Catégorie : Politique et société

  • Juger de la mise en place d’une démo­cra­tie

    J’ai vu quelques messages défai­tistes ou pessi­mistes sur la démo­cra­tie en Libye et l’ap­pli­ca­tion poten­tielle de la Charia. Je ne m’en cache pas, je suis loin d’être moi-même opti­miste, mais j’ai l’im­pres­sion ici qu’on se méprend sur ce qu’on attend d’une démo­cra­tie.

    Démo­cra­tie : le pouvoir au peuple, ou la souve­rai­neté au peuple. Mon seul critère est donc que le peuple, dans son ensemble soit  capable de déci­der de ce qui s’ap­plique à lui-même. (suite…)

  • Tarifs réduits en confé­rence

    Ok, on dégou­line tous de bonnes inten­tions, et quand on liste des bonnes pratiques pour l’or­ga­ni­sa­tion de confé­rences, on a envie de deman­der des tarifs réduits pour les chômeurs et les étudiants.

    Je ne critique pas l’in­ten­tion, nous avons nous aussi tenté l’ex­pé­rience à Paris Web les premiers temps. Par contre cette expé­rience m’in­cite plutôt à penser que la bonne pratique est de s’abs­te­nir. (suite…)

  • Préam­bu­la­toire

    Nos prin­cipes fonda­teurs changent, souvent pour un mieux, mais pas toujours. Même si elle est vue comme la source de blocages et de problèmes infi­nis, j’aime bien certains aspects de la IVème répu­blique, en ce sens qu’elle a cher­ché à créer un bon système à desti­na­tion du citoyen et pas à desti­na­tion de l’homme poli­tique.

    Voici ce que nous annonçait le préam­bule de la consti­tu­tion du 27 octobre 1946 (la graisse est de moi) :

    […] les prin­cipes poli­tiques, écono­miques et sociaux ci-après :

    La loi garan­tit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

    Tout homme persé­cuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les terri­toires de la Répu­blique.

    Chacun a le devoir de travailler et le droit d’ob­te­nir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

    Tout homme peut défendre ses droits et ses inté­rêts par l’ac­tion syndi­cale et adhé­rer au syndi­cat de son choix.

    Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le régle­mentent.

    Tout travailleur parti­cipe, par l’in­ter­mé­diaire de ses délé­gués, à la déter­mi­na­tion collec­tive des condi­tions de travail ainsi qu’à la gestion des entre­prises.

    Tout bien, toute entre­prise, dont l’ex­ploi­ta­tion a ou acquiert les carac­tères d’un service public natio­nal ou d’un mono­pole de fait, doit deve­nir la propriété de la collec­ti­vité.

    La Nation assure à l’in­di­vidu et à la famille les condi­tions néces­saires à leur déve­lop­pe­ment.

    Elle garan­tit à tous, notam­ment à l’en­fant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protec­tion de la santé, la sécu­rité maté­rielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situa­tion écono­mique, se trouve dans l’in­ca­pa­cité de travailler a le droit d’ob­te­nir de la collec­ti­vité des moyens conve­nables d’exis­tence.

    La Nation proclame la soli­da­rité et l’éga­lité de tous les Français devant les charges qui résultent des cala­mi­tés natio­nales.

    La Nation garan­tit l’égal accès de l’en­fant et de l’adulte à l’ins­truc­tion, à la forma­tion profes­sion­nelle et à la culture. L’or­ga­ni­sa­tion de l’en­sei­gne­ment public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État.

    […]

    Vous note­rez que sous prétexte d’éco­no­mies et de concur­rence, nous sommes en train de réali­ser l’op­posé total de cette décla­ra­tion de prin­cipe : Nous priva­ti­sons toutes les entre­prises qui composent notre service public et posons même comme prin­cipe la notion de parte­na­riat public-privé pour les inves­tis­se­ments. Même quand la propriété reste majo­ri­tai­re­ment publique, on fait tout pour lui donner les attri­buts du privé, niant l’objec­tif même de cette décla­ra­tion d’in­ten­tion.

    Sans avoir des visées bolche­viques, il n’est pas tota­le­ment aber­rant d’ima­gi­ner que ce qui est essen­tiel à la commu­nauté soit détenu par la commu­nauté, avec que personne ne l’as­sujet­tisse, même écono­mique­ment. On voit faci­le­ment, dans les trans­ports, dans les opéra­teurs mobiles, dans l’in­dus­trie de la santé, que la mise en concur­rence n’ar­rive pas toujours aux mêmes objec­tifs et que quand elle a des effets posi­tifs, ils sont géné­ra­le­ment sur le prix et pas sur la garan­tie d’ac­cès à tous ou sur l’as­pect public de l’ac­ti­vité.

    On notera d’ailleurs que les deux para­graphes suivants montrent bien la volonté de ne lais­ser personne de côté. Cette volonté s’ac­com­pagne diffi­ci­le­ment des mini­mums vieillesse ou handi­cap. Âgé, l’en­ga­ge­ment de l’état se réduit désor­mais à 388 € par mois pour se loger, se nour­rir, sa santé (en âge de vieillesse), se chauf­fer, mais aussi « bête­ment » la vie quoti­dienne avec l’ha­bille­ment et la commu­ni­ca­tion avec l’ex­té­rieure. Même en rédui­sant toute acti­vité à la simple attente devant la télé­vi­sion, on imagine mal comment consi­dé­rer cela comme un moyen conve­nable d’exis­tence en France où les studios de 9 m² pari­siens premier prix dépassent les 400 €.

    Il est toute­fois inté­res­sant de remarquer que ces décla­ra­tions sont toujours d’ac­tua­lité puisque même si elle ne les reprend pas in extenso, la consti­tu­tion de la Vème répu­blique du 4 octobre 1958 fait expli­ci­te­ment réfé­rence aux prin­cipes cités ci-dessus du préam­bule de 1946 (la graisse est toujours de moi) :

    Le peuple français proclame solen­nel­le­ment son atta­che­ment aux Droits de l’Homme et aux prin­cipes de la souve­rai­neté natio­nale tels qu’ils ont été défi­nis par la Décla­ra­tion de 1789, confir­mée et complé­tée par le préam­bule de la Cons­ti­tu­tion de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs défi­nis dans la Charte de l’en­vi­ron­ne­ment de 2004.

    Il semble qu’on ait un peu oublié ces prin­cipes fonda­teurs à force de faire des réfé­rences au lieu de les citer expli­ci­te­ment. Peut être serait-il temps de repen­ser notre pacte social à l’heure de l’in­di­vi­dua­lisme.

  • De la multi­pli­ca­tion des antennes pour télé­phone mobile

    Commençons par ce qui fait débat : Je n’ai pas d’élé­ment permet­tant d’af­fir­mer ou d’in­fir­mer l’im­pact sur la santé de la proxi­mité des antennes relais. Mieux, si ces craintes me semblent crédibles je ne veux pas céder à un « prin­cipe de précau­tion » exagé­ré­ment large.

    Par contre, sauf à vouloir inter­dire tout réseau sans fil de taille consé­quente, je me désole à chaque fois que j’en­tends un groupe qui fait échec à une antenne.

    Multi­plier les antennes

    Si je me place unique­ment du point de vue de l’in­ten­sité des ondes et de leur risque pour la santé, la meilleure chose à faire c’est au contraire de multi­plier les antennes.

    L’exer­cice est très simple : Prenez une feuille quadrillée et tracez y la forme géomé­trique de votre choix en suivant les lignes. Cette forme repré­sente votre terri­toire. Person­nel­le­ment je joue­rai avec un carré de 20×20, parce que c’est plus simple à retrans­crire ici.

    Nous allons y placer des antennes et indiquer dans chaque case la force des ondes qui la traverse. Arbi­trai­re­ment nous fixe­rons que la récep­tion décroit de 1 par case, et que en dessous de 4 j’ai une zone blanche, avec une récep­tion trop mauvaise pour être accep­table.

    Pour commen­cer placer une antenne, où vous voulez, de la force que vous voulez, de façon à couvrir tout votre terri­toire. Dans ma grille mon antenne doit avoir une force de 24 pour tout couvrir ; les forces moyennes et médianes sont de 14, ce qui est assez élevé ; et seul 15% de mon terri­toire a une force infé­rieure à 10.

    Tentez main­te­nant le même exer­cice avec quatre antennes. Mes antennes ont désor­mais une puis­sance maxi­male de 14, c’était la moyenne précé­dente ; cette médiane est désor­mais en dessous de 10 et c’est donc 50% de mon terri­toire qui a une puis­sance raison­nable.

    Si on avance encore à 16 antennes ma puis­sance maxi­male est de 8 et la moyenne descend à 6. Plus on avance et plus la force de tout mon terri­toire tendra à être homo­gène et se rappro­chera du seuil de couver­ture avec une puis­sance de 4. C’est un aperçu de ce que donne­rait un terri­toire où chacun aurait sa propre antenne person­nelle.

    Loi en carré inverse

    Notre première simu­la­tion est très opti­miste par certains aspects parce qu’en réalité l’in­ten­sité évolue en carré inverse de la distance. Ça veut dire que quand on multi­plie par deux la distance à l’an­tenne, l’in­ten­sité du rayon­ne­ment est divi­sée par quatre.

    Je vous propose de refaire nos exer­cices précé­dents avec cette règle. Vous allez voire qu’on se retrouve vite avec des chiffres fantas­tiques dès qu’on est obli­gés de placer une antenne un peu loin. Dans ces condi­tions placer une seule antenne ou même seule­ment quatre devient quasi suici­daire si on croit à la noci­vité des ondes.

    La moindre antenne en moins c’est une puis­sance décu­plée sur toutes les antennes à côté. Sauf à croire que vous serez toujours en extré­mité des couver­ture, vous avez même poten­tiel­le­ment inté­rêt à avoir une nouvelle antenne relai chez vous plutôt qu’une super antenne légè­re­ment plus loin.

    Autant vous dire qu’a­vec ces règles, une femto­cell chez vous a une inten­sité tota­le­ment insi­gni­fiante par rapport aux antennes relais globales, parce qu’elle a une portée qui se limite à quelques mètres. Par contre le moindre espoir d’uti­li­ser moins l’an­tenne géné­rale implique un gain qui fait passer l’in­ten­sité de la femto­cell pour un verre d’eau dans l’océan.

    Du télé­phone portable

    Amusons-nous encore plus. Juste­ment à cause de cette rela­tion entre l’in­ten­sité du rayon­ne­ment et la distance, le signal de votre télé­phone portable en commu­ni­ca­tion contre votre oreille est bien plus problé­ma­tique que tout ce que vous rece­vez de l’an­tenne relai.

    Cela veut bête­ment dire qu’en­core une fois, tant qu’elle n’est pas dans votre baignoire, ajou­ter une antenne relai proche de chez vous tend plutôt à faire bais­ser les risques liés aux ondes. Votre télé­phone aura besoin d’émettre bien moins fort pour rejoindre cette antenne, et c’est surtout ça qui importe pour les risques sani­taires.

    Plus prag­ma­tique, utili­ser un kit main-libre filaire, avec le télé­phone accro­ché à votre cein­ture relié à un écou­teur-micro, vous épar­gnera bien plus que toute réflexion sur le posi­tion­ne­ment des antennes relai.

    En s’ap­pro­chant de la réalité

    Certes, la réalité est plus complexe. Il faut jouer sur les fréquences pour que les signaux ne se recouvrent pas, compo­ser avec le rayon­ne­ment des antennes qui est sous forme d’oreilles de Mickey voire direc­tion­nel et pas forcé­ment uniforme. C’est un travail diffi­cile qui explique que la couver­ture puisse sembler aléa­toire ou impar­faite à certains endroits.

    Certes aussi, chacun préfère les voir chez son voisin proche que sur son propre toit. Cepen­dant, dans tous les cas, multi­plier les antennes permet d’en dimi­nuer les puis­sances et globa­le­ment d’as­su­rer une meilleure couver­ture pour moins de pres­sion élec­tro­ma­gné­tique.

    Nos opéra­teurs ont trop voulu écono­mi­ser sur les coûts et garder un réseau fina­le­ment assez faible en antennes. Les voilà pris à leur propre jeu désor­mais quand les asso­cia­tions locales veulent faire tomber les antennes ou bloquent les nouveaux projets : Non seule­ment on arrive à satu­ra­tion mais pour couvrir tout le monde on s’oblige à utili­ser des inten­si­tés qui renforcent les anti-ondes.

    De la dange­ro­sité de tout cela

    Rien ici n’af­firme que ce niveau d’onde est dange­reux, ou au contraire insen­sible. Je peux comprendre qu’on refuse d’avoir des antennes dans les crèches, ou au dessus des endroits les plus fragiles. Par contre, partout ailleurs, pitié, encou­ra­gez plutôt les antennes, ou alors soyez cohé­rents et mili­tez pour l’ex­tinc­tion totale des ondes radio.

    Entre temps, impo­ser donner de la publi­cité aux puis­sances émises par les télé­phones portables et mili­ter pour les kits main-libre filaires a bien plus d’im­pact. C’est juste­ment ce qu’a imposé notre gouver­ne­ment et je ne peux que m’en féli­ci­ter.

    De ce qu’il est possible de faire

    Un seuil à 6 voire 0,6 V/m pour la puis­sance des antennes est tout à fait envi­sa­geable – et c’est d’ailleurs fait dans d’autres régions en Europe – à condi­tion de densi­fier le réseau. Cela impose de réels inves­tis­se­ments aux opéra­teurs mais ils s’y retrou­ve­ront en ayant un réseau qui suppor­tera bien plus de trafic. Ils affirment que la satu­ra­tion du réseau actuel est leur problème majeur, donnons leur des armes pour le résoudre.

    Cela impose aussi une compré­hen­sion des anti-ondes pour bloquer les antennes de forte puis­sance mais aussi pour faci­li­ter l’im­plan­ta­tion de celles à faible puis­sance. Cela  implique de passer d’un débat passion­nel qui rassemble faci­le­ment les foules à un débat tech­nique auquel personne ne pige rien. Diffi­cile, surtout que certains risques de perdre la face quand on se rendra compte qu’ils ont milité à l’in­verse de leurs inté­rêts.

    Tout cela demande un cadre régle­men­taire auda­cieux et volonté poli­tique forte. Autant dire que je ne retiens pas mon souffle. Entre temps on a un joli jeu perdant-perdant, avec des puis­sances de  8 à 80 fois celles que je viens de citer.

  • L’in­for­ma­tion dans la démo­cra­tie et en France

    Voilà, je veux ça en France.  Je ne parle pas d’une maigri­chonne loi qui demande l’ac­cès public à tous les docu­ments admi­nis­tra­tifs mais dont on n’ap­plique que le strict mini­mum en privi­lé­giant toujours les ques­tions de secret indus­triel, de vie privée, de raison d’état, de secret diplo­ma­tique, et qui en devient quasi­ment anec­do­tique.

    Je veux un accès public érigé en prin­cipe fonda­teur essen­tiel à l’exis­tence même de l’au­to­rité publique en démo­cra­tie. Quelque chose qui demande un inté­rêt public primor­dial et excep­tion­nel pour pouvoir y faire oppo­si­tion.

    Dans d’autres pays le citoyen peut deman­der et obte­nir dans l’heure jusqu’aux notes de frais d’un repré­sen­tant de l’état. Si ça peut paraître anec­do­tique, c’est surtout le reflet de l’idée que l’état appar­tient aux citoyens et que tout ce qui est fait en son nom doit lui être acces­sible et contrô­lable.

    Les pays nordiques sont par exemple connus pour être des passe­relles qui permettent d’ac­cé­der aux docu­ments euro­péens, simple­ment parce que si ça a été commu­niqué aux repré­sen­tants locaux, c’est acces­sible à leurs citoyens.

    Chez nous, on en est loin

    De notre côté la volonté est bien marquée sur l’ab­sence de commu­ni­ca­tion au public. C’est au point que la France s’est faite remarquer avec d’autres pays par le parle­ment du Royaume Uni pour bloquer systé­ma­tique­ment la publi­ca­tion des comptes rendus impor­tants des réunions inter­gou­ver­ne­men­tales.

    Je me rappelle le cas d’une étude de 2003 sur l’im­pact d’un soja trans­gé­nique Monsanto sur des rats commu­niquée à l’au­to­rité euro­péenne de sécu­rité des aliments. Cette étude a fait l’objet de lourds débats sur son contenu et son inter­pré­ta­tion. L’ac­cès a été refusé initia­le­ment. Passée par la CADA, Corinne Lepage avait reçu des milliers de pages impri­mées sur une étude de 93 … sur les vaches. Après nouvelle demande, le docu­ment a été refusé pour proté­ger les secrets indus­triels de Monsanto. Le docu­ment a fina­le­ment été obtenu grâce à la justice alle­mande.

    Chez nous, bien que nous ayons une loi sur l’ac­cès aux docu­ments admi­nis­tra­tifs, le secret est quasi­ment le défaut quand aucun texte légis­la­tif ou régle­men­taire n’im­pose spéci­fique­ment le contraire. Les insti­tu­tions bloquent géné­ra­le­ment les demandes de ceux qui veulent aller plus loin.

    La CADA permet parfois de faire appliquer son droit, mais on l’a aussi parfois vu trop faci­le­ment donner consi­dé­rer que le moindre inté­rêt tiers fait obstacle à ce droit d’ac­cès géné­ral. Même quand la déci­sion est posi­tive il faut deman­der un accès, se le voir refu­ser ou attendre un ou deux mois l’ab­sence de réponse, puis deman­der l’in­ter­ven­tion de la CADA qui peut répondre en 40 jours, avant de mettre en pratique cette déci­sion et obte­nir de mauvaise grâce une tonne de papier impri­mée et livrée à nos frais. À cela il faut ajou­ter que la mise au secret géné­ra­li­sée ne permet pas au citoyen de connaître l’exis­tence des docu­ments utiles, et donc d’en deman­der l’ac­cès. Nous sommes loin d’un accès effec­tif aux docu­ments.

    Les insti­tu­tions n’agissent plus au nom du citoyen mais à la place de celui-ci, qui n’a pas de raison d’être informé des moti­va­tion ou du fonc­tion­ne­ment interne. Certains se battent encore pour pouvoir enre­gis­trer les débats publics des conseils muni­ci­paux, ou pour collec­ter des infor­ma­tions sur les débats publics natio­naux mais il n’y a pas de culture de commu­ni­ca­tion et d’ou­ver­ture de la part des insti­tu­tions et des élus. C’est vrai loca­le­ment comme au niveau natio­nal. La peur et la volonté de contrôle dominent.

    L’exemple le plus frap­pant de c’est quand la possi­bi­lité pour une auto­rité admi­nis­tra­tive de publier ses avis ou faire des commu­niqués publics est vu comme une arme excep­tion­nelle. Ces choses sont telle­ment rares et vues comme dange­reuses qu’on les consi­dère comme l’arme atomique : de la dissua­sion.

    La trans­pa­rence est essen­tielle à la démo­cra­tie

    Pour­tant la trans­pa­rence des insti­tu­tions et des élus est essen­tielle au fonc­tion­ne­ment même de la démo­cra­tie. Il ne faut pas que cela se limite aux actions et aux docu­ments finaux. C’est toute la démarche, les moti­va­tions et les docu­ments inter­mé­diaires qui mènent à ces actions qui permettent au citoyen d’opé­rer son contrôle.

    S’il peut être vu comme légi­time d’avoir un espace un peu plus libre sans caméra, cet espace doit être réduit au strict néces­saire pour faire émer­ger les débats. La suite, y compris les docu­ments de services, admi­nis­tra­tifs, et de fonc­tion­ne­ment, doit être acces­sible. Les secrets parti­cu­liers doivent être limi­tés, essen­tiels, contes­tables, et propres aux inté­rêts natio­naux fonda­men­taux, pas à de simples inté­rêts écono­miques.

    Cette dispo­ni­bi­lité ne doit pas être comme actuel­le­ment qu’un prin­cipe géné­ral mais un droit effec­tif avec des délais raison­nables, des index, et dans l’idéal une publi­ca­tion par défaut, élec­tro­nique­ment.

    Si au moins nous voulions montrer notre bonne foi, nous pour­rions déjà donner une immu­nité à tout fonc­tion­naire qui publie­rait ou divul­gue­rait un docu­ment léga­le­ment acces­sible, qui révèle une viola­tion de la loi, qui ouvre sur une instruc­tion judi­ciaire, ou qui révèle un fonc­tion­ne­ment anor­mal des insti­tu­tions. Reste bien entendu exclus tout docu­ment secret défense.

    Déjà nous aurions un climat plus sain, et ce qui doit sortir sorti­rait un peu plus faci­le­ment, impo­ser dès demain une réforme de grande ampleur sur la gestion des docu­ments.

    L’inde, la Suède, Les États Unis d’Amé­rique, la Bulga­rie, la Rouma­nie, le Royaume Uni avancent sur ces ques­tions. Pourquoi pas nous ?

    Voire aussi le site Liberté d’in­for­mer et l’ar­ticle de Rue89 Et si on pouvait accé­der aux infor­ma­tions de l’ad­mi­nis­tra­tion ?

  • Serment d’al­lé­geance aux armes

    L’UMP, via Jean François Copé, propose d’im­po­ser un serment d’al­lé­geance aux armes à tous les jeunes et aux deman­deurs de la natio­na­lité française.

    Je ne peux croire que ces gens, intel­li­gents et souvent brillants, puissent un seul instant envi­sa­ger sérieu­se­ment la chose autre­ment que dans une simple déma­go­gie de période élec­to­rale.

    « les jeunes »

    On demande aux jeunes en âge (je suppose à la majo­rité) de s’en­ga­ger à prêter ce serment. Quel sens a donc un serment imposé ou obtenu par la pres­sion sociale ? comment pense-t-on que les gens vont se l’ap­pro­prier dans ce cas ?

    D’au­tant qu’outre l’idée d’un patrio­tisme exacerbé gouverné par la peur de l’autre et le conflit armé qui m’agace au plus haut point, ce serait un formi­dable retour en arrière. Depuis long­temps on a accepté le prin­cipe de l’objec­tion de conscience, que se battre n’est pas l’unique façon de servir son pays.

    Même dans le pire des cas, suite à une guerre géné­ra­li­sée où on instau­re­rait un enrô­le­ment par la force géné­ra­lisé au niveau légis­la­tif, le droit d’y aller malgré nous et à recu­lons me paraît essen­tiel. De toutes façons si on parle d’obli­ga­tion légale, la décla­ra­tion de serment n’a plus vrai­ment d’im­por­tance.

    Encore mieux, que fait-t-on s’ils refusent ? On leur refuse la majo­rité ou on les rend apatrides ? J’es­pé­rais qu’on avait dépassé ce stade où l’ap­par­te­nance est liée au sang versé et pas à l’at­ta­che­ment à des valeurs, à des lois, ou à la parti­ci­pa­tion à la cité, à ce qui fait de nous un citoyen.

    Le seul fait qu’on cible « les jeunes » et pas « les citoyens » ou « les français » est de toutes façons problé­ma­tique. C’est très signi­fi­ca­tif d’une posture poli­tique ou d’une idéo­lo­gie plutôt qu’un réel enjeu de pacte social. Le fait de consi­dé­rer ces gens comme des citoyens ou des citoyens en deve­nir plutôt que comme des « jeunes », ça permet­trait peut être juste­ment de renfor­cer leur appar­te­nance à la nation, mais ça demande de faire chan­ger les hommes poli­tiques, et ça c’est un combat de tous les jours.

    Les natu­ra­li­sés

    Consi­dé­rant donc qu’im­po­ser un tel serment aux natifs serait sans utilité et proba­ble­ment simple­ment impos­sible, quelle perti­nence il y aurait-il à l’im­po­ser aux deman­deurs de la natio­na­lité ? Pour reprendre une phrase de l’ar­ticle en l’in­ver­sant : Ce devrait être un honneur d’ac­cueillir des ressor­tis­sants étran­gers dans notre nation, au lieu de ça nous les stig­ma­ti­sons et nous ajou­tons de la défiance et des contraintes.

    Pourquoi faudrait-il que ces derniers aient moins de droits ou plus d’obli­ga­tions que les natifs ? Ce n’est pas ma concep­tion de la natio­na­lité et je ne souhaite pas avoir des grades ou des niveaux de français.

    C’est de plus encore une fois bien mal comprendre le chan­ge­ment de natio­na­lité. Deve­nir français n’im­pose pas forcé­ment, et ne doit pas impo­ser, de cracher ou renier son ancien pays. Si les deux entrent en guerre, que vaut ce serment ? Que faire s’il a du aussi faire le même dans son ancien pays ? Si on accepte qu’il doive et puisse renier son serment précé­dent que vaut alors celui qu’on demande à notre tour ?

    Ça sent à moitié la défiance face à l’étran­ger et à l’im­mi­gré, avec un saupou­drage sur « les jeunes » qui ne coûte pas cher histoire de ne pas montrer trop clai­re­ment qu’on cible encore les étran­gers. La peur de l’autre est déci­dé­ment un marché porteur.

     Une vision de la poli­tique, et de la nation

    Ma vision de la nation est celle d’un peuple qui construit ensemble, pas celle de l’op­po­si­tion face à l’étran­ger, avec arme au poing et serment d’al­lé­geance.  Je trouve détes­table cette façon de faire de la poli­tique avec des jeux d’an­nonces qu’on sait impos­sibles mais surtout faits pour monter les gens les uns contre les autres.

    D’ailleurs, et c’est peut être ce qui montre le mieux qu’il s’agit de décla­ra­tions dange­reuses et pas d’un projet sérieux, on ne trouve aucun texte écrit sur cette idée sur les sites de l’UMP ou de Jean François Copé. Le contenu a été trans­mis aux jour­na­listes, mais sous une forme qui permette plus tard de s’en déta­cher, de la nier, ou de contes­ter les inter­pré­ta­tions.

    J’ac­cepte d’être traité de naïf idéa­liste, mais je suis convaincu qu’il est possible et souhai­table d’agir autre­ment. Peut être que là nous aurions un vrai senti­ment d’at­ta­che­ment entre les français, leur nation, leurs insti­tu­tions, et du coup aussi les corps néces­saires à cette nation comme l’ar­mée ou la police.

  • Des résul­tats d’élec­tion en Open Data

    « Le Sénat adhère à l’Open Data » vois-je dans mes fils d’in­for­ma­tion.

    Le Sénat a décidé de publier les résul­tats des futures élec­tions séna­to­riales en temps réel, sous un format ouvert docu­menté, à tous, sur son site Inter­net. Je ne peux que m’en féli­ci­ter et si je retiens un « il était temps » c’est pour éviter d’y mêler le néga­tif d’une frus­tra­tion. Le pas était néces­saire, utile, et bien­venu.

    Merci de l’ef­fort, il est appré­cié à sa juste valeur

    J’ajou­te­rai même que je suis agréa­ble­ment surpris par la volonté de publier ces résul­tats en temps réel, actua­li­sés toutes les cinq minutes. Là on sort du besoin pour propo­ser de l’in­no­va­tion ou en tous cas de la valeur ajou­tée.

    Mieux encore, ils ont réussi à convaincre la bureau­cra­tie pour accep­ter les réuti­li­sa­tions non-commer­ciales comme les réuti­li­sa­tions commer­ciales, alors que ces dernières sont très souvent exclues ou payantes. Ils ont aussi réussi l’ex­ploit d’au­to­ri­ser les trai­te­ments, mani­pu­la­tions, extrac­tions, créa­tion de données déri­vées et même la diffu­sion de ces dernières. Si ça vous paraît évident et indis­pen­sable, sachez que nous en sommes rare­ment là habi­tuel­le­ment.

    Un risque sur le long terme

    Main­te­nant, pour reve­nir à mon pessi­miste habi­tuel, notre admi­nis­tra­tion n’ou­blie pas ses travers et j’ai peur qu’à force de vouloir jouer les compro­mis, le pas qui a été fait ne puisse se révé­ler néga­tif sur le long terme.

    Il faut rentrer dans la licence d’uti­li­sa­tion des conte­nus pour voir le problème.

    Une  clause de publi­cité

    Tout d’abord on récu­père la clause tant honnie des premières licences BSD : Il faut mention­ner expli­ci­te­ment la source et la date de mise à jour des données. Certes, c’est une bonne pratique, mais c’est aussi vite contrai­gnant là où ce n’est pas perti­nent.

    La licence me propose un para­graphe qui tient en trois lignes. Si je croise quatre ou cinq données avec une licence simi­laire dans mon tableau, il faut que je commence à réser­ver une demie page unique­ment pour ces mentions. Rien de grave mais ça commence à agacer.

    « Appli­ca­tion, Produit ou Service inté­grant les données élec­to­rales issues du dernier renou­vel­le­ment séna­to­rial et publiées sur le site du Sénat (www.senat.fr). Dernière mise à jour le 25 septembre 2011 ».

    Pour un contenu origi­nal, une créa­tion artis­tique ou d’opi­nion, l’at­tri­bu­tion a un sens et un rôle parti­cu­lier, mais pour des données objec­tives propres à notre insti­tu­tion publique, quel est le sens de cette attri­bu­tion ? son rôle ?

    C’est d’au­tant plus gênant que la licence est expli­ci­te­ment trans­mis­sible. Elle doit s’ap­pliquer à toute base de données déri­vée et pas qu’aux données sources. Si en soi ce « copy­left » est légi­time, il prend toute son impor­tance quand on mélange plusieurs données.

    En effet, cette simple clause de publi­cité casse déjà la compa­ti­bi­lité avec toutes les licences dites « libres ». Ces dernières empêchent d’ajou­ter des restric­tions à l’usage ou la distri­bu­tion. Des données publiques qui ne peuvent être réuti­li­sées mixer à des conte­nus ou logi­ciels libres, c’est juste dommage.

    Une clause floue de termi­nai­son

    Ce qui me rend très pessi­miste ce sont les clauses 7 et 8. Elles contiennent des exclu­sions bien­ve­nues sur la capa­cité du Sénat à chan­ger son format, arrê­ter ou modi­fier ses publi­ca­tions futures, mais elles contiennent aussi la capa­cité de modi­fier les condi­tions de la présente licence.

    La formu­la­tion ne permet pas de savoir si le Sénat se réserve le droit de publier les données dans une licence diffé­rente dans le futur, sans impac­ter les droits déjà données (ce qui ne pose aucun problème) ou s’il se permet de modi­fier les condi­tions de la licence actuelle, et donc poten­tiel­le­ment termi­ner les utili­sa­tions actuelles ou d’en modi­fier les condi­tions.

    Nombre de licences ont une telle clause de termi­nai­son, permet­tant au déten­teur des droits de fina­le­ment reve­nir sur la licence gratuite offerte jusqu’a­lors, ou d’en chan­ger les termes. Ce serait pour moi l’écueil prin­ci­pal de cette licence.

    Peut-être ai-je mal inter­prété ces clauses 7 et 8, mais dans ce cas une refor­mu­la­tion pour lever l’am­bi­guïté me semble indis­pen­sable.

    Une licence est-elle indis­pen­sable ?

    Et fina­le­ment, c’est tout le prin­cipe de licence de réuti­li­sa­tion qui me semble contes­table ici. On m’a répondu que bien entendu sans licence le droit s’ap­plique et personne n’a aucun droit sur les conte­nus. Je me permets d’être en désac­cord.

    En France les docu­ments admi­nis­tra­tifs de l’État, des collec­ti­vi­tés terri­to­riales, des services publics, et des établis­se­ments publics sont publics de par la loi. Tous les citoyens doivent y avoir accès et nous avons même créé une commis­sion spéci­fique pour garan­tir cet accès, la CADA.  Il est je pense évident à tous que des résul­tats d’élec­tion ne peuvent de toutes façons être que publics et publiables dans une démo­cra­tie correcte.

    De quel droit ?

    C’est d’au­tant plus vrai ici qu’il n’y a aucune créa­tion origi­nale ni aucun travail intel­lec­tuel spéci­fique. Il s’agit de reprendre des données objec­tives et brutes dont même la collecté n’a rien d’une inten­tion intel­lec­tuelle parti­cu­lière. Je ne vois aucun droit d’au­teur permet­tant d’éta­blir une licence parti­cu­lière. Cela pour­rait se discu­ter pour des statis­tiques de l’INSEE où il y a un choix de recou­pe­ment, un travail spéci­fique de collecte et d’ana­lyse, mais pas ici.

    Reste le droit des bases de données, l’in­ter­dic­tion à un tiers de récu­pé­rer de façon auto­ma­ti­sée ou d’ex­traire une portion signi­fi­ca­tive des conte­nus d’une base de données. Du fait de la publi­cité obli­ga­toire des données, il me semble diffi­cile de jouer sur ce point. Dans tous les cas cela ne s’ap­plique­rait qu’à ceux qui collectent un ensemble de données et pas les résul­tats d’une élec­tion parti­cu­lière.

    Est-ce même conci­liable avec une démo­cra­tie ?

    Fina­le­ment, quel est le droit de l’état d’im­po­ser une licence pour l’uti­li­sa­tion des résul­tats d’élec­tion ? Est-ce vrai­ment souhai­table pour ce type de données dans une démo­cra­tie ? Si vrai­ment il fallait une licence, une WTFPL aurait été plus adapté à ce cas.

    Quand on commence à défi­nir qui a le droit et sous quelles condi­tions d’uti­li­ser, mani­pu­ler ou publier les résul­tats d’une élec­tion, on commence à toucher les limites de ce qui est accep­table en démo­cra­tie.

    Oui, j’em­ploie des grands mots dans des grandes phrases mais sinon, à force de toucher au prin­cipes de base, on finit par les oublier.

  • Député, ce mandat natio­nal

    J’ai­me­rai pouvoir faire passer une instance disci­pli­naire à chaque fois que j’en­tends un député-maire affir­mer que son mandat de député lui permet d’agir au mieux pour sa circons­crip­tion.

    Du site de l’As­sem­blée natio­nale :

    Chaque député, bien qu’élu  dans un cadre géogra­phique déter­miné, est le repré­sen­tant de la Nation tout entière. Ainsi, à l’As­sem­blée natio­nale et dans sa circons­crip­tion, chaque député agit et parle au nom de l’in­té­rêt géné­ral et non pas au nom d’un parti poli­tique, d’un groupe d’in­té­rêt ou d’une région.

    Un député est élu par une circons­crip­tion parti­cu­lière, mais n’est au service que de la France. S’il use parti­cu­liè­re­ment de son mandat dans l’op­tique d’en faire profi­ter sa circons­crip­tion, il réalise un détour­ne­ment de son mandat à la limite de l’abus de confiance. Si de plus il est maire ou élu local, on pour­rait même parler d’abus de bien sociaux en consi­dé­rant que l’élu souhaite en tirer un avan­tage person­nel pour sa réélec­tion.

    Quand vous enten­dez un député affir­mer que son double mandat lui permet d’être plus effi­cace au niveau local, vous savez main­te­nant quoi en penser.

  • Cachez moi ce sein que je ne saurai voir

    J’ai dit à @Bortz­meyer que je tente­rai d’ex­pliquer ma posi­tion sur le vote actuel de la WikiMe­dia Funda­tion. Twit­ter est un peu petit, et le sujet est diffi­cile. C’est long, vous pouvez passer direc­te­ment à la conclu­sion si vous êtes fainéants.

    De quoi parle-t-on ?

    Début 2010 Fox « découvre » qu’il existe des images de nu sur Wiki­pe­dia. Plus que de nu, Fox parle de porno­gra­phie ou de pédo­por­no­gra­phie. La direc­tion de Wiki­me­dia s’af­fole, ce qui me semble assez rare, et de nombreuses images sont pure­ment dépu­bliées, ce qui me semble plus qu’ex­cep­tion­nel.

    Vu de l’ex­té­rieur ça ressemble beau­coup à une prise de panique sous la pres­sion média­tique. Sont dépu­bliées quasi­ment toutes les illus­tra­tions liées au sexe. On y trouve des œuvres d’art comme des photo­gra­phies ou des dessins illus­tra­tifs liés aux articles sur le sexe (bref, une photo de sexe fémi­nin sur un article sur le sexe fémi­nin).

    Tout cela est caché rapi­de­ment, sans ména­ge­ment, sans concer­ta­tion (ce qui est grave et rare dans la commu­nauté Wiki­pe­dia). Il a fallu un bon moment avec beau­coup de récla­ma­tion pour voir reve­nir certaines œuvres d’art mondia­le­ment connues.

    À ma connais­sance, certains ont trouvé quelques images illus­tra­tives qui ne semblaient pas stric­te­ment néces­saires à la compré­hen­sion de la page ency­clo­pé­dique (comme sur tous les autres sujets, ce n’était pas du tout spéci­fique au sexe) mais aucune héber­ge­ment gratuit de porno­gra­phie et encore moins de pédo­por­no­gra­phie.

    Le vote actuel n’est que la suite de ces actions, après concer­ta­tion et conclu­sions.

    Que vote-t-on ?

    On vote la confir­ma­tion des conclu­sions et des solu­tions élabo­rées pour le problème relevé en 2010. Globa­le­ment la solu­tion rete­nue est de label­li­ser les images. Chacun, iden­ti­fié ou non, pour­rait chan­ger les préfé­rences de sa navi­ga­tion pour cacher ou montrer chaque caté­go­rie d’image sujette à contro­verse. Si ce n’est pas dit expli­ci­te­ment, il est entendu que certaines caté­go­ries d’images seront cachées par défaut.

    Voici donc les affir­ma­tions soumises au vote :

    • Il est impor­tant que les projets Wiki­me­dia offrent cette fonc­tion­na­lité aux lecteurs
    • Il est impor­tant que la fonc­tion­na­lité soit utili­sable à la fois par les lecteurs connec­tés et ceux non connec­tés
    • Il est impor­tant de pouvoir dé-cacher une image : les lecteurs doivent pouvoir chan­ger d’opi­nion rela­ti­ve­ment faci­le­ment.
    • Il est impor­tant que les gens puissent rappor­ter ou tagger des images qui leur semblent contro­ver­sées, lorsqu’elles n’ont pas été caté­go­ri­sées comme telles.
    • Il est impor­tant que cette fonc­tion­na­lité permette aux lecteurs de choi­sir rapi­de­ment et faci­le­ment quels types d’images ils veulent cacher (par exemple 5–10 caté­go­ries), ainsi les gens pour­ront choi­sir par exemple de cacher les images sexuelles mais pas les images violentes.
    • Il est impor­tant que la fonc­tion­na­lité soit cultu­rel­le­ment neutre : autant que possible, elle doit pouvoir reflé­ter une vue globale ou multi-cultu­relle des images poten­tiel­le­ment contro­ver­sées.

    Diffu­ser le savoir

    Le rôle de l’en­cy­clo­pé­die Wiki­pe­dia est de diffu­ser la connais­sance et de la rendre acces­sible à tous. Je sais que j’en­fonce des portes ouvertes, mais c’est fina­le­ment un point qui emporte mon avis sans même prendre en compte le reste.

    Cacher du contenu, image ou texte, en assu­mant une auto-censure sur le sujets sensibles, c’est à l’op­posé total de la raison d’être de Wiki­pe­dia. Son objec­tif devrait au contraire consis­ter à mettre d’au­tant plus en avant les sujets et les conte­nus contre versés ou qui sont habi­tuel­le­ment cachés par ailleurs.

    C’est d’au­tant plus vrai qu’un contenu sujet sensible, caché par défaut, sera d’au­tant moins surveillé, enri­chit, sujet à l’amé­lio­ra­tion de la commu­nauté. Ce sont pour­tant eux qui méri­te­raient le plus ce travail.

    Chut ! moins fort, on va nous entendre

    Mais un des points qui me fait le plus peur dans cette histoire est surtout celui de la confi­gu­ra­tion par défaut. Si certaines images sont cachées par défaut, les ré-affi­cher devient une action expli­cite, qui peut même être subver­sive. Tentez de reti­rer le filtre « safe search » de Google devant vos connais­sances, ou d’ex­pliquez pourquoi vous avez voulu voir tant de photos expli­cites dans vos résul­tats. Au mieux on rica­nera dans votre dos.

    Imagi­nez alors notre adoles­cent qui veut voir s’il est fait comme les autres, ou comment est fait le sexe opposé. Imagi­nez un homme ou une femme qui désac­tive le filtre pour regar­der les images d’une infec­tion dont il commence à souf­frir, ou qui faisait des recherches artis­tiques sur des œuvres compor­tant du nu. Imagi­nez-les justi­fier main­te­nant auprès de leur conjoint, parent, hiérar­chie, biblio­thèque, admi­nis­tra­tion, pourquoi donc ils ont été pervers au point de deman­der expli­ci­te­ment des images à carac­tères sexuelles ou violentes ?

    Oh, les adoles­cents ont de tout temps fait passé des photos ou des maga­zines sous le manteau. À vrai dire tout le monde préfère qu’ils aillent voir dans une ency­clo­pé­die plutôt qu’un site moins modéré. Mais reste qu’on leur repro­chera je ne sais quelle perver­sité qu’on n’au­rait pas eu l’idée d’in­voquer s’il n’y avait de de filtre au départ.

    L’auto-censure est vicieuse en ce qu’elle inverse les rôles. C’est celui qui veut s’en échap­per qui doit se justi­fier, et  subir les mauvaises inter­pré­ta­tions d’au­trui. On verra fleu­rir les régle­men­ta­tion en école, en biblio­thèque, en entre­prise, que la navi­ga­tion devra être « non porno­gra­phique ». Désac­tiv­ter le filtre des images sexuelles sur wiki­pe­dia… infrac­tion mon bon monsieur.

    On voit d’ailleurs d’au­tant mieux le tabou qu’il était un moment ques­tion d’au­to­ri­ser les dessins mais pas les photos pour certains sujets. Le problème n’est plus la perti­nence de l’illus­tra­tion ou la violence de la repré­sen­ta­tion, mais la pres­sion cultu­relle.

    En ajou­tant un filtre par défaut, on ne fait pas que subir les tabous des uns et des autres : on parti­cipe à leur diffu­sion et leur établis­se­ment dans les règles communes. Le rôle de l’en­cy­clo­pé­die n’est-il pas au contraire d’ap­puyer d’au­tant plus la diffu­sion de la connais­sance qu’elle ferait partie des tabous ou des connais­sances cachées ?

    Héré­sie !

    Même si nous pouvions, que cache­rions nous ? Un nu ? impli­cite ? expli­cite ? dans une rubrique méde­cine ? dans une rubrique amour ? dans une rubrique art ?

    Rien que l’ap­pel au vote parle de cinq à dix caté­go­ries et les essais d’in­ter­face laissent appa­raître des caté­go­ries sexe et violence mais aussi « méde­cine » ou « autres sujets à contre­verses ».

    Fina­le­ment, dans la vie, certaines ques­tions poli­tiques, certains faits histo­riques, certains partis pris reli­gieux ont bien plus de reten­tis­se­ment et de violence que le sexe ou le sang. On lance des guerres pour des cari­ca­tures et des héré­sies, pas pour des seins et des fesses.

    On risque de vite s’en rendre compte, poli­tique et reli­gion peuvent choquer, gêner, et bien plus. Dès lors, il va falloir justi­fier pourquoi on ne les filtre pas par défaut. Allons plus loin, pourquoi le texte ne serait pas choquant lui-même ? passé la surprise, la violence de la théo­rie de l’évo­lu­tion pour quelqu’un a qui on a ensei­gné la créa­tion est extrê­me­ment forte, idem pour une critique du chris­tia­nisme, une descrip­tion de la Shoah pour qui ne la connaît pas, ou un réca­pi­tu­la­tif des versets sata­niques.

    Fina­le­ment la connais­sance elle-même est juste­ment un sujet gênant voire choquant. C’est sa propre exis­tence que l’en­cy­clo­pé­die cherche à cacher si elle part dans cette voie là. Son rôle devrait au contraire être de braver ces inter­dits moraux ou cultu­rels pour diffu­ser la connais­sance.

    Montrez-moi votre cheville

    Mais ça ne s’ar­rête pas là puisque ces filtres de bien­séance dont on fait la promo­tion sont haute­ment cultu­rels. La défiance du nu n’est-elle pas forte­ment liée à notre civi­li­sa­tion judéo-chré­tienne ? Est-ce que des tribus afri­caines ou indiennes, austra­liennes ont cette même peur ?

    N’ou­blions pas qu’il y a encore un passé récent à l’échelle de la civi­li­sa­tion, les poitrines n’étaient pas tant taboues que les chevilles. Voir une cheville ? honte à toi. Ce que nous refu­sons aujourd’­hui est cultu­rel. Cela dépend de notre époque, mais aussi de nos racines cultu­relles. Placer des défauts par caté­go­ries  sans impo­ser la vision occi­den­tales, voire améri­caine, relè­vera du défi. J’ose prétendre que c’est stric­te­ment impos­sible, même avec la mondia­li­sa­tion de la culture occi­den­tale sur le web.

    Il va falloir batailler dur pour oser dire que le nu est plus choquant ou problé­ma­tique que tout le reste, et que ça ne vient pas simple­ment de la vision améri­caine qui se moque des versets sata­nique mais qui n’ose pas voir un téton.

    Think of the chil­dren

    Le problème c’est que comme toute censure moderne, on commence par la justi­fier avec l’ar­gu­ment de la pédo­por­no­gra­phie, ou la protec­tion de nos chéru­bins.

    Quel manque de vision ! Je ne parle même pas de l’idée qu’un enfant choqué par la repré­sen­ta­tion d’un nu n’est proba­ble­ment pas en âge de navi­guer seul sur le web. Je pars simple­ment du fait que celui-ci trou­vera bien d’autres sources pour sa curio­sité natu­relle et qu’à la limite c’est peut être sur Wiki­pé­dia qu’il vaudrait le mieux qu’il l’étanche.

    Je conçois qu’il s’agit là d’une opinion person­nelle forte­ment teinté de mes racines cultu­relles, mais croyez-vous que cet enfant ait besoin de Wiki­pe­dia pour tomber sur du nu dans notre société ? Tout au plus cela retire la « surprise », mais croire qu’il y aura surprise quand on va voir un article d’ana­to­mie, d’art ou qu’on suit un titre « cuni­lin­gus » c’est se faire des illu­sions.

    Pire, puisque si, comme il est proposé, chacun peut fina­le­ment affi­cher les images sur simple clic, ce ne sera même pas une protec­tion. On ne va proté­ger que l’en­fant qui navigue seul sur le web alors qu’il n’y est pas prêt, qui clique sur un lien dont il ne comprend pas le sujet, sujet qui affiche une illus­tra­tion de nature sexuelle ou violente assez forte pour choquer sérieu­se­ment vis à vis de tout ce qu’on voit ailleurs dans nos socié­tés. Pour ça, on est prêt à sacri­fier beau­coup de ce qu’est Wiki­pe­dia et à promou­voir un ordre moral propre à une culture parti­cu­lière.

    Si vrai­ment c’était une ques­tion propre aux enfants, on aurait un sous-site wiki­pe­dia spéci­fique aux enfants, genre *.child.wiki­pe­dia.org, qui présente le même contenu mais avec ce filtre par défaut et éven­tuel­le­ment des bandeaux d’aver­tis­se­ments et quelques mises en contexte plus adap­tées. Le travail initial est celui qu’on se propose de faire dans le vote, ni plus ni moins, mais on s’as­sure au moins qu’on ne cible que les gens qu’on cherche à proté­ger, que les effets de bord ne sont pas globaux.

    Sur la propo­si­tion

    Alors, j’ai répondu quoi ?

    J’ai un gros 0 sur le premier point. Non seule­ment la propo­si­tion ne me paraît pas impor­tante mais elle me paraît extrê­me­ment nocive. Pour le reste, si vrai­ment on doit avoir un filtre par défaut, alors effec­ti­ve­ment pas mal de points ont une impor­tance plus ou moins grande, mais c’est vrai­ment « parce que j’y suis obligé ». Je n’ai pas su répondre au dernier point, j’ai mis que je trou­vais cela très impor­tant mais je ne vois aucune solu­tion qui permette d’as­su­rer cette trans-cultu­ra­lité.

    La zone de texte est utile, elle m’a permis de réaf­fir­mer les dangers que je voyais à cette poli­tique, et d’amor­cer deux pistes si vrai­ment on doit aller sur ce terrain :

    • Que la caté­go­rie d’une même image puisse être diffé­rente suivant la langue utili­sée. Ce qui est choquant dans la culture fran­co­phone ne l’est pas forcé­ment au Japon. C’est malheu­reux de croire que « fran­co­phone » repré­sente une culture unique, mais c’est déjà mieux que de croire à une vérité globale.
    • Que les filtres acti­vés par défaut puissent être diffé­rents suivant la langue, pour la même raison, et avec le même regret de ne pouvoir cibler une culture plus préci­sé­ment.
    • Que les images filtrées soient télé­char­gées quand bien même elles seraient masquées, afin que jamais ce qui est là contre les mauvaises surprises ne puisse se retour­ner en outil de censure contre la connais­sance, donc qu’on ne puisse pas savoir (faci­le­ment) si j’ai effec­ti­ve­ment affi­ché l’image ou pas en consul­tant la page de la circon­ci­sion.
    • Que dans l’idéal on puisse réser­ver un sous-site spéci­fique aux enfants afin que ces filtres leurs y soient dédiés, qu’on puisse les « lais­ser navi­guer » sur cet envi­ron­ne­ment « moins dange­reux » sans dété­rio­rer cet outil de connais­sance qu’est le wiki­pe­dia prin­ci­pal. Pour le même prix ce wiki­pe­dia pour enfant peut cacher par défaut les liens externes (afin qu’on ne sorte pas inopi­né­ment de cette navi­ga­tion « sûre ») et ne pas propo­ser d’édi­tion (les conte­nus sont extraits du wiki­pe­dia prin­ci­pal et édités là bas).
  • 22 v’la les flics

    Ce qui me paraît le plus signi­fi­ca­tif dans les articles sur les émeutes londo­niennes c’est le demi soutien de la popu­la­tion aux acteurs de l’émeute. Seules les consé­quences sur les (petits) commerces semblent faire barrage.

    Je retrouve ce que j’avais vécu lors des émeutes de Gare du Nord en 2007 : Le parti pris par défaut des gens n’est pas pour les émeu­tiers, mais clai­re­ment contre les forces de l’ordre. Tout ce qui peut être fait par ces derniers est forcé­ment vu comme anor­mal, inac­cep­table, abusif. Tout ce qui peut leur arri­ver est vu comme mérité, voire soutenu.

    La défiance n’est pas d’hier

    Il y a toujours eu une défiance entre les indi­vi­dus et les repré­sen­tants de l’ordre, elle fait même partie du rôle dissua­sif de la force publique. Elle atteint toute­fois depuis quelques temps une posi­tion consen­suelle dange­reuse.

    J’ai peur de ce qui peut arri­ver dans une société où la popu­la­tion se sent instinc­ti­ve­ment contre ceux qui sont censés la proté­ger. Je ne me permets pas ici de porter un juge­ment sur la posi­tion de chacun. Je me contente de consta­ter que cet état ne peut qu’en­cou­ra­ger chaque événe­ment un peu fort à faire boule de neige et termi­ner en situa­tion grave.

    Nos forces de l’ordre ont le choix entre l’ex­cès et l’inac­tion. L’ex­cès car si l’in­ter­ven­tion provoque en elle-même une oppo­si­tion, elle doit être renfor­cée en consé­quence, et finir plus violente qu’il ne serait néces­saire. L’al­ter­na­tive est l’inac­tion, en espé­rant que la situa­tion se résolve d’elle-même. Les deux alter­na­tives mènent à une dégra­da­tion sur le long terme, qui s’auto-alimente au fur et à mesure.

    N’es­pé­rons pas le point de rupture

    Si ce n’est une évolu­tion des menta­li­tés, quelle sortie a-t-on si ce n’est subir en atten­dant le point de rupture ? Le terme de révo­lu­tion est malheu­reu­se­ment idéa­lisé dans nos livres scolaires, au point qu’on en oublie qu’il est quasi­ment toujours asso­cié à la notion de guerre, civile qui plus est.

    Même pour ceux qui attendent cette révo­lu­tion, nous avons bien des moyens de la faire venir sans encou­ra­ger la montée de la violence poli­cière cumu­lée à un laissé faire doma­geable à la société. N’ou­blions pas que si nous permet­tons à une situa­tion apai­sée de s’ins­tal­ler, il n’ap­par­tien­dra qu’à nous d’uti­li­ser les poli­tiques pour leur impo­ser une société diffé­rente.

    Pensez-y quand vous dépré­ciez l’ac­ti­vité géné­rale de la police et pas seule­ment un fait parti­cu­lier, quand vous contri­buez à géolo­ca­li­ser les radars, quand vous utili­ser une appli­ca­tion qui piste le chemin des contrô­leurs du métro, …. Si indi­vi­duel­le­ment tout ceci est mineur, c’est ainsi qu’on sépare le peuple et ceux qui sont à son service. Rien de bien ne peut en sortir.