Auteur/autrice : Éric

  • Mans­plai­ning

    Fati­guant aussi de voir que ceux qui luttent contre le sexisme en font eux aussi dans leur réac­tion.

    Chacun a son biais, son prisme de lecture. Vous, moi, les autres. D’un côté ceux qui, de par un histo­rique cultu­rel sexiste, ont du mal à se déta­cher tota­le­ment de certains biais malgré toute la bonne volonté du monde. De l’autre ceux qui militent et qui eux même risquent de trop faci­le­ment de faire coller ce qu’ils combattent à ce qu’ils rencontrent. Je fais proba­ble­ment alter­na­ti­ve­ment partie de l’un et de l’autre, suivant le contexte.

    Non seule­ment chacun a son biais mais il est extrê­me­ment diffi­cile de s’en abstraire, quand bien même notre inter­lo­cu­teur le pointe expli­ci­te­ment. Au mieux on prend souvent un autre biais, parfois l’op­posé.

    Personne n’a *la* vérité, pas plus les concer­née que les autres (si tant est que dans la ques­tion seules les femmes sont concer­nées, ce qui me semble discu­table vu que juste­ment c’est aussi le compor­te­ment des hommes qu’il faut chan­ger). Peut être même encore moins d’ailleurs. Une visite au tribu­nal fait vite prendre conscience que malgré toute la compas­sion qu’on peut avoir, la victime est rare­ment la meilleure conseillère sur le juge­ment à appor­ter.

    Ce débat sur le fémi­nisme avec des hommes blancs c’est rigolo, mais : fati­guant de repar­tir de zéro, pis j’ai un travail à faire :)

    Bref, ça m’agace, et je trouve détes­table ce terme de « mans­plai­ning » et la pensée qu’il sous-tend. Wiki­pe­dia me donne « Expli­ca­tion faite par un homme a une femme sur ce qu’elle doit faire ou ne pas faire avec condes­cen­dance parce que cette dernière est une femme. »

    Et fina­le­ment le feed­back de mans­plai­ning est une expli­ca­tion faite à un homme sur ce qu’il doit ou non penser sur le sujet du fémi­nisme, faite avec condes­cen­dance, parce que ce dernier est un homme.

    Si vous ne trou­vez pas ça drama­tique­ment ironique, moi si.

    Que la remarque soit justi­fiée ou pas, ça reste du plus beau sexisme. Si le seul feed­back qu’on trouve à faire à un homme dont on trouve les idées fausses voire stupides c’est qu’il les fait parce qu’il est un homme, il ne faudra pas s’of­fusquer d’en­tendre par la suite que d’autres ont d’autres idées stupides ou sont peu capables de faire X ou Y parce qu’elles sont femmes.

    Peut être qu’en disant ça certains diront que je fais moi-même du mans­plai­ning. Ou pas. C’est bien tout l’objet du billet. Toujours est-il que je trouve le terme et son usage des plus crétins. Il existe d’autres variantes, entre autres pour le racisme, pas meilleures.

    Si vous voulez me faire plai­sir et avoir une écoute d’au­tant plus atten­tive, peu importe que ça ne me soit pas destiné : évitez ça en ma présence. Je suis conscient des biais de chacun, y compris des miens même si je ne les vois pas. Par contre je me refuse à écou­ter celui qui n’est pas prêt à consi­dé­rer son inter­lo­cu­teur comme intel­li­gent et capable de réflé­chir.

    C’est encore pire quand c’est juste une façon de refu­ser une vision tierce moins radi­cale, mais c’est un autre débat. Consi­dé­rer qu’une vision diver­gente est forcé­ment stupide, non éclai­rée, non réflé­chie ou extrê­me­ment biai­sée, c’est malheu­reu­se­ment commun et abso­lu­ment pas spéci­fique au sujet.

  • Paris web en une anec­dote

    Il y a quelques minutes : Ques­tions réponses après une confé­rence tech­nique qui débor­dait sur l’éthique, sur l’in­te­rac­tion entre la tech­no­lo­gie et notre monde.

    À deux langues de distances, l’ora­teur à une confé­rence tech­nique répond à une ques­tion d’un malen­ten­dant. Inter­prète LSF-français, traduc­tion français-anglais, en direct. Même chose dans l’autre sens.  Au-dessus défile un sous-titrage auto­ma­tique de tout ce qui est dit, le tout (audio, vidéo, sous-titrage) trans­mis en direct sur le web.

    Parler d’ac­ces­si­bi­lité est une chose, le faire en est une autre.

    Si je dois résu­mer ce qui a été créé à Paris Web et que je ne retrouve nulle part ailleurs, même en dehors de nos fron­tières, je crois que ce sont ces quelques minutes qui l’ex­priment le mieux.

  • Les inéga­li­tés de salaires dimi­nuent-elles vrai­ment ?

    Données brutes : Le ratio entre les 10% les mieux payés et les 10% les moins bien payés a tendance à se réduire. Il était de 3,4 en 1950, presque 4,2 en 1966, et tombe main­te­nant en dessous des 3.

    L’idée va plutôt contre les préju­gés. Les classes aisées ne le sont pas tant que ça, et on bascule vite dans les déciles les plus haut.

    Cette évolu­tion s’ac­com­pagne toute­fois d’une montée forte des dépenses obli­ga­toires comme le loge­ment ou le chauf­fage. Il serait inté­res­sant de regar­der si le ratio évolue dans le même sens si on ne prend en consi­dé­ra­tion que le revenu après dépenses obli­ga­toires. J’en suis moins convaincu mais je manque de chiffres.

    Par contre là où l’ana­lyse est inté­res­sante, c’est que si ça s’écrase entre le premier et dernier décile, c’est surtout au béné­fice des derniers centiles. Les reve­nus et le poids des 1 à 3% les mieux payés s’en­volent.

    En dix ans les moins riches ont évolué un peu plus vite que les classes moyennes. La répar­ti­tion est même éton­nam­ment homo­gène aux alen­tours de 6%. Seuls les trois premiers déciles béné­fi­cient d’un léger coup de pouce avec un gain montant jusqu’à 10%.

    Là où c’est éton­nant (ou pas), c’est que le gain se fait légè­re­ment plus fort à partir des 95%, puis encore plus à partir des 98%, pour culmi­ner à 11% pour le dernier centile. Les 2 à 3% les plus riches font une échap­pée diffi­cile à justi­fier. Mais quand on regarde encore plus en détail, le dernier millième (les 0,1% les plus riches) augmentent eux de 28%.

    Bref, l’apla­tis­se­ment du ratio entre le premier et le dernier décile n’est pas forcé­ment un bon signe, c’est juste le symp­tôme qu’une très faible mino­rité des plus riches est en train de lâcher tous les autres, qui se retrouvent dans le même bain que les classes moyennes. En regar­dant de loin la société semble plus égali­taire, en regar­dant de près c’est tout l’in­verse.

    1996 2006 Gain en euros Gain en %
    10 % touchent un salaire infé­rieur à : 1 251 1 382 131 10,5%
    20 %… 1 418 1 551 133 9,4%
    30 %… 1 572 1 702 130 8,3%
    40 %… 1756 1865 108 6,2%
    50 %… 1 931 2 050 119 6,2%
    60 %… 2 149 2 282 133 6,2%
    70 %… 2 448 2 599 151 6,2%
    80 %… 2 921 3 102 180 6,2%
    90 %…* 3 905 4 146 241 6,2%
    95 % … 5 102 5 471 369 7,2%
    98 %… 7 133 7 725 592 8,3%
    99 %… 8959 9 995 1 036 11,6%
    99,9 %… 19 374 24 800 5 426 28,0%
  • Une opinion est juste un fait qui fait débat

    On me reproche parfois de présen­ter mes opinions de façon trop affir­ma­tive, sans atté­nua­tion. C’est un parti pris volon­taire de ma part.

    Tout ce que je dis n’est qu’o­pi­nion. Même quand ce pour­rait être présenté comme un fait, fina­le­ment ce peut être sujet à débat. Le mur rouge en face de moi certains le verront peut être oran­ger, peut-être faudrait-il véri­fier sous un autre éclai­rage, peut être ai-je un trouble de la vision ce matin, voire des souve­nirs défaillants vis à vis de la couleur du mur.

    Une opinion est juste un fait qui fait débat.

    Bref, mes propos n’en­gagent que moi (ou ma source quand je la cite), et tant que je suis prêt à être contre­dit et à chan­ger d’avis, je m’au­to­rise à affir­mer direc­te­ment. Je ne vois aucune valeur ajou­tée à agré­men­ter chaque phrase de « je pense », « je crois », « selon moi ». À chacun d’ac­cep­ter d’en­tendre des opinions contraire sans impo­ser aux autres qu’elles soient mises en sour­dine par mille précau­tions oratoires. Je m’au­to­rise même à dire que les broco­lis c’est vrai­ment dégueu­lasse, sans avoir à dire que « je n’aime pas ». C’est dire si je suis un mauvais garçon.

    La nuance je la met quand mon opinion n’est pas tota­le­ment forgée, quand j’hé­site, ou (malgré moi) quand je sais que ça risque d’être mal pris.

    Pour aller plus loin, oui, parfois j’ex­prime même des opinions sans avoir toute la vérité à ma connais­sance. De la même façon que je ne souhaite pas ajou­ter « selon moi » à chaque phrase, je ne souhaite pas ajou­ter « d’après ce que j’en sais » non plus. Il est évident que j’ex­prime une opinion unique­ment en fonc­tion de ce que je sais ; et je n’au­rai de toutes façons jamais la préten­tion de tout savoir, quel que soit le sujet. Je m’as­treins juste à ne pas rester sur mon opinion première quand j’en apprends plus.

     

  • Retour sur terre, 50K

    Petite conver­sa­tion surréa­liste il y a quelques jours sur twit­ter à propos de « gagner 50K€ par an ». Entre ceux qui ne voient que la moitié de la conver­sa­tion et ceux qui ne se comprennent pas, j’ai promis de mettre quelques lignes ici.

    Tout d’abord les faits : Le revenu fiscal total médian est de 1474 € / mois pour une personne seule, 2410 € / mois pour un ménage. Avec un calcul gros­sier ça nous donne respec­ti­ve­ment 23 K€ annuels bruts pour un céli­ba­taire et 38 K€ annuels bruts pour l’en­semble du ménage (donc le cumul des deux reve­nus).

    Pour atteindre 50 K annuels bruts, nous sommes entre le sixième et le septième déciles. Dit autre­ment, si vous gagnez ça en cumu­lant l’in­té­gra­lité des sources de revenu de la famille, vous êtes dans le tiers français le plus aisé. Si vous comp­tez pour un foyer d’une seule personne, vous êtes dans les 10% les mieux payés à partir de 47 K€ annuels bruts.

    Entendre dire que c’est juste pour vivre ou même que ce n’est pas parti­cu­liè­re­ment confor­table, c’est juste une insulte aux deux tiers des français, voire plus. Il serait temps de se réveiller un peu et de regar­der autour de soi.

    Il n’y a aucun mal à gagner plus, à consi­dé­rer qu’on devrait gagner plus, ou à cher­cher à le faire. Par contre le mini­mum c’est de ne pas oublier ce que ça veut dire par rapport aux autres, et de se rappe­ler qu’on est aisé (voire riche).

    Et pour ceux qui pensent qu’il en va diffé­rem­ment sur Paris, que là bas il faut bien 50 K€ annuels pour vivre : Le revenu fiscal médian par ménage y est de 2 835 € / mois, soit envi­ron 45 K€ annuels bruts (cumulé pour l’en­semble du ménage). À 50 K€ cumulé sur le ménage, vous êtes au dessus de la moitié des pari­siens, qui sont eux-même large­ment au dessus de la moyenne française. Et si vous êtes céli­ba­taire, ça reste au dessus de 75% des pari­siens.


    Petite note avant commen­taires : Oui ce ne sont que des statis­tiques, mais on a l’ha­bi­tude de calcu­ler le seuil de pauvreté à partir du revenu médian, donc la statis­tique n’a pas aucun sens non plus dans ce cas précis.

  • Entre­prendre en France

    Mon passage au Blend Web Mix m’a un peu secoué la caboche. Déjà je me suis vu aller dans les salles « busi­ness » et « entre­pre­neur », moi qui n’ai toujours juré que par la tech­nique. Ça me fait un peu drôle.

    Mais aussi j’ai entendu les orateurs dire que la France était un des meilleurs endroits pour commen­cer et pour placer sa R&D. Ça a commencé dès le début et ça ne s’est pas arrêté avant la fin. On ne parle pas d’un seul inter­ve­nant isolé mais de l’es­sen­tiel de la scène, avec des entre­pre­neurs chevron­nés et busi­ness inter­na­tio­nal.

    Donc voilà, j’ai entendu ces gens dire que la France était un bon pays pour les star­tups, que les ingé­nieurs (infor­ma­tique) n’y étaient pas chers, que nous avions de l’aide et des subven­tions, que nous avions en paral­lèle assez peu de concur­rence, et de très bonnes infra­struc­tures. Et… pour finir de mettre une baffe à ceux qui râlent conti­nuel­le­ment sur cette France qui empêche tout busi­ness, on y a même entendu que la fisca­lité y était avan­ta­geuse. Oui Messieurs-dames.

    Alors quelques rappels :

    1. Oui on paye pas mal de charges sur les salaires, mais comparé à un salaire de déve­lop­peur sur une côte des États-Unis, le coût final reste encore facile deux fois moins cher, peut être trois fois moins si on prend en compte l’en­vi­ron­ne­ment autour du déve­lop­peur.
    2. Oui il est un peu plus diffi­cile de licen­cier en France (un peu seule­ment, pour quelques poignées d’in­gé­nieurs, on trouve des solu­tions) mais la loyauté est là en retour, et les employés français sont dans les plus produc­tifs.
    3. Oui personne ne veut payer des impôts et taxes, et il y aura toujours un pays où ce sera moins élevé, mais en retour on a des infra­struc­tures, un niveau d’édu­ca­tion moyen et des aides que n’ont pas la plupart des pays

    Visi­ble­ment amor­cer aux États-Unis c’est juste un ordre de gran­deur plus coûteux qu’en France si on en croit ceux qui ont essayé dans les deux pays. Voilà pour les idées reçues.

    Des fois il faut aussi jeter notre côté râleur et essayer de voir un peu plus loin.

  • Réjouis­sons-nous, un candi­dat FN sera élu

    Il semble que candi­dat FN ait fait au moins 40% sur la dernière canto­nale partielle dans le Var. Au lieu de crier, mena­cer et faire peur, ne pour­rait-on pas se réjouir ?

    Non, je ne parle pas de sombre calcul destiné à réveiller les consciences ou provoquer un sursaut « répu­bli­cain ». Il est simple­ment normal qu’il y ait des élus FN, et il devrait même y en avoir beau­coup plus. Ce serait juste et bien pour notre démo­cra­tie.

    Le Front Natio­nal fait régu­liè­re­ment 15 voire 20% aux élec­tions natio­nales, avec une concen­tra­tion plus forte dans le sud proche de la Côte d’Azur.Avec un ancrage local fort, le FN n’a pour l’ins­tant qu’un seul conseiller géné­ral sur 3900, et qu’un unique député sur 577 (trois si on compte les dépu­tés appa­ren­tés à un mouve­ment dont les idées sont proches).

    Oui, c’est le jeu des élec­tions majo­ri­taires, c’est ainsi. Il n’em­pêche que je ne peux me réjouir du résul­tat actuel, et qu’un élu FN de plus reste un pas impor­tant dans la bonne direc­tion. Comment donner l’im­pres­sion à ces 20% que la classe poli­tique est à même de les repré­sen­ter si un tel mouve­ment ne mène à rien ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de débat d’idées au lieu de ce rejet pur et simple ?

    La démo­cra­tie c’est discu­ter avec son voisin, et pas seule­ment ceux avec qui on partage les idées. Auriez-vous simple­ment peur de la démo­cra­tie ? Croyez-vous que la démo­cra­tie ne se fait qu’entre gens qui s’ap­pré­cient ? Et si vous pensez que les élec­teurs FN votent unique­ment par rejet, le meilleur moyen de les faire reprendre le jeu démo­cra­tique collec­tif, c’est bien de leur montrer qu’ils ont autant de voix que les autres.

  • Fiction amazo­nienne

    Le parle­ment s’est enfin chargé du sujet brûlant des libraires. La concur­rence d’Ama­zon commençait à les mettre à risque dange­reu­se­ment.

    Il faut dire qu’A­ma­zon a un tel volume qu’il pouvait faire ce qu’au­cun libraire ne peut envi­sa­ger: Ache­ter de la surface au sol en centre ville pour y poser du stock au plus près des clients, payer des vendeurs-conseil à attendre ces clients toute la jour­née, et lais­ser ces derniers flâner et se lais­ser tenter sur place. Le volume de vente énorme créé par ce nouveau modèle de vente lui permet d’amor­tir très faci­le­ment tous ces coûts supplé­men­taires et de les offrir aux clients fidèles.

    Les libraires histo­riques qui faisaient de la VPC par écono­mie se retrouvent dépas­sés. Nous risquons de perdre tout notre riche réseau de libraires sur Inter­net si on ne les protège pas. Ceux qui ont tenté l’aven­ture en créant eux aussi des maga­sins physiques ont bien du mal à déga­ger une marge suffi­sante pour ne pas factu­rer les services en plus, comme l’ac­cès au maga­sin, au parking privé atte­nant, ou à la demi-heure de conseil person­na­lisé par un vendeur humain.

    Autant dire que l’ac­ti­vité d’Ama­zon agaçait depuis long­temps, surtout vue du point de vue du prix unique du livre. Offrir tous ces services indé­pen­dants en plus de la pres­ta­tion de vente et de remise du livre acheté était consi­déré par beau­coup comme un détour­ne­ment du prix unique du livre.

    Bien­tôt ce sera fini, les libraires avec maga­sin en centre ville ne pour­ront plus cumu­ler la remise de 5% sur le prix du livre et la gratuité des services atte­nants au maga­sin physique. Les libraires histo­riques (vpc) pour­ront enfin souf­fler et survivre.

    Ce qui est très marrant c’est qu’on peut réécrire l’his­toire actuelle dans l’autre sens, et que ça fonc­tionne encore mieux. Le problème n’est pas celui des frais de port, c’est celui de la défense d’un ancien modèle face au seul un acteur qui a inves­tit massi­ve­ment dans un nouveau modèle perti­nent, et qui acquiert en retour une masse critique dange­reuse. A-t-on vrai­ment choisi le bon style de réponse ?

  • Dimanche, prendre du recul

    L’his­to­rique c’est certai­ne­ment une dimen­sion reli­gieuse. Main­te­nant la ques­tion est celle d’un choix de société. Le dimanche c’est un moyen de permettre un équi­libre entre la vie sociale profes­sion­nelle et la vie sociale person­nelle. S’as­su­rer qu’il peut y avoir une vie famil­liale avec un jour de congé commun. S’as­su­rer qu’il puisse y avoir des acti­vi­tés sociale et cultu­relles avec des heures et des jours communs. S’as­su­rer qu’on peut faire une sortie avec des amis parce qu’on a un jour commun. C’est idiot mais ça permet beau­coup de choses ce dimanche.

    Il peut y avoir des excep­tions. Il doit même y avoir des excep­tions. Peut être même qu’il faille repen­ser les règles ou les assou­plir. Proba­ble­ment. Mais la règle elle-même reste sacré­ment utile et ne doit proba­ble­ment pas être vidée de son sens.

    Ce qui est certain c’est que les argu­ments que je vois passer ont des oeillères énormes. Oui c’est sur qu’ou­vrir le dimanche permet de l’ac­ti­vité écono­mique en plus et qu’il y a de toutes façons des volon­taires. Mais non seule­ment il faut un équi­libre entre ces argu­ments et le besoin social global, mais en plus si on cherche à aller voir plus loin, l’image est bien plus complexe que ça. Je ne suis ni pour ni contre, je suis juste excédé par ces argu­ments qui fina­le­ment n’ap­portent rien et ne prennent abso­lu­ment pas en compte de l’en­semble du sujet.

    Côté entre­prise

    Première ques­tion : Une partie de ceux qui viennent le dimanche se seraient orga­ni­sés pour venir un autre jour de la semaine avant ou après. Est-ce que le nombre de clients supplé­men­taires (ceux qui ne se reportent pas sur un autre jour) compense vrai­ment les frais d’ou­ver­ture le dimanche ?

    Si on ouvre le dimanche alors que les concur­rents ferment, c’est certain. Le cas de Casto­rama c’était surtout à cause d’un concur­rent qui n’avait pas eu la même auto­ri­sa­tion. Le gain est alors indé­niable.

    La réflexion s’étend même dans les autres domaines. On ira plus faci­le­ment faire des emplettes sur un maga­sin ouvert le dimanche si on n’a rien d’autre à faire. Le jour où on assou­plit la loi sur le travail le dimanche, tous les commerces seront en concur­rence et la spéci­fi­cité du dimanche risque de dispa­raitre. Dans ce cas les ventes vrai­ment créées par l’ou­ver­ture du dimanche (par oppo­si­tion aux ventes repor­tées le dimanche) sont-elles vrai­ment encore signi­fi­ca­tives ?

    Allons même plus loin. Si l’ou­ver­ture le dimanche est auto­ri­sée, les maga­sins seront globa­le­ment un peu forcés de suivre, parce que juste­ment les clients vont là où c’est ouvert au lieu de repor­ter leurs achats un autre jour. Même si l’ou­ver­ture le dimanche est clai­re­ment non rentable pour certains, ils le feront quand même car l’al­ter­na­tive serait pire. Il n’est même pas certain que l’éco­no­mie dans son ensemble en sortira du posi­tif.

    Côté sala­rié

    L’ar­gu­ment ultime c’est de dire que certains sala­riés sont pour. Au risque d’en­fon­cer des portes ouvertes, les sala­riés ne sont pas pour travailler le dimanche, ils sont pour vivre avec un revenu correct. Ils sont juste prêts à travailler le dimanche si c’est le seul moyen pour ça. Propo­sez leur d’être payés correc­te­ment le vendredi, et d’un coup il risque d’y avoir beau­coup moins de volon­taires pour le dimanche.

    Avec un argu­ment comme celui ci, on peut suppri­mer le salaire mini­mum (quel que soit ce salaire mini­mum, certains seront prêt pour travailler à 10% de moins s’ils ne trouvent pas d’em­ploi), les congés payés (prêt à avoir un jour de congé de moins), et à peu près toutes les mesures protec­trices mise à part l’in­ter­dic­tion de l’es­cla­vage (et encore, si j’en suis réduit à ça pour pouvoir donner un toit et une vie à mes enfants…).

    Les gens se portent rare­ment volon­taires pour le travail le dimanche, ils se portent volon­taires pour un salaire correct, ou même volon­taire pour accep­ter de renon­cer à plus que le voisin et avoir le poste.

    L’idée est aussi de prendre du recul. Si en travaillant norma­le­ment cela ne suffit pas et qu’il faut accep­ter de travailler le dimanche pour faire vivre la famille, c’est plutôt ça qu’il faut corri­ger et pas le travail le dimanche. Même chose pour les jobs étudiants (et une boutique ne tourne pas le dimanche avec *que* des étudiants, pas possible).

    C’est d’au­tant plus vrai que dans le travail le dimanche l’in­té­rêt est aussi d’avoir du coup un jour de semaine libre pour pouvoir faire ses emplettes tranquille en semaines. Bref, ils sont pour travailler le dimanche aussi parce que juste­ment les maga­sins sont fermés le dimanche. Ça se mord un peu la queue.

    Dimanche sacré

     

  • Aides à la presse

    […]les aides publiques à la presse écrite en ont pris pour leur grade. Une fois de plus. La Cour des comptes présen­tait son nouveau rapport sur la ques­tion[…]

    En 2013, le montant versé par l’État au titre des aides publiques directes à la presse s’élève à 534 millions d’eu­ros. Il faut y ajou­ter le coût estimé du taux préfé­ren­tiel de TVA (2,1 %) : si la TVA était porté à 5,5 %, l’État gagne­rait 200 millions d’eu­ros supplé­men­taires, et plus d’un milliard si le taux normal, de 19,6 %, était appliqué à la presse. Au total, les aides corres­pondent à pas moins de « 7,5 % du chiffre d’af­faires de la presse écrite ».

    À ça (on parle déjà d’un demi-milliard en aides directes) il faut ajou­ter des coti­sa­tions sociales réduites sur les salaires et des exoné­ra­tions de la CET (ex taxe profes­sion­nelle). L’ar­ticle de Media­part est frus­trant, car ce petit jeu dure depuis un moment et commence pour­tant à être connu. On a du mal à voir pourquoi ce nouveau rapport chan­ge­rait quoi que ce soit.

    J’ai plus marrant (ou pas) : Tele­rama + Tele 7 jours + Tele Star + Tele Loisirs + Tele Z + Tele­cable Satel­lite Hebdo + Tele Poche repré­sentent presque 35 millions d’eu­ros de subven­tions directes.

    Autant on peut discu­ter de l’uti­lité pour la démo­cra­tie d’avoir une presse d’in­for­ma­tion quoti­dienne ou hebdo­ma­daire, autant l’uti­lité sociale des programmes télé­vi­sés me semble moins évidente.

    Oh, et pitié, ne me sortez pas l’ar­gu­ment habi­tuel comme quoi le finan­ce­ment de ces jour­naux permet de finan­cer la distri­bu­tion des autres. Si c’était ça le problème il suffi­rait de finan­cer direc­te­ment les quoti­diens « utiles », ou éven­tuel­le­ment les socié­tés de distri­bu­tion. Dans les deux cas ça profi­te­rait aussi aux Tele-machin d’ailleurs, mais ça coûte­rait forcé­ment beau­coup moins cher.

    Il serait fran­che­ment bien d’y mettre un peu d’ordre. Je ne parle même pas du risque démo­cra­tique d’avoir une presse dépen­dante de subven­tions étatiques (et d’ailleurs vous n’y trou­ve­rez pas le palmi­pède bien connu).