Catégorie : Politique et société

  • Lectures poli­tiques en vrac – début juin 2016

    L’af­freux doute des libé­raux (Le Monde Diplo­ma­tique, 2014) et Les inéga­li­tés de reve­nus nuisent à la crois­sance (Le Monde, 2015). Où on fait semblant de décou­vrir un secret de poli­chi­nelle : La théo­rie du ruis­sel­le­ment a toujours été démen­tie par les faits. L’aug­men­ta­tion des inéga­li­tés est un frein à l’avan­cée globale des écono­mies et des popu­la­tions. « Le néoli­bé­ra­lisme, qui préten­dait sortir le capi­ta­lisme de sa crise, l’y a enfoncé. Et ce n’est pas face à une «  nouvelle norme  » que nous nous trou­vons, mais dans une impas­se… »

    Via Libé­ra­tion : « Il va sans doute y avoir un mouve­ment long. Mais on atten­dra. C’est un mouve­ment qui va s’ef­fi­lo­cher, comme Nuit Debout, qui devait être le nouveau Mai-68 et qui est devenu la Foire de Paris des orga­ni­sa­tions gauchistes ». La cita­tion est de Manuel Valls, qui montre à quel point il est en déca­lage avec la gauche, au point qu’il en a honte et qu’il l’uti­lise comme un terme péjo­ra­tif. Plus clair que ça…
    Pendant ce temps, quand bien même rien n’est advenu, Nuit Debout conti­nue son petit bonhomme de chemin, ce qui est extra­or­di­naire après plus de 100 jours, même si rien aucune révo­lu­tion ne s’en suit (est-ce même le but ?)

    Témoi­gnages de jour­na­listes à la suite des violences poli­cières du 2 juin 2016 à Rennes (Club de la presse de Bretagne). Une petite vidéo avait circu­lée. On n’y voyait pas grand chose à part de l’agres­si­vité entre jour­na­listes et poli­ciers. Avec la mise en contexte et un peu plus d’images, on comprend mieux.

    La presse à l’heure des purges et des publi­re­por­tages (Media­part). On y trouve pêle-mêle « Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas d’idées. Aude Lance­lin donne la parole à Nuit debout ! Cela la regarde, mais ce n’est pas la ligne du jour­nal  » ou « Notre jour­nal est d’ins­pi­ra­tion sociale-démo­crate. Or, elle publie des articles anti-démo­cra­tiques dans ses pages. Je ne reste­rai pas action­naire d’un jour­nal qui défend des idées, une éthique, une morale, qui me cassent le cœur. » (sachant bien entendu que ce n’est pas l’ac­tion­naire qui va rester ou partir, mais la rédac­tion en chef).
    Vous vous deman­diez le pourquoi du silence ou de la critique unique à propos de Nuit Debout à l’heure où même la propo­si­tion la plus honteuse se voit quali­fiée de débat ? main­te­nant vous savez.
    Je trouve normal que l’ac­tion­naire puisse défi­nir l’opi­nion poli­tique de ce qu’il produit mais nous avons alors un vrai problème de préfor­ma­tage de l’opi­nion quand l’ar­ticle cite plusieurs direc­teurs de presse natio­nale qui vont dans le même sens social-démo­crate ou plus à droite, surtout consi­dé­rant les subven­tions impor­tantes qui leur est faite.

    L’abus de pouvoir poli­cier : une socio­lo­gie (France Culture, accom­pa­gné d’un audio de 30 minutes) : « Manuel Valls le 19 mai sur RTL : ‹Il n’y a aucune consigne de rete­nue, aucune consigne de ne pas inter­pel­ler, aucune consigne de ne pas aller jusqu’au bout pour ne pas appré­hen­der les casseurs›. L’ab­sence reven­diquée de rete­nue pour la police ». La cita­tion est inté­res­sante dans le contexte de violences poli­cières actuel mais l’au­dio balaye le sujet avec bien plus de recul.

  • [Lecture] Une démo­li­tion du Conseil consti­tu­tion­nel par son ancien président

    Sa détes­ta­tion des juristes […] est quasi systé­ma­tique, avec notam­ment des pages féroces de dédain pour les « “grands” [les guille­mets sont ici à répé­ti­tion les siens] juristes du Conseil », qu’il veille d’ailleurs à écar­ter soigneu­se­ment de ses entre­tiens avec les respon­sables poli­tiques, même quand il s’agit de parler du présent ou du futur de l’ins­ti­tu­tion. Il souhaite surtout voir le Conseil conti­nuer à être peuplé à l’ave­nir de poli­tiques, ayant « le sens de l’État », et surtout pas en tout cas de magis­trats judi­ciaires « qui se sont construits contre l’État », écrit-il, et ne pensent qu’à défendre les liber­tés qu’il mena­ce­rait.

    sur Jus Poli­ti­cum, à propos de Jean Louis Debré, ancien président du conseil consti­tu­tion­nel

    Le président du Conseil consti­tu­tion­nel, qui veut voir des poli­tiques et surtout pas des juristes pour ce qui est désor­mais notre plus haute juri­dic­tion, en charge de limi­ter et règle­men­ter les pouvoirs de notre État et de ses insti­tu­tions, au nom du peuple.

    État de droit quelqu’un ?

    Le plus navrant c’est que quelqu’un à un tel rôle feigne d’igno­rer que oui, la consti­tu­tion a bien pour rôle de défendre les liber­tés des citoyens en règle­men­tant l’État, pour le contrainte dans le mandat qui lui est donné et éviter qu’il ne sorte du contrôle et devienne une menace. Ni plus, ni moins.

    À rappro­cher du billet précé­dent, malheu­reu­se­ment. C’est tout un envi­ron­ne­ment qui glisse hors de la démo­cra­tie et de l’État de droit, douce­ment mais surement.

  • [Lecture] Prendre les conseils d’un avocat n’est pas un crime

    le procu­reur géné­ral près de la Cour d’Ap­pel de Paris écrit « Enfin la décou­verte en perqui­si­tion chez X d’un docu­ment d’un syndi­cat d’avo­cat inti­tulé : manis­fes­tants–e-s : droits et conseils en cas d’in­ter­pel­la­tion vient corro­bo­rer la volonté mani­feste de parti­ci­per à des actions violentes en cours de mani­fes­ta­tion puisqu’il prend des éléments sur la conduite à tenir en cas d’in­ter­pel­la­tion  ».

    Ainsi le SAF est accusé d’en­cou­ra­ger la violence au seul motif de faire connaître leurs droits aux mani­fes­tants par la produc­tion d’un docu­ment inti­tulé « info juri­diques » et conte­nant des infor­ma­tions exclu­si­ve­ment juri­diques.

    Commu­niqué du SAF, syndi­cat des avocats de France

    On en est là. Être informé de ses droits devient un élément à charge. C’est bien connu, en mani­fes­ta­tion seuls les (futurs) délinquants violents ont besoin de connaitre leurs droits…

    Riez, mais quand l’État avan­cera « il a consulté la loi via Legi­france » comme élément à charge de culpa­bi­lité, il sera bien diffi­cile de reve­nir en arrière. Je ne sais pas pourquoi je parle au futur, parce que ce qui s’est passé revient quasi­ment à ça en fait.

    Ça arrive aujourd’­hui, en France, et ça ne me fait pas rire du tout parce que ça s’ins­crit dans un envi­ron­ne­ment qui glisse hors de la démo­cra­tie et de l’État de droit, douce­ment mais surement. À rappro­cher du billet d’hier (et d’autres qui vont suivre).

    Je ne discute même pas sur le fait que les mani­fes­tants en ques­tion soient coupables ou non, c’est juste hors sujet ici. Le fait de s’in­for­mer de ses droits ne doit jamais être un élément à charge dans un État de droit, c’est juste l’évi­dence même.

    Le seul fait qu’une telle idée ait pu germer dans l’es­prit d’un magis­trat de la Répu­blique démontre le fossé exis­tant entre les citoyens et ceux qui sont  censés faire respec­ter la loi.

    Ainsi connaître ses droits est présumé un acte subver­sif

    On en est là

  • Inter­dit de mani­fes­ta­tion

    Les préfets utilisent l’état d’ur­gence pour inter­dire à certaines personnes les zones de mani­fes­ta­tion. C’est déjà large­ment inac­cep­table d’uti­li­ser les lois d’ex­cep­tion anti-terro­ristes pour ce type de motifs.

    Sur le papier jusqu’à présent on tentait de justi­fier que ça ciblait des casseurs et des violents, même si parfois ça a été des jour­na­listes ou des gens jamais même inter­pe­lés et encore moins condam­nés pour quoi que ce soit.

    Aujourd’­hui on touche le fond. On touche ceux qui ont un rôle actif dans la mani­fes­ta­tion – droit essen­tiel garanti par la consti­tu­tion – mais absents des affron­te­ments.

    Motif pure­ment poli­tique donc. Pourquoi lais­sons-nous faire ce scan­dale ?

    source Le Monde.

  • Toute une concep­tion de la démo­cra­tie

    Où la solu­tion c’est gouver­ner par ordon­nance (c’est à dire sans le parle­ment, en déci­sion unila­té­rale par le gouver­ne­ment non élu), dans l’été, expli­ci­te­ment pour éviter que la popu­la­tion ne soit en mesure de réagir.

    On peut critiquer Copé ou la droite mais ce serait se trom­per de cible. C’est un mouve­ment géné­ral de nos élus que de croire que les assem­blées et le peuples sont des empê­cheurs de déci­der ce qui est le mieux pour le pays. La démo­cra­tie est un concept bien loin­tain, il ne va pas tarder à rejoindre les droits de l’Homme au placard.

  • Lettres de cachet dans Mino­rity report

    Nous sommes telle­ment habi­tués au pire que plus rien ne choque.

    L’État dit juste qu’il inter­pelle dans l’ar­bi­traire le plus total des gens contre qui il n’a aucune charge (préven­tif) et pour lesquels on évite la publi­cité (vue la faci­lité avec laquelle on monte une opéra­tion de commu­ni­ca­tion sur chaque mini-victoire, on peut consi­dé­rer que celles-ci sont volon­tai­re­ment cachées).

    On ne parle pas d’une personne parti­cu­lière pour un risque précis, mais *des* inter­pel­la­tions préven­tives *tous les jours*. Rien que ça.

    Et ça ne choque personne. Je me rappelle du concept de lettre de cachet. Nous n’en sommes pas loin.

    Moi ça me fait peur. Si vous croyez que ça ne touche que des terro­ristes, vous avez quand même extrê­me­ment confiance dans nos gouver­ne­ments. Même ainsi, j’es­père que personne n’ose­rait croire que ça ne peut pas déra­per, que ça ne sera jamais détourné à l’ave­nir, que ça ne pose pas un problème immense pour l’état de droit.

  • [Lecture] Appli­ca­tion SAIP – Le minis­tère de l’In­té­rieur lance un nouveau système d’alerte

    Nommée SAIP, pour système d’alerte et d’in­for­ma­tion des popu­la­tions, l’ap­pli­ca­tion vous permet­tra d’être alerté lors d’évé­ne­ments excep­tion­nels (alertes nucléaire, produits dange­reux, rupture d’ou­vrage hydrau­lique, etc.) suscep­tibles de résul­ter d’un atten­tat, surve­nant dans une zone géogra­phique précise, sous réserve que la géolo­ca­li­sa­tion soit acti­vée et que l’ap­pli­ca­tion soit active.

    via Android France

    Bras­sage de vent.

    Il faut que les gens aient installé l’app. Pas besoin d’être grand sorcier pour penser que ça va concer­ner une poignée de personnes, même à grand renfort de pub.

    Il faudra ensuite que les gens ne l’aient pas désins­tal­lée. Parce que oui, l’app demande un canal data tous les quart d’heure pour télé­char­ger les alertes du moment, plus poten­tiel­le­ment une loca­li­sa­tion (j’es­père qu’ils ne font pas de géolo­ca­li­sa­tion en l’ab­sence d’alerte mais je n’y mettrais pas ma main au feu). Réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment l’au­to­no­mie de l’ou­til de tous les jours pour aucun béné­fice direct visible, ça va être diffi­cile à faire accep­ter.

    Il faudra ensuite que la noti­fi­ca­tion serve. La véri­fi­ca­tion de nouvelle alerte se fait toutes les 15 minutes. C’est peu mais ça reste énorme. L’alerte concer­nera un événe­ment vieux d’un quart d’heure. Comme il faut le temps que la chaîne hiérar­chique décide d’en­voyer l’alerte, mettons plutôt un événe­ment vieux d’il y a trente minutes. Ensuite il faudra que la personne ouvre ses noti­fi­ca­tions.

    * * *

    Facile de critiquer mais le bon outil existe : le SMS.

    • On peut envoyer l’in­for­ma­tion unique­ment aux personnes dans le rayon d’ac­tion de l’an­tenne radio concer­née. Pas besoin de géolo­ca­li­sa­tion sur le télé­phone.
    • On peut toucher tout le monde, y compris les étran­gers de passage, sans besoin d’avoir installé une appli­ca­tion spéci­fique aupa­ra­vant.
    • On peut le faire en temps quasi réel, sans la latence de 15 minutes néces­saire pour le télé­char­ge­ment régu­lier de l’app android.
    • On peut le faire sans toucher à l’au­to­no­mie du télé­phone. La veille GSM clas­sique suffit. Il n’est même pas utile d’avoir un canal de donnée activé.

    Mieux, il existe un type de SMS parti­cu­lier dit « flash SMS », prévu spéci­fique­ment pour ce type d’usages, qui s’af­fiche d’of­fice sur le télé­phone, en prio­ri­taire.

    Le défaut ? Il faudrait une loi pour obli­ger les opéra­teurs à relayer ces messages d’alertes (ou au moins une conven­tion, parce que j’ima­gine qu’il serait diffi­cile pour eux de refu­ser publique­ment d’y sous­crire) et… il faudrait payer les envois de SMS. D’après un autre article c’est surtout ce dernier point qui pose problème au gouver­ne­ment.

    C’est sur que c’est moins cher de bras­ser du vent (quoique… l’app a bien du coûter 50k€, plus la licence de la tech­no­lo­gie d’alerte utili­sée et louée par un pres­ta­taire).

    * * *

    Et sinon, pour les vrais qui s’en rappellent, on a juste­ment un SAIP depuis la guerre : un système d’alerte et d’in­for­ma­tion aux popu­la­tions, qu’on teste le midi tous les premiers mercredi du mois via des alarmes bien sonores.

    Sauf qu’on ne prend même pas la peine d’in­for­mer les gens de ce que c’est – de mon expé­rience une partie de mes connais­sances ne le savait même pas – et encore moins les codes pour diffé­ren­cier un test d’une vraie alerte.

    Ce SIAP était prévu pour survivre aux catas­trophes. Aujourd’­hui il est laissé à l’aban­don. On le teste, on inven­to­rie (en théo­rie), mais plus personne n’est en charge de corri­ger les problèmes et assu­rer la main­te­nance (ne parlons même pas de l’étendre aux nouvelles zones d’ha­bi­ta­tion). France Tele­com consi­dère que ce n’est plus son rôle depuis que la société a migré du public au privé. Ni les collec­ti­vi­tés ni l’État ne veulent mettre la main à la poche.

    Le problème est connu depuis long­temps, mais ça ne permet pas de faire des commu­niqués de presse aussi sympa qu’un gadget de smart­phone.

  • De la violence légi­time

    On m’a inculqué dès mon jeune âge que la violence doit être le dernier recours. Encore plus la violence physique. Encore plus celle qui se fait contre des indi­vi­dus.

    De mon éduca­tion j’ai tiré une aver­sion impor­tante pour toute forme de trans­gres­sion, moi qui n’en ai jamais eu besoin.

    Au fur et à mesure j’ap­prends, et cette bulle (ainsi que le reste de la planche) exprime une réalité impor­tante avant de critiquer toute action de révolte. Quand c’est l’op­pres­seur qui fait les règle, la violence de l’op­pressé peut se discu­ter.

    Il reste que la situa­tion est compliquée.

    Je comprends que certains mani­fes­tants cherchent à forcer un barrage, que des écolo­gistes démontent un Mac Do, ou qu’ils fauchent un champ d’OGM.

    Je ne vais donc pas dire que je soutiens – ce n’est pas mon mode d’ac­tion – mais au moins je peux comprendre que ça puisse être perti­nent ou légi­time. C’est d’au­tant plus vrai quand on suit les prin­cipes de déso­béis­sance civile et qu’on est prêt à assu­mer les consé­quences légales de ses actes.

    Ça n’est pas un chèque en blanc non plus. Tout n’est pas accep­table simple­ment parce qu’on lutte contre une oppres­sion ressen­tie, et en parti­cu­lier les violences contre les indi­vi­dus ou les violences gratuites qui n’ap­portent rien à la lutte.

    Pour prendre un exemple concret : on peut argu­men­ter autant qu’on veut sur le fumi­gène qui a récem­ment mis feu à une voiture de police mais frap­per à coups de barre le poli­cier désarmé, non offen­sif et isolé qui sort de sa voiture en train de prendre feu, je ne vois toujours pas comment l’ac­cep­ter.

    En face, quand bien même ils repré­sentent l’op­pres­seur supposé, il y a des humains, et il ne faut pas l’ou­blier.

  • Vote dans une répu­blique apai­sée, aujourd’­hui et demain

    Il propose alors un système permet­tant aux citoyens soit de lais­ser faire leurs dépu­tés, soit de voter direc­te­ment les lois sur Inter­net. Quand un citoyen s’ex­prime direc­te­ment, sa portion de vote est décomp­tée à tous les parle­men­taires sans distinc­tion. Il s’agit d’ins­tau­rer un droit de veto que « les citoyens exer­ce­raient contre les lois qui leur portent préju­dice. Ils obli­ge­raient ainsi ceux qui dirigent et légi­fèrent à penser beau­coup plus à ce qu’ils vont faire, à faire des lois qui profitent à tous, sinon tout le monde s’y oppo­sera ».

    L’idée est inté­res­sante en ce qu’elle permet la démo­cra­tie directe sans impo­ser à tout un chacun de se dépla­cer pour tout tout le temps. On assure aussi une grada­tion puisque le groupe qui a une opinion assez forte sur un sujet pour s’y expri­mer direc­te­ment a une influence plus forte que ceux qui laissent faire.

    Il y a d’autres biais, comme sur-repré­sen­ter ceux qui ont le temps de s’in­ves­tir par rapport aux autres. Il y a d’autres problèmes, comme encou­ra­ger les gens à expri­mer une opinion rapide, donc souvent infor­mée unique­ment sur la base des cari­ca­tures ou des résu­més portées dans les média.

    Malgré ces défauts, l’idée reste sédui­sante. Ce n’est pas comme si le système actuel n’avait pas des défauts large­ment aussi grands. J’ai bon espoir que le regain de contrôle que pren­draient les citoyens pour­rait relan­cer un peu l’es­prit poli­tique, et donc contre-balan­cer ces défauts.

    * * *

    Ce qui me gêne ce n’est pas tout ça, c’est que par la force des choses on imagine faire repo­ser toute la struc­ture sur le vote élec­tro­nique, encore une fois.

    C’est vrai que c’est pratique mais aujourd’­hui, en l’état de nos connais­sances, le vote élec­tro­nique peut garan­tir la sincé­rité du résul­tat ou le secret du vote, jamais les deux à la fois.

    Là nous ne parlons pas d’un petit défaut mais d’un défaut majeur, de ceux qui font écrou­ler tout un système.

    * * *

    Nous votons aujourd’­hui dans une répu­blique rela­ti­ve­ment apai­sée. Oui, malgré tout ce qui se passe, j’as­sume de le dire.

    Aujourd’­hui reti­rer le secret du vote amène­rait de graves consé­quences pour la démo­cra­tie et pour les citoyens, mais ne chan­ge­rait pas forcé­ment signi­fi­ca­ti­ve­ment le résul­tat en bout d’élec­tion.

    Aujourd’­hui lais­ser le gouver­ne­ment, une auto­rité indé­pen­dante ou un groupe d’ex­perts garan­tir le fonc­tion­ne­ment d’un vote élec­tro­nique ne serait pas un risque impor­tant. Je leur fait rela­ti­ve­ment confiance pour ne pas tricher à ce point.

    Mais demain ?

    Demain expri­mer publique­ment certaines opinions fera porter un risque sérieux sur soi ou sur ses proches.

    Demain le pouvoir aura suffi­sam­ment de poids et assez peu de respect pour oser tricher à grande échelle sur les votes natio­naux, surtout s’il sait qu’il n’y aura pas vrai­ment de traces.

    Les choix je les prends en fonc­tion de demain, pas unique­ment d’aujourd’­hui.

    * * *

    Il ne s’agit pas d’être pessi­miste. Comme dans la maxime « après la pluie vient le beau temps », la ques­tion n’est pas de savoir « si » mais de savoir « quand ». Un jour la situa­tion sera grave.

    Ce demain existe d’ailleurs déjà à plus d’un endroit du globe. Il a aussi existé plus d’une fois dans notre passé à nous. C’est dire combien il est crédible.

    Il suffit parfois de peu, et notre actua­lité le montre encore. Un atten­tat terro­riste et nous sommes prêts à sacri­fier quelques liber­tés. Il suffi­rait d’un quelque chose pour que le futur soit diffé­rent, que les volon­tés ne se résument pas à des jeux poli­tiques en vue de la prochaine élec­tion. Des guerres ont été déclen­chées pour si peu.

    Notre répu­blique apai­sée est encore jeune, fragile. Demain ne sera pas aussi beau. Le système de vote actuel avec le secret du vote et la trans­pa­rence de l’urne ne suffira pas forcé­ment à empê­cher des jours noirs, mais il peut tout de même éviter certains futurs, en frei­ner d’autres, ou donner des leviers pour en sortir plus rapi­de­ment.

    * * *

    Une chose est certaine, sans sacra­li­ser le système actuel – encore moins le vote lui-même – je ne suis pas prêt à imagi­ner aujourd’­hui le vote élec­tro­nique là où il n’est pas indis­pen­sable. Ce serait dange­reux, un peu pour aujourd’­hui, beau­coup pour demain.

    S’il vous plait, aidez-moi à faire un barrage systé­ma­tique à au vote élec­tro­nique. J’ai un fils. Je veux lui lais­ser une frac­tion du rêve démo­cra­tique.

  • Nous nous habi­tuons, et c’est grave

    L’ac­cep­ta­tion gran­dis­sante de l’op­pres­sion quoti­dienne me fait peur.

    ( J’ai vu une vidéo (*) il y a quelques jours où la police a demandé à un mendiant de défaire ses deux prothèses aux jambes, posé toutes ses posses­sions devant lui, lui qui n’avait déjà plus qu’un bras. La vidéo montre la police qui s’en va après, sans répondre aux inter­pel­la­tions, et le mendiant qui tente de tout raccro­cher et remettre son jean avec l’aide d’un passant et de son seul bras. Violence et humi­lia­tion sont le quoti­dien.)

    J’ai vu une vidéo hier où on voyait les senti­nelles de l’ar­mée avec leur famas soute­nir une simple inter­pel­la­tion de police un peu exces­sive et qui se faisait près d’eux, face à la foule. Je suis certain qu’ils n’avaient que de bonnes inten­tions mais le problème est énorme. Nous nous habi­tuons.

    Aujourd’­hui je croise un vigile privé derrière le contrôle à l’em­barque­ment SNCF. Rien de forcé­ment anor­mal, au cas où un voya­geur contrôlé s’ex­cite. Vigile en noir avec bras­sard orange, rangers aux pieds, équipé de gants de combat coqués orien­tés poing améri­cain.

    Sur Inter­net je trouve les mêmes, dans des boutiques para-mili­taires, orienté inter­ven­tion et marqué « forces de l’ordre – mili­taires ».

    Tout ça semble normal mais je veux qu’on m’ex­plique. Je ne parle pas de la police ferro­viaire, qui même si elle est armée ne se permet­trait pas un tel accou­tre­ment, mais bien d’un vigile privé, les mêmes qu’on trouve devant les super­mar­chés… en gants de combat, dans une simple mission d’ac­com­pa­gne­ment pour un filtrage pré-embarque­ment.

    Des vigiles privés habillés pour la bagarre. Contrô­leurs, voya­geurs, tout ceci est devenu telle­ment notre quoti­dien que je n’ai vu personne fron­cer les sour­cils.