Catégorie : Politique et société

  • [Lecture] Les Français dépensent trop

    Les Français consacrent entre 53% et 57% de leur Produit inté­rieur brut à leurs budgets publics, compte tenu du niveau rela­ti­ve­ment élevé de la dette cela ne peut pas fonc­tion­ner dans la durée

    — Juncker à Macron : « Les Français dépensent trop », Europe 1

    Calcu­ler la part des dépenses publiques dans le PIB c’est quand même un indi­ca­teur à la con… ou plutôt un biais idéo­lo­gique majeur.

    Ce que révèle la part des dépenses publiques dans le PIB, c’est le choix de la popu­la­tion d’in­di­vi­dua­li­ser ou de mutua­li­ser certaines dépenses.

    Priva­ti­sez l’édu­ca­tion supé­rieure, les retraites, nous dimi­nue­rons la part des dépenses publiques de plusieurs points de PIB mais ça nous coûtera plus cher, autant humai­ne­ment que finan­ciè­re­ment.

    Petit rappel : « sur 100 euros de coti­sa­tions reçues par les complé­men­taires, 15 à 19 % partent en frais de gestion, contre 4 à 5 % pour la Sécu­rité sociale. »

    Cet indi­ca­teur ne révèle qu’une seule chose : l’adhé­sion à la vision écono­mique libé­rale. C’est un indi­ca­teur pure­ment idéo­lo­gique.

    Déjà que comme indi­ca­teur le PIB lui-même est discu­table… Ne nous lais­sons pas berner.

  • Punir, une passion contem­po­raine

    Croisé sur le web :

    L’au­teur souligne égale­ment le phéno­mène de l’ag­gra­va­tion des sanc­tions. il est le résul­tat selon lui de l’ins­tau­ra­tion des peines plan­chers, du déve­lop­pe­ment du juge­ment en compa­ru­tion immé­diate, des pres­sions de l’opi­nion et du pouvoir sur les magis­trats qui se protègent en prononçant plus souvent des peines d’em­pri­son­ne­ment et en main­te­nant plus de déten­tions provi­soires. Et il rappelle que cela n’est en rien propre à la France mais présent dans de nombreux pays. Quand bien même la popu­la­tion pénale dimi­nue dans d’autres.

    Mais comme cela abou­tit à une explo­sion de la popu­la­tion pénale, Didier Fassin écrit que la solu­tion est devenu le problème. Autre­ment dit, alors que la sanc­tion doit être la solu­tion au problème de la trans­gres­sion d’une règle, la sanc­tion devient elle aussi un problème. A cause du nombre d’in­di­vi­dus mis à l’écart, du coût écono­mique et humain induit, de la produc­tion ou la repro­duc­tion d’iné­ga­li­tés, de l’in­sé­cu­rité géné­rée, le châti­ment appa­raît de plus en plus comme ce qui menace la société plus qu’il la protège.

    — Paroles de juge, Le blog de Michel Huyette

    Rien de neuf, mais c’est toujours inté­res­sant de réflé­chir. Quelqu’un a-t-il eu l’oc­ca­sion de lire ce livre parti­cu­lier ?

    Je ne saurais trop conseiller de mon côté l’ul­tra clas­sique Surveiller et punir de Michel Foucault. Je sais, ça manque d’images, mais ça fait bien réflé­chir sur le rôle de la prison dans la justice, et les dérives qui ne manquent pas de surve­nir.

  • Je veux une entre­prise où le produit est au centre

    Qu’est-ce qui fait avan­cer l’en­tre­prise ?

    On pour­rait aussi deman­der « qui dirige ? ».  En France j’ai surtout vu des socié­tés diri­gées par le dépar­te­ment commer­cial. Que ce soit un direc­teur ou tout une équipe de commer­ciaux, il s’agit d’es­sayer de vendre.

    On vend, puis on demande aux opéra­tion­nels de réali­ser ou d’exé­cu­ter ce qu’on a vendu. Dans ces struc­tures il y a géné­ra­le­ment une pyra­mide très forte, ceux qui décident au dessus, ceux qui font en dessous.

    Peu importe quoi, celui qui vend a raison. Dans les pires des cas les ventes se font avant même de savoir si c’est faisable, si c’est rentable, si les délais sont réalistes. Tout ça c’est le problème des opéra­tion­nels après tout : Qu’ils se débrouillent. Forcé­ment, ces struc­tures génèrent beau­coup de pres­sion, peu d’au­to­no­mie opéra­tion­nelle, peu d’in­no­va­tion, et une déva­lo­ri­sa­tion très forte de la plupart des métiers.

    J’ai l’im­pres­sion que penser d’abord ainsi est un biais très français, mais peut-être me trompe-je.

    * * *

    J’ai aussi vu des struc­tures diri­gées par le marke­ting, par la tech­nique, par le produit, ou par la commu­ni­ca­tion.

    Je crois que le plus fati­guant est celle diri­gée par la commu­ni­ca­tion. Quand on cherche plus à paraitre qu’à faire, les équipes courent après les chimères, les enga­ge­ments donnés et l’image qu’on pour­rait avoir si… Au bout d’un moment ça commence à ne plus être tenable en interne. Au mieux on s’es­souffle.

    Il n’y a pas de réponse idéale. Tout dépend de ce que vous voulez obte­nir, du contexte, et des valeurs que vous portez.

    Peut-être est-ce mon propre biais d’in­gé­nieur mais j’ai trouvé des envi­ron­ne­ments beau­coup plus humains quand ils étaient diri­gés par le produit ou la tech­nique (au sens large, je ne parle pas forcé­ment d’in­for­ma­tique ou d’in­gé­nie­rie). Ce sont les gens qui font qui sont au centre, et ça force à tenir compte des condi­tions de travail ou à voir long terme.

    Ce n’est pas parfait, il y a d’autres biais, mais si c’est ce que vous montez, je suis à votre écoute.

    C’est peut-être aussi ce qui fait que j’aime les star­tup malgré tous les défauts bien connus de ces enti­tés : Le plus souvent elles ont compris qu’il fallait mettre le produit au centre.

    * * *

    J’ai souvent eu la réponse « ça ne fonc­tionne pas comme ça, tout le monde est impor­tant, il faut tenir un équi­libre ». Ne vous leur­rez pas, c’est pareil chez tout le monde.

    Il y a toujours un biais, un groupe qui a ou qui a pris le pas sur les autres. Si vous croyez que vous êtes parfai­te­ment équi­li­brés c’est plutôt mauvais signe. Ça veut dire que vous n’en avez pas conscience, et donc que vous ne saurez pas y prêter atten­tion pour en compen­ser les défauts. Peut-être même que ça veut dire que vous combat­tez ceux qui soulèvent le problème en interne.

    Une petite cari­ca­ture pour vous aider :

    Est-ce que vous réali­sez ce que vous vendez/promet­tez ? ou est-ce que vous vendez/annon­cez ce que vous réali­sez ?

  • Sisi, c’est bien un parti

    On m’a dit « ce n’est pas un parti, c’est un mouve­ment ». Le marke­ting n’est pas l’ex­clu­si­vité d’Em­ma­nuel Macron. Il ne s’agit que d’un bel enro­bage de voca­bu­laire.

    Plutôt que de partir dans une grande démons­tra­tion, je propose d’al­ler sur le site offi­ciel de la France Insou­mise et de cliquer sur la rubrique « donner ». Je cite :

    Pour finan­cer les dépenses liées à l’or­ga­ni­sa­tion d’évé­ne­ments, aux campagnes prési­den­tielle et légis­la­tives, à l’achat de maté­riel, au fonc­tion­ne­ment de ce site, etc., nous avons besoin du soutien finan­cier de chacun.e d’entre vous.

    Moi une struc­ture juri­dique qui a dans son objet de finan­cer des campagnes aux élec­tions natio­nales, j’ap­pelle ça un parti poli­tique. Vous pouvez contes­ter la déno­mi­na­tion mais…

    Un reçu, édité par la CNCCFP, vous sera adressé et vous permet­tra de déduire cette somme de vos impôts dans les limites fixées par la loi.

    Pour rappel, la CNCCFP c’est la commis­sion natio­nale des comptes de campagne et des finan­ce­ments poli­tiques. Bref, l’ins­tance qui s’oc­cupe des comptes des partis poli­tiques.

    S’il fallait une dernière confir­ma­tion, les limites de la loi sont expli­ci­te­ment rappe­lée plus bas dans la page et ce sont bien celles des partis poli­tiques. Les règles géné­rales des asso­cia­tions à but non lucra­tif sont beau­coup plus souples :

    La loi n° 95–65 du 19 janvier 1995 précise que seules les personnes physiques sont auto­ri­sées à verser des dons et des coti­sa­tions à un parti ou grou­pe­ment poli­tique.
    Tout don de personne morale (entre­prise, asso­cia­tion, SCI, compte profes­sion­nel de profes­sions libé­rales ou de commerçants…) est donc inter­dit.
    Le montant cumulé des dons et des coti­sa­tions d’adhé­rent-e à une ou plusieurs forma­tions poli­tiques est plafonné à 7 500 euros par personne et par an depuis la loi n° 2013–907 du 11 octobre 2013
    La France Insou­mise ne peut accep­ter de dons que par l’in­ter­mé­diaire de son manda­taire finan­cier : l’As­so­cia­tion de Finan­ce­ment de La France Insou­mise (ALFI), agréée le 23/01/2017, n°1202, paru­tion au JO le 31/12/2016).
    Les dons et coti­sa­tions en espèces de plus de 150 € (cumu­lées sur un an) ne sont pas accep­tés et ne donnent pas droit à réduc­tion d’im­pôt.
    Les dons et les coti­sa­tions versés à l’AFLFI par chèque ou carte ou vire­ment donnent droit à une réduc­tion d’im­pôt de 66% des sommes versées dans la limite de 20% du revenu impo­sable et de 15 000 euros par an et par foyer fiscal.

    Bref, il y a deux asso­cia­tions, décla­rées en même temps, une pour l’ac­ti­vité poli­tique elle-même et une asso­cia­tion sœur, passage obligé pour tout finan­ce­ment. C’est comme ça que sont struc­tu­rés tous les partis que je connais, et je suppose que c’est tout simple­ment une obli­ga­tion légale.

    S’il en fallait plus, la charte pour les légis­la­tives demande aux candi­dats inves­tis de se ratta­cher à l’AFLFI pour ce qui est du finan­ce­ment poli­tique public, et de former un groupe à l’As­sem­blée Natio­nale qui soit au nom de la France Insou­mise.

    La France Insou­mise, via ses deux asso­cia­tions loi 1901, inves­tit des candi­dats, leur impose une ligne de conduite, créé un grou­pe­ment dédié dans l’exer­cice du pouvoir, et se destine à rece­voir un finan­ce­ment poli­tique public.

    Je prends la défi­ni­tion de Wiki­pe­dia, celles du TLFi et de l’Aca­dé­mie française étant encore plus larges :

    Un parti poli­tique est une orga­ni­sa­tion poli­tique qui cherche à influen­cer une poli­tique gouver­ne­men­tale, en nommant ses propres candi­dats et en tentant d’ob­te­nir des mandats poli­tiques.

    Plus géné­ra­le­ment, la notion de parti poli­tique possède deux défi­ni­tions. La première, d’ordre idéo­lo­gique, est presque syno­nyme de faction : il s’agit, pour reprendre les termes de Benja­min Cons­tant, d’une « réunion d’hommes qui professent la même doctrine poli­tique »1.

    La seconde, d’ordre insti­tu­tion­nel, le tient pour un élément essen­tiel du jeu démo­cra­tique : « elle consiste à saisir le parti poli­tique en tant que forme poli­tique, struc­ture d’or­ga­ni­sa­tion de la démo­cra­tie »2.

    En France, un parti poli­tique est une asso­cia­tion loi de 1901.

    Il va falloir argu­men­ter sévère pour affir­mer que ça ne corres­pond pas à la situa­tion, autant dans la défi­ni­tion géné­rale que dans les deux défi­ni­tions parti­cu­lières. Tout au plus la France Insou­mise peut dire qu’elle n’est pas un parti poli­tique mais un grou­pe­ment poli­tique. La diffé­rence est pure­ment litté­raire.

  • Contra­dic­tions inter­nes… vote blanc et absten­tion

    Il n’y ici aucune injonc­tion à quoi que ce soit. Mon choix est déjà fait. J’es­père forcé­ment que vous ferez le même mais ce n’est pas de ça dont on parlera ici. 


    France insou­mise a orga­nisé ces derniers jours une consul­ta­tion à propos du second tour de l’élec­tion prési­den­tielle. […] cette consul­ta­tion a permis l’ex­pres­sion de 243128 insou­mis.es et donne à voir des avis parta­gés :
    – 87818 insou­mis.es, soit 36,12%, pour un vote blanc ou nul;
    – 84682 insou­mis.es, soit 34,83%, pour un vote Emma­nuel Macron;
    – 70628 insou­mis.es, soit 29,05%, en faveur d’une absten­tion.

    D’après les réponses qu’on m’a faites, c’était une consul­ta­tion en ligne ouverte unique­ment aux adhé­rents et avec unique­ment ces trois options.

    Je trouve quand même très ironique qu’un partimouve­ment qui a à son programme la recon­nais­sance du vote blanc dans les suffrages expri­més… ne permette pas le vote banc dans sa propre consul­ta­tion interne.

    Rien de grave mais je m’au­to­rise à trou­ver ça amusant, ironique même.

    Fixer le droit de vote à 16 ans, instau­rer le vote obli­ga­toire et la recon­nais­sance du vote blanc comme suffrage exprimé et géné­ra­li­ser la repré­sen­ta­tion propor­tion­nelle

    Plus loin dans l’iro­nie, au programme de la France Insou­mise on trouve « instau­rer le vote obli­ga­toire » au chapitre de l’Ur­gence démo­cra­tique.

    Bref, je trouve aussi amusant de voir qu’on peut vouloir instau­rer le vote obli­ga­toire aux élec­tions mais soi-même souhai­ter s’y abste­nir. Ils sont quand même 29% à ne pas y voir de contra­dic­tion. Ce n’est pas une anec­dote.

    On pour­rait d’ailleurs penser que les mili­tants actifs qui promeuvent le vote obli­ga­toire seront plus volon­taires que la moyenne pour parti­ci­per aux consul­ta­tions internes de leur propre mouve­ment. La parti­ci­pa­tion est en réalité de seule­ment 55%, ce qui est plutôt très bas. Ironie quand tu nous tiens…

    * * *

    Les mauvaises langues diront que permettre le vote blanc à la consul­ta­tion aurait risqué de mettre en valeur le choix qui n’était pas proposé, celui de Marine Le Pen.

    Il faut dire que 20% des votants de Jean-Luc Mélen­chon prévoient de voter pour elle au second tour. Je sais que tous les votants ne sont pas des adhé­rents mais on peut suppo­ser que le chiffre n’au­rait pas été nul. 20% de votes blanc à une consul­ta­tion où le seul choix manquant était de voter FN, ça aurait été assez déran­geant.

    J’avoue que l’ab­sence de ce vote blanc est du coup une esquive un peu facile.

    Étant donné l’at­ta­che­ment profond de la France insou­mise aux prin­cipes d’éga­lité, de liberté et de frater­nité, le vote Front Natio­nal ne consti­tuait pas une option de la consul­ta­tion.

    Invoquer les valeurs du mouve­ment aurait pu être perti­nent… s’il n’y avait pas eu exac­te­ment la même contra­dic­tion en propo­sant l’abs­ten­tion au second tour. Là il y a une diffé­rence de trai­te­ment diffi­cile à expliquer.

    Et puis… propo­ser le choix de Marine Le Pen et montrer qu’il était non signi­fi­ca­tif aurait juste­ment eu une sacré classe qui aurait coupé la chique à tous ceux qui reprochent au mouve­ment de parti­ci­per à l’élec­tion du FN.

  • Vous avez choisi de me rendre encore plus riche

    Je ne sais plus qui, je ne sais plus où, mais je retrans­cris l’es­prit auquel j’adhère plei­ne­ment :

    Je me suis battu pour que les gens comme moi payent plus d’im­pôts afin qu’on augmente la soli­da­rité envers les moins aisés. À cette élec­tion vous avez choisi de vous serrer la cein­ture pour me rendre encore plus riche.

  • La refon­da­tion sociale

    Quand Ernest-Antoine Seillière a pris les rênes du Medef [de 1998 à 2005, ndlr], il a procédé à une « refon­da­tion sociale », c’est-à-dire une inver­sion de la théo­rie marxiste de la lutte des classes : les riches sont deve­nus des « créa­teurs de richesses ». Et les ouvriers, qui sont les créa­teurs de richesses et de plus-value selon la théo­rie marxiste, sont deve­nus des « charges » et des variables d’ajus­te­ment.
    Monique Pinçon-Char­lot, en inter­view

    Je n’ai pas de conscience poli­tique de ces dates là. Je sais juste qu’aujourd’­hui il devient juste évident qu’il faut allé­ger ces charges et aider les créa­teurs d’em­ploi plutôt que de soute­nir les plus faibles.

  • Systèmes de vote alter­na­tifs : Le critère de la majo­rité

    On m’a un peu repro­ché mon billet sur les navets. Il est peut-être temps d’avan­cer plus loin dans les expli­ca­tions.

    Je n’ai pour l’ins­tant rien vu de mieux que cette petite vidéo. Elle ne dure que cinq minutes, écou­tez-la :

    On ne présente là que cinq systèmes de vote mais il en existe d’autres.

    Certains vous diront que tous les systèmes sont impar­faits mais j’aime dire ça autre­ment : Choi­sir un système est un choix poli­tique, pas un choix tech­nique. Dans la vidéo plusieurs candi­dats peuvent légi­ti­me­ment prétendre gagner. La vraie ques­tion est de choi­sir les règles communes à l’avance.

    Critère de la majo­rité

    Dans le billet précé­dent j’ai parlé du critère de la majo­rité. Ce critère veut qu’un candi­dat qui obtient la majo­rité absolu doit être élu. C’est pour moi le meilleur exemple de choix poli­tique incons­cient lié au système d’élec­tion.

    Nos usages nous disent que le respect de la démo­cra­tie impose d’élire celui qui a la majo­rité abso­lue. C’est en réalité tota­le­ment arbi­traire.

    Rien n’em­pêche ce même peuple de déci­der que la majo­rité doit être obtenu en comp­tant les votes blancs, voire en comp­tant aussi les absten­tion­nistes. Ce serait ainsi réel­le­ment la volonté du peuple et non celle d’une mino­rité qui exprime quelque chose sur un bulle­tin.

    Rien n’em­pêche ce même peuple de déci­der que son repré­sen­tant doit obte­nir le consen­te­ment des deux tiers de la popu­la­tion et pas juste de la moitié. Ça permet­trait d’avoir quelqu’un qui repré­sente large­ment la popu­la­tion. On a ce types de règles pour les modi­fi­ca­tions de consti­tu­tion qui doivent obte­nir les 3/5ème des votes du parle­ment réuni en congrès.

    Rien ne l’em­pêche non plus de déci­der qu’outre la majo­rité, le repré­sen­tant ne doit pas provoquer de rejet total chez plus d’un tiers de la popu­la­tion. Certains systèmes de vote ouvrent la possi­bi­lité de reje­ter un candi­dat en plus de choi­sir le sien. Il s’agit là d’évi­ter la dicta­ture de la majo­rité.

    Ces trois alter­na­tives sont d’ailleurs inté­res­santes en ce qu’elles parlent juste­ment de démo­cra­tie. Litté­ra­le­ment, la démo­cra­tie c’est la volonté du peuple. Le peuple, pas juste une grosse partie du peuple. Quelque part les alter­na­tives présen­tées plus haut sont plus démo­cra­tiques que ne l’est le critère de la majo­rité. C’est fina­le­ment la diffé­rence entre la démo­cra­tie et la une dicta­ture de la majo­rité.

    Consen­sus ou radi­ca­lité

    Bref, choi­sir le candi­dat des deux qui obtient la majo­rité n’a rien à voir avec la démo­cra­tie. C’est un choix de règle tota­le­ment arbi­traire. Un choix qui en vaut d’autres.

    Les alter­na­tives propo­sées imposent d’ob­te­nir un peu plus le consen­sus, sous diverses formes. Le risque est que ce consen­sus rende diffi­cile de faire bouger les choses.

    À l’in­verse, la solu­tion aujourd’­hui permet aux élus de mettre en place des actions radi­cales qui ne repré­sentent pas forcé­ment l’en­semble du peuples, voire qui provoquent un rejet massif.

    Avant même de discu­ter de systèmes de vote et de la faisa­bi­lité des diffé­rentes options : Que privi­lé­giez-vous ? Pourquoi ? Avons-nous un consen­sus sur ce point ? (enfin… si juste­ment vous privi­lé­giez les consen­sus :-)

     

  • Tu feras le métier qu’on te dira de faire mon fils

    Aujourd’­hui l’Édu­ca­tion natio­nale nous dit qu’il n’y aura pas assez de place en 1ère et termi­nale scien­ti­fique pour répondre à la demande à la prochaine rentrée scolaire. On ne va pas en ouvrir plus. À la place on va tirer au sort un certain nombre de lycéens qui pour­ront aller dans cette filière.

    Les autres… n’ont qu’à aller ailleurs. Les plus aisés des malchan­ceux pour­ront aller dans le privé. Pour eux il y aura toujours une solu­tion.

    Ceux qui n’ont pas les moyens seront redi­ri­gés vers leur orien­ta­tion de second ou troi­sième choix s’ils souhaitent conti­nuer leurs études.

    Peut-être que ça ne corres­pon­dra pas du tout à leur souhait de forma­tion et de profes­sion, mais on leur propo­sera quelque chose dans une filière moins limi­tée. Ce seront des filières moins coûteuses, des filières qui pour­ront être renta­bi­li­sées via des parte­na­riats public-privés pour les travaux des étudiants, ou qui font plus appel à des stages qu’à des cours.

    Il n’est pas impos­sible qu’à terme on étende le tirage au sort à toutes les filières sous tension, c’est à dire aussi en 1ère et termi­nale écono­mique. Là demande y est aussi assez forte, et risque de s’ac­cen­tuer si tous les lycéens à sensi­bi­lité scien­ti­fique ne peuvent pas aller dans leur filière de prédi­lec­tion.

    On redi­ri­gera donc surtout les élèves vers des filières profes­sion­nelles. Bac pro et appren­tis­sage sont moins deman­dés et donc capables d’ac­cueillir les élèves en fonc­tion de leur second ou troi­sième choix de préfé­rence.

    * * *

    Sauf si tu es dans les chan­ceux tirés au sort, tu feras le métier qu’on te dira de faire mon fils, en fonc­tion des prévi­sions statis­tiques du minis­tère et du coût des forma­tions. Choi­sir son métier c’est une lubie d’idéa­liste socia­liste.

    * * *

    Je ne réalise pas une fiction. Le décret est offi­ciel­le­ment passé aujourd’­hui.

    La seule diffé­rence c’est qu’on parle de forma­tion supé­rieure en univer­sité et non de lycée. Visi­ble­ment ça choque moins les gens, je ne sais pas pourquoi.

    On recule. L’édu­ca­tion pour tous n’est plus l’objec­tif. La réforme des univer­si­tés après mai 68 risque de ne pas faire de vieux os.

    Oui, je sais, je suis un grand idéa­liste, mais à un moment le « il n’y a aura pas assez de place » ressemble beau­coup à « on souhaite que vous fassiez autre chose, surtout si en plus ça coute moins cher ».

    Si vous doutiez de l’im­pact de l’au­to­no­mie des univer­si­tés, et de leur obli­ga­tion de faire de la gestion en fonc­tion des coûts… nous y voilà.

  • Systèmes de vote alter­na­tifs : On vous prend pour des navets

    Je vois de plus en plus surgir d’ar­ticles sur des systèmes de vote alter­na­tifs. Je ne saurais en être plus heureux. On parle par exemple pas mal du vote par juge­ment majo­ri­taire depuis quelques temps. Il existe cepen­dant d’autres alter­na­tives.

    Le problème c’est qu’on présente souvent ces ques­tions sous l’angle tech­nique voire mathé­ma­tique, un peu comme s’il s’agis­sait de prou­ver quel système est le meilleur.

    Je suis désolé mais on vous prend pour des navets.

    On vous prend pour des navets parce qu’on vous propose d’ap­prou­ver la meilleure solu­tion tech­nique en choi­sis­sant à votre place toutes les ques­tions poli­tiques et les enjeux démo­cra­tiques.

    C’est un peu comme si à une élec­tion on vous deman­dait de confir­mer quel est le meilleur plan tech­nique pour gérer la fin de la sécu­rité sociale sans vous deman­der si à la base vous souhai­tez ou non la fin de la dite sécu­rité sociale. Gênant, non ?

    Par exemple, lors d’une élec­tion un candi­dat a la préfé­rence d’une majo­rité abso­lue de la popu­la­tion. Est-il forcé­ment celui qui doit gagner l’élec­tion ?

    Intui­ti­ve­ment ça peut sembler évident. En réalité ça ne l’est pas du tout. On peut même assez faci­le­ment défendre qu’é­ta­blir une telle règle serait contraire à un idéal démo­cra­tique.

    On pourra discu­ter de la ques­tion dans un autre billet mais entre temps rete­nez ceci : Si celui qui vous parle de systèmes de votes ne commence pas par débattre avec vous de ce type de sujet – et il y en a d’autres – c’est qu’il vous prend pour un navet. Il a juste décidé à votre place des réponses aux vrais enjeux et vous demande d’ava­li­ser le choix tech­nique qui en résulte.

    Se faire confisquer ainsi le choix poli­tique alors qu’on parle de déci­der d’un système de vote, moi ça me fait un peu mal.