Catégorie : Politique et société

  • Échec du Rafale en Suisse : peut-on se fâcher avec ses clients ?

    On se plaint suffi­sam­ment que parfois la France n’ose pas parler des droits de l’homme quand elle va négo­cier avec la Chine, pour ensuite ne pas se plaindre quand cela a des effets.

    Mais .. avec l’échec du Rafale en Suisse : peut-on se fâcher avec ses clients ? À croire certains commen­taires il faut simple­ment se taire, et faire passer les contrats (privés) avant toute autre ques­tion.

    On ne peut se réjouir d’avoir été écarté pour avoir trop parler, mais on ne parle pas ici de la parole d’un commer­cial et de son busi­ness privé. On parle d’un État qui a été fondé par une décla­ra­tion de valeur et sur la base de règles communes. C’est très diffé­rent d’une entre­prise qui a le béné­fice comme objec­tif prin­ci­pal.

    Nous ne pouvons pas deman­der à l’État de dimi­nuer ses préten­tions sur les valeurs et le respect des règles, sinon nous nions les fonde­ments même de notre État et sa légi­ti­mité. Si cela veut dire avoir moins de contrats, alors ayons moins de contrats. Cela implique que nous y perdrons écono­mique­ment, que cela aura des consé­quences sur l’em­ploi, sur les impôts, et globa­le­ment si cela devient courant cela aura un impact néga­tif sur la société.

    Malgré tout ça, les valeurs ne doivent pas être aban­don­nées. Sinon … en auto­ri­sant le travail des enfants, l’es­cla­vage, les charges héré­di­taires, soyez certains qu’on fera de sacrées écono­mies. La ques­tion n’est pas là, parce que ce nous avons choisi un modèle de société, tenons-le.

    Là où je suis étonné, c’est que ce genre de problèmes ne soit pas plus fréquent, et fina­le­ment c’est peut être là le disfonc­tion­ne­ment.

  • Comptes et combines au Conseil consti­tu­tion­nel

    Ce n’est pas la première fois qu’on parle des comptes et combines au Conseil consti­tu­tion­nel. On a déjà vu passer des affir­ma­tions sur des vali­da­tions de comptes de campagne liti­gieuses mais réali­sées quand même « pour le bien commun ». Il y a peu je me faisais l’écho d’une solu­tion large­ment contes­table de report d’ef­fet dans le temps qui semblait poli­tique.

    De plus en plus le Conseil Cons­ti­tu­tion­nel semble prendre des déci­sions juri­dique. C’est déjà gênant en soi mais dans ce que nous rapporte Jules, ici on serait allé jusqu’au faux alors que la néces­sité publique était plus que contes­table. Les faits, s’ils sont avérés, peuvent rele­ver de quinze ans de prison. Il ne s’agit pas que d’un simple laissé faire. Au final on a échangé la vrai­sem­blance d’un candi­dat à une élec­tion pour les soupçons sur le garant suprême de notre consti­tu­tion. Fran­che­ment je doute que la démo­cra­tie y ait gagné.

    Et le fait est que la justice rendue par le Conseil consti­tu­tion­nel a parfois pu donner des raisons de douter de son impar­tia­lité ; ou tout du moins, de son imper­méa­bi­lité à la contin­gence poli­tique.

    Que les raisons de douter soient fondées ou non, que les actes soient réels ou non, la simple accu­mu­la­tion de doutes face à des alertes et des déci­sions liti­gieuses est en soi un réel problème.

    Et puis ici, ce n’est pas une décla­ra­tion anonyme d’un sombre inconnu, on parle d’un profes­seur en droit, ancien membre du Conseil consti­tu­tion­nel. On ferait diffi­ci­le­ment mieux.

    La solu­tion est connue : il suffit de limi­ter le pouvoir des poli­tiques dans le proces­sus de nomi­na­tion des membres du Conseil. Mieux encore, d’as­su­rer leur inamo­vi­bi­lité, comme tout juge indé­pen­dant qui se respecte.

    J’ajou­te­rai : Qu’une instance telle que celle-ci se cache derrière le secret des déli­bé­ra­tions pour ne pas rapor­ter un tel acte (d’au­tant qu’il s’agit d’une obli­ga­tion spéci­fique pour les membres d’une auto­rité publique) me semble mora­le­ment très fragile. D’ailleurs Jacques Robert vient de casser ce secret, c’est bien qu’il juge qu’il en avait devoir si ce n’est le droit. L’obli­ga­tion de secret ayant léga­le­ment la même force aujourd’­hui qu’hier.

    Même si je sais qu’il est facile de juger après coup alors qu’on ne partage aucun des enjeux et aucune des contraintes qui furent et sont les siennes, cette décla­ra­tion il aurait du la faire à l’époque. Il y aurait eu scan­dale, mais le scan­dale aurait été ponc­tuel et événe­men­tiel. Là c’est l’hon­nê­teté et la confiance dans une insti­tu­tion indis­pen­sable qui s’ef­frite. Le danger est bien plus grave, même si moins visible.

  • Déci­sion de justice atten­due sur le plagiat univer­si­taire

    Si vous travaillez dans le domaine univer­si­taire, l’ar­ticle de Lucie Delo­porte dans Media­part, à propos d’une déci­sion de justice atten­due sur le plagiat univer­si­taire devrait être éclai­rante.

    On y trouve un maître de confé­rence à l’uni­ver­sité de Paris VIII qui fait des recherches sur le plagiat. Il se rend compte que de nombreux travaux sont partiel­le­ment et parfois entiè­re­ment consti­tués de copier-coller. Cela met en cause des étudiants, mais aussi des ensei­gnants.

    Il n’y a là rien de fina­le­ment très éton­nant. Ce qui l’est plus c’est la réac­tion du corps ensei­gnant et de l’ad­mi­nis­tra­tion. On y voit rapi­de­ment que personne ne souhaite que tout ça appa­raisse au grand jour, au risque de montrer au grand jour que le jury attri­bue des thèses avec féli­ci­ta­tions sur de grands copiés-collés, voire des reco­pies traduites avec un outil de traduc­tion auto­ma­tique. Plus que les étudiants, dont on attend bien qu’ils le tentent, c’est ce corps ensei­gnant qui risque d’être écla­boussé.

    Quand on connaît un peu le milieu ce n’est pas si éton­nant, mais si on commence à avoir des éléments indis­cu­tables tendant à prou­ver que les thèses sont attri­bués à des travaux qui n’ont rien d’ori­gi­naux et qui ne sont proba­ble­ment même pas lus (on vous a dit que des thèses de recherche de plusieurs centaines de pages sont parfois rendues au jury une semaine avant ? croyez-vous vrai­ment qu’elles sont lues en entier ? sans même parler d’être étudiées ?).

    Mais je crois que le plus amusant c’est l’ar­gu­ment du « sanc­tion­ner serait injuste par équité avec ceux qui ne se feraient pas prendre ». Il faudrait un bon coup dans la four­mi­lière et rien que pour ça j’es­père bien que ces travaux feront du bruit.

    Par contre je déteste cette réac­tion qui veut qu’on traite de déla­teur celui qui dénonce, comme s’il faisait là un acte des plus mauvais. Il y a un jour il faudra se rendre compte que celui qui dénonce un problème rend aux inté­rêts communs contre des inté­rêts parti­cu­liers. S’il le fait avec le bien commun en objec­tif c’est un acte qui mérite des féli­ci­ta­tions et non l’op­probre.

    Dernier rebon­dis­se­ment, le maitre de confé­rences en ques­tion vient d’être blan­chit d’une accu­sa­tion de diffa­ma­tion. Diffi­cile pour ses collègues de se faire poin­ter comme plagieurs, mais ils vont avoir désor­mais la vie encore plus diffi­cile main­te­nant que la justice a refusé de leur donner raison.

     

  • Quand NKM fait la manche dans les socié­tés contrô­lées par son minis­tère

    Un maire qui fait spon­so­ri­ser les actions publiques par des entre­prises privées ça me gêne déjà. Le G20 en était un bon exemple.

    Par contre quand un maire profite de son statut de ministre pour faire parti­ci­per des entre­prises sous son appar­te­nance qui n’ont rien à voir avec sa ville, là ça devient fran­che­ment un scan­dale.

    La ville de Longju­meau (Essonne) s’ap­prête à offrir à ses admi­nis­trés quatre semaines de glisse sur une pati­noire de plein air

    […] dans un cour­rier adressé à quelques entre­prises, Natha­lie Kosciusko-Mori­zet soutient l’ap­pel à la géné­ro­sité

    […]la singu­la­rité de la démarche de NKM réside dans le choix des entre­prises auxquelles elle a écrit : RATP, Aéro­ports de Paris (ADP) : des socié­tés sous la coupe… du minis­tère de l’Eco­lo­gie et des Tran­sports.

    Quand NKM fait la manche dans les socié­tés contrô­lées par son minis­tère, il est néces­saire de vrai­ment donner un coup de balai dans les pratiques de nos élus.

  • Les maladresses d’une inter­view sur un nouveau média

    Petite polé­mique entre Rue89 et Alain Lipietz. Le premier publie un article après un déjeu­ner en tête à tête avec le second. Alain Lipietz réagit en consi­dé­rant qu’on a trahit ses propos et manqué de déon­to­lo­gie. Le rédac chef s’ex­prime à son tour pour défendre le papier publié.

    Je vous conseille de lire les deux derniers. Le premier article n’a lui-même que peu d’in­té­rêt dans l’his­toire. Person­nel­le­ment c’est le dernier qui me fait réagir.

    Il est diffi­cile de pouvoir juger quoi que ce soit, faute d’avoir été présent au déjeu­ner, d’avoir vu les notes de la jour­na­liste, ou d’avoir lu la version envoyée avant publi­ca­tion à Alain Lipietz. Toute­fois, dans la réponse du rédac chef, je vois trop de choses contes­tables pour accep­ter la posi­tion de Rue89. (suite…)

  • Media Can Avoid NYPD Arrest By Getting Press Pass They Can’t Get

    Outre la petite histoire de la police qui demande des passes presse qu’elle ne propose pas de donner, il y a là un problème de fond avec cette crois­sante habi­tude de deman­der des cartes de presse pour auto­ri­ser quelqu’un à filmer ou à se trou­ver sur un lieu pour rappor­ter un événe­ment.

    C’est pour moi tota­le­ment contraire au prin­cipe même de liberté d’ex­pres­sion, liberté d’in­for­ma­tion, et capa­cité du citoyen à contrô­ler ce qu’il se passe. Le jour­na­liste est un profes­sion­nel qui fait de l’in­for­ma­tion son métier. Forcé­ment, on lui donne des accré­di­ta­tions parce que parfois il faut contrô­ler des entrées, gérer des rela­tions avec les jour­naux, etc. Main­te­nant rien ne doit rendre néces­saire un statut spécial avant de rappor­ter, enre­gis­trer ou être témoin d’évé­ne­ment.

    C’est ainsi qu’on dérobe au citoyen son droit à l’in­for­ma­tion. Ce droit n’est pas une délé­ga­tion ni réservé à une profes­sion, c’est un droit person­nel de chacun. C’est d’ailleurs quand l’État veut restreindre la portée ou la diffu­sion d’un événe­ment public qu’on commence à deman­der des accré­di­ta­tions, ce qui marque bien que l’objec­tif est d’al­ler contre l’in­for­ma­tion et le témoi­gnage.

  • Aujourd’­hui, Coluche serait avec Marine Le Pen

    Je n’ai aucune envie de savoir si aujourd’­hui Coluche serait avec Martine Le Pen ou non. La ques­tion contient en elle-même la réponse qu’elle cherche à provoquer, peu importe si cette réponse a du sens.

    Par contre je ne peux m’em­pê­cher, à chaque fois que j’en­tends de vieux sketchs, et pas que de Coluche, que ces comiques seraient aujourd’­hui mis au ban de la société. Je suis même convaincu qu’ils fini­raient proba­ble­ment pour beau­coup dans les extrêmes, à force de rejet. Les extrêmes sont les seuls espaces où il est possible d’ac­cep­ter des gens dont les idées sont reje­tées par les autres. Ceux qui refusent de se plier au consen­suel finissent forcé­ment soit par se taire soit par s’y faire plus ou moins happer, même si les idées ne s’y assi­milent pas..

    Ce n’est pas qu’une ques­tion de contexte social, ou le racisme étaient moins jugé inac­cep­table et donc encore sujet à l’hu­mour, c’est un enjeu plus large de capa­cité à s’ex­pri­mer sur tous les sujets. Nous avons plus de tabous, et nous n’ac­cep­tons plus aucune pensée hors du consen­sus. C’est très dange­reux pour notre avenir. C’est ainsi que la société peut se faire embri­ga­der, contrô­ler, ou simple­ment qu’elle s’em­pêche d’évo­luer et progres­ser.

  • Joue-la comme Copé à la télé, en douze leçons

    Rien de neuf, les poli­tiques font de la langue de bois. Rue89 s’amuse à jouer comme Copé à la télé et à repé­rer les manœuvres. Il est vrai qu’en ce moment c’est peut être lui qui joue le plus de mauvaise foi (rôle de porte parole du parti domi­nant oblige ?) mais ça pour­rait tout à fait se faire avec la plupart des poli­tiques actuels.

    Et si le problème était plutôt dans l’ab­sence de vrais jour­na­listes pour insis­ter et contrer ces systèmes de commu­ni­ca­tion éculés ? C’est plutôt là notre problème en France. Si on subit ce genre de commu­ni­ca­tion, c’est parce que nulle part on ne l’em­pêche. Il ne tient qu’à nous d’avoir de vrais jour­na­listes comme dans les pays qui ont un vrai débat poli­tique, et de boycot­ter les autres.

  • Photo of Police Offi­cer Pepper Spraying UC Davis Students

    L’image du jour, que je met permets de reprendre ici direc­te­ment :

    Vous trou­ve­rez aussi des vidéos de la scène. Je vois diffi­ci­le­ment ce qui pour­rait moti­ver pareil fait, mais le pire est à lire dans la lettre ouverte Open Letter to Chan­cel­lor Linda P.B. Katehi. La photo est fina­le­ment la moins gênante car on les auto­rise encore à se proté­ger. On en voit d’autres où les victimes ont le visage rouge de spay, ce qu’on peut diffi­ci­le­ment comprendre. Au final au moins deux sont partis à l’hô­pi­tal. Dans les textes on raconte des spray direc­te­ment dans les gorges. Dans tous les cas c’est de toutes façons un abus de la force publique.

    L’as­pect spec­ta­teur de tout les jour­na­listes sur place me fait aussi peur. La neutra­lité et l’in­dé­pen­dance ont leur limite, quand vient le lais­ser faire et la non assis­tance. Et fina­le­ment, ne sommes nous pas aussi des spec­ta­teurs qui lais­sons faire en ne bougeant pas de notre chaise et en nous disant « c’est à l’autre bout de monde de toutes façons ? ».

    Ici c’est mieux, mais notre police réqui­si­tionne les sand­wich, les cartons, les couver­tures, tout ça bien entendu illé­ga­le­ment puisque si occu­per une place peut être inter­dit, appor­ter son sand­wich ne l’est pas et qu’au­cune mesure ne justi­fie léga­le­ment ces rete­nues. La ques­tion n’est pas celle de la léga­lité des mani­fes­ta­tions ou de leur disper­sion, ni même de savoir si on soutient le mouve­ment, mais bien si on accepte de trans­for­mer nos poli­ciers en mili­taires qui obéissent sans bron­cher à des ordres mani­fes­te­ment illé­gaux et qui oppressent la popu­la­tion qu’ils sont sensés défendre, hors du cadre de ce que la loi leur demande et leur permet.

    Qu’on les déloge si c’est néces­saire. Qu’on utilise la force si c’est indis­pen­sable. Mais rien ne devrait nous faire accep­ter que nos propre poli­ciers utilisent de moyens illé­gaux et inac­cep­tables. Comme à chaque fois, l’inac­tion face à des dérives graves c’est une petite part de lâcheté, mais une grande part de respon­sa­bi­lité et de compli­cité.

  • Contrôles au faciès: un ticket pour véri­fier les pratiques poli­cières

    Je sais que les articles Media­part sont payants, mais vous devriez vrai­ment vous abon­ner. Cette fois ci on parle des contrôles de police au faciès, sous un angle inté­res­sant, pas unique­ment pour s’en plaindre.

    On nous raconte l’ex­pé­rience espa­gnole, où la police remet désor­mais une fiche à chaque personne contrô­lée. Dessus on trouve l’iden­tité du contrôlé, l’iden­ti­fi­ca­tion du poli­cier, mais aussi la raison du contrôle. Le Royaume Uni a d’ailleurs des docu­ments simi­laires.

    Rue89 a aussi publié un article sur les contrôles au faciès, montrant bien l’am­pleur du problème. On y parle d’ailleurs du même type de solu­tion, mais du point de vue de la rue et du milieu asso­cia­tif.

    Contrôle au faciès, une réalité

    Le contrôle au faciès est une réalité. On l’a prouvé par étude en France, et l’ex­pé­rience espa­gnole leur a permis de voir qu’un maro­cain avait presque dix fois plus de chances de se faire contrô­ler qu’un espa­gnol. Savoir et se rendre compte c’est l’es­sen­tiel pour ensuite corri­ger.

    Pour couper court à ceux qui pensent que les pré-jugés sont justi­fiés et qu’il vaut mieux contrô­ler un nord-afri­cain qu’un euro­péen parce qu’il est plus souvent coupable, voilà la statis­tique espa­gnole : le maro­cain était contrôlé 9,7 fois plus mais le taux d’in­frac­tion relevé suite au contrôle était 2,4 fois plus faible.

    Le biais est connu : À partir de pré-jugés souvent incons­cients on contrôle plus tel compor­te­ment, tel aspect exté­rieur, telle couleur de peau. Plus on inten­si­fie les contrôles sur une mino­rité, plus on trouve de choses, c’est mathé­ma­tique. Plus on trouve de choses, plus on inten­si­fie les contrôles et on justi­fie, cette fois ci consciem­ment, de se concen­trer sur certaines mino­ri­tés. Pour­tant une fois les chiffres objec­tifs établis, le taux d’in­frac­tion par contrôle n’est pas plus élevé (et si on inten­si­fie les contrôles, il devient même forcé­ment plus faible que la moyenne).

    Mais surtout, en intro­dui­sant un juge­ment arbi­traire sur l’as­pect exté­rieur ou l’ap­par­te­nance à une origine sociale, une origine géogra­phique, une ethnie parti­cu­lière, on renforce le senti­ment de persé­cu­tion et on casse le peu de respect ou de confiance qu’il pour­rait y avoir. Le poli­cier devient un ennemi.

    Le docu­ment espa­gnol

    Trois effets immé­diats : 1– le contrôlé connait la raison de son contrôle, ce qui parait tout de suite moins arbi­traire, 2– le poli­cier doit expliquer son contrôle et aura tendance à ne pas le faire unique­ment au faciès, 3– désor­mais il y aura des traces et on ne se basera pas que sur un ressenti s’il y a lieu de se plaindre (ce qui est béné­fique et contre les faux ressen­tis des contrô­lés et contre les faux ressen­tis des contrô­leurs).

    Les résul­tats sont posi­tifs en Espagne. La police a pu voir que ses contrôles étaient effec­ti­ve­ment problé­ma­tiques, et les biais ont dimi­nué avec le temps (même s’ils existent toujours). Les maro­cains qui avaient 9,6 plus de chances de se faire contrô­ler, avec pour­tant une effi­ca­cité moindre, n’en ont plus main­te­nant que 3,4 fois plus de chances. C’est impar­fait mais déjà nette­ment mieux.

    Mais surtout c’est le nombre total de contrôles qui a baissé, puisque le poli­cier a devoir désor­mais de justi­fier le contrôle. Le nombre a été divisé par plus de trois. En se concen­trant sur de réels éléments au lieu de contrôles au pré-jugés, le nombre d’in­frac­tions consta­tés lors des contrôles a lui bondi de 6 à 17%. On contrôle moins, avec moins de racisme, et avec de meilleurs résul­tats.

    Réac­tion française

    Là où je pleure sur nos insti­tu­tions c’est avec la réac­tion des français à l’ex­posé espa­gnol :

    On apprend par l’ar­ticle que la réac­tion des poli­ciers français a été globa­le­ment un fort inté­rêt pour le fichier des contrôles et son utili­sa­tion en base de données centra­li­sée pour savoir qui était avec qui, où et quand. Non seule­ment ils passent tota­le­ment à côté du message, mais en plus arrivent à perver­tir l’ou­til pour en faire une gigan­tesque base de recou­pe­ments de surveillance et de contrôle.

    Seconde réac­tion : Ça va poser problème avec les chiffres de résul­tat qu’on leur impose. Je ne sais mieux vous citer une brève de l’ar­ticle :

    Si on nous demande de faire de l’in­frac­tion à la légis­la­tion sur les étran­gers, on est obligé de se tour­ner vers des gens appar­te­nant aux mino­ri­tés. Même s’il n’y a pas de direc­tives franches, on fonc­tionne clai­re­ment sur des critères ethniques. Les jeunes poli­ciers de mon service ont tendance à faire se désha­biller des Réunion­nais, juste du fait de leur couleur et alors qu’ils sont français ! Le dialogue est vrai­ment rompu avec les blacks et les beurs, car ils ont l’im­pres­sion qu’on fait une fixa­tion sur eux, alors que nous ne faisons plutôt une fixa­tion que sur une poli­tique.

    Là où ça devient grave c’est que c’est conscient et accepté. Ils font quelque chose d’illé­gal, en sachant que leur action raciste (désolé, c’est le mot) a des consé­quences sociales et sur les mino­ri­tés, mais ils l’ac­ceptent. Là pour moi il y a un réel problème. La police rejette la respon­sa­bi­lité sur la poli­tique mais l’exé­cu­tion vient bien d’eux, les moda­li­tés aussi. Il serait temps qu’ils se réveillent et qu’ils sont autant coupables que celui qui vole pour son grand frère « parce qu’on lui a demandé ». Ils sont sensés proté­ger et repré­sen­ter l’ordre, et à la place sont la source d’un racisme et d’une oppres­sion insti­tu­tion­na­li­sée, qui tourne à l’hu­mi­lia­tion.

    La suite n’est pas mieux et on voit qu’il n’y a aucune remise en cause : L’un dit que c’est impos­sible de remplir ça avec ses 60 contrôles d’iden­tité quoti­diens, sans juste­ment comprendre que le nombre exces­sif de contrôles faisait partie du problème.

    Je doute qu’on voit arri­ver ce formu­laire chez nous. Nous aurions trop peur de voir ce qui en sorti­rait. Surtout que visi­ble­ment le problème est visi­ble­ment conscient et assumé.

    À titre de rappel : Les contrôles en France ne sont léga­le­ment pas faits au hasard. Ils doivent être le fruits de soupçons justi­fiés, ou d’une opéra­tion limi­tée dans le temps et dans l’es­pace, comman­dée par le préfet. On doit avoir une bonne raison pour faire un contrôle d’iden­tité, sinon ça devient un pouvoir arbi­traire.