Catégorie : Politique et société

  • Dans un système démo­cra­tique

    Je suis un peu effrayé de voir dans mes discus­sions récentes tant de gens qui sont prêt à se conten­ter d’un « il aura été élu ».

    Il m’en faut beau­coup plus que ça.

    Élire un président une fois tous les cinq ans ne suffit pas à un système démo­cra­tique, surtout avec une élec­tion au scru­tin unino­mi­nal tel qu’on l’a. Quel que soit le président qui sortira de l’élec­tion de mai cette année, il sera bien diffi­cile de prétendre que son projet est l’af­fir­ma­tion de la volonté du peuple (ou même de la majo­rité du peuple).

    La volonté du peuple elle est bien plus riche. Elle ne se résume pas en quelques points de projet sans détail précis, surtout quand le vote du second tour risque d’être surtout « est-ce que je veux Mme Le Pen au pouvoir ? ».

    Ce n’est pas pour rien qu’on a tout un parle­ment, deux assem­blées, et au total 1 000 élus pour débattre et voter. Déjà qu’eux-même sont assez peu repré­sen­ta­tifs de la propor­tion réelle des choix du peuple… n’en rajou­tons pas.

    Dans ce système chaque élu l’est pour lui délé­guer certaines charges, et celles-ci seule­ment, limi­tées dans le temps mais aussi dans leurs pouvoirs. Chacun a un rôle bien précis, qui permet de créer un ensemble avec des contre-pouvoirs, des gardes-fou, des débats. À défaut de voir le peuple déci­der direc­te­ment, on s’as­sure qu’il soit repré­senté au mieux et on limite le plus possible le risque que les pouvoirs soient concen­trés et abusés.

     

    Savoir où se situe la limite de la démo­cra­tie dans un système repré­sen­ta­tif est un débat inter­mi­nable, mais clai­re­ment « il a été élu » est tout sauf une garan­tie de démo­cra­tie. Ça n’au­to­rise pas tout. C’est à peine le début du commen­ce­ment. Ce n’est d’ailleurs même pas un passage obligé.

    Après tout, on peut très bien élire des rois ou des dicta­teurs.

  • Déman­te­ler l’idée même de l’au­to­rité

    « Sur l’en­semble du quinquen­nat je propose de réduire les effec­tifs de la fonc­tion publique de 8 %, a-t-il rappelé. C’est une néces­sité. C’est un objec­tif raison­nable ».

    Dénonçant « cet état d’es­prit qui nous a conduits à déman­te­ler l’idée même de l’au­to­rité », le candi­dat des Répu­bli­cains s’est inter­rogé :

    « A quoi sert-il de battre des records d’ef­fec­tifs, si dans les banlieues toujours plus de quar­tiers sont inac­ces­sibles aux poli­ciers et aux pompiers, si dans les tribu­naux toujours plus de jeunes délinquants ressortent libres, si dans les écoles toujours plus de profes­seurs entrent dans leurs classes avec la peur au ventre ? »

    C’est vrai, c’est logique. Pour contrer le déman­tè­le­ment de l’au­to­rité, rédui­sons donc les effec­tifs des poli­ciers, pompiers, juges et profes­seurs. Quitte à avoir de mauvais résul­tats, autant carré­ment faire chaise vide. Ce n’est même plus un aveu d’échec, c’est carré­ment un aban­don.

    – Extrait de La Tribune, cita­tions de François Fillon

  • Des trans­ports en commun gratuits

    J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi l’ac­cès aux trans­ports en commun n’est pas gratuit dans la plupart des métro­poles. J’in­clus là dedans les systèmes collec­tifs de vélos à la demande.

    Le fait de rendre le bus complè­te­ment gratuit coûtera 4,5 millions d’eu­ros à la commu­nauté urbaine [de Dunkerque], soit 10 % du budget total consa­cré aux bus — 20 Minutes

    4.5 millions d’eu­ros. C’est énorme mais… ce n’est pas la ques­tion. On parle de trans­port en commun gratuit mais en réalité il s’agit de trans­ports en commun finan­cés par la collec­ti­vité, et c’est déjà bien diffé­rent.

    Les gens paie­ront, de toutes façons. Il s’agit juste de savoir si on consi­dère que le trans­port est un enjeu collec­tif avec un béné­fice au niveau de la ville ou si c’est pure­ment indi­vi­duel. Si c’est une néces­sité pour la ville, il n’y a rien de choquant à le payer de façon collec­tive.

    Sachant ce que ça peut appor­ter comme service, comme attrait, comme flui­dité pour l’em­ploi, ou simple­ment comme réduc­tion des infra­struc­tures routières ou de leur encom­bre­ment, comme réduc­tion de pollu­tion… il y a peu de doutes pour moi.

    * * *

    Mais pour ceux qui veulent discu­ter chiffres, 4.5 millions ça repré­sente une dizaine de rond-points. Dans le budget de la ville, ils en dépensent déjà 2 millions rien que pour l’in­ves­tis­se­ment sur le station­ne­ment. Il faut 12.5 millions par an pour la voirie (10 millions annuels plus une enve­loppe d’au­tant répar­tie sur 5 ans pour l’in­ves­tis­se­ment).

    4.5 millions ça reste signi­fi­ca­tif sur un budget total de l’ordre de 190 millions, mais il y a bien des services qui ont un rapport utilité sociale / coût bien plus faible. Sans comp­ter que… « si l’on divise [ce] coût par le nombre de voya­geurs, et que ce nombre augmente forte­ment, alors on aura un service plus effi­cace »

    Ques­tion de choix poli­tique plus que de montant donc.

    * * *

    Ce n’est que le cas de Dunkerque. Ailleurs ça peut être autre­ment. Il semble que la billet­te­rie repré­sente 30% du coût à Lille. Le cas excep­tion­nel de Paris fait qu’on y monte à 52%.

    On peut déjà réduire d’un bon tiers en préle­vant direc­te­ment aux entre­prises ce qu’elles finançaient de toutes façons via le rembour­se­ment obli­ga­toire de moitié des abon­ne­ments de trans­port.

    Il reste­rait donc 20 à 35% du coût dans le cas le pire (esti­ma­tion perso au doigt mouillé). Oui c’est énorme, mais encore une fois ce n’est pas un coût à faire payer en plus mais un coût à faire payer autre­ment.

    Quand on sait que ce sont les plus pauvres qui prennent le plus les trans­ports en commun ou payent des tickets à l’unité, on voit que rendre tota­le­ment collec­tif le coût du trans­port en commun n’est pas un enjeu neutre socia­le­ment.

  • De la presse et des images

    Parce que le sujet est sensible il n’est jamais vain de rappe­ler : Ce sont mon opinion, mes pensées, mais ce ne sont que mon opinion et mes pensées, aujourd’­hui, en fonc­tion de ce en quoi je crois et avec ce que j’ai vécu.
    Je ne prétends pas avoir La Vérité. Vous avez le droit d’avoir une posi­tion diffé­rente, de l’ex­po­ser. Je ne vous demande que de m’en concé­der autant, avec respect et ouver­ture. Peut-être que nous évolue­rons en échan­geant.
    Ne venez ici que si vous êtes prêts à avoir le même état d’es­prit.


    Fallait-il la publier ? L’hor­reur de l’image d’aujourd’­hui était-elle néces­saire pour faire passer l’in­for­ma­tion et la prise de conscience ? Fran­che­ment je n’en sais rien mais mon propre avis n’a que peu d’im­por­tance dans l’his­toire.

    Ça n’a que peu d’im­por­tance parce qu’il me semble essen­tiel qu’un jour­nal d’in­for­ma­tion sérieux ait la liberté de faire ses propres juge­ments sur la ques­tion, et qu’au­cune auto­rité morale ne puisse dire que tel ou tel sujet est trop choquant pour faire partie de l’in­for­ma­tion.

    J’y tiens et ça me parait essen­tiel.

    * * *

    On m’au­rait posé la ques­tion avant publi­ca­tion, j’au­rais proba­ble­ment jugé que la photo de l’en­fant mort sur une plage il y a plusieurs mois étaient inutile et irres­pec­tueuse. Vu ce qu’a déclen­ché cette photo, j’au­rais eu tort. C’est le déclen­cheur de l’ac­cueil de dizaines ou centaines de milliers de réfu­giés et d’une prise de conscience d’une partie de l’opi­nion publique.

    Cette image a certai­ne­ment provoqué des trau­ma­tismes forts mais elle a aussi sauvé des vies. Trop peu par rapport à ce qui aurait été possible, mais des vies ont été sauvées.

    Je ne me vois pas dire que les problèmes que peu causer l’image ou sa publi­ca­tion sont insi­gni­fiant face à son rôle et son impact sur la société. Ça n’au­rait aucun sens. Les humains ne se jugent pas en compa­rant des chiffres dans un tableau. Mais juste­ment : Je me refuse aussi à dire le contraire.

    Parfois le jour­nal fait un choix de publi­ca­tion radi­cal. Des fois l’his­toire montre qu’ils ont eu raison. Des fois ce n’aura pas été le cas. Des fois les avis divergent même après coup.

    Je ne sais pas ce qu’il en sera pour l’image d’aujourd’­hui mais je défie quiconque de prétendre savoir à coup sûr. L’im­pact et la néces­sité sont bien diffi­ciles à juger, même après coup.

    * * *

    Et puisque ça a été une partie de la discus­sion : Je comprends ce que veut dire déclen­cher des angoisses ou des états impos­sibles qui peuvent durer des semaines ou amener au suicide. Je ne le nie pas, je ne le dimi­nue pas. C’est inima­gi­nable de me croire le faire pour ceux qui ont connu mon passé. C’en est même insul­tant.

    Mais en même temps je ne peux deman­der à la presse de masquer toutes les images et tous les sujets qui peuvent être un déclen­cheur chez quelqu’un. Je ne le souhaite même pas. Il ne reste­rait rien.

    * * *

    Je me rappelle qu’il y a à peine quelques années tout le monde défen­dait le droit à la publi­ca­tion de cari­ca­tures reli­gieuses.

    On ne parle pas ici de trau­ma­tismes mais ce n’est pas plus léger pour autant. Pour ces cari­ca­tures on a assumé le risques d’at­ten­tat et de morts. Plus loin, on a eu des morts à cause de ça. Des morts, et bien entendu tous les trau­ma­tismes qui vont avec pour les survi­vants.

    Publier ces cari­ca­tures n’avait aucune autre moti­va­tion que de défendre le droit de les publier. Et pour­tant, malgré les morts, malgré qu’on ne préten­dait aider à sauver personne, je n’en connais pas un qui oserait aujourd’­hui dire qu’on aurait du l’in­ter­dire.

    Alors oui, je crois que de la même façon on ne devrait pas inter­dire ou même repro­cher la publi­ca­tion d’une image d’hor­reur qui d’après leurs éditeurs ont un vrai but d’in­for­ma­tion, de prise de conscience et de mouve­ment d’opi­nion.

    * * *

    Je n’au­rais proba­ble­ment pas fait ce choix de publi­ca­tion mais je défend le droit à Libé­ra­tion de le faire. Même si ça pose plein de ques­tions toutes aussi justes les unes que les autres. Même si ça cause des trau­ma­tismes forts à des gens. Même si ça tue. Parce que s’ils jugent que ça a la moindre chance de peser dans le débat public, ça peut aussi faci­li­ter une inter­ven­tion et sauver toute une popu­la­tion, direc­te­ment aujourd’­hui ou indi­rec­te­ment demain.

    Oui c’est moche, et c’est une réflexion froide de ma part parce que juste­ment ce cas ci ne me déclenche rien moi-même, mais je n’ai pas d’autre réponse que celle-ci.

  • Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque

    « Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque est une démarche qui s’ins­crit dans la logique de droits cultu­rels. »

    Ques­tion de vision de la culture. Moi j’at­tends le contraire, qu’il n’y ait pas besoin d’ins­crip­tion préa­lable, que quiconque puisse emprun­ter dans une biblio­thèque de passage avec une simple carte d’iden­tité.

    Qu’on ne me parle pas de vol et de contrôle. Ce n’est pas comme si les preuves de domi­cile deman­dées lors des inscrip­tions étaient fiables. Ce n’est pas comme si les biblio­thèques enclen­chaient des procé­dures judi­ciaires pour récu­pé­rer les livres. Si besoin était – ce qui n’est pas aussi évident qu’il n’y parait – il suffi­rait d’un proces­sus natio­nal pour que les biblio­thèques puissent se retour­ner contre les usagers à partir de cette carte d’iden­tité.

  • Évidem­ment, ce n’est pas la voiture qui s’est vengée

    Lot : après une dispute, une femme meurt écra­sée par la voiture de son mari
    Le Pari­sien

    Forcé­ment ça ironise. On se moque du titre avec la voiture possé­dée qui écrase seule la femme, par pure coïn­ci­dence après une dispute de couple.

    En réalité je trouve cette ironie assez moche.

    Évidem­ment, intui­ti­ve­ment on y lit qu’il y a eu une dispute et que la femme a ensuite été volon­tai­re­ment écra­sée par son mari.

    C’est intui­tif, probable, mais on n’en sait rien, pas à la simple lecture de l’ar­ticle.

    La police enquête et véri­fie. C’est son boulot de juste­ment ne pas se conten­ter de dire « c’est évident » sans savoir. Pas de fausse naïveté non plus puisqu’il est clai­re­ment dit que le mari est en garde à vue depuis hier. On peut se douter que la police a les mêmes présomp­tions intui­tives que chacun de nous.

    Entre temps, nous on ne sait rien, mais alors rien du tout. On n’a aucun témoi­gnage, aucun récit de l’évé­ne­ment. On ne sait pas comment la femme a été écra­sée. On ne sait même pas si le mari était au volant. En fait on ne sait même pas si quelqu’un était au volant ou si la voiture a été lâchée en roue libre sur une côte. C’est quand même peu pour prétendre l’évi­dence.

    Sauter aux conclu­sions c’est faire justice sur des stéréo­types ou les proba­bi­li­tés, et ça n’est à l’hon­neur de personne.

    * * *

    Pour une fois l’ar­ticle est au contraire très bien fait. On ne sait pas grand chose mais le jour­na­liste expose les faits sans détour. C’est à peu près tout ce qu’il peut faire en l’état.

    Aurait-il fallu qu’il titre « Il tue sa femme en l’écra­sant à cause d’une dispute » alors qu’il n’a aucun élément pour ça à part l’évi­dente suspi­cion que tout le monde verra de toutes façons ?

    Personne ne prétend que la voiture, possé­dée par je ne sais quel esprit, a sauté seule sur la victime. Le jour­na­liste pousse l’idée d’une culpa­bi­lité de l’homme dès la première phrase de l’ar­ticle, en hauteur double :

    Un homme d’une soixan­taine d’an­nées est en garde à vue depuis jeudi et la mort de sa femme à Prays­sac (Lot).

     

    Diffi­cile d’être plus expli­cite sur les faits sans confondre les proba­bi­li­tés avec la réalité. Pour une fois qu’un jour­na­liste présente un article comme il faut sans biais ni sur-inter­pré­ta­tion, n’al­lons pas lui repro­cher.

    * * *

    Il y a un vrai problème où la presse écarte trop souvent la respon­sa­bi­lité des atteintes aux femmes ou aux mino­ri­tés. Je fais toute­fois la diffé­rence entre celui qui excuse et celui qui ne sait pas.

    Je n’ai – malheu­reu­se­ment – pas la solu­tion au problème géné­ral mais je ne crois pas qu’ajou­ter des injus­tices en compense d’autres. Ce n’est que mon opinion, mais j’ai plutôt tendance à croire que les maux s’ajoutent entre eux.

  • Pour une sécu­rité sociale

    Je ne comprends pas comment on peut accep­ter d’in­di­vi­dua­li­ser les couver­tures santé.

    Par nature ça veut dire que certaines couver­tures ne rembour­se­ront que partiel­le­ment, ou pas tous les types de soins. Bien évidem­ment ce sont prin­ci­pa­le­ment les plus pauvres qui prennent ces couver­tures au rabais, voire qui s’en passent. Dans le meilleur des cas on augmente l’ex­po­si­tion aux risques de ceux qui pour­ront le moins en suppor­ter l’im­pact.

    Tout ce qu’on obtient c’est qu’ils renoncent aux soins :

    Ce système, à bout de souffle, conduit entre 21 et 36 % des Français à renon­cer aux soins pour des raisons finan­cières (pdf). Derrière ces statis­tiques, il y a des enfants sans lunettes alors qu’ils en auraient besoin (ce qui entraîne parfois un retard scolaire) ; des dents qu’on arrache au lieu de les soigner ; des bron­chites négli­gées qui dégé­nèrent, des personnes âgées qui s’isolent de plus en plus faute d’ap­pa­reil audi­tif …

    Le pire c’est que ça finit par coûter plus cher à la collec­ti­vité en plus d’être un désastre pour les concer­nés.

    On cherche juste à réduire les coûts, par idéo­lo­gie, ou en compa­rant les prélè­ve­ments avec des pays dont le système est payé direc­te­ment par les citoyens.

    Cela n’em­pêche ni M. Fillon ni M. Emma­nuel Macron (En marche !) de prévoir une baisse des dépenses de l’as­su­rance-mala­die : 20 milliards d’eu­ros d’éco­no­mies en cinq ans pour le premier ; 15 milliards pour le second. «  On ne peut avoir des dépenses de santé qui augmentent trois fois plus vite que la créa­tion de richesses  », professe M. Macron, pour­tant guère gêné de voir les distri­bu­tions de divi­dendes augmen­ter, elles, dix fois plus que les richesses produites.

    On a déjà réduit les crédits plus qu’il n’est possible, lais­sant les hôpi­taux dans un épui­se­ment humain et admi­nis­tra­tif, et sans aucune marge de manœuvre. La grippe annuelle arrive à épui­ser les lits dispo­nibles. Le moindre imprévu ne peut plus être géré parce que tout est fait pour suppri­mer tout ce qui semble super­flu par rapport au fonc­tion­ne­ment quoti­dien, et qu’on en a supprimé encore un peu plus pour forcer à faire des écono­mies.

    Il ne reste plus qu’à dimi­nuer les rembour­se­ments. On couvre moins de choses, ou en en rembour­sant une part plus faible. Ce faisant on en laisse plus aux mutuelles, dans un cercle vicieux qui laisse de côté les plus pauvres.

    Ce n’est même pas rentable écono­mique­ment :

    Sur 100 euros de coti­sa­tions reçues par les complé­men­taires, 15 à 19 % partent en frais de gestion (et de publi­cité) (pdf), contre 4 à 5 % pour la Sécu­rité sociale. Aucune «  ratio­na­lité écono­mique  » ne justi­fie donc que l’on préfère l’une à l’autre. Au contraire : un guichet public unique qui rembour­se­rait tout «  permet­trait de gagner 7 milliards d’eu­ros  », précise M. Noam Ambrou­rousi, spécia­liste de la santé et conseiller de M. Mélen­chon. Pour en mesu­rer l’im­por­tance, il faut se rappe­ler que le fameux «  trou  » de la Sécu­rité sociale s’élève à 4,7 milliards d’eu­ros.

    Et bien entendu, il s’agit surtout de segmen­ter. Les jeunes cadre ont beau jeu de mili­ter pour leur liberté de choix. Il s’agit surtout de segmen­ter. On segmente ceux qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas, mais on segmente aussi les jeunes et les vieux, les handi­ca­pés lourds et les autres, ceux dont on sait qu’ils ont un ennui de santé sérieux et les autres.

    Forcé­ment, le jeune cadre en bonne santé paye moins cher à ce jeu… mais c’est au prix de la soli­da­rité avec les autres. C’est la logique écono­mique d’un assu­reur qui calcule le risque indi­vi­duel mais est-ce souhai­table socia­le­ment ?

    La logique de la sécu­rité sociale unique c’est juste­ment la frater­nité, et s’as­su­rer que personne ne doive renon­cer.

    Dans une tribune reten­tis­sante, ils ont réclamé une prise en charge des soins à 100 %, ainsi qu’une fusion de la Sécu­rité sociale et des complé­men­taires santé (Le Monde, 14 janvier 2017).

    C’est un des points où j’ai un problème avec Benoit Hamon et globa­le­ment le PS. On renonce à un point qui me semble essen­tiel socia­le­ment et qui a du sens même écono­mique­ment… juste parce que c’est diffi­cile poli­tique­ment.

    Oui, je veux une sécu­rité sociale univer­selle, qui rembourse tout le monde – pas que les sala­riés – à 100% pour tous les soins utiles. Ça comprend évidem­ment les trai­te­ments dentaires, ortho­don­tiques ou optiques, mais pas que. Ça comprend l’in­té­gra­lité du parcours hospi­ta­lier, repas compris.

    Oui ça coûte cher, mais pas plus que le système privé, proba­ble­ment même moins. La seule diffé­rence est de soigner aussi les pauvres. Du coup oui ça coûte plus cher que la situa­tion actuelle. Ques­tion de choix poli­tique.


    Les cita­tions viennent d’un article du Monde Diplo­ma­tique, dont je vous recom­mande très forte­ment la lecture.

  • La poli­tique ce n’est pas choi­sir le meilleur projet

    La poli­tique ce n’est pas choi­sir le meilleur projet de façon objec­tive. Un tel clas­se­ment n’a aucun sens. On n’élit pas des inten­dants, de simples gestion­naires.

    La poli­tique c’est faire des choix. Il n’y a pas de baguette magique. Il y a toujours un coût, un effort un four­nir, un pan de la popu­la­tion qui sera moins favo­risé, un risque que ça ne fonc­tionne pas…

    La poli­tique c’est faire un arbi­trage suivant ce qui nous parait le plus impor­tant en notre âme et conscience, suivant ce qu’on veut comme société. Il n’y a rien de plus subjec­tif que ça.

    Fuyez ceux qui pensent qu’il suffit d’ex­pliquer ou de se rensei­gner.

    De ceux là il y a ceux qui manquent de recul et qui ne perçoivent même pas qu’il puissent y avoir une autre vision de la société. De ceux là il y a aussi ceux dont l’idéo­lo­gie voilent toute réflexion et qui pensent avoir forcé­ment la vérité.

    Enfin de ceux là il y a aussi ceux qui n’en­vi­sagent que la vision tech­no­cra­tique du système. Ces derniers sont les plus dange­reux parce qu’ils nient le concept même de démo­cra­tie. Ils refusent la capa­cité de choi­sir en toute conscience une option moins effi­cace sur le papier mais qui parfois respecte des valeurs ou un modèle de société auquel on aspire.

    * * *

    Ne me dites pas « ceux qui sont contre n’ont pas lu le texte ou ne savent pas de quoi ils parlent ». C’est majo­ri­tai­re­ment vrai, mais ça l’est aussi de ceux qui sont pour. C’est par contre insul­tant pour ceux qui ont fait un choix conscient et informé, mais juste un choix diffé­rent du votre.

    Tout ce que ça montre c’est une absence d’ou­ver­ture ou une bien mauvaise consi­dé­ra­tion de la démo­cra­tie.

    Ça n’em­pêche bien évidem­ment pas d’in­ci­ter les gens à lire, à se rensei­gner, et d’es­sayer de convaincre, mais au moins on se posi­tionne sur le fond.

  • La retraite à 60 ans

    Par une série de clics sur les sites publics, on vient de m’in­for­mer que j’au­rai les 172 trimestres néces­saires à ma retraite à taux plein quand j’au­rai 67 ans.

    Acces­soi­re­ment ça sera aussi le cas du BAC+5 moyen qui finit ses études à 23 ans et qui cotise quatre trimestres par an sans discon­ti­nuer.

    Elle est loin la retraite à 60 ans…

    Deux choses inté­res­santes :

    67 ans est l’âge pivot à partir duquel tout le monde a sa retraite à taux plein quel que soit le nombre de trimestre cotisé.  Ne crai­gnez pas trop la période d’inac­ti­vité : Si vous êtes dans mon cas ça ne chan­gera pas grand chose (et s’ils augmentent l’âge pivot d’ici là, il y a de bonnes chances qu’ils augmentent aussi le nombre de trimestres à coti­ser de toutes façons).

    Statis­tique­ment je serai mort ou en situa­tion de dépen­dance depuis plusieurs années. Dit autre­ment : Seule une mino­rité de BAC+5 profi­tera de sa retraite à taux plein.

    Plus que les calculs sur la pyra­mide géné­ra­tion­nelle ou la remise en cause du régime par répar­ti­tion, cette dernière statis­tique rend à elle seule drama­tique­ment crédible le « vous n’au­rez pas votre retraite ».

    La vérité c’est que pour la majo­rité d’entre-nous, nous ne serons plus capables de travailler avant d’at­teindre l’âge de la retraite. Recu­ler l’âge de départ ne sauve pas la retraite, on en est à un point où ça la supprime.

  • PIB, crois­sance, bonheur, mais surtout écolo­gie

    J’avais déjà abordé la ques­tion des gestion­naires. Aujourd’­hui je m’in­té­resse à deux critères au niveau poli­tique : Le bonheur des gens et l’éco­lo­gie. En fili­grane derrière je parle d’iné­ga­lité, de soli­da­rité, d’édu­ca­tion, de services publics, d’in­fra­struc­tures, de mutua­li­sa­tion, de règle­men­ta­tion dras­tiques sur la pollu­tion et de réduc­tion de la consom­ma­tion d’éner­gie.

    C’est certai­ne­ment ridi­cule et tota­le­ment naïf pour ceux qui promeuvent une vision écono­mique, mais je ne vois pas une seconde comment deman­der plus de travail à du person­nel soignant en hôpi­tal qui se dit épuisé et qui a déjà une duré de vie ampu­tée de 7 ans à cause de ça.

    J’ai deux vidéos à vous montrer. La première n’est qu’une intro­duc­tion mais est impor­tante. Dites-moi en sortant de la seconde comme vous pouvez ne pas tout centrer sur le bonheur et l’éco­lo­gie ?

    * * *

    Bref, en ce moment des candi­dats qui parlent bonheur et écolo­gie, il n’y en a pas 150 malheu­reu­se­ment. S’il n’y en a aucun de parfait, il y en a par contre plusieurs qui ne s’en préoc­cupent qu’à la marge, ou dont ce n’est pas la prio­rité assu­mée.