Catégorie : Politique et société

  • De la violence légi­time

    On m’a inculqué dès mon jeune âge que la violence doit être le dernier recours. Encore plus la violence physique. Encore plus celle qui se fait contre des indi­vi­dus.

    De mon éduca­tion j’ai tiré une aver­sion impor­tante pour toute forme de trans­gres­sion, moi qui n’en ai jamais eu besoin.

    Au fur et à mesure j’ap­prends, et cette bulle (ainsi que le reste de la planche) exprime une réalité impor­tante avant de critiquer toute action de révolte. Quand c’est l’op­pres­seur qui fait les règle, la violence de l’op­pressé peut se discu­ter.

    Il reste que la situa­tion est compliquée.

    Je comprends que certains mani­fes­tants cherchent à forcer un barrage, que des écolo­gistes démontent un Mac Do, ou qu’ils fauchent un champ d’OGM.

    Je ne vais donc pas dire que je soutiens – ce n’est pas mon mode d’ac­tion – mais au moins je peux comprendre que ça puisse être perti­nent ou légi­time. C’est d’au­tant plus vrai quand on suit les prin­cipes de déso­béis­sance civile et qu’on est prêt à assu­mer les consé­quences légales de ses actes.

    Ça n’est pas un chèque en blanc non plus. Tout n’est pas accep­table simple­ment parce qu’on lutte contre une oppres­sion ressen­tie, et en parti­cu­lier les violences contre les indi­vi­dus ou les violences gratuites qui n’ap­portent rien à la lutte.

    Pour prendre un exemple concret : on peut argu­men­ter autant qu’on veut sur le fumi­gène qui a récem­ment mis feu à une voiture de police mais frap­per à coups de barre le poli­cier désarmé, non offen­sif et isolé qui sort de sa voiture en train de prendre feu, je ne vois toujours pas comment l’ac­cep­ter.

    En face, quand bien même ils repré­sentent l’op­pres­seur supposé, il y a des humains, et il ne faut pas l’ou­blier.

  • Vote dans une répu­blique apai­sée, aujourd’­hui et demain

    Il propose alors un système permet­tant aux citoyens soit de lais­ser faire leurs dépu­tés, soit de voter direc­te­ment les lois sur Inter­net. Quand un citoyen s’ex­prime direc­te­ment, sa portion de vote est décomp­tée à tous les parle­men­taires sans distinc­tion. Il s’agit d’ins­tau­rer un droit de veto que « les citoyens exer­ce­raient contre les lois qui leur portent préju­dice. Ils obli­ge­raient ainsi ceux qui dirigent et légi­fèrent à penser beau­coup plus à ce qu’ils vont faire, à faire des lois qui profitent à tous, sinon tout le monde s’y oppo­sera ».

    L’idée est inté­res­sante en ce qu’elle permet la démo­cra­tie directe sans impo­ser à tout un chacun de se dépla­cer pour tout tout le temps. On assure aussi une grada­tion puisque le groupe qui a une opinion assez forte sur un sujet pour s’y expri­mer direc­te­ment a une influence plus forte que ceux qui laissent faire.

    Il y a d’autres biais, comme sur-repré­sen­ter ceux qui ont le temps de s’in­ves­tir par rapport aux autres. Il y a d’autres problèmes, comme encou­ra­ger les gens à expri­mer une opinion rapide, donc souvent infor­mée unique­ment sur la base des cari­ca­tures ou des résu­més portées dans les média.

    Malgré ces défauts, l’idée reste sédui­sante. Ce n’est pas comme si le système actuel n’avait pas des défauts large­ment aussi grands. J’ai bon espoir que le regain de contrôle que pren­draient les citoyens pour­rait relan­cer un peu l’es­prit poli­tique, et donc contre-balan­cer ces défauts.

    * * *

    Ce qui me gêne ce n’est pas tout ça, c’est que par la force des choses on imagine faire repo­ser toute la struc­ture sur le vote élec­tro­nique, encore une fois.

    C’est vrai que c’est pratique mais aujourd’­hui, en l’état de nos connais­sances, le vote élec­tro­nique peut garan­tir la sincé­rité du résul­tat ou le secret du vote, jamais les deux à la fois.

    Là nous ne parlons pas d’un petit défaut mais d’un défaut majeur, de ceux qui font écrou­ler tout un système.

    * * *

    Nous votons aujourd’­hui dans une répu­blique rela­ti­ve­ment apai­sée. Oui, malgré tout ce qui se passe, j’as­sume de le dire.

    Aujourd’­hui reti­rer le secret du vote amène­rait de graves consé­quences pour la démo­cra­tie et pour les citoyens, mais ne chan­ge­rait pas forcé­ment signi­fi­ca­ti­ve­ment le résul­tat en bout d’élec­tion.

    Aujourd’­hui lais­ser le gouver­ne­ment, une auto­rité indé­pen­dante ou un groupe d’ex­perts garan­tir le fonc­tion­ne­ment d’un vote élec­tro­nique ne serait pas un risque impor­tant. Je leur fait rela­ti­ve­ment confiance pour ne pas tricher à ce point.

    Mais demain ?

    Demain expri­mer publique­ment certaines opinions fera porter un risque sérieux sur soi ou sur ses proches.

    Demain le pouvoir aura suffi­sam­ment de poids et assez peu de respect pour oser tricher à grande échelle sur les votes natio­naux, surtout s’il sait qu’il n’y aura pas vrai­ment de traces.

    Les choix je les prends en fonc­tion de demain, pas unique­ment d’aujourd’­hui.

    * * *

    Il ne s’agit pas d’être pessi­miste. Comme dans la maxime « après la pluie vient le beau temps », la ques­tion n’est pas de savoir « si » mais de savoir « quand ». Un jour la situa­tion sera grave.

    Ce demain existe d’ailleurs déjà à plus d’un endroit du globe. Il a aussi existé plus d’une fois dans notre passé à nous. C’est dire combien il est crédible.

    Il suffit parfois de peu, et notre actua­lité le montre encore. Un atten­tat terro­riste et nous sommes prêts à sacri­fier quelques liber­tés. Il suffi­rait d’un quelque chose pour que le futur soit diffé­rent, que les volon­tés ne se résument pas à des jeux poli­tiques en vue de la prochaine élec­tion. Des guerres ont été déclen­chées pour si peu.

    Notre répu­blique apai­sée est encore jeune, fragile. Demain ne sera pas aussi beau. Le système de vote actuel avec le secret du vote et la trans­pa­rence de l’urne ne suffira pas forcé­ment à empê­cher des jours noirs, mais il peut tout de même éviter certains futurs, en frei­ner d’autres, ou donner des leviers pour en sortir plus rapi­de­ment.

    * * *

    Une chose est certaine, sans sacra­li­ser le système actuel – encore moins le vote lui-même – je ne suis pas prêt à imagi­ner aujourd’­hui le vote élec­tro­nique là où il n’est pas indis­pen­sable. Ce serait dange­reux, un peu pour aujourd’­hui, beau­coup pour demain.

    S’il vous plait, aidez-moi à faire un barrage systé­ma­tique à au vote élec­tro­nique. J’ai un fils. Je veux lui lais­ser une frac­tion du rêve démo­cra­tique.

  • Nous nous habi­tuons, et c’est grave

    L’ac­cep­ta­tion gran­dis­sante de l’op­pres­sion quoti­dienne me fait peur.

    ( J’ai vu une vidéo (*) il y a quelques jours où la police a demandé à un mendiant de défaire ses deux prothèses aux jambes, posé toutes ses posses­sions devant lui, lui qui n’avait déjà plus qu’un bras. La vidéo montre la police qui s’en va après, sans répondre aux inter­pel­la­tions, et le mendiant qui tente de tout raccro­cher et remettre son jean avec l’aide d’un passant et de son seul bras. Violence et humi­lia­tion sont le quoti­dien.)

    J’ai vu une vidéo hier où on voyait les senti­nelles de l’ar­mée avec leur famas soute­nir une simple inter­pel­la­tion de police un peu exces­sive et qui se faisait près d’eux, face à la foule. Je suis certain qu’ils n’avaient que de bonnes inten­tions mais le problème est énorme. Nous nous habi­tuons.

    Aujourd’­hui je croise un vigile privé derrière le contrôle à l’em­barque­ment SNCF. Rien de forcé­ment anor­mal, au cas où un voya­geur contrôlé s’ex­cite. Vigile en noir avec bras­sard orange, rangers aux pieds, équipé de gants de combat coqués orien­tés poing améri­cain.

    Sur Inter­net je trouve les mêmes, dans des boutiques para-mili­taires, orienté inter­ven­tion et marqué « forces de l’ordre – mili­taires ».

    Tout ça semble normal mais je veux qu’on m’ex­plique. Je ne parle pas de la police ferro­viaire, qui même si elle est armée ne se permet­trait pas un tel accou­tre­ment, mais bien d’un vigile privé, les mêmes qu’on trouve devant les super­mar­chés… en gants de combat, dans une simple mission d’ac­com­pa­gne­ment pour un filtrage pré-embarque­ment.

    Des vigiles privés habillés pour la bagarre. Contrô­leurs, voya­geurs, tout ceci est devenu telle­ment notre quoti­dien que je n’ai vu personne fron­cer les sour­cils.

  • [Commen­taire] Un député propose la consul­ta­tion systé­ma­tique des inter­nautes pour tout projet de loi

    [Le député souhaite] géné­ra­li­ser « la consul­ta­tion publique en ligne, par l’in­ter­net, sur les textes de loi avant leur examen par le Parle­ment », comme le rapporte nos confrères de NextIn­pact.

    […]

    Le député assure qu’« En assu­rant la dose supplé­men­taire de parti­ci­pa­tion et de trans­pa­rence que permet le numé­rique dans notre démo­cra­tie repré­sen­ta­tive, la consul­ta­tion publique par l’in­ter­net peut contri­buer à retis­ser le lien de confiance distendu – notam­ment dans l’in­ter­valle entre les élec­tions – entre repré­sen­tants et repré­sen­tés ».

    Mais quelle bêtise… C’est voir à quel point même nos dépu­tés comprennent la démo­cra­tie (c’est à dire très peu). Dommage parce que je suis convaincu que l’in­ten­tion est bonne.

    Si votre première réponse est « à quoi il sert alors mon député si je donne mon avis direc­te­ment ? » vous êtes sur la bonne voie.

    Aujourd’­hui nous avons une démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Le député repré­sente le peuple, faute de savoir effi­ca­ce­ment faire discu­ter et voter le peuple dans son ensemble, à plein temps (*).

    Bref, le député vote et débat au nom du peuple.

    Si on savait consul­ter le peuple sur chaque projet de loi, d’une façon qui soit un mini­mum repré­sen­ta­tive (disons au moins autant que l’est notre Assem­blée natio­nale, c’est à dire à la marge), autant lui lais­ser le pouvoir de déci­sion.

    Ce serait même génial : avoir des repré­sen­tants pour prépa­rer et discu­ter des textes, trou­ver le bon équi­libre et le compro­mis qui a du sens – diffi­cile de faire ça à 70 millions de personnes, surtout qu’en­trer dans la complexité des textes demande du temps – mais lais­ser le peuple pour voter et déci­der.

    Là je dis OK. Ça serait d’ailleurs logique. Aujourd’­hui les dépu­tés votent peu, et quand ils le font c’est essen­tiel­le­ment en suivant les consignes du parti. Ils l’ex­pliquent d’ailleurs très bien quand on leur reproche leur absence dans l’hé­mi­cycle : leur vrai travail effi­cace se fait avant, ailleurs. Prenons-les au mot.


    Vous l’avez deviné, ce n’est pas ce qui est proposé. Reti­rer le pouvoir aux dépu­tés et le remettre au peuple ? quand bien même les dépu­tés ne seraient qu’une chambre d’en­re­gis­tre­ment et ne s’en servi­raient qu’é­pi­so­dique­ment, jamais ils n’ac­cep­te­ront.

    Non, ils veulent consul­ter. Sans repré­sen­ta­ti­vité claire, avec mille façons de récu­pé­rer un résul­tat biaisé (**), et pour un rendu volu­mi­neux, complexe et coûteux en temps à inter­pré­ter.

    Par contre, quand bien même la consul­ta­tion marque­rait une demande évidente et très expli­cite, ils n’au­raient aucune obli­ga­tion de la suivre. On l’a d’ailleurs vu avec la loi sur le numé­rique qui a inau­guré cette idée de consul­ta­tion préa­lable.

    Le peuple débat, l’élite décide. On nous vend de la démo­cra­tie parti­ci­pa­tive. S’il y a bien du parti­ci­pa­tif – c’est à dire qu’ils consentent à nous lais­ser parti­ci­per, atten­tion à ne pas confondre avec colla­bo­ra­tif – il n’y a pas vrai­ment là de démo­cra­tie. L’élite qui décide ce que débat le peuple, c’est même pile le contraire.

    Certains diront que c’est toujours mieux qu’ac­tuel­le­ment. Je ne suis pas d’ac­cord. Aujourd’­hui les dépu­tés peuvent déjà consul­ter la société. Certains ne s’en privent pas. On l’a d’ailleurs juste­ment fait en grand avec la loi sur le numé­rique.

    En l’ins­tau­rant en règle, surtout en le faisant avant les débats au parle­ment, on instaure clai­re­ment que le rôle du député n’est plus de travailler la loi mais bien de juger et modi­fier ce qu’a produit le peuple. Déran­geant, et pas qu’un peu.


    (*) ok, en pratique la moti­va­tion d’ori­gine est proba­ble­ment plus liée à la bour­geoi­sie d’alors, la non-confiance dans le peuple et plein de choses comme ça. Conten­tons-nous de la théo­rique pour aujourd’­hui.

    (**) la réfé­rence est la consul­ta­tion de la loi sur le numé­rique, facile à biai­ser par tel ou tel groupe qui vien­drait en masse, sans aucune garan­tie de repré­sen­ta­ti­vité, et abso­lu­ment aucune garan­tie de non-mani­pu­la­tion des résul­tats par le gouver­ne­ment – le légis­la­tif se base­rait sur une consul­ta­tion du peuple qui pour­rait tech­nique­ment être tota­le­ment mani­pu­lée par l’exé­cu­tif, bonjour le système démo­cra­tique.
    Ça pouvait avoir du sens sur une loi comme le numé­rique (à discu­ter), c’est tota­le­ment inuti­li­sable sur des sujets clivants comme le nucléaire ou l’im­mi­gra­tion, impos­sible à analy­ser sur des sujets complexes comme la fisca­lité, extrê­me­ment dange­reux sur des sujets de niche ou un lobby pour­rait tout faire bascu­ler.
    Quelqu’un a déjà vu les consul­ta­tions obli­ga­toires sur les PLU ou sur le nucléaire servir à quelque chose ? pour­tant là c’est du local, sur une commu­nauté restreinte avec des élus en prise directe. Imagi­nez la chose avec un pays de 70 millions de personnes et des élus tota­le­ment hors sol.

  • [Commen­taire] The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    The moment the CFO becomes CEO—it’s done. Game over.

    La cita­tion, attri­buée à Elon Musk, iden­ti­fie très bien ce que j’ap­pelle le mana­ge­ment à la française, où la direc­tion de la société est géné­ra­le­ment pilo­tée par le commer­cial ou le finan­cier.

    Vécu plusieurs fois, souf­fert plusieurs fois. On rabote, on exploite, on essouffle, on court derrière le court terme, asser­vis. Parfois ça fonc­tionne un temps – finan­ciè­re­ment, pas humai­ne­ment. Au premier pépin, qu’il soit tech­nique, commer­cial ou stra­té­gique, c’est la traver­sée du désert.

    Il y a tant d’autres modèles. Quand je regarde ailleurs les socié­tés modernes qui m’at­tirent, je vois plutôt des entre­prises pilo­tées par la vision ou la mission qu’elles se donnent, parfois d’autres pilo­tées par le service (à l’)utili­sa­teur.

    Diffé­rence de culture, d’in­ves­tis­se­ment, de vision.

  • [Lecture] Fouilles lors d’un contrôle d’iden­tité : exigence d’in­dices objec­tifs

    Je me suis long­temps posé la ques­tion de la léga­lité des fouilles. Je n’ai jamais lu de texte clair à ce sujet. Visi­ble­ment on était dans l’usage diffi­cile ou impos­sible à remettre en cause mais sans base légale.

    Tout au plus certains sites proposent de décla­rer quelque chose comme « je n’y consens pas, je ne prête pas mon concours, mais je ne me rebelle pas au cas où vous le faites vous-même en ayant le droit de vous passer de mon consen­te­ment ».

     « la palpa­tion de sécu­rité opérée sur une personne faisant l’objet d’un contrôle d’iden­tité n’au­to­rise pas l’of­fi­cier de police judi­ciaire à procé­der, sans l’as­sen­ti­ment de l’in­té­ressé, à la fouille de sa sacoche, dès lors que cette palpa­tion n’a pas préa­la­ble­ment révélé l’exis­tence d’un indice de la commis­sion d’une infrac­tion flagrante ».

    — Cour de cassa­tion, chambre crimi­nelle, via Dalloz

    Bien évidem­ment, vous vous essayiez de lais­ser les poli­cier vous fouiller sans donner votre accord ou que vous refu­siez en citant la juris­pru­dence, vous risquez surtout d’éner­ver les forces de police et qu’ils consi­dèrent ça comme rébel­lion.

    Il reste, qu’en ces temps où la loi et les usages donnent tous les droits à l’État et la police, cette préci­sion est plus qu’ap­pré­ciable.

    Dalloz conti­nue en rappe­lant que ça ne vaut pas en cas de flagrance, ni si la palpa­tion laisse effec­ti­ve­ment penser à infrac­tion.

  • Photo­re­por­tage : Les enfants de Tcher­no­byl ont grandi

    On semble commen­cer à retrou­ver le sens des photos repor­tages et des webdoc. À l’heure où la TV ne prend aucun recul et où la presse se contente souvent de l’ac­tua­lité du moment et des refor­mu­la­tions de brèves de l’AFP, on a comme l’im­pres­sion d’un contre-courant, d’une redé­cou­verte des possi­bi­li­tés du media web.

    Le Temps sort un photo­re­por­tage bien fait sur l’en­vi­ron­ne­ment humain autour de Tcher­no­byl aujourd’­hui. Je ne peux que vous le conseiller.

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    Ce n’est pas le premier sur Le Temps, mais on repère encore le sous-domaine labs qui montre que tout ça n’est pas encore vrai­ment consi­dé­rer comme du contenu normal.

    Arte semble être un des rares à en faire vrai­ment des sujets à part entière, très réus­sis.

  • [Commen­taire] Nuit debout : Alain Finkiel­kraut chassé de la place de la Répu­blique

    « J’ai été expulsé d’une place où doivent régner la démo­cra­tie et le plura­lisme, donc cette démo­cra­tie c’est du bobard, ce plura­lisme c’est un mensonge.

    Il y a sur la place un mouve­ment de citoyens qui veulent entre autres se réap­pro­prier l’es­pace poli­tique. Ils avancent effec­ti­ve­ment les notions de démo­cra­tie et de plura­lisme.

    Ils ne sont cepen­dant pas la démo­cra­tie et le plura­lisme. Ils parti­cipent à la démo­cra­tie en tentant de la faire vivre, et au plura­lisme en ouvrant la discus­sion à d’autres que les person­na­li­tés média­tiques habi­tuelles. La nuance est impor­tante parce qu’ils n’ont aucune obli­ga­tion – pas même morale – de repré­sen­ter quiconque à part eux-mêmes, juste le devoir de porter leur voix dans un espace qui accueillera aussi celle des autres.

    Cet espace, la France, accueille déjà large­ment Alain Finkiel­raut, bien plus large­ment que 99,99% de la popu­la­tion. On ne peut pas dire que la démo­cra­tie et le plura­lisme soient morts en ne lui donnant pas le micro place de la Répu­blique.

    Europe 1 rapporte qu’il a pu écou­ter sans être gêné quand il était à côté de l’AG. L’in­ci­dent a eu lieu quand il s’en est écarté, de l’autre côté de la place où des groupes dispa­rates traînent, en marge des débats.

    Bref, rien qui ne puisse vrai­ment être imputé au mouve­ment lui-même. J’ose penser que Jean-Luc Mélan­chon à un rassem­ble­ment popu­laire LR ou Marine Le Pen à un rassem­ble­ment popu­laire de gauche auraient été bien plus chahuté qu’ici, où il n’y a eu que des invec­tives orales.

    Même si c’est un événe­ment lié à des indi­vi­dus et pas au mouve­ment lui-même, j’y vois juste­ment le plein exer­cice de la démo­cra­tie et de la liberté d’ex­pres­sion :

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    Alain Finkiel­raut c’est la figure oppo­sée à la plupart des courants qui animent le mouve­ment. Au delà, c’est celui qui théo­rise que la foule mène au tota­li­ta­risme. Bref, l’an­ti­thèse de ce que les rassem­blés à la place de la Répu­blique tentent de construire.

    Nous ne sommes pas ici dans une opinion diver­gente menant à débat, mais dans l’op­po­si­tion même à l’idée de construire le débat sur la place.

    D’au­tant que je ne venais que pour écou­ter, je ne venais même pas pour inter­ve­nir et pour faire valoir mes idées mais on a voulu puri­fier la place de la Répu­blique de ma présence et donc j’ai subi cette puri­fi­ca­tion, avec mon épouse »

    Le choix des termes n’est pas un hasard. Quelqu’un d’ha­bité à lancer des polé­miques, qui croit profon­dé­ment que ces rassem­ble­ments sont dange­reux et ne sont pas un espace de débat… étran­ge­ment il en sort une polé­mique et une posi­tion dans laquelle il peut dire qu’il est victime de la foule, que le rassem­ble­ment n’est pas sain.

    Chacun a joué le jeu qu’on atten­dait de lui, et tout le monde y a perdu. Je ne dis pas qu’il y a de quoi être fier de ce qu’il s’est passén ou que ces insultes et invec­tives sont accep­tables. De là à trans­for­mer le pyro­mane en victime, il ne faudrait pas trop se lais­ser abuser.

    Le prin­cipe même que ce léger fait divers fasse l’ac­tua­lité montre que quelque chose cloche bien plus profond.

    Sérieu­se­ment, on est en train de faire la une de tous les médias parce que quelqu’un s’est fait insulté en marge d’une mani­fes­ta­tion poli­tique ?

    Il semble surtout que ce soit un sujet parce que c’est lui, qu’il appar­tient aux person­na­li­tés et aux sphères média­tiques, et que leur montrer une oppo­si­tion à eux, que de ne pas les consi­dé­rer au centre du débat, voire les en exclure eux, ça c’est scan­da­leux. Ne serait-il pas plutôt le sujet ?

    Fina­le­ment tout ça est diable­ment inté­res­sant, mais à condi­tion de ne pas s’ar­rê­ter au premier degré du fait divers.

  • Terro­risme.

    Prendre du recul, sortir de ce qu’on croit évident et de nos préju­gés, reve­nir aux défi­ni­tions.

    Terro­risme :
    A. – Histo­rique.
    Poli­tique de terreur pratiquée pendant la Révo­lu­tion.
    Par exten­sion : emploi systé­ma­tique par un pouvoir ou par un gouver­ne­ment de mesures d’ex­cep­tion et/ou de la violence pour atteindre un but poli­tique.

    Par cette défi­ni­tion les États-Unis quali­fient tota­le­ment au prin­cipe de l’État terro­riste.

    Poli­tique exté­rieure armée, lois d’ex­cep­tions, empri­son­ne­ment de « combat­tants enne­mis » hors conven­tion de Genève, poli­tique d’exé­cu­tion arbi­traire de mili­taires et civils par des bombes venant de drones… Tout y est, le systé­ma­tisme, le pouvoir en place, les mesures d’ex­cep­tions, la violence et le but poli­tique.

    Même si les mesures d’ex­cep­tion Vigi­pi­rate sont anciennes, les liber­tés du niveau de l’état d’ur­gence sont encore fraiches. La France n’en est pas au systé­ma­tisme et on peut encore discu­ter du but poli­tique. Atten­tion toute­fois : quand on annonce vouloir garder ces mesures d’ex­cep­tion tant que le terro­risme existe, qu’on en fait un outil poli­tique, on glisse juste­ment vers un État terro­riste nous-même. Le souhai­tons-nous ?

    B. −
    Ensemble des actes de violence qu’une orga­ni­sa­tion poli­tique exécute dans le but de désor­ga­ni­ser la société exis­tante et de créer un climat d’in­sé­cu­rité tel que la prise du pouvoir soit possible.
    Par analo­gie : Atti­tude d’in­to­lé­rance, d’in­ti­mi­da­tion dans le domaine cultu­rel, intel­lec­tuel et/ou spiri­tuel.

    Là aussi, la poli­tique exté­rieure des États-Unis quali­fie tota­le­ment à la défi­ni­tion racine.

    La France est moins inter­ven­tion­niste, ou pas. Peut-être avons-nous simple­ment moins de recul sur la moti­va­tion de nos inter­ven­tions mili­taires exté­rieures. Diffi­cile de ne pas croire qu’au moins en partie notre moti­va­tion n’est pas d’ins­tau­rer un nouveau gouver­ne­ment qui nous convient mieux, c’est à dire réali­ser ou permettre une prise de pouvoir.

    On pour­raient même dire que l’état d’ur­gence aujourd’­hui est en partie une façon de créer ou entre­te­nir un senti­ment d’in­sé­cu­rité et casser les barrières exis­tantes pour des motifs élec­to­raux. Je n’irai pas jusqu’à dire que ça valide l’es­prit de la défi­ni­tion de terro­risme, mais au moins nous nous devons de faire atten­tion.

    Sur la défi­ni­tion par analo­gie, la France comme les États-Unis quali­fient là aussi très faci­le­ment. Quand on voit nos poli­tiques prin­ci­paux s’en­fon­cer dans un racisme ouvert, voir parfois une guerre de reli­gion, vouloir contrô­ler l’ap­pa­ri­tion de telle ou telle reli­gion en public ou vouloir la modé­rer telle que la voudrait l’État, parler de droit de l’hom­miste, faire peur pour mino­rer les opinions diver­gen­tes…

    Après tout est une ques­tion de propor­tion, nous ne sommes pas en Chine, mais faut-il forcé­ment être dans le pire pour s’au­to­ri­ser à prendre du recul et consi­dé­rer qu’on est sur le mauvais chemin ?


     

    Par exten­sion : emploi systé­ma­tique par un pouvoir ou par un gouver­ne­ment […]

    Le diction­naire a ses défi­ni­tions, l’usage en a d’autres.

    À l’ori­gine le terro­risme quali­fie l’État ou le pouvoir en place. Il est inté­res­sant que ces derniers aient réussi à renver­ser la défi­ni­tion pour l’ap­pliquer à ceux qui les contestent. Inté­res­sant et effrayant.

    Cela dit, même dans la défi­ni­tion popu­laire du terro­risme, c’est à dire « qui commet des actes de violence sur des civils pour des motifs reli­gieux ou poli­tiques », n’ou­blions pas que nos pays quali­fient tout autant.

    Les attaques de drones états-uniens se font pour partie sur des civils. Nos opéra­tions exté­rieures sont plus discrètes et plus anec­do­tiques mais les croire diffé­rentes serait une gros­sière erreur.


     

    Je n’ai pas parlé d’Is­raël. En partie parce que ça déclenche des polé­miques à n’en plus finir, mais aussi malheu­reu­se­ment parce qu’il n’y a pas vrai­ment place au débat. On peut trou­ver ça justi­fié mais factuel­le­ment on valide chaque défi­ni­tion, formelle ou popu­laire, sans même l’ombre d’une hési­ta­tion.

    Ça amène le dernier point, fina­le­ment évident, le terro­riste c’est celui qui utilise de la violence illé­gi­time. L’illé­gi­time c’est l’autre, peu importe dans quel camp on est. Quand il n’en reste plus qu’un, l’illé­gi­time c’est le perdant, le moins fort.

    Aujourd’­hui je suis occi­den­tal, et nous appa­rais­sons comme les plus forts. Est-ce une justi­fi­ca­tion pour nous auto­ri­ser tout cela ?

  • Stage de décon­di­tion­ne­ment

    Nous avons des stages de citoyen­neté, des stages de sensi­bi­li­sa­tion à la sécu­rité routière, des obli­ga­tions de soins psycho­lo­giques pour les agres­sions sexuelles, nous avons pensé à des stages de déra­di­ca­li­sa­tion divers, aujourd’­hui des stages sensi­bi­li­sa­tion à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

    Indi­vi­duel­le­ment je n’en critique aucun. Accu­mu­lés, en tant que peine prin­ci­pale ou complé­men­taire, je suis gêné. J’ai l’im­pres­sion qu’on glisse douce­ment vers 1984 (encore une fois), à fina­le­ment faire du condi­tion­ne­ment et du contrôle des pensées.

    Je ne nie pas la perti­nence de préve­nir de la réité­ra­tion. Je suis convaincu que des discus­sions sont infi­ni­ment plus effi­caces que des amendes ou de la prison.

    Pour autant, la diffé­rence entre condi­tion­ne­ment et décon­di­tion­ne­ment est parfois très faible. Elle tient surtout en ce qu’on croit être la bonne pensée. Je préfère que la loi et les peines s’oc­cupent des actes, pas des pensées.

    Entre un « ne le faites pas » et un « on va vous guérir et vous apprendre à penser comme il faut », il y a un pas que je ne veux pas fran­chir.