça n’a l’air de rien mais un tatouage est presque plus diffi­cile à enle­ver qu’un verrou cryp­to­gra­phique.

    Et ensuite ? Ça dépend du dépo­si­taire des droits d’au­teur, mais j’ima­gine que dans le cas d’une viola­tion massive cela puisse être suffi­sant pour deman­der des actes judi­ciaires supplé­men­taires (perqui­si­tion ?) pour envi­sa­ger une mise en accu­sa­tion si celui qui diffuse est bien celui qui a acheté. Je n’ai aucun cas en tête ceci dit.

    La vraie fonc­tion­na­lité du tatouage reste la partie dissua­sion. Même si le tatouage ne contient géné­ra­le­ment rien que vos amis ignorent ou qui ne se retrouve déjà dans l’an­nuaire, sur votre CV et un peu partout dans les bases de données de vos four­nis­seurs, commerçants (en ligne ou non) et admi­nis­tra­tions, personne n’aime avoir son nom et ses coor­don­nées dans les mains d’in­con­nus.

    De fait ça incite les gens honnêtes à ne parta­ger le fichier qu’à leurs connais­sances proches, et c’est bien l’objec­tif. Les vrais pirates eux ne mettront proba­ble­ment pas leur vrai nom de toutes façons.

    Pourquoi me dit-on que c’est dange­reux alors ?

    L’idée c’est d’iden­ti­fier. On peut faire beau­coup de choses dange­reuses avec de l’iden­ti­fi­ca­tion : en partant d’un profi­lage publi­ci­taire intru­sif à la perte de vie privée en passant par un État qui contrô­le­rait vos lectures ou les utili­se­rait pour tirer de mauvaises conclu­sions. On touche fina­le­ment quelque part à la surveillance géné­ra­li­sée et à la liberté d’ex­pres­sion. Effrayant hein ?

    Pour modé­rer : La partie iden­ti­fi­ca­tion n’est géné­ra­le­ment qu’une chaîne de carac­tères obscure et indé­chif­frable. Même si vous arri­viez à l’ex­traire, seul le distri­bu­teur d’ori­gine saurait faire la rela­tion avec des noms ou coor­don­nées.

    Il est aussi toujours bon de le rappe­ler, si vous gardez vos fichiers pour vous, personne ne relira rien de ce qu’ils contiennent. Ça peut paraitre un peu idiot à dire mais c’est cohé­rent avec le fait qu’il vous est inter­dit de diffu­ser ces fichiers à des tiers.

    Enfin, il faut bien voir que l’objec­tif c’est de propo­ser une alter­na­tive aux verrous tech­niques, pas d’in­ci­ter ceux qui envi­sagent de vendre les fichiers nus à ajou­ter un tatouage. La posi­tion c’est qu’il vaut mieux un tatouage qu’un verrou tech­nique, ce dernier ayant à peu près les mêmes défauts mais aussi d’autres en plus. Il ne s’agit donc pas de prétendre à l’ab­sence de risques ou de problèmes, mais plutôt d’avan­cer vers un mieux (ou un moins pire, suivant l’angle de vue).

    N’ou­bliez pas non plus que dans l’his­toire vos données sont présentes chez le reven­deur et remon­tées jusqu’au distri­bu­teur voire à l’édi­teur, puis présente aussi en partie au niveau de votre banque et poten­tiel­le­ment de bien plus de pres­ta­taires. Le danger prin­ci­pal semble plutôt par là.