Catégorie : Politique et société

  • Archaïsme des lois du travail

    On oppose une vision réfor­ma­trice du XXIe siècle à l’ar­chaïsme du XXe et du XIXe. J’ai­me­rai bien qu’il en soit si simple.

    Le XIXe c’est l’in­ter­dic­tion du travail des jeunes enfants et la limi­ta­tion horaire pour les plus grands. C’est le droit de grève, l’in­dem­ni­sa­tion et la respon­sa­bi­lité patro­nale des acci­dents du travail. C’est l’ins­pec­tion du travail et la liberté syndi­cale – rien que ça.

    Le XXe c’est la jour­née de repos hebdo­ma­daire obli­ga­toire, les congés payés, la sécu­rité sociale, des ampli­tudes raison­nables de travail, les allo­ca­tions fami­liales, la consti­tu­tion­na­li­sa­tion du droit de grève…

    S’il y a bien deux siècles réfor­ma­teurs au niveau du droit du travail ce sont bien ces deux là. Tout a été créé, tout ce qui nous semble non seule­ment évident mais aussi fonda­men­tal.

    À l’époque on luttait contre le conser­va­tisme et l’ar­chaïsme libé­ral, contre ceux qui parlaient d’as­sis­ta­nat, de liberté d’en­tre­prendre bafouée, de règles inap­pli­cables.

    Aujourd’­hui, comme à l’avant-guerre, les libé­raux reviennent avec les mêmes argu­ments, pour reve­nir à l’ex­ploi­ta­tion des masses via le travail comme au XIXe siècle, juste­ment.

    Quand on veut permettre de dépas­ser les 11h par jour de travail, on souhaite ni plus ni moins retour­ner aux règles d’avant 1900. Rien que ça. L’ar­chaïsme n’est pas où l’on croit.

    Media­part a aussi un bel article sur ce sujet.

  • [Lecture] Disney CEO asks employees to chip in to pay copy­right lobbyists

    The Walt Disney Company has a repu­ta­tion for lobbying hard on copy­right issues. […] This year, the company is turning to its employees to fund some of that battle.

    C’est marrant comme les grandes entre­prises sont pour un pur libé­ra­lis­me… sauf vis à vis de leurs employés. Là, plutôt que de consi­dé­rer qu’il y a vente de temps de travail contre rému­né­ra­tion, on leur demande d’adhé­rer à un projet idéo­lo­gique collec­tif. Libé­ra­lisme à l’ex­té­rieur, commu­nisme (à sens unique) à l’in­té­rieur.

    In 2016, Congress will further discuss various tax reform propo­sals. While compre­hen­sive reform is unli­kely, acti­vity in the coming year will lay the foun­da­tion for what many expect to be a genuine oppor­tu­nity for reform in early 2017. We have been active educa­ting Members of Congress on the impor­tance of lowe­ring the corpo­rate tax rate to be compe­ti­tive with the rest of the world.

    En gros Disney demande à ses employés de béné­vo­le­ment contri­buer au lobbying de la société pour payer moins de taxes à l’État. Taxes qui financent les infra­struc­tures et la collec­ti­vité, donc qui profitent aux employés, les plus pauvres en prio­rité.

    « For your conve­nience, DisneyPAC has imple­men­ted a payroll deduc­tion system, through which your contri­bu­tions to the PAC will be deduc­ted from your weekly paycheck, »

    Donc Disney sait qui accepte de contri­buer et combien. Vous la sentez la pres­sion sociale où les plus précaires vont se sentir obli­gés de contri­buer, contre leur inté­rêt et poten­tiel­le­ment contre leurs croyances, par peur d’être mis à l’écart ?

    « Your contri­bu­tion is impor­tant to all of us, but I want to empha­size that all contri­bu­tions are volun­tary and have no impact on your job status, perfor­mance review, compen­sa­tion, or employ­ment, » writes Iger. « Any amount given or the deci­sion not to give will not advan­tage or disad­van­tage you. »

    Deux façons de le voir. Soit on a tota­le­ment confiance, et cette préci­sion est la bien­ve­nue. Soit on est en situa­tion de dépen­dance, avec une société qui écrase un peu l’or­ga­ni­sa­tion interne, et cette préci­sion aura surtout pour effet de rappe­ler que peut-être…

    Même pas besoin d’ef­fec­ti­ve­ment véri­fier les contri­bu­tions de chacun. Cette simple phrase peut inci­ter certains à se poser des ques­tions, à avoir peur, ou à contri­buer au cas où parce qu’on ne sait jamais. Le pire c’est qu’en­suite Disney pourra dire qu’ils ont respecté leur enga­ge­ment de ne pas avoir influen­cer les carrières sur ce critère. Magni­fique.

    Sur Ars Tech­nica, détes­table consé­quence du finan­ce­ment poli­tique à l’amé­ri­caine.

  • [Réac­tion] J’ai mangé la moitié de son goûter

    Parlante ? elle est sacré­ment trom­peuse.

    Grâce aux impôts, taxes et coti­sa­tions, il a un goûter. Rien que ça.

    C’est à dire que son père a béné­fi­cié de l’école qui lui a permis d’avoir un travail quali­fié et de payer un goûter à son fils. Que la même école a formé aussi son boulan­ger et l’a instruit pour lui permettre de savoir comment poser la ques­tion.

    C’est à dire qu’il y a une police pour éviter que le voisin prenne tout son goûter, vole les matières premières ou la produc­tion du boulan­ger.

    C’est à dire qu’il y a des règles et une justice pour les faire appliquer afin que le père ne soit pas exploité 15h par jour et qu’il puisse répondre à son fils, et pour que le boulan­ger soit astreint à des règles sani­taires qui permettent de manger le goûter sans partir à l’hô­pi­tal.

    C’est à dire juste­ment qu’il y a un hôpi­tal, dans lequel statis­tique­ment il a déjà fait un tour et qui lui permet d’être en bonne condi­tion pour manger son goûter, ou même simple­ment encore vivant grâce aux vaccins.

    C’est à dire qu’il y a une armée pour éviter d’être à la merci du premier voisin hostile venu, parce que les réfu­giés des pays en guerre n’ont pas tous un goûter non plus.

    C’est à dire qu’il a peut-être aussi une famille qui béné­fi­cie de l’aide au loge­ment, de l’al­lo­ca­tion fami­liale, du revenu de soli­da­rité active, de l’aide handi­capé ou d’une aide quel­conque.

    C’est à dire qu’il a des routes et des infra­struc­tures pour qu’un idiot puisse poster cette image débile sur Inter­net.

    Non l’image n’est pas parlante, elle est sacré­ment trom­peuse et malsaine.

    Que ce soit un maga­zine entre­pre­neu­riat qui colporte ces imbé­ci­li­tés n’a rien d’ex­tra­or­di­naire.

    J’en ai ma claque de ces entre­pre­neurs qui râlent contre les impôts, les taxes et les coti­sa­tions comme si la collec­ti­vité n’avait que pour seul but de leur prendre les fruits de leur labeur.

    Ils oublient un peu vite que s’ils étaient en Soma­lie ils n’au­raient certai­ne­ment pas entre­pris. S’ils en ont été capable c’est que eux, leurs employés et leurs clients ont l’édu­ca­tion, l’in­fra­struc­ture, l’en­vi­ron­ne­ment et les aides qui vont bien pour ça, et que tout ça est juste­ment payé avec les impôts. Le pire c’est que la plupart d’entre eux n’en payent juste­ment pas ou peu des impôts. Ne parlons même pas de ceux qui râlent contre les coti­sa­tions sociales et qui s’en font exoné­rer la majo­rité à l’aide des JEI, CIR et autres CII, ou qui se font subven­tion­ner et accom­pa­gner direc­te­ment par la BPI ou d’autres dispo­si­tifs

    Entre­pre­neurs, redes­cen­dez sur terre : si jamais vous réus­sis­sez, ça sera grâce aux impôts ; si vous avez été capables d’en­tre­prendre, c’est aussi grâce aux impôts.

    Alors votre histoire de 50% du pain au choco­lat…

  • [Lecture] Régres­sions du monde sala­rié

    Croisé sur le web:

    On peut discu­ter point par point, et c’est fait sur la source de cette image, mais au final j’ai encore et toujours l’im­pres­sion que nos poli­tiques sont dans une novlangue perma­nente.

    S’ils pensent qu’il faut libé­ra­li­ser le contrat de travail, qu’ils l’as­sument, mais parler de droits des sala­riés pour ce conte­nu… ça me fati­gue…

  • La langue des signes et Paris Web racon­tés par une licorne

    Une des choses dont je suis le plus fier vis à vis de Paris-Web, c’est l’ar­ri­vée de la langue des signes et de la vélo­ty­pie.

    Les inter­prètes LSF font un boulot magni­fique au milieu d’un trou­peau de geeks qui parlent en fran­glais plein de jargon et d’acro­nymes, à toute vitesse. En octobre dernier l’équipe a proposé à une de ces inter­prètes de racon­ter comment ça se passe de l’in­té­rieur. C’est une des trois confé­rences à ne pas manquer de cette édition, et elle est pour vous en vidéo :

    Confé­rence LSF from Paris-Web on Vimeo.

    Il s’agit d’un gros budget, pour quelques uns. Ce n’est pas facile tous les ans et à chaque fois que c’est un peu tendu je suis certain que la ques­tion revient sur la table. Pour autant à chaque fois ça tient, même quand il y a un défi­cit.

    Pour moi c’est dans les valeurs de l’évé­ne­ment mais c’est aussi une façon de montrer par l’exemple qu’on peut tenter d’in­clure tout le monde.

  • Faire passer un recul de l’éga­lité pour un progrès

    J’avoue parta­ger cette fasci­na­tion.

    Nous avons créé la sécu­rité sociale pour ça. Puis nous dimi­nuons pas à pas l’idée, au point que la mutuelle s’im­pose comme néces­saire.

    Aujourd’­hui nous parlons de charges à allé­ger dans les entre­prises, de prélè­ve­ments obli­ga­toires trop impor­tants, de pacte de respon­sa­bi­lité à 40 milliards. Derrière ce sont nos coti­sa­tions sociales, qui dimi­nuent, tout simple­ment.

    Nous créons les condi­tions pour ne plus pouvoir assu­rer la sécu­rité sociale.

    * * *

    Plus simple­ment, nous migrons d’un système public vers un système privé (et forte­ment lucra­tif).

    Les petits salaires n’ont pas de quoi payer une mutuelle privée ? rendons là obli­ga­toire. L’en­tre­prise en paiera une part. Le sala­rié finira par payer aussi si on lui présente bien que c’est pour obte­nir une meilleure couver­ture, genre payer l’or­tho­don­tie ou les lunettes de vue, qui ne sont pour­tant pas super­flues dans la vie.

    Pour parfaire, histoire que ce ne soit pas trop visible avec le chômage actuel, on prévoit aussi la conti­nuité de la mutuelle pendant un an entre deux boulots.

    Au final on paye autant, voire plus, mais ça n’est plus vu dans le registre charges et les mauvaises pres­ta­tions ne sont plus la respon­sa­bi­lité de l’État.

    Pendant ce temps on peut réduire les pres­ta­tions du système public et faire bascu­ler peu à peu vers un privé de plus en plus indis­pen­sable. On pourra ensuite culpa­bi­li­ser les assis­tés qui restent à charge du public via la CMU.

    La créa­tion de la CMU est peut-être le plus éclai­rant. Il s’agit d’ac­ter très clai­re­ment que la sécu­rité sociale ne couvre même pas le mini­mum indis­pen­sable et qu’il est abso­lu­ment néces­saire d’y adjoindre une complé­men­taire. Au point que nous la four­nis­sons à ceux qui ne peuvent pas la payer.

    * * *

    Entre temps, nos gouver­ne­ments arrivent à faire passer l’aban­don progres­sif de la sécu­rité sociale comme un progrès : désor­mais vous aurez une couver­ture santé complé­men­taire.

    Pourquoi diable n’au­rait-on pas une couver­ture de base suffi­sante via la sécu­rité sociale ? Mystère et boule de gomme.

  • [Cita­tion] Dans une démo­cra­tie, ce sont les citoyens qui surveillent les poli­tiques. Pas l’in­verse

    Lu sur le réseau :

    Dans quel cas pensez-vous que nous sommes aujourd’­hui ?

    Rien que de me rallier aux propos d’An­ti­gone montre à quel point notre gouver­ne­ment est tota­le­ment hors contrôle.

  • [Lecture] Les égoïsmes euro­péens ont tué Aylan une deuxième fois

    À lire :

    En quelques mois, la plupart des pays euro­péens ont jeté par dessus bord leurs valeurs, celles héri­tées de la Seconde Guerre mondiale et de son cortège d’hor­reurs et qui ont fondé la construc­tion commu­nau­taire.

    […] Aujourd’­hui, la bien-pensance n’hé­site pas à accu­ser ces pays d’avoir créé un appel d’air en se montrant géné­reux, comme si la Grèce ou l’Ita­lie auraient pu seules stop­per les arri­vants ! Si les diri­geants euro­péens veulent créer des camps de concen­tra­tion à Lesbos, à Leros ou à Lampe­dusa ou souhaitent que les garde-côtes de ces pays coulent les bateaux avant qu’ils ne touchent les côtes euro­péennes, qu’ils le disent.

    […] Pétri­fiés par la peur d’une inva­sion fantas­mée qu’ils entre­tiennent par leurs réac­tions, ils jettent par dessus bord les valeurs sur lesquelles reposent les démo­cra­ties. Des régimes auto­ri­taires, natio­na­listes et mépri­sants des droits de l’homme, voilà la réponse de diri­geants médiocres à un drame huma­ni­taire sans précé­dent depuis la guerre.

    par Jean Quatre­mer

    L’au­teur n’a pour­tant rien d’un alter­mon­dia­liste. À lire en entier. Ce qu’on dira de nous dans les livres d’his­toire risque de nous faire honte, à nous et à nos enfants.

  • [Lecture] L’état d’ur­gence, une atteinte aux liber­tés

    Lu sur le web :

    C’est cela l’état d’ur­gence : être en règle avec la loi ne suffit pas, il faut en plus que le minis­tère de l’in­té­rieur ne vous consi­dère pas comme une menace pour l’ordre public

    […]

    Dans l’échelle de la protec­tion des liber­tés, il y a donc trois degrés : – respec­ter la loi – ne pas être une menace pour l’ordre public – ne pas donner des raisons de penser que l’on peut être une menace pour l’ordre public.

    chez Gilles Devers, via Clochix

    Nous avons dérivé, loin. Dans tout ce qui est inter­venu récem­ment, et qui ne semble pas prêt de s’ar­rê­ter, l’ar­bi­traire devient la règle.

    Quand on dit que l’État de droit se meurt, ce n’est pas tant que l’État est hors la loi, mais que le droit n’est plus l’éta­lon pour juger. L’im­por­tant devient le juge­ment arbi­traire de l’État.

  • [Lecture] NSA Can Repor­tedly Track Phones Even When They’re Turned Off

    Réflexion à partir d’une lecture sur le web :

    In 2006, it was repor­ted that the FBI had deployed spyware to infect suspects’ mobile phones and record data even when they were turned off. The NSA may have resor­ted to a simi­lar method in Iraq, albeit on a much larger scale by infec­ting thou­sands of users at one time. Though diffi­cult, the mass targe­ting of popu­la­tions with Trojan spyware is possi­ble—and not unheard of. In 2009, for instance, thou­sands of BlackBerry users in the United Arab Emirates were targe­ted with spyware that was disgui­sed as a legi­ti­mate update. The update drai­ned users’ batte­ries and was even­tually expo­sed by resear­chers, who iden­ti­fied that it had appa­rently been desi­gned by U.S. firm SS8, which sells “lawful inter­cep­tion” tools to help govern­ments conduct surveillance of commu­ni­ca­tions.

    sur Slate

    Rien de neuf, malheu­reu­se­ment. Il y a dix ans, avant même les smart­phones, la règle lors de réunions de gestion de projet chez des contruc­teurs de télé­phone portable était « télé­phones sur la table, batte­rie déta­chée ». Non, ce n’était pas à cause des inter­rup­tions poten­tielles.

    La diffé­rence c’est qu’ils crai­gnaient proba­ble­ment l’es­pion­nage indus­triel. Aujourd’­hui c’est de notre État que vient la menace de surveillance. Ceux qui devraient nous proté­ger deviennent la menace prin­ci­pale. L’État garant des liberté était l’âge de la géné­ra­tion précé­dente. Désor­mais nous avons bel et bien des États poli­ciers. Aujourd’­hui ce sont des États poli­ciers modé­rés, un peu comme des dicta­teurs éclai­rés, mais les digues ont sauté pour demain.