Catégorie : Politique et société

  • Je sais pour qui voter (seconde édition)

    Le climat aujourd’­hui est détes­table. Impos­sible de dire quoi que ce soit sans être agressé. Il y a un achar­ne­ment mili­tant jusqu’à l’over­dose. On en vient à espé­rer que les proches ne parlent pas poli­tique. 

    J’ai pensé ne pas publier ce billet, pour ne pas ajou­ter à la pola­ri­sa­tion mili­tante ambiante. Je me rends compte aujourd’­hui combien je trouve l’idée de l’auto-censure gênante, dange­reuse même. Il s’agit de lais­ser les into­lé­rants nous empê­cher de réflé­chir et d’échan­ger. Il s’agit de les lais­ser nous dicter quels sujets doivent leur être réser­vés, simple­ment par fatigue.

    Alors je publie tout de même. Je ne convain­crai certai­ne­ment personne mais ce n’est de toutes façons pas le but. Je publie pour moi, pour me libé­rer, pour réflé­chir à haute voix. Je publie pour parta­ger, pour contri­buer, pour enri­chir les réflexions des autres comme lire les autres enri­chit les miennes. Pas plus.

    Votez ce que vous voulez, ou ne votez pas si vous ne le voulez pas. Je ne dicte­rai pas vos choix. Je dis juste que le mien est fait.

    Je sais que je vais voter

    Je sais que je vais voter parce que le choix est restreint. Il n’est plus ques­tion de vote stra­té­gique ou de vote de confiance. Il n’est pas ques­tion de faire une sélec­tion. Il s’agit juste de savoir lequel des deux je préfère.

    Leurs choix sont si diffé­rents qu’il me parait inima­gi­nable de dire que « ça revien­dra au même ». Et si ça ne revient pas au même, alors je veux choi­sir.

    Ne pas assu­mer mon choix, me draper derrière une virgi­nité, dire que je laisse les autres assu­mer leurs choix de premier tour… j’au­rais l’im­pres­sion d’être lâche. Comment puis-je espé­rer construire quelque chose si je ne suis même pas capable de traver­ser une diffi­culté de vote entre deux candi­dats ?

    Les pauvres ou les étran­gers

    Il y a une sacré force dans le slogan et un fond de vérité quelque part.

    Les mots ne sont que des images, mais tout le monde voit bien ce qu’il y a derrière ces images là. On ne parle pas que des étran­gers, on parle des autres, ceux qui ne corres­pondent pas au stéréo­type valide blanc quaran­te­naire hété­ro­sexuel catho­lique parlant sans accent. Cela dit on ne parle pas non plus des pauvres, on parle aussi des non-favo­ri­sés, de ceux en diffi­culté, de ceux qui n’ont pas les moyens, pas le rela­tion­nel, pas la chance, pas la connais­sance ou simple­ment pas l’op­por­tu­nité.

    Parfois ces gens sont les mêmes, souvent, et ce n’est pas un hasard. Je ne crois pas que Marine Le Pen défen­dra parti­cu­liè­re­ment les pauvres si ce n’est pas pour les oppo­ser aux pauvres qui sont hors du stéréo­types. Cela dit je ne crois pas qu’Em­ma­nuel Macron défen­dra parti­cu­liè­re­ment les étran­gers si ce n’est pas au béné­fice du système écono­mique.

    Je ne crois pas ou je ne crois plus qu’ex­clure les uns soit mieux qu’ex­clure les autres. Aucun ne mérite plus ou ne mérite moins. Exclure, stig­ma­ti­ser et mettre au banc de la société peut dans les deux cas, en plus de l’im­pact sur les popu­la­tions concer­nées pendant le mandat lui-même, avoir des effets long terme très domma­geables pour la société, de l’ex­clu­sion à la haine.

    Je comprends que celui qui se sente plus pauvre puisse voir en Marine Le Pen une alter­na­tive moins drama­tique pour sa vie. De même que je comprends que celui qui se fait systé­ma­tique­ment renvoyer à son extra-terri­to­ria­lité poten­tielle ou sa mino­rité réelle ou suppo­sée puisse voir en Emma­nuel Macron une alter­na­tive moins dange­reuse pour sa vie, peut-être même un espoir de liberté.

    Ne vivant aucune des deux situa­tions, je serais bien illé­gi­time à le repro­cher à un quel­conque des deux.

    Et pour­tant je sais pour qui voter

    Je sais pour qui voter parce que l’un des deux agit contre les mino­ri­tés tandis que l’autre se contente de négli­ger ceux qui ne sont pas de sa caste préfé­rée. Je sais pour qui voter parce que l’un des deux cherche à ouvrir le pays et l’autre à le fermer. Je sais pour qui voter parce que la grada­tion des dommages n’a rien à voir.

    Je sais pour qui voter parce que, même si je pense qu’il est dans l’er­reur, l’un croit que son programme appor­tera un mieux à tout le monde tandis que l’autre cherche d’abord à exclure et à segmen­ter.

    Tout ça ne fait aucun doute pour moi. Je préfère celui qui ignore la souf­france des autres à celle qui distil­lera la haine.

    Certains disent que c’est choi­sir entre la peste et le choléra. D’une part je ne le crois pas. D’autre part, si on devait m’ino­cu­ler un des deux, la lecture des fiches wiki­pe­dia des deux mala­dies me laisse peu de doutes sur ma volonté de choi­sir. Oui, on peut choi­sir entre deux options dont aucune n’est idéale.

    Malgré tout ce que je reproche à la vision humaine et écono­mique d’Em­ma­nuel Macron, à son modèle de société, je n’ai aucun doute sur ce que je préfère.


    Je suis inté­ressé par ce que vous pour­riez penser sur le même sujet. Publiez, Je vous lirai avec inté­rêt si vous expliquez votre chemi­ne­ment et vos choix. 

    Excep­tion­nel­le­ment, cepen­dant, les commen­taires sont fermés et j’ai­me­rais que vous ne répon­diez pas direc­te­ment aux tweets ou toots annonçant le lien.

    Publiez, mais faites-le chez vous, de votre côté. Faites-le pour parta­ger et pas pour détrom­per, critiquer, poin­ter combien j’ai tort ou montrer à quel point je n’ai rien compris. Faites-le indé­pen­dam­ment de moi et de mon texte.

  • Le dépouille­ment

    J’ai incité quelques personnes à aller dépouiller et on m’a demandé de racon­ter l’ex­pé­rience. Voici donc.

    Je ne donne toute­fois que mon expé­rience person­nelle de multiples dépouille­ments. De ce que j’ai vu, les opéra­tions sont tout autant portées par les usages que par les textes règle­men­taires et les usages varient suivant les villes ou les bureaux de vote. Parfois les usages ne respectent même pas tout à fait les textes.

    Bref, si vous avez quelque chose à ajou­ter, faites le.

    Je me propose

    Les scru­ta­teurs sont théo­rique­ment dési­gnés par les délé­gués de chaque candi­dat parmi les élec­teurs présents à la ferme­ture du bureau de vote.

    En pratique on prend géné­ra­le­ment les premiers élec­teurs qui se proposent. Deman­dez simple­ment « avez-vous déjà suffi­sam­ment de monde pour le dépouille­ment ce soir ? » quand vous passez voter.

    En théo­rie on notera votre nom et date de nais­sance au moins une heure avant la clôture du bureau de vote. En pratique on ne m’a jamais demandé ma date de nais­sance avant le début du dépouille­ment. Par contre on m’a toujours demandé mon numéro de télé­phone pour m’ap­pe­ler si jamais je suis en retard au dépouille­ment (cela dit je n’ai jamais vu personne s’en servir même quand il y a eu des absents).

    Si vous arri­vez en fin de jour­née, il est possible que la liste soit déjà fina­li­sée. Si c’est le cas vous avez quand même le droit d’an­non­cer que vous restez en obser­va­teur.

    Pour mes amis sourds ou muets, vous ne pour­rez à ma connais­sance qu’ob­ser­ver. La procé­dure impose une commu­ni­ca­tion orale publique en plus de savoir lire et écrire.

    Je me présente sur place

    La seule règle est d’être présent à la ferme­ture du bureau de vote. Pour ne faire perdre de temps à personne, et parce que souvent la pièce est fermée une fois le vote clos, arri­vez dix minutes avant.

    À partir de là, restez neutre. Gardez pour vous vos avis sur les résul­tats ou sur les candi­dats ; mettez votre télé­phone sur vibreur et gardez-le dans votre poche. Il n’est pas inter­dit de parler voire de faire des blagues mais il est d’usage de rester concen­trés sur l’opé­ra­tion. Si quelqu’un gêne, le respon­sable du bureau de vote a l’au­to­rité pour le faire sortir.

    Détail pratique : La procé­dure peut durer plus d’une heure et ne pas commen­cer immé­dia­te­ment. Sur place vous ne pour­rez pas vous arrê­ter en plein milieu et vous n’au­rez pas forcé­ment de toilettes ou de point d’eau. Les rares sorties que j’ai consta­tées ont toujours été consi­dé­rées comme défi­ni­tives.

    Je compte les votes

    On commence par véri­fier les comptes. Tout d’abord on regarde le comp­teur situé sur l’urne. Il donne norma­le­ment le nombre d’en­ve­loppes dépo­sées. C’est habi­tuel­le­ment le président qui le fait et qui annonce le compte mais tout le monde peut deman­der à voir le comp­teur.

    Ensuite un des membres du bureau reprend la liste d’émar­ge­ment et compte le nombre de votants. En géné­ral il annonce le nombre d’émar­ge­ment page à page et deux personnes font les sommes en face sur un smart­phone. Là aussi, vous pouvez regar­der, ou même deman­der à revoir la liste d’émar­ge­ment (elle est publique) et recomp­ter.

    S’il y a une diffé­rence, il est probable qu’elle vienne d’une erreur de comp­tage dans la liste d’émar­ge­ment. Il suffit de recom­men­cer pour confir­mer ce qu’il en est .

    Tout doit être public. Rien ne doit se faire en dehors de votre vue. Vous avez le droit de regar­der, poser des ques­tions, et même véri­fier vous-même (lire le comp­teur de l’urne, véri­fier les émar­ge­ments, etc.) tant que vous ne gênez pas la procé­dure. Atten­tion à ne pas jouer l’em­mer­deur de service non plus. Personne n’a envie de rester 3 heures sur place à cause de vous.

    Je suis témoin d’un anoma­lie

    En cas d’ano­ma­lie, comme par exemple des comptes qui ne corres­pondent pas, on conti­nue tout de même la suite de la procé­dure. Il est toute­fois de votre respon­sa­bi­lité de véri­fier qu’on note ce qui a été fait et vu dans les docu­ments offi­ciels et non ce qu’on aurait du faire ou ce qu’on aura du voir. Toute anoma­lie doit être signa­lée dans dans le procès verbal.

    En aucun cas il n’est accep­table de corri­ger un résul­tat silen­cieu­se­ment ou d’igno­rer une erreur. Le rôle de tout le monde se borne à consta­ter. Ce qu’il sera fait du constat est hors du péri­mètre des gens présents.

    Si quoi que ce soit de sérieux vous gêne ou si vous croyez avoir vu quelque chose d’anor­mal, deman­dez à faire noter vos consta­ta­tions sur le procès verbal du vote. Si on vous le refuse malgré votre insis­tance – polie et respec­tueuse – allez au commis­sa­riat le lende­main.

    Je compte les enve­loppes

    Le président du bureau de vote ouvre l’urne et la renverse sur une table. On compte les enve­loppes, géné­ra­le­ment en faisant des paquets de 10, puis on les regroupe par centaines dans de grandes enve­loppes qui sont ensuite scel­lées et signées. Si tout va bien on obtient le même compte que les deux précé­dents.

    Une ou deux fois le comp­tage a été fait par les membres du bureau et non par les scru­ta­teurs mais dans tous les cas ça ne doit pas être fait derrière votre dos et vous ne devriez jamais être obli­gés de perdre de vue une seule enve­loppe.

    C’est peut-être le moment où échan­ger des enve­loppes est le plus simple. Rien d’autre ne doit être sur la table et les enve­loppes ne doivent pas quit­ter la table.

    Pour vous donner un exemple, j’ai fréquem­ment vu le président montrer ses manches comme un pres­ti­di­gi­ta­teur avant d’ou­vrir l’urne pour montrer qu’il n’y a pas embrouille. Hier il a demandé l’ap­pro­ba­tion de tout le monde avant de mettre sa main dans l’urne pour faire descendre les quelques enve­loppes collées au fond.

    J’ouvre les enve­loppes

    Ça se passe par table de 4 personnes. Une ouvre une enve­loppe, déplie le bulle­tin, le regarde et le passe à la personne d’en face. La seconde regarde à son tour le bulle­tin annonce à haute voix le nom inscrit et le range sur la pile corres­pon­dante.

    Les deux autres scru­ta­teurs ont une grande feuille avec une colonne par candi­dat. À chaque nom, ils mettent une barre dans la colonne corres­pon­dante.

    Tous les 10 bulle­tins du même nom, les deux qui notent devraient termi­ner une ligne sur leur feuille et l’an­noncent. La personne qui range les bulle­tins par pile compte et confirme à son tour qu’elle vient de termi­ner un paquet de dix.

    L’idée c’est qu’un bulle­tin est toujours visible par tout le monde et que chaque résul­tat est au moins constaté par deux personnes sur les quatre. Les véri­fi­ca­tions aux dizaines permettent de confir­mer qu’on est tous sur le même décompte.

    Je vois des blancs et des nuls.

    Les bulle­tins blancs et nuls sont eux aussi comp­tés dans leur propre case, avec la même procé­dure que les autres. La seule diffé­rence c’est que le président du bureau se déplace pour consta­ter chaque blanc et chaque nul. L’en­ve­loppe concer­née est signée et mise dans une grande enve­loppe à part. Je suppose, sans le savoir, que les nuls sont ensuite parfois inspec­tés par un minis­tère ou un service quel­conque pour faire des stats.

    Pour ceux qui ne savent pas, un vote blanc peut se faire soit avec un papier blanc propre­ment découpé, soit simple­ment avec une enve­loppe vide.

    Sont nuls tous les votes qui ne corres­pondent pas à un des bulle­tins propo­sés, ou qui ont une inscrip­tion quel­conque, ou qui sont recon­nais­sables d’une façon ou d’une autre, ou qui contiennent plusieurs bulle­tins diffé­rents (une enve­loppe avec plusieurs bulle­tins iden­tiques est bien affec­tée au candi­dat).

    J’en­chaîne les centaines

    Les enve­loppes sont ainsi ouvertes par centaines (les grandes enve­loppes qu’on a scel­lées et signées lors du comp­tage). Une seule grande enve­loppe est ouverte à la fois pour chaque table de dépouille­ment.

    Une fois la centaine termi­née, on fait le compte de chaque colonne (les candi­dats) et on véri­fie que la somme fait bien 100 (ou le nombre d’en­ve­loppes prévu si la centaine n’était pas complète).

    On remet ensuite tous les bulle­tins dans leur grande enve­loppe pour un éven­tuel recomp­tage plus tard et on passe à la centaine suivante. Géné­ra­le­ment les scru­ta­teurs changent de rôle sur leur table avant de passer à la suivante.

    Je fais les sommes

    Vous avez fini toutes les centaines, tout est rangé. Il suffit désor­mais d’ad­di­tion­ner les décomptes de chaque centaine. Les diffé­rentes feuilles de décompte d’en­ve­loppe sont ensuite signées par les scru­ta­teurs.

    Après une dernière véri­fi­ca­tion que les sommes de chaque candi­dat corres­pondent bien à la somme des bulle­tins ouverts, vous avez les résul­tats défi­ni­tifs de votre bureau de vote. Ce sont ces résul­tats, avec les enve­loppes, qui sont remon­tés ensuite à la ville puis au minis­tère (proba­ble­ment en passant par le dépar­te­ment puis la région, mais je n’en sais rien).

    Je suis garant

    Vous vous avez pu témoi­gner de chaque étape, véri­fier que personne n’a remplacé, supprimé ou ajouté de bulle­tin, que les chiffres trans­mis corres­pondent bien à ce qui a été ouvert, et qu’il n’y a rien eu de louche sur place.

    Faites-le, parce que sans ça nos élec­tions n’ont plus grande valeur. Le pire qui puisse arri­ver c’est que les bureaux de vote manquent de bonnes volon­tés et qu’on finissent tous avec des ordi­na­teurs de vote. Là plus personne ne pourra rien véri­fier.

    Je le fais

    Faites-le. Vous avez une occa­sion rêvée dans deux semaines. Comme il n’y aura que deux candi­dats, le comp­tage risque en plus d’être rapide. Encore mieux : Emme­nez vos parents ou vos enfants pour obser­ver.

    Vous n’avez pas besoin de rete­nir tout ce que j’ai dit ici. Sur place il y en a toujours une moitié qui n’ont jamais fait ça, et les membres du bureau de vote seront là pour tout expliquer.

  • [Poli­tique] Je sais pour qui voter

    Je pense que l’im­por­tant est dans l’hu­main, ses condi­tions de vie, à la démo­cra­tie, aux liber­tés civiles et à l’ou­ver­ture à l’autre plus que dans l’en­tre­prise, l’éco­no­mie, l’iden­tité natio­nale, l’ordre et la sécu­rité. Je crois qu’au­trui est aussi impor­tant que soi-même, et donc à l’im­por­tance du collec­tif. Je crois que l’éco­lo­gie est une urgence aujourd’­hui pour ne pas être un désastre demain.

    Il parait que ça s’ap­pelle être de gauche mais c’est plus complexe que ça.

    Même s’il est de droite côté écono­mique, j’ai des affi­ni­tés avec François Bayrou en ce qu’il a toujours placé l’hu­main au centre.

    Inver­se­ment je n’ai pas d’adhé­sion avec Manuel Valls et Emma­nuel Macron. Le premier fait passer l’ordre et la police avant les liber­tés civiles, le second l’ef­fi­ca­cité et l’éco­no­mie avant tout le reste en plus d’avoir une vision presque roya­liste des insti­tu­tions.

     

    * * *

    J’ai des affi­ni­tés fortes avec l’es­sen­tiel des points mis en avant dans le programme de Benoit Hamon. Je le vois avec les même prio­ri­tés que moi.

    Il ne semble y avoir aucune chance pour que Benoit Hamon soit élu mais au moins je vais voter pour ce que je crois, et montrer qu’il y a des gens qui veulent ce trip­tyque huma­nisme, écolo­gie et Europe.

    On se moque mais même s’il ne faisait que 7 ou 8%, c’est plus qu’é­nor­mé­ment de candi­dats de prési­den­tielles dans le passé, Jean-Luc Mélen­chon compris. Bref, moi ça ne me semble pas vain.

    J’ai hésité à voter utile. Pas contre Marine Le Pen – tous gagne­ront contre elle au second tour – mais juste­ment pour parti­ci­per à choi­sir qui sera éven­tuel­le­ment contre elle, et donc indi­rec­te­ment qui sera élu.

    J’ai hésité à voter utile avec Jean-Luc Mélen­chon. Ses chances ne sont pas nulles et ses prio­ri­tés corres­pondent assez bien à celles de mon premier para­graphes. Il est plus cultivé et intel­li­gent que ses discours parfois radi­caux ne le laissent voir. J’ai plein de points de diver­gences, par exemple son protec­tion­nisme, mais surtout je tiens trop à l’Eu­rope et à la paix qu’elle apporte. Ajouté à mon manque de confiance dans la personne elle-même et ce qu’il pour­rait faire… ça ne colle pas.

  • 41 milliards

    Oui la vidéo est parti­sane. Je m’ar­rête toute­fois sur le chiffre prin­ci­pal : 41 milliards par an pour le CICE / Pacte de respon­sa­bi­lité.

    41 milliards. C’est de quoi donner le revenu médian à plus de 1 million de personnes (1 800 € net par mois, soit 3 300 € coti­sa­tions sociales incluses).

    1 million de personnes. C’est pile 30% du nombre de chômeurs en caté­go­rie A. Oui, avec ça on aurait pu payer au revenu médian 30% de cette caté­go­rie de chômeurs, coti­sa­tions sociales incluses. Juste comme ça, en le déci­dant.

    Sachant que ces 30% vont juste­ment coti­ser à l’as­su­rance mala­die, à la retraite, au chôma­ge… donc soula­ger la tension pour le finan­ce­ment de ces caisses sociales. Encore mieux : Ces 30% de chômeurs le Pôle Emploi va arrê­ter de les indem­ni­ser, ce qui va endi­guer le besoin de réduire les pres­ta­tions.

    * * *

    À la place on a choi­sit de réduire le coût du travail pour les entre­prises. Le gouver­ne­ment commu­niquait sur un espoir de 500 000 emplois créés ou sauve­gar­dés. C’est déjà moitié moins. Après coup on pense qu’on aura eu entre 80 000 et 120 000 emplois créés ou sauve­gar­dés à fin 2016.

    Bref, 41 milliards pour 100  000 emplois… et pas forcé­ment payés 1 800 € nets par mois. Encore une fois, donner l’argent direc­te­ment aurait été litté­ra­le­ment 10 fois plus effi­cace. Rien que ça.

    Par pure coïn­ci­dence, s’il y a eu peu d’em­plois créés, les divi­dendes crèvent les plafonds en France ces dernières années, malgré la crise. Sure­ment un hasard.

    * * *

    1 million d’em­ploi. Outre le problème du chômage lui-même, imagi­nez ce que la collec­ti­vité pour­rait faire avec 1 millions de personnes en plus, même à mi-temps.

    Tout le monde ne peut pas être profes­seur, gref­fier ou person­nel soignant mais ce n’est pas comme s’il n’y avait rien d’autre à faire d’utile et que nos insti­tu­tions crou­laient sous la main d’œuvre.

    Le problème c’est que l’idéo­lo­gie courante nous inter­dit de faire ça. Elle nous dit que le finan­ce­ment public est inef­fi­cace, malsain, et met à bas l’éco­no­mie.

    Non, les programmes à droite prévoient de suppri­mer entre 100 000 (Macron) et 500 000 (Fillon) postes publics. En gros on annule exac­te­ment l’ef­fet posi­tif obtenu par le CICE et pacte de respon­sa­bi­lité. 41 millards partis en fumée.

  • « Vous n’au­rez pas le droit de refu­ser plus de deux offres d’em­ploi »

    En réalité on parle de candi­da­ter à une offre, éven­tuel­le­ment de faire un entre­tien. Ce qu’il se passe ensuite est hors de portée du Pôle Emploi.

    J’ai deux scéna­rios, celui où le candi­dat est pris, celui où il ne l’est pas.

    Le candi­dat est rejeté

    On force donc des chômeurs à candi­da­ter à des postes qu’ils ne veulent pas.

    Dans le meilleur des cas le candi­dat non motivé se conten­tera de faire perdre du temps lors des sélec­tions de CV et pendant une heure d’en­tre­tien.

    Parfois le candi­dat passera l’étape de l’en­tre­tien et devra être remer­cié pendant sa période d’es­sai. Il faut dire qu’il n’a aucun inté­rêt à faire des efforts. Au pire il est licen­cié et revient à la case chômage qu’il ne voulait pas quit­ter.

    C’est peut-être le scéna­rio du pire. L’em­ployeur doit reprendre son proces­sus à zéro après avoir perdu du temps et de l’argent, poten­tiel­le­ment des contrats ayant motivé l’ou­ver­ture de poste.

    Ne dites pas que ça n’ar­ri­vera jamais et que les non-moti­vés seront reje­tés lors des premières sélec­tions : L’objec­tif même de la mesure est que ça arrive. Sinon autant éviter de faire du perdre du temps à tout le monde avec des candi­da­tures inutiles.

    Le candi­dat est retenu

    Oh et… même si c’est peu probable, parfois l’ex-chômeur ne sera pas ne sera par remer­cié malgré son manque de moti­va­tion.

    Peut-être que l’em­ployeur n’aura pas fait suffi­sam­ment atten­tion avant la fin de la période d’es­sai. Peut-être que reprendre le proces­sus sélec­tion-inté­gra­tion de zéro lui coûte­rait trop cher.

    On a 5,8 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi et personne ne doute qu’une écra­sante majo­rité ne souhaite que trou­ver un emploi. Nul doute que sinon c’est un autre chômeur – motivé – qui aurait pu prendre le poste. Le solde est donc virtuel­le­ment nul pour le Pôle Emploi… si on oublie tout l’ad­mi­nis­tra­tif pour forcer et contrô­ler les inscrits.

    Dit autre­ment on aura : une ex-chômeur pas motivé forcé à travailler, un autre qui restera au chômage alors qu’il était motivé pour travailler. L’em­ployeur aura un sala­rié non motivé plutôt qu’un motivé.

    Génial non ? On est dans le cas idéal, si jamais la mesure fonc­tionne.

    La réalité

    On est resté dans le cas idéal.

    Dans la réalité le chômeur se verra propo­ser des offres inadap­tées et devra justi­fier ses refus. Ceux qui sont le moins à l’aise risque­ront de finir radiés. Les autres vivront juste ça comme un harcè­le­ment par l’ins­ti­tu­tion même qui devrait les aider : Devoir perdre du temps à candi­da­ter à des offres inadap­tées ou s’ex­pliquer de nos refus… plutôt que de cher­cher un emploi.

    Juste une fausse bonne idée. Ce qui m’agace c’est que le système existe déjà. On sait qu’il ne fonc­tionne pas et ne produit que des effets pervers. Se trom­per une fois c’est dommage. Propo­ser en campagne quelque chose qui existe déjà et qui s’est révélé être un échec complet… là je suis moins conci­liant.

    Tout ça pour flat­ter l’idéo­lo­gie de ceux qui ne voient que des assis­tés dans tous les béné­fi­ciaires des systèmes sociaux.

  • [Poli­tique] Et si on faisait confiance aux experts ?

    Il est juste évident : Faisons confiance aux experts !

    Le diable est dans les détails.

    Qui désigne les experts ? Si on se base sur tous les gens qui ne savent rien, on tourne vite en rond et on vient juste d’ajou­ter un niveau d’in­di­rec­tion au système poli­tique actuel sans rien résoudre pour autant. Si on se base sur des méga experts qui se co-optent, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour entre­voir le risque d’une dérive voire d’une dicta­ture.

    Même en suppo­sant qu’on arrive à sélec­tion­ner des experts incon­tes­tables et que ces derniers soient tous alignés sur une même répon­se… l’enjeu est de savoir sur quels indi­ca­teurs on sélec­tionne la meilleure propo­si­tion.  Il est par exemple facile de mettre fin au chômage en suppri­mant tout le filet social et en ajou­tant des emplois à 1 €. Est-ce souhai­table pour autant ?

    Même au delà, si une solu­tion poli­tique parfaite implique la fin de la vie privée, est-ce souhai­table ? On peut choi­sir consciem­ment une solu­tion sub-opti­male mais qui respecte un peu mieux nos valeurs, nos aspi­ra­tions ou nos idéaux. Un modèle social se résume diffi­ci­le­ment à un tableau de chiffres objec­tifs.

    L’ex­pert étudie, analyse, éclaire, conseille. Choi­sir n’est pas une ques­tion d’ex­pert, c’est une ques­tion de volonté de la popu­la­tion.

  • L’ef­fi­ca­cité est-elle impor­tante ?

    Authueil a publié un très bon billet sur la profes­sion­na­li­sa­tion de la poli­tique. Je vous invite à le lire.

    Il a plei­ne­ment raison. On aura des élus d’au­tant plus effi­caces qu’ils auront une histoire derrière eux, avec un parcours, une carrière. Avoir une expé­rience d’as­sis­tant ou d’élu local est indé­nia­ble­ment un point fort.

    Il va même plus loin. Pour éviter le cumul, il faut mieux payer. Après trois mandats pour éviter des négo­cia­tions peu souhai­tables sous le manteau, il faut offi­cia­li­ser un pantou­flage contrôlé en donnant des postes aux anciens élus.

    Fran­che­ment je n’ai rien à redire à l’ar­gu­men­ta­tion. Si on veut des élus les plus effi­caces je veux bien me ranger à sa thèse.

    Le veut-on ?

    La qualité que je recherche le plus chez mes élus ce n’est pas tant d’être effi­caces, c’est de faire avan­cer mon idéal et mes choix poli­tiques. Je ne cherche pas des putains de gestion­naires.

    Si je voulais être effi­cace je pour­rais même propo­ser impo­ser un passage par Science Po ou par l’ENA, avec un examen ou un concours. Diable, on pour­rait même élever des jeunes enfants dès leurs premières années dans un objec­tif de gouver­ner. Ce serait diable­ment effi­cace.

    Puis pour éviter tout le gâchis d’ef­fi­ca­cité on pour­rait éviter trop de remises en ques­tion. On réserve la poli­tique et l’ad­mi­nis­tra­tion à une caste qui s’hé­rite de père en fils et de mère en fille. Le nouveau président pour­rait même systé­ma­tique­ment être le fils le plus doué du président sortant. La royauté et l’em­pire c’était effi­cace quelque part.

    Sauf que juste­ment, l’ef­fi­ca­cité n’est pas mon critère premier. Je suis prêt à payer une certaine effi­ca­cité contre un système qui corres­pond mieux à mes idéaux. C’est exac­te­ment pourquoi la propo­si­tion du gouver­ne­ment par ordon­nance m’avait fait horreur récem­ment.

    Je vois tous les défauts qu’il peut y avoir à créer une caste poli­tique avec un système de carrière, et je n’en veux pas. Pas insti­tu­tion­na­lisé tout du moins.

    Je ne crois d’ailleurs pas que le rôle de l’élu soit d’être le plus effi­cace ou le plus compé­tent. Dans l’idéal le rôle de l’élu est surtout de suivre des choix poli­tiques, et de s’ap­puyer pour le mettre en œuvre sur des gens qui eux savent gérer et ont l’ex­per­tise.

    Oui, je sais, je suis idéa­liste, mais juste­ment je tiens à cet idéal. Je ne veux pas le mettre au placard sur l’au­tel de l’ef­fi­ca­cité.

    Tout n’est pas à jeter pour autant dans les propos d’Au­thueil : Oui il faut proba­ble­ment payer plus certains postes poli­tiques – mais en même temps beau­coup plus contrô­ler le système des frais ou des enve­loppes publiques. Je ne trouve pas non plus idiot d’ou­vrir un poste de fonc­tion­naire à ceux qui ont eu 15 ans de mandat. J’ai juste plus de doute que ces élus soient prêts à se mettre au service de l’ad­mi­nis­tra­tion et des futurs élus plutôt qu’ex­clu­si­ve­ment à la tête d’une struc­ture.

  • Chaque fois qu’on me dit « je ne vote pas, la poli­tique ça ne sert à rien »

    Je lis une suite de tweets qui commence par « Chaque fois qu’on me dit ‘je ne vote pas, la poli­tique ça ne sert à rien’ ». C’est telle­ment évident aujourd’­hui qu’on oublie combien la poli­tique a formé notre quoti­dien.

    La poli­tique c’est – en vrac – l’abo­li­tion de l’es­cla­vage, le droit de vote des femmes, les congés payés, la sécu­rité sociale, la retraite, le temps de travail, les droits au chômage, la fin de la peine de mort, l’édu­ca­tion gratuite et obli­ga­toire, le droit à l’avor­te­ment et à la contra­cep­tion ou l’Union euro­péenne.

    Vrai­ment ? tout ça n’au­rait servi à rien ?

    C’est trop facile de se dire que tout ça est ancien et qu’aujourd’­hui c’est diffé­rent. Louis-Napo­léon Bona­parte était empe­reur de France il y a moins de 150 ans. La dernière aboli­tion de l’es­cla­vage date de 1848. Tout ce que nous tenons pour acquis est en réalité très récent, souvent nos plus anciens s’en souviennent encore.

    Nous avons fait beau­coup et pour­tant tout reste à faire. Des gens meurent de faim ou de froid en France. D’autres fuyant la guerre sont refou­lés à la fron­tière ou meurent en tentant d’y arri­ver. Les condi­tions de travail provoquent des suicides et nous avons toute une caté­go­rie de travailleurs pauvres qui ont du mal à vivre au jour le jour. Les discri­mi­na­tions sur le genre, le faciès ou la reli­gion sont telle­ment fréquentes qu’elles sont parfois portées en éten­dard par nos élus.

    Nous avons même eu des élus qui ces derniers temps montent au créneau contre l’État de droit, contre la consti­tu­tion ou contre l’obli­ga­tion de respec­ter la conven­tion euro­péenne des droits de l’hu­main.

    Diffi­cile d’ima­gi­ner plus essen­tiel comme débat.

    On peut dire que la poli­tique ne sert à rien. On peut ne pas s’im­pliquer et lais­ser faire. Effec­ti­ve­ment, ainsi nous ne réali­se­rons rien, créant une sorte de prophé­tie auto-réali­sa­trice.

    Ou alors, malgré toutes nos décep­tions, même sans croire que les choses bouge­ront de notre vivant, on peut au moins ne pas aban­don­ner, parce que c’est impor­tant de lais­ser ça survivre pour nos enfants.


    Comme l’au­teur de la série de tweets, je ne vise pas ceux qui s’abs­tiennent de voter, par convic­tion et par acti­visme poli­tique. Ceux là font de la poli­tique, la font vivre.

    Je m’adresse à tous ceux qui aban­donnent, laissent tomber, ne votent pas simple­ment parce qu’ils n’y croient plus ou que ça demande un peu d’ef­fort sans garan­tie de résul­tat, ceux qui attendent d’avoir un envi­ron­ne­ment poli­tique parfait pour pouvoir donner leur voix : Impliquez-vous.

  • Diffé­rence de rému­né­ra­tion en fonc­tion de la zone géogra­phique

    Aujourd’­hui j’ai la bonne surprise d’avoir entendu « peu importe que vous soyez sur Paris ou sur Lyon, le salaire est en fonc­tion de ce que vous appor­te­rez à la société ». J’ap­pré­cie.

    J’ai trop vu de socié­tés condi­tion­ner un muta­tion hors Île de France à une baisse de 15 ou 20 % de salaire, ou refu­ser des embauches en région parce que les préten­tions de rému­né­ra­tion étaient celles d’un employé pari­sien.

    * * *

    « c’est le marché, pourquoi paie­rai-je plus cher si je peux quelqu’un au prix local ? ».

    Il y a plein de raisons de ne pas se conten­ter du marché.

    Avec l’ar­gu­ment du marché on légi­time de payer 20% de moins les femmes, 30 % de moins les chômeurs qui ont besoin de trou­ver un emploi, 50% de moins les handi­ca­pés, et de payer au mini­mum légal tous ceux qui n’ont « pas le choix ». C’est effec­ti­ve­ment le marché, mais pas accep­table pour autant.

    À tous ceux qui se diront immé­dia­te­ment « oui mais là tu fais de la discri­mi­na­tion Éric », je rappel­le­rai qu’ar­bi­trer diffé­rem­ment en fonc­tion du lieu de rési­dence est aussi une discri­mi­na­tion simi­laire au sens de l’article 225–1 du code pénal ainsi qu’au sens de l’article 1132–1 du code du travail. C’est une discri­mi­na­tion légale vali­dée par un arrêt de la Cour de cassa­tion mais une discri­mi­na­tion quand même.

    Il y a de toutes façon le côté humain. Est-ce vrai­ment votre poli­tique RH que de tenter de rabais­ser chaque colla­bo­ra­teur jusqu’à son point de rupture finan­cier person­nel ?

    Bref, ce n’est pas moral. Ce n’est en réalité même pas ration­nel écono­mique­ment.

    * * *

    Ration­nel­le­ment, si j’ai le choix entre un sala­rié hors Paris à pour 3 000 € et un sala­rié à Paris pour 3 500 €, pourquoi pren­drais-je celui à Paris ?

    Si je n’ar­rive pas à recru­ter assez de monde hors Paris je vais devoir augmen­ter les rému­né­ra­tions. Pourquoi paie­rais-je un sala­rié en province à 3 000 € et un à Paris à 3 500 € plutôt que deux sala­riés plus compé­tents ou plus fidèles (parce que mieux payés) à 3 250 € en province ?

    Il serait irra­tion­nel d’al­ler payer plus cher des sala­riés à Paris si je n’ai pas besoin qu’ils soient à Paris. C’est encore plus vrai si on prend en compte la diffé­rence de coût des locaux de l’en­tre­prise dans l’équa­tion.

    C’est aussi une bombe à retar­de­ment pour quand un sala­rié pari­sien voudra démé­na­ger hors Paris, ou pour quand les sala­riés compa­re­ront leurs salaires et la valeurs qu’ils apportent, surtout si le télé­tra­vail se mêle à l’équa­tion. Je crois que pas mal de dépar­te­ments RH sous-estiment la valeur ajou­tée d’une grille sala­riale honnête et trans­pa­rente.

    * * *

    Il reste l’ar­gu­ment éthique et social mais ils m’in­ter­roge. Les entre­prises prêtes à payer plus cher leurs four­nis­seurs et pres­ta­taires en fonc­tion de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux me semblent assez rares. Celles prêtes à payer plus cher un débu­tant avec une grande famille dans une situa­tion person­nelle diffi­cile qu’un expert céli­ba­taire sans problème me semblent encore plus rares.

    Ce n’est pas non plus une ques­tion de s’adap­ter aux besoins pour vivre puisque vous ne payez proba­ble­ment pas signi­fi­ca­ti­ve­ment diffé­rem­ment celui dont le conjoint est au chômage de celui dont le conjoint a un bon boulot bien payé, celui qui a trois enfants du céli­ba­taire sans charge de famille, celui qui a un enfant handi­capé ou grave­ment malade de celui qui n’en a pas, celui qui a un gros crédit mal négo­cié de celui qui a hérité de ses parents, celui dont la maison a brûlé l’an­née dernière de celui dont la maison a pris 25% parce que la ligne de métro a été éten­due jusque chez lui, celui qui habite en zone HLM de celui qui habite dans le beau quar­tier plein de villas avec pisci­ne…

    C’est unique­ment une ques­tion de zone géogra­phique, pas une ques­tion éthique et sociale sur les besoins réels des sala­riés pour vivre.

    Ce que je ne comprends pas c’est, si vous ne négo­ciez pas à la baisse le tarif d’un four­nis­seur qui déplace son acti­vité en province, pourquoi diable trai­ter plus mal vos propres colla­bo­ra­teurs ?

    En plus de déva­lo­ri­ser les sala­riés hors de Paris, c’est un manque de respect humain tota­le­ment incom­pré­hen­sible. On est en train de dire qu’ha­bi­ter à Paris est un critère plus perti­nent pour une compen­sa­tion que tous les autres critères sociaux.

    * * *

    La seule expli­ca­tion sensée c’est le « on a toujours fait comme ça » qui peut être suivi par « chan­ger main­te­nant c’est compliqué, le budget ne permet pas de faire un rattra­page sala­rial massif ».

    Admettre que c’est irra­tion­nel est un premier pas. Ensuite, même si tout ne se change pas d’un coup, rien n’em­pêche d’y aller progres­si­ve­ment.


    Pour être plus complet, je parle de diffé­rences de rému­né­ra­tion ou condi­tions de travail en France métro­po­li­taine. Dès qu’on met l’in­ter­na­tio­nal dans la balance il y a beau­coup d’autres para­mètres sur la protec­tion sociale, la légis­la­tion, la culture, la langue, les distances, qui font que j’ai un avis poten­tiel­le­ment moins tran­ché.

  • « Les réformes par ordon­nances permettent d’ac­cé­lé­rer le débat »

    Le gouver­ne­ment par ordon­nance n’ac­cé­lère pas le débat, il le supprime, et ce n’est pas qu’un détail.

    Le système des ordon­nances c’est un mandat donné au gouver­ne­ment pour que ce dernier légi­fère à la place du parle­ment pendant une durée et sur un sujet donné. Les ordon­nances sont d’ef­fet immé­diat, sans débat ni vote. Il n’est même pas néces­saire que le parle­ment soit solli­cité pour rati­fier après-coup les ordon­nances réali­sées.

    On a déjà une procé­dure accé­lé­rée qui permet de n’avoir qu’un seul passage dans les assem­blée. On a le temps légis­la­tif programmé qui permet de limi­ter et minu­ter le débat devant chaque assem­blée. On a même la capa­cité de procé­der au vote sans débat ou d’im­po­ser le vote s’il n’y a pas une majo­rité des parle­men­taires qui s’ex­prime contre le gouver­ne­ment.

    Côté effi­ca­cité on a ce qu’il faut, jusqu’à l’ex­cès. Ici on parle d’al­ler plus loin. On parle de délé­guer une mission pour carré­ment se passer du parle­ment.

    Juste ça, se passer du parle­ment. Se passer des repré­sen­tants du peuple qui sont élus spéci­fique­ment pour débattre, amen­der et voter la loi. Ils ne pour­ront poten­tiel­le­ment faire aucune de ces trois tâches. Un petit groupe de non-élus le feront à leur place.

    L’ef­fi­ca­cité suppo­sée ne doit pas mener à oublier la démo­cra­tie. D’au­tant que légi­fé­rer devrait au contraire être lent. On devrait penser, réflé­chir, faire atten­tion, mani­pu­ler avec précau­tion, cher­cher l’adhé­sion de tous.

     

    * * *

    On me répond que c’est prévu dans la consti­tu­tion. C’est vrai aussi pour l’état d’ur­gence. Ça n’en légi­time pas les abus et les détour­ne­ments. Ça ne veut pas dire que ce sont des outils neutres à utili­ser simple­ment parce que c’est plus rapide. Ce que j’at­tends d’un président c’est qu’il défende le système, pas qu’il cherche à l’ex­ploi­ter.

    Remettre les pleins pouvoirs au président aussi est prévu dans la consti­tu­tion. Ce serait diable­ment effi­cace. Est-ce pour autant une bonne idée ?

    Les ordon­nances, bien que dange­reuses, ne sont pas illé­gi­times en soi. On les a utilisé pour des mesures néces­saires et urgentes, comme le main­tien de l’ordre en Algé­rie. Plus récem­ment on les a utilisé pour des ques­tions tech­niques, comme des trans­po­si­tions du droit Euro­péen, de la renu­mé­ro­ta­tion des codes légis­la­tifs (théo­rique­ment à droit constant), ou des simpli­fi­ca­tions du droit.

    Les employer pour juste éviter les débats et le vote des repré­sen­tants du peuple au parle­ment, c’est quand même tout autre chose. Quand bien même ce ne serait pas la première fois, ça reste inac­cep­table comme projet.

    * * *

    J’ai publié quelques minutes avant la réponse à « oui mais il aura été élu ». Ma réponse se résume assez bien dans :

    Son élec­tion ne lui donne abso­lu­ment pas un chèque en blanc.

    Son programme est connu dans les grandes lignes, mais que dans les grandes lignes. On est loin des détails d’un texte de loi.

    Quand bien même on aurait les détails, on va aussi élire toute une Assem­blée, tout aussi légi­time que lui. On l’aura élue juste­ment pour débattre et voter des lois et des déci­sions poli­tiques.

    Mais surtout, le type de scru­tin pour l’élec­tion prési­den­tielle fait qu’a­voir un élu n’im­plique abso­lu­ment pas l’ac­cord d’une majo­rité de la popu­la­tion pour son programme. Le prétendre est une impos­ture.

    Il y a 1 000 élus d’une bien plus grande diver­sité pour repré­sen­ter le peuple et débattre de la loi. Respec­tons-donc le circuit prévu pour ça.