Je rumine dans ma barbe à chaque fois que je vois des votes au parlement qui ne devraient légitimement pas passer parce qu’ils ne sont clairement pas soutenus par les députés.
De la liberté de vote de nos députés
Les députés de l’Assemblée Nationale sont tenus par leur parti et leur groupe parlementaire. Ils peuvent s’opposer, mais la pression politique fait qu’ils risquent de perdre leur investiture aux prochaines élection, ou de perdre quelques avantages et privilèges comme être rapporteur de telle ou telle comission.
L’absence devient souvent la façon de s’opposer sans le dire, et l’abstention explicite le comble de l’opposition. Voire des députés voter « oui » en disant partout qu’ils sont contre devient d’un banal qui fait peur. Rares sont ceux qui osent vraiment et souvent faire ce pour quoi ils sont élus : voter en leur âme et conscience ce qu’ils pensent bien.
Il faudrait absolument changer ça, mais personne ne peut créer de règle « ne cédez pas aux pressions » ou « continuez à investir les indépendants aux élections ».
Vote de groupe au Sénat
Au Sénat c’est encore pire. Là on y fait encore des votes de groupes. C’est une jolie figure de style où le chef de groupe vote pour tout son groupe, en une fois. Voter contre son groupe devient une réelle mesure d’opposition, trop forte pour que nos sénateurs en aient vraiment le courage.
Bien évidemment c’est anticonstitutionnel. Si nous avons des centaines de sénateurs et de députés, c’est pour avoir une pluralité des voix et une garantie de non-dérive. Avoir cinq ou six représentants de groupe qui votent pour tout le monde met bien entendu en écec toute la représentation nationale.
Article 27 : « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » et « la loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
De l’insignifiance des règles constitutionnelles
Notre Conseil Constitutionnel, dans son immense courage, a jugé que pour que cela ne pose aucun problème, malgré le fait qu’effectivement ce soit explicitement contraire à la constitution. C’est à ce demander à quel est son rôle.
« ne saurait entacher de nullité la procédure d’adoption de ce texte que s’il est établi, d’une part, qu’un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et d’autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pu être atteinte ».
J’admire le raisonnement qui fait que même si suffisamment de sénateurs se rebellaient, ce qui serait quasiment une révolution, c’est tout juste le vote en question qui serait remis en cause.
Le plus marrant est que des situations où le résultat du vote a été faussé ont été identifiées. Le cas n’est pas que théorique. Autant dire que rien n’a changé.
Sur la situation du vote de groupe, son histoire, sa situation juridique et tout ce qui l’entoure, la lecture du récapitulatif regarscitoyens est indispensable. C’est une vraie mine d’or factuelle et bourrée de références.
De l’actualité
Bien entendu, le PS a plusieurs fois combattu le système des votes de groupe. Il faut dire que quelques votes contraires ou quelques abstentions peuvent faire changer la majorité au Sénat. C’est le PS qui a d’ailleurs interpelé plusieurs fois le Conseil Constitutionnel.
Fait historique le 19 décembre dernier, le PS est majoritaire et un vote est mis en oeuvre qui permet de supprimer le recours au vote de groupe.
Devinez quoi : Ce vote a été réalisé par vote de groupe. Le PS, dont la majorité ne tient qu’à un fil, n’a pas voulu prendre de risques et a voté contre la réforme. Cohérence, principes et courage ? fi donc !
Rassurez-vous, l’UMP a voté contre aussi. À défaut de vouloir une meilleure démocratie ou un respect de la constitution, au moins ils sont cohérents avec leurs positions passées.
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