Catégorie : Politique et société

  • [Lecture] Prendre les conseils d’un avocat n’est pas un crime

    le procu­reur géné­ral près de la Cour d’Ap­pel de Paris écrit « Enfin la décou­verte en perqui­si­tion chez X d’un docu­ment d’un syndi­cat d’avo­cat inti­tulé : manis­fes­tants–e-s : droits et conseils en cas d’in­ter­pel­la­tion vient corro­bo­rer la volonté mani­feste de parti­ci­per à des actions violentes en cours de mani­fes­ta­tion puisqu’il prend des éléments sur la conduite à tenir en cas d’in­ter­pel­la­tion  ».

    Ainsi le SAF est accusé d’en­cou­ra­ger la violence au seul motif de faire connaître leurs droits aux mani­fes­tants par la produc­tion d’un docu­ment inti­tulé « info juri­diques » et conte­nant des infor­ma­tions exclu­si­ve­ment juri­diques.

    Commu­niqué du SAF, syndi­cat des avocats de France

    On en est là. Être informé de ses droits devient un élément à charge. C’est bien connu, en mani­fes­ta­tion seuls les (futurs) délinquants violents ont besoin de connaitre leurs droits…

    Riez, mais quand l’État avan­cera « il a consulté la loi via Legi­france » comme élément à charge de culpa­bi­lité, il sera bien diffi­cile de reve­nir en arrière. Je ne sais pas pourquoi je parle au futur, parce que ce qui s’est passé revient quasi­ment à ça en fait.

    Ça arrive aujourd’­hui, en France, et ça ne me fait pas rire du tout parce que ça s’ins­crit dans un envi­ron­ne­ment qui glisse hors de la démo­cra­tie et de l’État de droit, douce­ment mais surement. À rappro­cher du billet d’hier (et d’autres qui vont suivre).

    Je ne discute même pas sur le fait que les mani­fes­tants en ques­tion soient coupables ou non, c’est juste hors sujet ici. Le fait de s’in­for­mer de ses droits ne doit jamais être un élément à charge dans un État de droit, c’est juste l’évi­dence même.

    Le seul fait qu’une telle idée ait pu germer dans l’es­prit d’un magis­trat de la Répu­blique démontre le fossé exis­tant entre les citoyens et ceux qui sont  censés faire respec­ter la loi.

    Ainsi connaître ses droits est présumé un acte subver­sif

    On en est là

  • Inter­dit de mani­fes­ta­tion

    Les préfets utilisent l’état d’ur­gence pour inter­dire à certaines personnes les zones de mani­fes­ta­tion. C’est déjà large­ment inac­cep­table d’uti­li­ser les lois d’ex­cep­tion anti-terro­ristes pour ce type de motifs.

    Sur le papier jusqu’à présent on tentait de justi­fier que ça ciblait des casseurs et des violents, même si parfois ça a été des jour­na­listes ou des gens jamais même inter­pe­lés et encore moins condam­nés pour quoi que ce soit.

    Aujourd’­hui on touche le fond. On touche ceux qui ont un rôle actif dans la mani­fes­ta­tion – droit essen­tiel garanti par la consti­tu­tion – mais absents des affron­te­ments.

    Motif pure­ment poli­tique donc. Pourquoi lais­sons-nous faire ce scan­dale ?

    source Le Monde.

  • Toute une concep­tion de la démo­cra­tie

    Où la solu­tion c’est gouver­ner par ordon­nance (c’est à dire sans le parle­ment, en déci­sion unila­té­rale par le gouver­ne­ment non élu), dans l’été, expli­ci­te­ment pour éviter que la popu­la­tion ne soit en mesure de réagir.

    On peut critiquer Copé ou la droite mais ce serait se trom­per de cible. C’est un mouve­ment géné­ral de nos élus que de croire que les assem­blées et le peuples sont des empê­cheurs de déci­der ce qui est le mieux pour le pays. La démo­cra­tie est un concept bien loin­tain, il ne va pas tarder à rejoindre les droits de l’Homme au placard.

  • Lettres de cachet dans Mino­rity report

    Nous sommes telle­ment habi­tués au pire que plus rien ne choque.

    L’État dit juste qu’il inter­pelle dans l’ar­bi­traire le plus total des gens contre qui il n’a aucune charge (préven­tif) et pour lesquels on évite la publi­cité (vue la faci­lité avec laquelle on monte une opéra­tion de commu­ni­ca­tion sur chaque mini-victoire, on peut consi­dé­rer que celles-ci sont volon­tai­re­ment cachées).

    On ne parle pas d’une personne parti­cu­lière pour un risque précis, mais *des* inter­pel­la­tions préven­tives *tous les jours*. Rien que ça.

    Et ça ne choque personne. Je me rappelle du concept de lettre de cachet. Nous n’en sommes pas loin.

    Moi ça me fait peur. Si vous croyez que ça ne touche que des terro­ristes, vous avez quand même extrê­me­ment confiance dans nos gouver­ne­ments. Même ainsi, j’es­père que personne n’ose­rait croire que ça ne peut pas déra­per, que ça ne sera jamais détourné à l’ave­nir, que ça ne pose pas un problème immense pour l’état de droit.

  • [Lecture] Appli­ca­tion SAIP – Le minis­tère de l’In­té­rieur lance un nouveau système d’alerte

    Nommée SAIP, pour système d’alerte et d’in­for­ma­tion des popu­la­tions, l’ap­pli­ca­tion vous permet­tra d’être alerté lors d’évé­ne­ments excep­tion­nels (alertes nucléaire, produits dange­reux, rupture d’ou­vrage hydrau­lique, etc.) suscep­tibles de résul­ter d’un atten­tat, surve­nant dans une zone géogra­phique précise, sous réserve que la géolo­ca­li­sa­tion soit acti­vée et que l’ap­pli­ca­tion soit active.

    via Android France

    Bras­sage de vent.

    Il faut que les gens aient installé l’app. Pas besoin d’être grand sorcier pour penser que ça va concer­ner une poignée de personnes, même à grand renfort de pub.

    Il faudra ensuite que les gens ne l’aient pas désins­tal­lée. Parce que oui, l’app demande un canal data tous les quart d’heure pour télé­char­ger les alertes du moment, plus poten­tiel­le­ment une loca­li­sa­tion (j’es­père qu’ils ne font pas de géolo­ca­li­sa­tion en l’ab­sence d’alerte mais je n’y mettrais pas ma main au feu). Réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment l’au­to­no­mie de l’ou­til de tous les jours pour aucun béné­fice direct visible, ça va être diffi­cile à faire accep­ter.

    Il faudra ensuite que la noti­fi­ca­tion serve. La véri­fi­ca­tion de nouvelle alerte se fait toutes les 15 minutes. C’est peu mais ça reste énorme. L’alerte concer­nera un événe­ment vieux d’un quart d’heure. Comme il faut le temps que la chaîne hiérar­chique décide d’en­voyer l’alerte, mettons plutôt un événe­ment vieux d’il y a trente minutes. Ensuite il faudra que la personne ouvre ses noti­fi­ca­tions.

    * * *

    Facile de critiquer mais le bon outil existe : le SMS.

    • On peut envoyer l’in­for­ma­tion unique­ment aux personnes dans le rayon d’ac­tion de l’an­tenne radio concer­née. Pas besoin de géolo­ca­li­sa­tion sur le télé­phone.
    • On peut toucher tout le monde, y compris les étran­gers de passage, sans besoin d’avoir installé une appli­ca­tion spéci­fique aupa­ra­vant.
    • On peut le faire en temps quasi réel, sans la latence de 15 minutes néces­saire pour le télé­char­ge­ment régu­lier de l’app android.
    • On peut le faire sans toucher à l’au­to­no­mie du télé­phone. La veille GSM clas­sique suffit. Il n’est même pas utile d’avoir un canal de donnée activé.

    Mieux, il existe un type de SMS parti­cu­lier dit « flash SMS », prévu spéci­fique­ment pour ce type d’usages, qui s’af­fiche d’of­fice sur le télé­phone, en prio­ri­taire.

    Le défaut ? Il faudrait une loi pour obli­ger les opéra­teurs à relayer ces messages d’alertes (ou au moins une conven­tion, parce que j’ima­gine qu’il serait diffi­cile pour eux de refu­ser publique­ment d’y sous­crire) et… il faudrait payer les envois de SMS. D’après un autre article c’est surtout ce dernier point qui pose problème au gouver­ne­ment.

    C’est sur que c’est moins cher de bras­ser du vent (quoique… l’app a bien du coûter 50k€, plus la licence de la tech­no­lo­gie d’alerte utili­sée et louée par un pres­ta­taire).

    * * *

    Et sinon, pour les vrais qui s’en rappellent, on a juste­ment un SAIP depuis la guerre : un système d’alerte et d’in­for­ma­tion aux popu­la­tions, qu’on teste le midi tous les premiers mercredi du mois via des alarmes bien sonores.

    Sauf qu’on ne prend même pas la peine d’in­for­mer les gens de ce que c’est – de mon expé­rience une partie de mes connais­sances ne le savait même pas – et encore moins les codes pour diffé­ren­cier un test d’une vraie alerte.

    Ce SIAP était prévu pour survivre aux catas­trophes. Aujourd’­hui il est laissé à l’aban­don. On le teste, on inven­to­rie (en théo­rie), mais plus personne n’est en charge de corri­ger les problèmes et assu­rer la main­te­nance (ne parlons même pas de l’étendre aux nouvelles zones d’ha­bi­ta­tion). France Tele­com consi­dère que ce n’est plus son rôle depuis que la société a migré du public au privé. Ni les collec­ti­vi­tés ni l’État ne veulent mettre la main à la poche.

    Le problème est connu depuis long­temps, mais ça ne permet pas de faire des commu­niqués de presse aussi sympa qu’un gadget de smart­phone.

  • De la violence légi­time

    On m’a inculqué dès mon jeune âge que la violence doit être le dernier recours. Encore plus la violence physique. Encore plus celle qui se fait contre des indi­vi­dus.

    De mon éduca­tion j’ai tiré une aver­sion impor­tante pour toute forme de trans­gres­sion, moi qui n’en ai jamais eu besoin.

    Au fur et à mesure j’ap­prends, et cette bulle (ainsi que le reste de la planche) exprime une réalité impor­tante avant de critiquer toute action de révolte. Quand c’est l’op­pres­seur qui fait les règle, la violence de l’op­pressé peut se discu­ter.

    Il reste que la situa­tion est compliquée.

    Je comprends que certains mani­fes­tants cherchent à forcer un barrage, que des écolo­gistes démontent un Mac Do, ou qu’ils fauchent un champ d’OGM.

    Je ne vais donc pas dire que je soutiens – ce n’est pas mon mode d’ac­tion – mais au moins je peux comprendre que ça puisse être perti­nent ou légi­time. C’est d’au­tant plus vrai quand on suit les prin­cipes de déso­béis­sance civile et qu’on est prêt à assu­mer les consé­quences légales de ses actes.

    Ça n’est pas un chèque en blanc non plus. Tout n’est pas accep­table simple­ment parce qu’on lutte contre une oppres­sion ressen­tie, et en parti­cu­lier les violences contre les indi­vi­dus ou les violences gratuites qui n’ap­portent rien à la lutte.

    Pour prendre un exemple concret : on peut argu­men­ter autant qu’on veut sur le fumi­gène qui a récem­ment mis feu à une voiture de police mais frap­per à coups de barre le poli­cier désarmé, non offen­sif et isolé qui sort de sa voiture en train de prendre feu, je ne vois toujours pas comment l’ac­cep­ter.

    En face, quand bien même ils repré­sentent l’op­pres­seur supposé, il y a des humains, et il ne faut pas l’ou­blier.

  • Vote dans une répu­blique apai­sée, aujourd’­hui et demain

    Il propose alors un système permet­tant aux citoyens soit de lais­ser faire leurs dépu­tés, soit de voter direc­te­ment les lois sur Inter­net. Quand un citoyen s’ex­prime direc­te­ment, sa portion de vote est décomp­tée à tous les parle­men­taires sans distinc­tion. Il s’agit d’ins­tau­rer un droit de veto que « les citoyens exer­ce­raient contre les lois qui leur portent préju­dice. Ils obli­ge­raient ainsi ceux qui dirigent et légi­fèrent à penser beau­coup plus à ce qu’ils vont faire, à faire des lois qui profitent à tous, sinon tout le monde s’y oppo­sera ».

    L’idée est inté­res­sante en ce qu’elle permet la démo­cra­tie directe sans impo­ser à tout un chacun de se dépla­cer pour tout tout le temps. On assure aussi une grada­tion puisque le groupe qui a une opinion assez forte sur un sujet pour s’y expri­mer direc­te­ment a une influence plus forte que ceux qui laissent faire.

    Il y a d’autres biais, comme sur-repré­sen­ter ceux qui ont le temps de s’in­ves­tir par rapport aux autres. Il y a d’autres problèmes, comme encou­ra­ger les gens à expri­mer une opinion rapide, donc souvent infor­mée unique­ment sur la base des cari­ca­tures ou des résu­més portées dans les média.

    Malgré ces défauts, l’idée reste sédui­sante. Ce n’est pas comme si le système actuel n’avait pas des défauts large­ment aussi grands. J’ai bon espoir que le regain de contrôle que pren­draient les citoyens pour­rait relan­cer un peu l’es­prit poli­tique, et donc contre-balan­cer ces défauts.

    * * *

    Ce qui me gêne ce n’est pas tout ça, c’est que par la force des choses on imagine faire repo­ser toute la struc­ture sur le vote élec­tro­nique, encore une fois.

    C’est vrai que c’est pratique mais aujourd’­hui, en l’état de nos connais­sances, le vote élec­tro­nique peut garan­tir la sincé­rité du résul­tat ou le secret du vote, jamais les deux à la fois.

    Là nous ne parlons pas d’un petit défaut mais d’un défaut majeur, de ceux qui font écrou­ler tout un système.

    * * *

    Nous votons aujourd’­hui dans une répu­blique rela­ti­ve­ment apai­sée. Oui, malgré tout ce qui se passe, j’as­sume de le dire.

    Aujourd’­hui reti­rer le secret du vote amène­rait de graves consé­quences pour la démo­cra­tie et pour les citoyens, mais ne chan­ge­rait pas forcé­ment signi­fi­ca­ti­ve­ment le résul­tat en bout d’élec­tion.

    Aujourd’­hui lais­ser le gouver­ne­ment, une auto­rité indé­pen­dante ou un groupe d’ex­perts garan­tir le fonc­tion­ne­ment d’un vote élec­tro­nique ne serait pas un risque impor­tant. Je leur fait rela­ti­ve­ment confiance pour ne pas tricher à ce point.

    Mais demain ?

    Demain expri­mer publique­ment certaines opinions fera porter un risque sérieux sur soi ou sur ses proches.

    Demain le pouvoir aura suffi­sam­ment de poids et assez peu de respect pour oser tricher à grande échelle sur les votes natio­naux, surtout s’il sait qu’il n’y aura pas vrai­ment de traces.

    Les choix je les prends en fonc­tion de demain, pas unique­ment d’aujourd’­hui.

    * * *

    Il ne s’agit pas d’être pessi­miste. Comme dans la maxime « après la pluie vient le beau temps », la ques­tion n’est pas de savoir « si » mais de savoir « quand ». Un jour la situa­tion sera grave.

    Ce demain existe d’ailleurs déjà à plus d’un endroit du globe. Il a aussi existé plus d’une fois dans notre passé à nous. C’est dire combien il est crédible.

    Il suffit parfois de peu, et notre actua­lité le montre encore. Un atten­tat terro­riste et nous sommes prêts à sacri­fier quelques liber­tés. Il suffi­rait d’un quelque chose pour que le futur soit diffé­rent, que les volon­tés ne se résument pas à des jeux poli­tiques en vue de la prochaine élec­tion. Des guerres ont été déclen­chées pour si peu.

    Notre répu­blique apai­sée est encore jeune, fragile. Demain ne sera pas aussi beau. Le système de vote actuel avec le secret du vote et la trans­pa­rence de l’urne ne suffira pas forcé­ment à empê­cher des jours noirs, mais il peut tout de même éviter certains futurs, en frei­ner d’autres, ou donner des leviers pour en sortir plus rapi­de­ment.

    * * *

    Une chose est certaine, sans sacra­li­ser le système actuel – encore moins le vote lui-même – je ne suis pas prêt à imagi­ner aujourd’­hui le vote élec­tro­nique là où il n’est pas indis­pen­sable. Ce serait dange­reux, un peu pour aujourd’­hui, beau­coup pour demain.

    S’il vous plait, aidez-moi à faire un barrage systé­ma­tique à au vote élec­tro­nique. J’ai un fils. Je veux lui lais­ser une frac­tion du rêve démo­cra­tique.

  • Nous nous habi­tuons, et c’est grave

    L’ac­cep­ta­tion gran­dis­sante de l’op­pres­sion quoti­dienne me fait peur.

    ( J’ai vu une vidéo (*) il y a quelques jours où la police a demandé à un mendiant de défaire ses deux prothèses aux jambes, posé toutes ses posses­sions devant lui, lui qui n’avait déjà plus qu’un bras. La vidéo montre la police qui s’en va après, sans répondre aux inter­pel­la­tions, et le mendiant qui tente de tout raccro­cher et remettre son jean avec l’aide d’un passant et de son seul bras. Violence et humi­lia­tion sont le quoti­dien.)

    J’ai vu une vidéo hier où on voyait les senti­nelles de l’ar­mée avec leur famas soute­nir une simple inter­pel­la­tion de police un peu exces­sive et qui se faisait près d’eux, face à la foule. Je suis certain qu’ils n’avaient que de bonnes inten­tions mais le problème est énorme. Nous nous habi­tuons.

    Aujourd’­hui je croise un vigile privé derrière le contrôle à l’em­barque­ment SNCF. Rien de forcé­ment anor­mal, au cas où un voya­geur contrôlé s’ex­cite. Vigile en noir avec bras­sard orange, rangers aux pieds, équipé de gants de combat coqués orien­tés poing améri­cain.

    Sur Inter­net je trouve les mêmes, dans des boutiques para-mili­taires, orienté inter­ven­tion et marqué « forces de l’ordre – mili­taires ».

    Tout ça semble normal mais je veux qu’on m’ex­plique. Je ne parle pas de la police ferro­viaire, qui même si elle est armée ne se permet­trait pas un tel accou­tre­ment, mais bien d’un vigile privé, les mêmes qu’on trouve devant les super­mar­chés… en gants de combat, dans une simple mission d’ac­com­pa­gne­ment pour un filtrage pré-embarque­ment.

    Des vigiles privés habillés pour la bagarre. Contrô­leurs, voya­geurs, tout ceci est devenu telle­ment notre quoti­dien que je n’ai vu personne fron­cer les sour­cils.

  • [Commen­taire] Un député propose la consul­ta­tion systé­ma­tique des inter­nautes pour tout projet de loi

    [Le député souhaite] géné­ra­li­ser « la consul­ta­tion publique en ligne, par l’in­ter­net, sur les textes de loi avant leur examen par le Parle­ment », comme le rapporte nos confrères de NextIn­pact.

    […]

    Le député assure qu’« En assu­rant la dose supplé­men­taire de parti­ci­pa­tion et de trans­pa­rence que permet le numé­rique dans notre démo­cra­tie repré­sen­ta­tive, la consul­ta­tion publique par l’in­ter­net peut contri­buer à retis­ser le lien de confiance distendu – notam­ment dans l’in­ter­valle entre les élec­tions – entre repré­sen­tants et repré­sen­tés ».

    Mais quelle bêtise… C’est voir à quel point même nos dépu­tés comprennent la démo­cra­tie (c’est à dire très peu). Dommage parce que je suis convaincu que l’in­ten­tion est bonne.

    Si votre première réponse est « à quoi il sert alors mon député si je donne mon avis direc­te­ment ? » vous êtes sur la bonne voie.

    Aujourd’­hui nous avons une démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Le député repré­sente le peuple, faute de savoir effi­ca­ce­ment faire discu­ter et voter le peuple dans son ensemble, à plein temps (*).

    Bref, le député vote et débat au nom du peuple.

    Si on savait consul­ter le peuple sur chaque projet de loi, d’une façon qui soit un mini­mum repré­sen­ta­tive (disons au moins autant que l’est notre Assem­blée natio­nale, c’est à dire à la marge), autant lui lais­ser le pouvoir de déci­sion.

    Ce serait même génial : avoir des repré­sen­tants pour prépa­rer et discu­ter des textes, trou­ver le bon équi­libre et le compro­mis qui a du sens – diffi­cile de faire ça à 70 millions de personnes, surtout qu’en­trer dans la complexité des textes demande du temps – mais lais­ser le peuple pour voter et déci­der.

    Là je dis OK. Ça serait d’ailleurs logique. Aujourd’­hui les dépu­tés votent peu, et quand ils le font c’est essen­tiel­le­ment en suivant les consignes du parti. Ils l’ex­pliquent d’ailleurs très bien quand on leur reproche leur absence dans l’hé­mi­cycle : leur vrai travail effi­cace se fait avant, ailleurs. Prenons-les au mot.


    Vous l’avez deviné, ce n’est pas ce qui est proposé. Reti­rer le pouvoir aux dépu­tés et le remettre au peuple ? quand bien même les dépu­tés ne seraient qu’une chambre d’en­re­gis­tre­ment et ne s’en servi­raient qu’é­pi­so­dique­ment, jamais ils n’ac­cep­te­ront.

    Non, ils veulent consul­ter. Sans repré­sen­ta­ti­vité claire, avec mille façons de récu­pé­rer un résul­tat biaisé (**), et pour un rendu volu­mi­neux, complexe et coûteux en temps à inter­pré­ter.

    Par contre, quand bien même la consul­ta­tion marque­rait une demande évidente et très expli­cite, ils n’au­raient aucune obli­ga­tion de la suivre. On l’a d’ailleurs vu avec la loi sur le numé­rique qui a inau­guré cette idée de consul­ta­tion préa­lable.

    Le peuple débat, l’élite décide. On nous vend de la démo­cra­tie parti­ci­pa­tive. S’il y a bien du parti­ci­pa­tif – c’est à dire qu’ils consentent à nous lais­ser parti­ci­per, atten­tion à ne pas confondre avec colla­bo­ra­tif – il n’y a pas vrai­ment là de démo­cra­tie. L’élite qui décide ce que débat le peuple, c’est même pile le contraire.

    Certains diront que c’est toujours mieux qu’ac­tuel­le­ment. Je ne suis pas d’ac­cord. Aujourd’­hui les dépu­tés peuvent déjà consul­ter la société. Certains ne s’en privent pas. On l’a d’ailleurs juste­ment fait en grand avec la loi sur le numé­rique.

    En l’ins­tau­rant en règle, surtout en le faisant avant les débats au parle­ment, on instaure clai­re­ment que le rôle du député n’est plus de travailler la loi mais bien de juger et modi­fier ce qu’a produit le peuple. Déran­geant, et pas qu’un peu.


    (*) ok, en pratique la moti­va­tion d’ori­gine est proba­ble­ment plus liée à la bour­geoi­sie d’alors, la non-confiance dans le peuple et plein de choses comme ça. Conten­tons-nous de la théo­rique pour aujourd’­hui.

    (**) la réfé­rence est la consul­ta­tion de la loi sur le numé­rique, facile à biai­ser par tel ou tel groupe qui vien­drait en masse, sans aucune garan­tie de repré­sen­ta­ti­vité, et abso­lu­ment aucune garan­tie de non-mani­pu­la­tion des résul­tats par le gouver­ne­ment – le légis­la­tif se base­rait sur une consul­ta­tion du peuple qui pour­rait tech­nique­ment être tota­le­ment mani­pu­lée par l’exé­cu­tif, bonjour le système démo­cra­tique.
    Ça pouvait avoir du sens sur une loi comme le numé­rique (à discu­ter), c’est tota­le­ment inuti­li­sable sur des sujets clivants comme le nucléaire ou l’im­mi­gra­tion, impos­sible à analy­ser sur des sujets complexes comme la fisca­lité, extrê­me­ment dange­reux sur des sujets de niche ou un lobby pour­rait tout faire bascu­ler.
    Quelqu’un a déjà vu les consul­ta­tions obli­ga­toires sur les PLU ou sur le nucléaire servir à quelque chose ? pour­tant là c’est du local, sur une commu­nauté restreinte avec des élus en prise directe. Imagi­nez la chose avec un pays de 70 millions de personnes et des élus tota­le­ment hors sol.

  • [Commen­taire] The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    La cita­tion, attri­buée à Elon Musk, iden­ti­fie très bien ce que j’ap­pelle le mana­ge­ment à la française, où la direc­tion de la société est géné­ra­le­ment pilo­tée par le commer­cial ou le finan­cier.

    Vécu plusieurs fois, souf­fert plusieurs fois. On rabote, on exploite, on essouffle, on court derrière le court terme, asser­vis. Parfois ça fonc­tionne un temps – finan­ciè­re­ment, pas humai­ne­ment. Au premier pépin, qu’il soit tech­nique, commer­cial ou stra­té­gique, c’est la traver­sée du désert.

    Il y a tant d’autres modèles. Quand je regarde ailleurs les socié­tés modernes qui m’at­tirent, je vois plutôt des entre­prises pilo­tées par la vision ou la mission qu’elles se donnent, parfois d’autres pilo­tées par le service (à l’)utili­sa­teur.

    Diffé­rence de culture, d’in­ves­tis­se­ment, de vision.