Je ne comprends pas comment on peut accepter d’individualiser les couvertures santé.
Par nature ça veut dire que certaines couvertures ne rembourseront que partiellement, ou pas tous les types de soins. Bien évidemment ce sont principalement les plus pauvres qui prennent ces couvertures au rabais, voire qui s’en passent. Dans le meilleur des cas on augmente l’exposition aux risques de ceux qui pourront le moins en supporter l’impact.
Tout ce qu’on obtient c’est qu’ils renoncent aux soins :
Ce système, à bout de souffle, conduit entre 21 et 36 % des Français à renoncer aux soins pour des raisons financières (pdf). Derrière ces statistiques, il y a des enfants sans lunettes alors qu’ils en auraient besoin (ce qui entraîne parfois un retard scolaire) ; des dents qu’on arrache au lieu de les soigner ; des bronchites négligées qui dégénèrent, des personnes âgées qui s’isolent de plus en plus faute d’appareil auditif …
Le pire c’est que ça finit par coûter plus cher à la collectivité en plus d’être un désastre pour les concernés.
On cherche juste à réduire les coûts, par idéologie, ou en comparant les prélèvements avec des pays dont le système est payé directement par les citoyens.
Cela n’empêche ni M. Fillon ni M. Emmanuel Macron (En marche !) de prévoir une baisse des dépenses de l’assurance-maladie : 20 milliards d’euros d’économies en cinq ans pour le premier ; 15 milliards pour le second. « On ne peut avoir des dépenses de santé qui augmentent trois fois plus vite que la création de richesses », professe M. Macron, pourtant guère gêné de voir les distributions de dividendes augmenter, elles, dix fois plus que les richesses produites.
On a déjà réduit les crédits plus qu’il n’est possible, laissant les hôpitaux dans un épuisement humain et administratif, et sans aucune marge de manœuvre. La grippe annuelle arrive à épuiser les lits disponibles. Le moindre imprévu ne peut plus être géré parce que tout est fait pour supprimer tout ce qui semble superflu par rapport au fonctionnement quotidien, et qu’on en a supprimé encore un peu plus pour forcer à faire des économies.
Il ne reste plus qu’à diminuer les remboursements. On couvre moins de choses, ou en en remboursant une part plus faible. Ce faisant on en laisse plus aux mutuelles, dans un cercle vicieux qui laisse de côté les plus pauvres.
Ce n’est même pas rentable économiquement :
Sur 100 euros de cotisations reçues par les complémentaires, 15 à 19 % partent en frais de gestion (et de publicité) (pdf), contre 4 à 5 % pour la Sécurité sociale. Aucune « rationalité économique » ne justifie donc que l’on préfère l’une à l’autre. Au contraire : un guichet public unique qui rembourserait tout « permettrait de gagner 7 milliards d’euros », précise M. Noam Ambrourousi, spécialiste de la santé et conseiller de M. Mélenchon. Pour en mesurer l’importance, il faut se rappeler que le fameux « trou » de la Sécurité sociale s’élève à 4,7 milliards d’euros.
Et bien entendu, il s’agit surtout de segmenter. Les jeunes cadre ont beau jeu de militer pour leur liberté de choix. Il s’agit surtout de segmenter. On segmente ceux qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas, mais on segmente aussi les jeunes et les vieux, les handicapés lourds et les autres, ceux dont on sait qu’ils ont un ennui de santé sérieux et les autres.
Forcément, le jeune cadre en bonne santé paye moins cher à ce jeu… mais c’est au prix de la solidarité avec les autres. C’est la logique économique d’un assureur qui calcule le risque individuel mais est-ce souhaitable socialement ?
La logique de la sécurité sociale unique c’est justement la fraternité, et s’assurer que personne ne doive renoncer.
Dans une tribune retentissante, ils ont réclamé une prise en charge des soins à 100 %, ainsi qu’une fusion de la Sécurité sociale et des complémentaires santé (Le Monde, 14 janvier 2017).
C’est un des points où j’ai un problème avec Benoit Hamon et globalement le PS. On renonce à un point qui me semble essentiel socialement et qui a du sens même économiquement… juste parce que c’est difficile politiquement.
Oui, je veux une sécurité sociale universelle, qui rembourse tout le monde – pas que les salariés – à 100% pour tous les soins utiles. Ça comprend évidemment les traitements dentaires, orthodontiques ou optiques, mais pas que. Ça comprend l’intégralité du parcours hospitalier, repas compris.
Oui ça coûte cher, mais pas plus que le système privé, probablement même moins. La seule différence est de soigner aussi les pauvres. Du coup oui ça coûte plus cher que la situation actuelle. Question de choix politique.
Les citations viennent d’un article du Monde Diplomatique, dont je vous recommande très fortement la lecture.
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