Catégorie : Politique et société

  • [Commen­taire] Un député propose la consul­ta­tion systé­ma­tique des inter­nautes pour tout projet de loi

    [Le député souhaite] géné­ra­li­ser « la consul­ta­tion publique en ligne, par l’in­ter­net, sur les textes de loi avant leur examen par le Parle­ment », comme le rapporte nos confrères de NextIn­pact.

    […]

    Le député assure qu’« En assu­rant la dose supplé­men­taire de parti­ci­pa­tion et de trans­pa­rence que permet le numé­rique dans notre démo­cra­tie repré­sen­ta­tive, la consul­ta­tion publique par l’in­ter­net peut contri­buer à retis­ser le lien de confiance distendu – notam­ment dans l’in­ter­valle entre les élec­tions – entre repré­sen­tants et repré­sen­tés ».

    Mais quelle bêtise… C’est voir à quel point même nos dépu­tés comprennent la démo­cra­tie (c’est à dire très peu). Dommage parce que je suis convaincu que l’in­ten­tion est bonne.

    Si votre première réponse est « à quoi il sert alors mon député si je donne mon avis direc­te­ment ? » vous êtes sur la bonne voie.

    Aujourd’­hui nous avons une démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Le député repré­sente le peuple, faute de savoir effi­ca­ce­ment faire discu­ter et voter le peuple dans son ensemble, à plein temps (*).

    Bref, le député vote et débat au nom du peuple.

    Si on savait consul­ter le peuple sur chaque projet de loi, d’une façon qui soit un mini­mum repré­sen­ta­tive (disons au moins autant que l’est notre Assem­blée natio­nale, c’est à dire à la marge), autant lui lais­ser le pouvoir de déci­sion.

    Ce serait même génial : avoir des repré­sen­tants pour prépa­rer et discu­ter des textes, trou­ver le bon équi­libre et le compro­mis qui a du sens – diffi­cile de faire ça à 70 millions de personnes, surtout qu’en­trer dans la complexité des textes demande du temps – mais lais­ser le peuple pour voter et déci­der.

    Là je dis OK. Ça serait d’ailleurs logique. Aujourd’­hui les dépu­tés votent peu, et quand ils le font c’est essen­tiel­le­ment en suivant les consignes du parti. Ils l’ex­pliquent d’ailleurs très bien quand on leur reproche leur absence dans l’hé­mi­cycle : leur vrai travail effi­cace se fait avant, ailleurs. Prenons-les au mot.


    Vous l’avez deviné, ce n’est pas ce qui est proposé. Reti­rer le pouvoir aux dépu­tés et le remettre au peuple ? quand bien même les dépu­tés ne seraient qu’une chambre d’en­re­gis­tre­ment et ne s’en servi­raient qu’é­pi­so­dique­ment, jamais ils n’ac­cep­te­ront.

    Non, ils veulent consul­ter. Sans repré­sen­ta­ti­vité claire, avec mille façons de récu­pé­rer un résul­tat biaisé (**), et pour un rendu volu­mi­neux, complexe et coûteux en temps à inter­pré­ter.

    Par contre, quand bien même la consul­ta­tion marque­rait une demande évidente et très expli­cite, ils n’au­raient aucune obli­ga­tion de la suivre. On l’a d’ailleurs vu avec la loi sur le numé­rique qui a inau­guré cette idée de consul­ta­tion préa­lable.

    Le peuple débat, l’élite décide. On nous vend de la démo­cra­tie parti­ci­pa­tive. S’il y a bien du parti­ci­pa­tif – c’est à dire qu’ils consentent à nous lais­ser parti­ci­per, atten­tion à ne pas confondre avec colla­bo­ra­tif – il n’y a pas vrai­ment là de démo­cra­tie. L’élite qui décide ce que débat le peuple, c’est même pile le contraire.

    Certains diront que c’est toujours mieux qu’ac­tuel­le­ment. Je ne suis pas d’ac­cord. Aujourd’­hui les dépu­tés peuvent déjà consul­ter la société. Certains ne s’en privent pas. On l’a d’ailleurs juste­ment fait en grand avec la loi sur le numé­rique.

    En l’ins­tau­rant en règle, surtout en le faisant avant les débats au parle­ment, on instaure clai­re­ment que le rôle du député n’est plus de travailler la loi mais bien de juger et modi­fier ce qu’a produit le peuple. Déran­geant, et pas qu’un peu.


    (*) ok, en pratique la moti­va­tion d’ori­gine est proba­ble­ment plus liée à la bour­geoi­sie d’alors, la non-confiance dans le peuple et plein de choses comme ça. Conten­tons-nous de la théo­rique pour aujourd’­hui.

    (**) la réfé­rence est la consul­ta­tion de la loi sur le numé­rique, facile à biai­ser par tel ou tel groupe qui vien­drait en masse, sans aucune garan­tie de repré­sen­ta­ti­vité, et abso­lu­ment aucune garan­tie de non-mani­pu­la­tion des résul­tats par le gouver­ne­ment – le légis­la­tif se base­rait sur une consul­ta­tion du peuple qui pour­rait tech­nique­ment être tota­le­ment mani­pu­lée par l’exé­cu­tif, bonjour le système démo­cra­tique.
    Ça pouvait avoir du sens sur une loi comme le numé­rique (à discu­ter), c’est tota­le­ment inuti­li­sable sur des sujets clivants comme le nucléaire ou l’im­mi­gra­tion, impos­sible à analy­ser sur des sujets complexes comme la fisca­lité, extrê­me­ment dange­reux sur des sujets de niche ou un lobby pour­rait tout faire bascu­ler.
    Quelqu’un a déjà vu les consul­ta­tions obli­ga­toires sur les PLU ou sur le nucléaire servir à quelque chose ? pour­tant là c’est du local, sur une commu­nauté restreinte avec des élus en prise directe. Imagi­nez la chose avec un pays de 70 millions de personnes et des élus tota­le­ment hors sol.

  • [Commen­taire] The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    La cita­tion, attri­buée à Elon Musk, iden­ti­fie très bien ce que j’ap­pelle le mana­ge­ment à la française, où la direc­tion de la société est géné­ra­le­ment pilo­tée par le commer­cial ou le finan­cier.

    Vécu plusieurs fois, souf­fert plusieurs fois. On rabote, on exploite, on essouffle, on court derrière le court terme, asser­vis. Parfois ça fonc­tionne un temps – finan­ciè­re­ment, pas humai­ne­ment. Au premier pépin, qu’il soit tech­nique, commer­cial ou stra­té­gique, c’est la traver­sée du désert.

    Il y a tant d’autres modèles. Quand je regarde ailleurs les socié­tés modernes qui m’at­tirent, je vois plutôt des entre­prises pilo­tées par la vision ou la mission qu’elles se donnent, parfois d’autres pilo­tées par le service (à l’)utili­sa­teur.

    Diffé­rence de culture, d’in­ves­tis­se­ment, de vision.

  • [Lecture] Fouilles lors d’un contrôle d’iden­tité : exigence d’in­dices objec­tifs

    Je me suis long­temps posé la ques­tion de la léga­lité des fouilles. Je n’ai jamais lu de texte clair à ce sujet. Visi­ble­ment on était dans l’usage diffi­cile ou impos­sible à remettre en cause mais sans base légale.

    Tout au plus certains sites proposent de décla­rer quelque chose comme « je n’y consens pas, je ne prête pas mon concours, mais je ne me rebelle pas au cas où vous le faites vous-même en ayant le droit de vous passer de mon consen­te­ment ».

     « la palpa­tion de sécu­rité opérée sur une personne faisant l’objet d’un contrôle d’iden­tité n’au­to­rise pas l’of­fi­cier de police judi­ciaire à procé­der, sans l’as­sen­ti­ment de l’in­té­ressé, à la fouille de sa sacoche, dès lors que cette palpa­tion n’a pas préa­la­ble­ment révélé l’exis­tence d’un indice de la commis­sion d’une infrac­tion flagrante ».

    — Cour de cassa­tion, chambre crimi­nelle, via Dalloz

    Bien évidem­ment, vous vous essayiez de lais­ser les poli­cier vous fouiller sans donner votre accord ou que vous refu­siez en citant la juris­pru­dence, vous risquez surtout d’éner­ver les forces de police et qu’ils consi­dèrent ça comme rébel­lion.

    Il reste, qu’en ces temps où la loi et les usages donnent tous les droits à l’État et la police, cette préci­sion est plus qu’ap­pré­ciable.

    Dalloz conti­nue en rappe­lant que ça ne vaut pas en cas de flagrance, ni si la palpa­tion laisse effec­ti­ve­ment penser à infrac­tion.

  • Photo­re­por­tage : Les enfants de Tcher­no­byl ont grandi

    On semble commen­cer à retrou­ver le sens des photos repor­tages et des webdoc. À l’heure où la TV ne prend aucun recul et où la presse se contente souvent de l’ac­tua­lité du moment et des refor­mu­la­tions de brèves de l’AFP, on a comme l’im­pres­sion d’un contre-courant, d’une redé­cou­verte des possi­bi­li­tés du media web.

    Le Temps sort un photo­re­por­tage bien fait sur l’en­vi­ron­ne­ment humain autour de Tcher­no­byl aujourd’­hui. Je ne peux que vous le conseiller.

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    Ce n’est pas le premier sur Le Temps, mais on repère encore le sous-domaine labs qui montre que tout ça n’est pas encore vrai­ment consi­dé­rer comme du contenu normal.

    Arte semble être un des rares à en faire vrai­ment des sujets à part entière, très réus­sis.

  • [Commen­taire] Nuit debout : Alain Finkiel­kraut chassé de la place de la Répu­blique

    « J’ai été expulsé d’une place où doivent régner la démo­cra­tie et le plura­lisme, donc cette démo­cra­tie c’est du bobard, ce plura­lisme c’est un mensonge.

    Il y a sur la place un mouve­ment de citoyens qui veulent entre autres se réap­pro­prier l’es­pace poli­tique. Ils avancent effec­ti­ve­ment les notions de démo­cra­tie et de plura­lisme.

    Ils ne sont cepen­dant pas la démo­cra­tie et le plura­lisme. Ils parti­cipent à la démo­cra­tie en tentant de la faire vivre, et au plura­lisme en ouvrant la discus­sion à d’autres que les person­na­li­tés média­tiques habi­tuelles. La nuance est impor­tante parce qu’ils n’ont aucune obli­ga­tion – pas même morale – de repré­sen­ter quiconque à part eux-mêmes, juste le devoir de porter leur voix dans un espace qui accueillera aussi celle des autres.

    Cet espace, la France, accueille déjà large­ment Alain Finkiel­raut, bien plus large­ment que 99,99% de la popu­la­tion. On ne peut pas dire que la démo­cra­tie et le plura­lisme soient morts en ne lui donnant pas le micro place de la Répu­blique.

    Europe 1 rapporte qu’il a pu écou­ter sans être gêné quand il était à côté de l’AG. L’in­ci­dent a eu lieu quand il s’en est écarté, de l’autre côté de la place où des groupes dispa­rates traînent, en marge des débats.

    Bref, rien qui ne puisse vrai­ment être imputé au mouve­ment lui-même. J’ose penser que Jean-Luc Mélan­chon à un rassem­ble­ment popu­laire LR ou Marine Le Pen à un rassem­ble­ment popu­laire de gauche auraient été bien plus chahuté qu’ici, où il n’y a eu que des invec­tives orales.

    Même si c’est un événe­ment lié à des indi­vi­dus et pas au mouve­ment lui-même, j’y vois juste­ment le plein exer­cice de la démo­cra­tie et de la liberté d’ex­pres­sion :

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    Alain Finkiel­raut c’est la figure oppo­sée à la plupart des courants qui animent le mouve­ment. Au delà, c’est celui qui théo­rise que la foule mène au tota­li­ta­risme. Bref, l’an­ti­thèse de ce que les rassem­blés à la place de la Répu­blique tentent de construire.

    Nous ne sommes pas ici dans une opinion diver­gente menant à débat, mais dans l’op­po­si­tion même à l’idée de construire le débat sur la place.

    D’au­tant que je ne venais que pour écou­ter, je ne venais même pas pour inter­ve­nir et pour faire valoir mes idées mais on a voulu puri­fier la place de la Répu­blique de ma présence et donc j’ai subi cette puri­fi­ca­tion, avec mon épouse »

    Le choix des termes n’est pas un hasard. Quelqu’un d’ha­bité à lancer des polé­miques, qui croit profon­dé­ment que ces rassem­ble­ments sont dange­reux et ne sont pas un espace de débat… étran­ge­ment il en sort une polé­mique et une posi­tion dans laquelle il peut dire qu’il est victime de la foule, que le rassem­ble­ment n’est pas sain.

    Chacun a joué le jeu qu’on atten­dait de lui, et tout le monde y a perdu. Je ne dis pas qu’il y a de quoi être fier de ce qu’il s’est passén ou que ces insultes et invec­tives sont accep­tables. De là à trans­for­mer le pyro­mane en victime, il ne faudrait pas trop se lais­ser abuser.

    Le prin­cipe même que ce léger fait divers fasse l’ac­tua­lité montre que quelque chose cloche bien plus profond.

    Sérieu­se­ment, on est en train de faire la une de tous les médias parce que quelqu’un s’est fait insulté en marge d’une mani­fes­ta­tion poli­tique ?

    Il semble surtout que ce soit un sujet parce que c’est lui, qu’il appar­tient aux person­na­li­tés et aux sphères média­tiques, et que leur montrer une oppo­si­tion à eux, que de ne pas les consi­dé­rer au centre du débat, voire les en exclure eux, ça c’est scan­da­leux. Ne serait-il pas plutôt le sujet ?

    Fina­le­ment tout ça est diable­ment inté­res­sant, mais à condi­tion de ne pas s’ar­rê­ter au premier degré du fait divers.

  • Terro­risme.

    Prendre du recul, sortir de ce qu’on croit évident et de nos préju­gés, reve­nir aux défi­ni­tions.

    Terro­risme :
    A. – Histo­rique.
    Poli­tique de terreur pratiquée pendant la Révo­lu­tion.
    Par exten­sion : emploi systé­ma­tique par un pouvoir ou par un gouver­ne­ment de mesures d’ex­cep­tion et/ou de la violence pour atteindre un but poli­tique.

    Par cette défi­ni­tion les États-Unis quali­fient tota­le­ment au prin­cipe de l’État terro­riste.

    Poli­tique exté­rieure armée, lois d’ex­cep­tions, empri­son­ne­ment de « combat­tants enne­mis » hors conven­tion de Genève, poli­tique d’exé­cu­tion arbi­traire de mili­taires et civils par des bombes venant de drones… Tout y est, le systé­ma­tisme, le pouvoir en place, les mesures d’ex­cep­tions, la violence et le but poli­tique.

    Même si les mesures d’ex­cep­tion Vigi­pi­rate sont anciennes, les liber­tés du niveau de l’état d’ur­gence sont encore fraiches. La France n’en est pas au systé­ma­tisme et on peut encore discu­ter du but poli­tique. Atten­tion toute­fois : quand on annonce vouloir garder ces mesures d’ex­cep­tion tant que le terro­risme existe, qu’on en fait un outil poli­tique, on glisse juste­ment vers un État terro­riste nous-même. Le souhai­tons-nous ?

    B. −
    Ensemble des actes de violence qu’une orga­ni­sa­tion poli­tique exécute dans le but de désor­ga­ni­ser la société exis­tante et de créer un climat d’in­sé­cu­rité tel que la prise du pouvoir soit possible.
    Par analo­gie : Atti­tude d’in­to­lé­rance, d’in­ti­mi­da­tion dans le domaine cultu­rel, intel­lec­tuel et/ou spiri­tuel.

    Là aussi, la poli­tique exté­rieure des États-Unis quali­fie tota­le­ment à la défi­ni­tion racine.

    La France est moins inter­ven­tion­niste, ou pas. Peut-être avons-nous simple­ment moins de recul sur la moti­va­tion de nos inter­ven­tions mili­taires exté­rieures. Diffi­cile de ne pas croire qu’au moins en partie notre moti­va­tion n’est pas d’ins­tau­rer un nouveau gouver­ne­ment qui nous convient mieux, c’est à dire réali­ser ou permettre une prise de pouvoir.

    On pour­raient même dire que l’état d’ur­gence aujourd’­hui est en partie une façon de créer ou entre­te­nir un senti­ment d’in­sé­cu­rité et casser les barrières exis­tantes pour des motifs élec­to­raux. Je n’irai pas jusqu’à dire que ça valide l’es­prit de la défi­ni­tion de terro­risme, mais au moins nous nous devons de faire atten­tion.

    Sur la défi­ni­tion par analo­gie, la France comme les États-Unis quali­fient là aussi très faci­le­ment. Quand on voit nos poli­tiques prin­ci­paux s’en­fon­cer dans un racisme ouvert, voir parfois une guerre de reli­gion, vouloir contrô­ler l’ap­pa­ri­tion de telle ou telle reli­gion en public ou vouloir la modé­rer telle que la voudrait l’État, parler de droit de l’hom­miste, faire peur pour mino­rer les opinions diver­gen­tes…

    Après tout est une ques­tion de propor­tion, nous ne sommes pas en Chine, mais faut-il forcé­ment être dans le pire pour s’au­to­ri­ser à prendre du recul et consi­dé­rer qu’on est sur le mauvais chemin ?


     

    Par exten­sion : emploi systé­ma­tique par un pouvoir ou par un gouver­ne­ment […]

    Le diction­naire a ses défi­ni­tions, l’usage en a d’autres.

    À l’ori­gine le terro­risme quali­fie l’État ou le pouvoir en place. Il est inté­res­sant que ces derniers aient réussi à renver­ser la défi­ni­tion pour l’ap­pliquer à ceux qui les contestent. Inté­res­sant et effrayant.

    Cela dit, même dans la défi­ni­tion popu­laire du terro­risme, c’est à dire « qui commet des actes de violence sur des civils pour des motifs reli­gieux ou poli­tiques », n’ou­blions pas que nos pays quali­fient tout autant.

    Les attaques de drones états-uniens se font pour partie sur des civils. Nos opéra­tions exté­rieures sont plus discrètes et plus anec­do­tiques mais les croire diffé­rentes serait une gros­sière erreur.


     

    Je n’ai pas parlé d’Is­raël. En partie parce que ça déclenche des polé­miques à n’en plus finir, mais aussi malheu­reu­se­ment parce qu’il n’y a pas vrai­ment place au débat. On peut trou­ver ça justi­fié mais factuel­le­ment on valide chaque défi­ni­tion, formelle ou popu­laire, sans même l’ombre d’une hési­ta­tion.

    Ça amène le dernier point, fina­le­ment évident, le terro­riste c’est celui qui utilise de la violence illé­gi­time. L’illé­gi­time c’est l’autre, peu importe dans quel camp on est. Quand il n’en reste plus qu’un, l’illé­gi­time c’est le perdant, le moins fort.

    Aujourd’­hui je suis occi­den­tal, et nous appa­rais­sons comme les plus forts. Est-ce une justi­fi­ca­tion pour nous auto­ri­ser tout cela ?

  • Stage de décon­di­tion­ne­ment

    Nous avons des stages de citoyen­neté, des stages de sensi­bi­li­sa­tion à la sécu­rité routière, des obli­ga­tions de soins psycho­lo­giques pour les agres­sions sexuelles, nous avons pensé à des stages de déra­di­ca­li­sa­tion divers, aujourd’­hui des stages sensi­bi­li­sa­tion à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

    Indi­vi­duel­le­ment je n’en critique aucun. Accu­mu­lés, en tant que peine prin­ci­pale ou complé­men­taire, je suis gêné. J’ai l’im­pres­sion qu’on glisse douce­ment vers 1984 (encore une fois), à fina­le­ment faire du condi­tion­ne­ment et du contrôle des pensées.

    Je ne nie pas la perti­nence de préve­nir de la réité­ra­tion. Je suis convaincu que des discus­sions sont infi­ni­ment plus effi­caces que des amendes ou de la prison.

    Pour autant, la diffé­rence entre condi­tion­ne­ment et décon­di­tion­ne­ment est parfois très faible. Elle tient surtout en ce qu’on croit être la bonne pensée. Je préfère que la loi et les peines s’oc­cupent des actes, pas des pensées.

    Entre un « ne le faites pas » et un « on va vous guérir et vous apprendre à penser comme il faut », il y a un pas que je ne veux pas fran­chir.

  • [Lecture] Ghosn, Tavares : les raisons de l’ex­plo­sion des rému­né­ra­tions des grands patrons

    [S]i le niveau absolu de cet écart peut légi­ti­me­ment choquer, c’est bien son évolu­tion au cours des dernières décen­nies qui consti­tue le phéno­mène le plus surpre­nant.

    En effet, cet écart n’était que de 1 à 20 aux États-Unis en 1965. C’était d’ailleurs l’écart maxi­mal de rému­né­ra­tion que recom­man­dait au début du XXe siècle le célèbre banquier J.P. Morgan, peu réputé pour son mili­tan­tisme égali­taire. L’écart est ensuite monté à 1 à 30 en 1978, à 1 à 60 en 1990, à 1 à 300 en 2000 et donc à 1 à 373 en 2015.

    Le bon entre 1990 et 2000 est impres­sion­nant : x5 en 10 ans. On peut se réjouir en se disant que l’écart augmente moins vite depuis mais nous avons eu deux crises gigan­tesques entre temps. Que l’écart augmente encore de 25% pendant cette période reste juste indé­cent.

    C’est l’ex­pli­ca­tion de l’ar­ticle qui est inté­res­sante : la publi­cité des salaires des diri­geants incite les action­naires à parti­ci­per à l’in­fla­tion.

    Payer moins cher son président que la société voisine ? Ce serait dire qu’on est plus petit, ou qu’on prend un président moins bon, ou qu’on a moins confiance dans l’ave­nir. Ce serait faire bais­ser le cours de l’ac­tion.

    Ne pas donner un bonus ou dimi­nuer la rému­né­ra­tion ? Ce serait dire que la société va mal et qu’on a peu confiance dans le président pour avoir de bons retours à court terme mais qu’on le garde quand même. Là aussi, bonjour la baisse à la bourse.

    Paraitre est plus impor­tant que tout pour la bourse, bluff et fumi­gènes en face d’un trou­peau de moutons. Entre temps on entre­tient un modèle idiot et contre-produc­tif.

  • [Commen­taire] Les habi­tants du 16ème mobi­li­sés contre un centre d’hé­ber­ge­ment pour sans-abris

    La grogne monte dans les beaux quar­tiers de Paris. L’ins­tal­la­tion d’un centre d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence pour sans abris dans le 16ème arron­dis­se­ment de la capi­tale soulève en effet une fronde chez les rive­rains. Ce centre, qui doit ouvrir ses portes d’ici à l’été, accueillera pendant trois ans des sans-abris orien­tés par le Samu social.

    Europe 1

    C’est malheu­reux mais peu éton­nant. Aider les dému­nis est une chose, mais qu’on le fasse chez les autres. Je passe sur ceux qui vont sortir leur fameuse théo­rie de « l’ap­pel d’air », comme si aider les sans domi­cile fixe allait inci­ter des gens à se lais­ser glis­ser dans cette situa­tion…

    Pour les habi­tants, un tel centre ferait en effet « tache » dans le paysage. Entre le bois de Boulogne et des immeubles cossus et des ambas­sades, dans une allée très tranquille, des préfa­briqués devraient être mis en place.

    Le problème c’est surtout qu’ici on ne mélange pas les torchons avec les serviettes. Ailleurs c’est normal, mais ici on est au-dessus de ça.

    « ils ne pouvait pas imagi­ner qu’en faisant cela ici il n’y aurait pas de réac­tions, c’est simple­ment un coup poli­tique pour embê­ter », témoigne-t-il. « Cet espèce de mépris vis-à-vis des habi­tants parce qu’on leur impose ce centre. J’ai l’im­pres­sion d’être en Corée du Nord »

    On en est au point où instal­ler un centre d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence c’est forcé­ment pour embê­ter les locaux. Quelle autre raison peut-il y avoir ? (ne souf­flez pas, j’ai bon espoir que chacun s’en rende compte seul)

    Corée du Nord, parce qu’on présente une solu­tion d’ur­gence aux sans-abris quand toutes les autres sont surchar­gés. N’ayons pas peur des mots. Les gens sont telle­ment empê­trés dans leurs privi­lèges qu’ils n’osent même pas imagi­ner être confron­tés avec la réalité des autres. Il faut de la distance entre les riches et les pauvres. Pourquoi pas un mur comme dans la série TV Trepa­lium ?

    Pour ceux qui se posent la ques­tion :

    L’ar­ticle d’Eu­rope 1 est encore assez doux. Libé­ra­tion raconte aussi de belles perles, dont la préfette de Paris qui tente de rassu­rer avec ce racisme exem­plaire :

    Je le dis avec la plus grande fermeté : il n’y aura pas de migrants dans ce centre, de personnes qui viennent d’Afrique et d’ailleurs.

    Au moins ils sont bien de chez nous, mais ça ne semble pas rassu­rer beau­coup plus. L’apar­theid est aussi au niveau écono­mique.

    Le député-maire du XVIe n’est pas en reste :

    Vous voulez dyna­mi­ter la piscine [située à proxi­mité du futur centre d’hé­ber­ge­ment, ndlr] ? Ne vous gênez pas, mais ne vous faites pas repé­rer.

    Ah ces révo­lu­tion­nai­res… Ce n’est pas comme en Corée du Nord fina­le­ment, au XVIe on ne se laisse pas faire.

    Si tout ça n’était pas aussi honteux, ça pour­rait prêter à rire.

  • « Ces conser­va­teurs qui n’ont pas encore 20 ans »

    Sauf que ces jeunes ne sont pas conser­va­teurs, ils sont progres­sistes.

    On voir le recul tempo­rel sur nous-même qui rase les pâque­rettes. Si on regarde sur une échelle de quelques mois, ces jeunes sont effec­ti­ve­ment conser­va­teurs, ils refusent le chan­ge­ment. Si on regarde d’un peu plus haut, c’est juste qu’ils s’op­posent à un retour en arrière et voudraient au contraire conti­nuer sur la voie du progrès. Poli­tique­ment ce sont des progres­sistes, ils mani­festent pour ça.

    Le rapport des forces a changé. Les conser­va­teurs ne se contentent plus de frei­ner le progrès. Ils ont désor­mais assez de force pour diri­ger les réformes et reve­nir sur les progrès acquis. Ça n’in­verse pas les rôles pour autant.

    Quand moder­ni­ser revient à dire qu’on recule de plusieurs dizaines d’an­nées… dommage alors qu’il y a de vrais enjeux de moder­ni­sa­tion à enta­mer, notam­ment sur la ques­tion des auto-entre­pre­neurs qui tendent à rempla­cer les sala­riés sans gagner en indé­pen­dance.

    Quand réfor­mer devient plus impor­tant que le contenu de la réfor­me… agir, quitte à aller dans le mauvais sens, et railler ceux qui refusent de suivre le mouve­ment.