Catégorie : Politique et société

  • [Liens] Éthique et travail

    I funda­men­tally believe that my time at Reddit made the world a worse place. That sucks. It sucks to have to say that about myself.

    An Apology for the Inter­net, McCo­mas

    I wonder which propor­tion of deve­lo­pers is sharing that feeling. Knowing to work for the (dark) grey guys out there, imple­men­ting addic­tive algo­rithms, dark patterns, profi­ling and so on. Whate­ver the reasons, that should be hard to live with. Is there some­thing exis­ting like ethi­cal burn out?

    Worse Place, David

    Il est possible de penser à l’éthique person­nelle versus l’éthique de l’en­tre­prise. Il est néces­saire d’ex­plo­rer ce que nous appe­lons profes­sio­na­lisme et ses consé­quences. Qu’est-ce que signi­fie « bien faire son travail » ?

    Éthique, Karl

    Merci Karl et David, je trouve toujours de l’écho chez moi dans vos liens et propos.

  • L’an­cien CEO WhatsApp en cheva­lier blanc

    Des fois j’ai vrai­ment l’im­pres­sion qu’on nous prend pour des imbé­ciles.

    Notre CEO mont un service en faisant appel à des fonds de capi­tal risque. On parle de dizaines ou centaines de millions d’eu­ros quand même.

    En public il promet un service quasi gratuit, sans publi­cité, sans exploi­ta­tion commer­ciale des données utili­sa­teur, consi­dé­rant que c’est l’ADN même du service.

    C’est beau, c’est blanc, c’est propre, mais il sait pour­tant très bien qu’il va falloir non seule­ment finan­cer l’ex­ploi­ta­tion du service mais en plus rembour­ser les capi­taux risque. En gros il espé­rait juste avoir revendu et quitté le navire avant que quelqu’un ne doive rompre la promesse initiale.

    En reven­dant le service 19 milliards à Face­book, il devait bien se douter qu’il faudrait renta­bi­li­ser un mini­mum l’in­ves­tis­se­ment, que ce n’était pas un don cari­ta­tif. Connais­sant Face­book, il était évident que le service serait gratuit, que ce seraient les promesses liées à la publi­cité et aux données person­nelles qui seraient rompues.

    Sauf à être tota­le­ment naif et un peu idiot (et je ne le crois pas), il savait tout cela. Alors quand il claque publique­ment la porte de Face­book en se posant en cheva­lier blanc qui résiste contre la publi­cité et les problèmes de vie privée, j’ai l’im­pres­sion que c’est un peu nous qu’on prend pour des imbé­ciles.

  • La chance et le privi­lège

    Je voyais l’ave­nir comme une succes­sion infi­nie de rencontres, d’ex­pé­riences et de nouveau­tés, portée par une sorte de légè­reté, propul­sée par une source d’éner­gie que je pensais inépui­sable tout en ayant peu conscience de son exis­tence. Je pensais, comme tous les privi­lé­giés à diffé­rents degrés, que cette éner­gie venait de moi et qu’elle m’était due pour toujours.

    Je laisse pour aujourd’­hui le reste du discours sur l’ef­fon­dre­ment de la civi­li­sa­tion (dit comme ça c’est assez cari­ca­tu­ral mais il y a vrai­ment de quoi penser).

    Il est facile de croire que nos privi­lèges viennent de notre travail, de nos compé­tences, de notre impli­ca­tion ou de notre moti­va­tion. Foutaises.

    Nos privi­lèges découlent unique­ment de la pyra­mide sociale et de l’ex­ploi­ta­tion de ceux qui sont en dessous. C’est vrai a l’échelle du pays, où le top 20% est très loin d’ap­por­ter autant de valeur à la société qu’il n’en consomme. C’est aussi vrai à l’échelle mondiale où le niveau de vie français se base prin­ci­pa­le­ment sur les condi­tions de travail et l’ex­ploi­ta­tion des ressources des pays dits « en déve­lop­pe­ment ».

    Qui pense donc qu’il produit et contri­bue 100 fois plus que celui qui se tue – litté­ra­le­ment – au travail à l’usine en Asie du sud-est ou celui qui essaie autant que possible de survivre à la misère ou à la guerre dans certaines parties d’Afrique ? Quand je vois les 0,1% les plus privi­lé­giés ont un ratio de richesse proba­ble­ment bien plus proche du million… Qui peut sérieu­se­ment prétendre appor­ter un million de fois plus que quiconque ?

    * * *

    Et le travail, l’im­pli­ca­tion, les connais­sances, la prise de risque ? Oh, c’est certain que celui qui ne travaille pas et rejette toutes les oppor­tu­ni­tés aura moins de chance d’ar­ri­ver aussi loin, mais au final c’est bien de ça dont il s’agit, de chance. Nos privi­lèges viennent d’abord de la chance d’être bien né, dans le bon pays, poten­tiel­le­ment d’une bonne famille ou au moins d’avoir rencon­tré les bonnes personnes, été au bon endroit, au bon moment, d’avoir profité des condi­tions ou d’op­por­tu­ni­tés parti­cu­lières. Oui, de chance, comme premier critère.

    Vous ne me croyez pas ? Pour­tant des cher­cheurs arrivent bien à cette conclu­sion. Même sans comp­ter la géopo­li­tique, au sein d’une popu­la­tion ce qui diffé­ren­cie les 20% qui ont le plus, c’est surtout la chance et les oppor­tu­ni­tés qui se sont présen­tées à eux.

    * * *

    L’objec­tif n’est pas de se flagel­ler, mais peut-être d’ar­rê­ter de se croire supé­rieurs, d’ar­rê­ter de glori­fier la vision où il faut libé­rer les éner­gies quitte à restreindre les règles qui permettent aux 80% moins privi­lé­giés d’être moins écra­sés.

    C’est toute la diffé­rence entre une vision de charité où ceux qui ont réussi à la sueur de leur front vont béné­vo­le­ment aider ceux qui ont besoin d’un coup de pouce pour pouvoir faire pareil s’ils le veulent vrai­ment… et une vision de mise en commun où la collec­ti­vité règle­mente et prélève sur les plus privi­lé­giés pour permettre à tous de profi­ter d’un niveau de vie correct.

  • La retraite des chemi­nots à 50 ans, ou 52, ou 57 en réalité, ou…

    Puisque ça trau­ma­tise les gens…

    On va parler de Pierre, Paul et Jacques, embau­chés aujourd’­hui comme chemi­nots, et regar­der leur âge réel de départ à la retraite :

    Pierre

    Pierre est embau­ché après ses 31 ans. Il béné­fi­cie des mêmes règles que le régime géné­ral. C’est un âge légal de départ à la retraite à 62 ans pour 172 trimestres, et un taux plein garanti à 67 ans.

    Paul

    Paul est un chemi­not séden­taire, comme 90% des chemi­nots.

    Il a un avan­tage scan­da­leux : Son âge légal de départ à la retraite sera de 57 ans au lieu de 62 ans. C’est 5 ans de mieux… en théo­rie.

    En théo­rie parce qu’il devra quand même coti­ser 172 trimestres, comme le régime géné­ral. Pour partir à 57 ans il faudrait qu’il travaille de façon inin­ter­rom­pue depuis ses 14 ans. Voyons donc son âge de départ à la retraite en fonc­tion de son âge d’em­bauche :

    Travail depuis ses 14 ans : Non sérieu­se­ment, il est inter­dit de travailler à cet âge. Les parents et l’em­ployeur iraient en prison. Paul ne peut pas prendre sa retraite à taux plein à 57 ans, même en théo­rie.

    Ou plutôt si, il peut, s’il a commencé à travailler plus tard mais qu’il souffre à 57 ans d’un handi­cap signi­fi­ca­tif ou d’une mala­die grave.

    Si quelqu’un pensait se lever pour faire cesser cet avan­tage indu, j’es­père qu’il est déjà rouge de honte.

    Oui, sur le régime géné­ral il faudra attendre 60 ans malgré cette situa­tion de santé, mais c’est peut-être ça qu’il faut chan­ger, non ? En tout cas on n’est dans un cas à la marge qui reste ultra-mino­ri­taire.

    Bon, Paul peut partir bien entendu avant d’avoir ses trimestres mais dans ce cas il aura une pension réduite d’au­tant *et* une décote supplé­men­taire. Le calcul est le même que le régime géné­ral et ça peut vite faire mal.

    Travail depuis ses 15 ans : Oui, si Paul travaille depuis ses 15 ans via l’ap­pren­tis­sage, qu’il ne s’in­ter­rom­pra jamais, il pourra prendre sa retraite à taux plein à 58 ans, soit 4 ans de mieux que la règle géné­rale.

    Je vous vois, envieux de ce gosse qui travaille déjà à temps plein alors que les autres sont encore au lycée. Rassu­rez-vous, son espé­rance de vie fait qu’il profi­tera proba­ble­ment moins de sa retraite que vous.

    Cela dit il n’y a là nul avan­tage. Si vous êtes sala­riés du régime géné­ral vous béné­fi­ciez du régime « carrières longues » qui permet à ceux qui ont commencé le travail avant leurs 16 ans de partir à la retraite à… 58 ans.

    Comme quoi, l’avan­tage n’en est pas toujours un.

    Travail depuis ses 17 ans : Même chose, si Paul commence deux ans plus tard, à un âge où beau­coup n’ont même pas encore le BAC, il pourra prendre sa retraite à taux plein deux ans plus tard, soit 60 ans.

    Le dispo­si­tif carrière longue du régime géné­ral instaure la même excep­tion pour ceux qui ont commencé à travailler avant leurs 20 ans : départ possible à 60 ans.

    Début de travail à 19 ans : Si Paul commence à 19 ans, travailler 172 trimestres en commençant à 19 ans ça nous mène à… 62 ans.

    Bref, si Paul commence à travailler à 19 ans, il aura le même âge réel de départ à la retraite que n’im­porte quoi. Oh avan­tage indu…

    Début de travail après ses 20 ans : Ah, le voilà le vrai avan­tage. Il y a l’âge légal et l’âge de départ à taux plein. L’âge de départ à taux plein est bien 5 ans plus tôt, à 62 ans.

    Notre chemi­not partira à la retraite à taux plein à 62 ans là où un sala­rié du privé ayant fait des études longues devra subir une décote de ses pensions.

    Bref, si vous cher­chez un avan­tage scan­da­leux, le voilà. Il existe, mais il s’agit de partir à la retraite à 62 ans, loin des cari­ca­tures.

    Main­te­nant si vous voulez être francs il faudra prendre en compte que le chemi­not aura payé toute sa vie 11% de plus sur ses coti­sa­tions retraite. Ça ne parait rien mais cumulé sur 40 ans ça commence à faire quand même. Ça ne compense pas 5 ans de retraite mais ça peut en compen­ser une bonne année quand même, plus s’il y a des taux d’in­té­rêt élevés.

    Jacques

    On m’avait pour­tant rabâ­ché que les chemi­not partent à la retraite à 50 ans !

    En fait les roulants partent bien 5 ans plus tôt que les séden­taires. Ils repré­sentent 10% des chemi­nots. On est loin du cas géné­ral.

    Pour un nouvel embau­ché roulant, le départ à la retraite pourra donc théo­rique­ment se faire dès 52 ans (et pas 50 ans), mais ceux qui ont déjà lu le reste du billet ont compris que c’était un chiffre qui est surtout là pour faire joli sur le papier tant qu’on n’a pas ses trimestres. Aucun chemi­not embau­ché aujourd’­hui ne pourra jamais prendre sa retraite à taux plein à cet âge.

    Il reste que cette mino­rité de chemi­nots roulants a bel et bien un départ à la retraite réel signi­fi­ca­ti­ve­ment plus tôt que le régime géné­ral, à condi­tion d’avoir été embau­chés à la SNCF avant leurs 31 ans. C’est vrai aussi pour quelques autres profes­sions dites « pénibles » en France, à tort ou à raison.

    On peut se dire qu’il y a d’autres travailleurs en France qui ont des horaires inte­nables et qui vivent une partie du temps hors de leur maison, et que ce n’est pas forcé­ment le cas de tous les roulants. C’est vrai. À vous de voir si ce ne sont pas les autres qui méri­te­raient eux-aussi un avan­tage plutôt que de l’en­le­ver aux roulants.

    En tout état de cause, on parle de 10% des chemi­nots, et les règles pour les embauches actuelles ne mènent pas du tout à une retraite réelle à 50 ans, ou même à 52, même dans le meilleur des cas.


    J’ai fait de mon mieux pour regar­der des sources offi­cielles mais je suis peut-être passé à côté de certains cas, n’hé­si­tez pas à complé­ter.

    Il y a plein de cas plus complexes ou plus avan­ta­geux pour des gens qui ont embau­ché il y a plusieurs années. Je ne les décris pas parce que personne n’a même soulevé l’idée de chan­ger leur statut à eux, et que les gens ont tendance à compa­rer le régime géné­ral futur avec le régime SNCF passé, ce qui est forcé­ment biaisé dès le départ.

    Je ne prends en compte que les règles à partir d’aujourd’­hui, et c’est déjà pas mal. « Le passé c’est le passé Darling, ça para­site le présent. »

  • Un peu de recul pour ce week-end

    Parfois on tombe sur des textes avec un peu de recul, et ça fait du bien.

    Le premier de ce week-end est à propos des vélos en libre service. On y dépasse les récri­mi­na­tions sur les dégra­da­tions ou leur mauvais station­ne­ment bien que ce soit en plein dans le sujet.

    Les vélos en libre service, qui sont là pour long­temps, nous donnent une belle occa­sion de repen­ser la mobi­lité et l’es­pace public. À condi­tion de ne pas se cris­per, de ne pas renon­cer (à régu­ler), et de faire preuve d’ima­gi­na­tion.

    Le second est à propos de l’aban­don de l’am­bi­tion initiale d’of­frir une couver­ture chômage aux sala­riés démis­sion­naires. L’idée est toujours là mais telle­ment limi­tée qu’elle n’a plus vrai­ment le même sens.

    « L’échec de la révo­lu­tion de l’as­su­rance chômage » explique en quoi il y avait là quelque chose d’in­té­res­sant, qu’on aurait pu consi­dé­rer comme un inves­tis­se­ment social posi­tif.

  • Inci­ta­tion à perfor­mance par des primes dans les admi­nis­tra­tions de santé

    Il se nomme d’après une légende de l’Inde colo­nia­liste. Esti­mant qu’il y avait trop de cobras dans la ville de Delhi, les auto­ri­tés déci­dèrent de mettre en place une récom­pense pour chaque tête de cobra rappor­tée. La mesure eu un franc succès, jusqu’à ce que l’ad­mi­nis­tra­tion découvre des fermes de cobras, elle arrêta alors le programme de récom­penses et les éleveurs relâ­chèrent leur animaux, augmen­tant le nombre de cobras initia­le­ment présents dans la ville.

    Visi­ble­ment tout le monde ne connait pas encore l’ef­fet cobra.

    Ce matin j’en­tends une poli­tique de la majo­rité parler d’in­ci­ta­tion à perfor­mance par des primes dans les admi­nis­tra­tions de santé, et plus parti­cu­liè­re­ment en EHPAD. En quelques minutes elle dit que l’im­por­tant n’est pas de faire des actes mais d’ai­der les gens, et envi­sage trois exemples d’in­di­ca­teurs :

    • La baisse du nombre d’actes
    • Permettre aux gens de rentrer chez eux plus tôt (baisse de durée des séjours)
    • Limi­ter le nombre de fois où on fait reve­nir les gens (baisse des réad­mis­sions)

    Sérieu­se­ment, même avec des agents dont l’objec­tif prin­ci­pal sera la qualité des soins, n’y a-t-il personne pour iden­ti­fier d’aussi mauvais indi­ca­teurs ? pour voir que ça va déra­per, voire être dange­reux ?

    Nous allons mettre des gens, souvent mal payés vis à vis de leur impli­ca­tion, en posi­tion de se dire « ça me semble utile mais si je fais cet acte de soin je risque de faire une croix sur ma prime ». Vu qu’on parle de primes d’équipes, on peut même avoir la pres­sion malsaine des collègues « tu aurais du refu­ser la réad­mis­sion de cette personne, tu ne peux pas mettre en diffi­culté finan­cières tes collègues comme ça en cette période », qu’elle soit expli­cite, impli­cite ou même auto-suggé­rée.

    Le pire étant la prise de risque du  « norma­le­ment ça devrait bien se passer, si je la renvoie chez elle dès main­te­nant, on évite d’am­pu­ter le salaire de ce mois ».

    Vous n’y croyez pas ?

    Nos soignants sont dédiés à la cause. J’ai bon espoir que le person­nel résiste au mieux à cette pres­sion, quitte à devoir faire une croix sur leur rétri­bu­tion finan­cière et à se prendre encore des critiques sur leur gestion. Dans le meilleur des cas nous aurons un superbe exemple du méca­nisme de double contrainte contra­dic­toire, géné­rant un mal-être supplé­men­taire gigan­tesque, de l’épui­se­ment ou des burn out.

    Notre poli­tique se plai­gnait qu’on parle de prime à la perfor­mance dans le service public depuis long­temps sans pour autant l’avoir fait. Oui, ceci peut expliquer cela : C’est diffi­cile de trou­ver de bons indi­ca­teurs sans effet pervers. Très diffi­cile, surtout quand la rela­tion de confiance est déjà rompue avec l’au­to­rité de contrôle.

    * * *

    Oui, la gestion finan­cière est impor­tante. Inci­ter à éviter les gâchis est une bonne chose. Mais si on commence à donner des primes sur ce critère, il risque de primer sur l’objet même du service donné. C’est du mana­ge­ment de base ça. Comment ceux qui veulent faire fonc­tion­ner le service public comme une entre­prise peuvent-ils l’ou­blier ?

    Quand on base le service public – non rentable par nature – sur des indi­ca­teurs de perfor­mance finan­ciers, c’est évident que ça va mal se passer quelque part. Quand on veut gérer des services publics avec des recettes idéo­lo­giques éculées, ça ne se passe pas mieux.

    Au-delà, le prin­cipe même des primes sur objec­tif est contre-produc­tif à la base, mais là aussi il faut avoir un peu lu pour éviter les préju­gés basés sur l’in­tui­tion. Je vous recom­mande au mini­mum la courte vidéo de cet ancien billet.

  • Le burn-out en mala­die profes­sion­nelle, la FAQ

    J’en ai marre du FUD sur l’ins­crip­tion du burn out au tableau des mala­dies profes­sion­nelles alors je vais faire une petite FAQ.

    Je parle dans la suite de burn out mais si vous voulez être pédant vous pouvez parler du syndrome d’épui­se­ment profes­sion­nel. Ça fait plus scien­ti­fique mais ça revient au même.

    Ce n’est pas (offi­ciel­le­ment reconnu comme) une mala­die

    Si. Ça ne prête en fait pas vrai­ment à débat.

    La France est un pays qui aime bien les listes admi­nis­tra­tives mais on n’en est heureu­se­ment pas à défi­nir exhaus­ti­ve­ment ce qui est ou pas une mala­die en fonc­tion d’une liste offi­cielle. Cette liste offi­cielle exhaus­tive n’existe pas.

    Pour être complet, il existe bien une clas­si­fi­ca­tion inter­na­tio­nale mais qui a pour objec­tif de caté­go­ri­ser puis réali­ser des statis­tiques, pas de régle­men­ter ou défi­nir ce qui doit être reconnu ou non comme une mala­die. Elle fait de plus l’objet de critiques et contro­verses juste­ment concer­nant la section sur les mala­dies mentales.

    Nous n’avons même pas de défi­ni­tion légale de ce qu’est une mala­die au regard de la loi. Il nous reste donc le diction­naire :

    Alté­ra­tion de l’état de santé se mani­fes­tant par un ensemble de signes et de symp­tômes percep­tibles direc­te­ment ou non, corres­pon­dant à des troubles géné­raux ou loca­li­sés, fonc­tion­nels ou lésion­nels, dus à des causes internes ou externes et compor­tant une évolu­tion.

    Il me parait super­flu de démon­trer que le burn out entre bien dans cette défi­ni­tion. Pour les plus récal­ci­trants, le même diction­naire parle de mala­die (noire) pour un « état patho­lo­gique carac­té­risé par un état de profonde tris­tesse » et de mala­die (mentale, nerveuse ou psychique) pour du « trouble du compor­te­ment ».

    J’ai pris la défi­ni­tion du TLFi parce que ce diction­naire fait clai­re­ment réfé­rence mais si vous préfé­rez la plus offi­cielle neuvième édition du diction­naire de l’Aca­dé­mie française, on y trouve « Alté­ra­tion plus ou moins profonde et durable de la santé ; état d’une personne malade ». Sauf à nier la notion de santé mentale et de mala­die psychique, on peut faci­le­ment dire que le burn out quali­fie là aussi.

    À ceux qui ne se suffisent pas de l’ar­gu­men­ta­tion linguis­tique, le burn-out est suivi par des méde­cins et/ou psycho­logues, parfois de façon médi­ca­men­teuse (même si ce n’est clai­re­ment pas un bon critère pour iden­ti­fier une mala­die). Il est souvent la cause racine d’in­ter­rup­tions de temps de travail données par des méde­cins et vali­dées par la sécu­rité sociale. On a des docu­ments issus d’or­ga­ni­sa­tions et d’ad­mi­nis­tra­tions de santé à propos du burn out. Il est même excep­tion­nel­le­ment reconnu pour certaines personnes comme acci­dent du travail (sisi) ou comme mala­die profes­sion­nelle (preuve s’il en est que même l’ad­mi­nis­tra­tion consi­dère que ça peut en être une, le problème n’est pas là).

    L’ins­crip­tion au tableau n’est pas néces­saire

    Elle ne l’est pas. On peut tout à fait faire recon­naitre son burn out comme mala­die profes­sion­nelle sans que cette mala­die ne soit inscrite au tableau. Il y a une procé­dure pour ça, qui juge le cas indi­vi­duel. Certains cas sont accep­tés tous les ans.

    Le para­graphe précé­dent est d’ailleurs vrai pour *tou­tes* les mala­dies inscrites au tableau. *Tou­tes* pour­raient théo­rique­ment être recon­nues comme mala­dies profes­sion­nelles même si elles n’y étaient pas inscrites. L’enjeu n’est pas là.

    Le problème c’est que la procé­dure indi­vi­duelle est complexe. Il faut prou­ver la mala­die (ça c’est l’étape simple), que la mala­die peut être provoquée par les condi­tions de travail (ça reste faisable) mais aussi que ce sont ces condi­tions de travail et *exclu­si­ve­ment* ces condi­tions de travail qui ont déclen­ché la mala­die. Et là…

    Démon­trer l’ab­sence d’autres causes possibles, même partielles, c’est carré­ment mission impos­sible. Démon­trer l’ab­sence de quelque chose, c’est déjà géné­ra­le­ment un tour de force mais alors quand on parle de déter­mi­ner objec­ti­ve­ment et exhaus­ti­ve­ment les causes d’une affec­tion menta­le… ça devient du Houdini.

    Bref, il y a évidem­ment des excep­tions, des cas qui permettent d’ap­por­ter des preuves, ou même proba­ble­ment des dossiers excep­tion­nel­le­ment étudiés avec empa­thie et bien­veillance malgré des règles théo­rique­ment très strictes, mais autant dire que la procé­dure indi­vi­duelle n’est pas la solu­tion. N’es­pé­rez pas réus­sir.

    Le problème est d’ailleurs le même pour l’es­sen­tiel des mala­dies profes­sion­nelles. Tu es soumis à un agent patho­gène pendant des années. Tu tombes malade avec la mala­die corres­pon­dante. Théo­rique­ment rien ne prouve que tu n’au­rais pas pu l’at­tra­per ailleurs, que tu ne l’au­rais pas eu quand même.

    C’est *exac­te­ment* pour ça qu’on a créé le tableau des mala­dies profes­sion­nelles. Ça dit que si les condi­tions d’ex­po­si­tion sont réunies au travail (au deman­deur de le prou­ver) et qu’il a attrapé la mala­die décrite (à prou­ver aussi) alors dans ces cas là, et unique­ment dans ces cas là, on présume que la cause est proba­ble­ment profes­sion­nelle.

    L’em­ployeur peut toujours prou­ver que les condi­tions d’ex­po­si­tion n’étaient pas si réunies que ça, notam­ment par des mesures de préven­tion et des règles internes pour éviter l’ex­po­si­tion. Il peut toujours prou­ver qu’il y a d’autres causes pour un cas précis. Bref, ce n’est qu’une présomp­tion, mais elle permet d’évi­ter une preuve impos­sible à appor­ter, ou en tout cas d’évi­ter de reje­ter un nombre exces­sif de dossiers légi­times.

    On ne parle que de ça. Prou­ver qu’il y a un envi­ron­ne­ment propre à une pres­sion exces­sive, du harcè­le­ment moral, une déres­pon­sa­bi­li­sa­tion puis­sante et une situa­tion psychique propre à créer le burn out effec­ti­ve­ment subi, ça reste diffi­cile. C’est diffi­cile, subjec­tif, fran­che­ment pas une porte ouverte à toutes les demandes farfe­lues, mais entre ça et prou­ver l’ab­sence d’autres sources possibles, c’est le jour et la nuit.

    Pensez qu’il faut de plus faire tout ça alors qu’on est juste­ment dans un état de faiblesse et d’épui­se­ment mental extrême, parti­cu­liè­re­ment vis à vis de tout ce qui vient du milieu du travail. C’est un peu comme deman­der à un amputé des deux bras de rédi­ger lui-même par écrit les circons­tances de son acci­dent.

    On peut le faire recon­naitre comme acci­dent du travail

    Pour moi c’est le plus magni­fique contre-argu­ment. L’idée c’est qu’au lieu d’at­tri­buer le burn out à une expo­si­tion globale à une situa­tion profes­sion­nelle propice, on tente d’iden­ti­fier un fait déclen­cheur unique. Ça permet de quali­fier un acci­dent et de le faire recon­naitre ainsi.

    Ça fonc­tionne parfois, pour ceux qui arrivent à iden­ti­fier un événe­ment déclen­cheur spéci­fique, mais ça n’est en rien une solu­tion géné­ra­li­sable.

    C’est surtout un contour­ne­ment. Pour quali­fier un acci­dent du travail, il faut toujours prou­ver qu’il y a mala­die (les consé­quences de l’ac­ci­dent). Il faut toujours prou­ver que la cause est profes­sion­nelle. Il faut cepen­dant en plus prou­ver que cette cause a un fait déclen­cheur soudain et unique.

    En théo­rie ce devrait être plus limité, plus diffi­cile. En pratique la procé­dure est plus simple, plus ouverte.

    L’idée c’est donc de trou­ver un fait signi­fi­ca­tif sur lequel on pour­rait tenter de raccro­cher le burn out, quitte à esca­mo­ter tout le reste. Sauf dans quelques cas excep­tion­nels, on est à la limite de la fausse décla­ra­tion.

    Que certains en soient réduits à passer par là et que ça fonc­tionne démontre plutôt juste­ment à quel point le parcours de recon­nais­sance indi­vi­duelle de burn out en mala­die profes­sion­nelle est tota­le­ment inadapté. Il y a besoin d’un allè­ge­ment des preuves, exac­te­ment dans ce que permet l’ins­crip­tion au tableau prévu à cet effet.

    Et puis merde ! présup­po­ser que le syndrome d’épui­se­ment *pro­fes­sion­nel* a a-priori une cause liée à l’en­vi­ron­ne­ment profes­sion­nel est-ce vrai­ment si déli­rant que ça ?

    On préfère agir via une poli­tique de santé publique

    Faites donc. Il y a une telle absence d’ac­tion face au problème que ça ne peut pas faire de mal. J’ima­gine qu’une simple circu­laire inci­tant les admi­nis­tra­tions concer­nées à trai­ter les dossiers avec bien­veillance et empa­thie pour­rait déjà large­ment contri­buer à une amélio­ra­tion des choses. Même ça n’a pas été fait (ce qui pour moi est la preuve qu’il y a surtout une volonté de ne *pas* ouvrir la porte à des prises en compte de mala­dies mentales, du moins pas autre­ment qu’au compte goutte).

    On pour­rait aussi impo­ser aux employeurs de grandes entre­prises d’avoir des dispo­si­tifs de préven­tion et de prise en compte du problème. L’ins­pec­tion du travail pour­rait enquê­ter dans les domaines et entre­prises qui génèrent des taux anor­maux de burn out. Elle pour­rait aussi passer à la répres­sion quand les condi­tions humaines sont destruc­trices pour l’in­di­vidu. Pour ça on pour­rait recru­ter un peu dans l’ins­pec­tion du travail qui n’ar­rive déjà pas à gérer le strict mini­mum et où imagi­ner analy­ser l’en­vi­ron­ne­ment psychique doit rele­ver de la science-fiction.

    Bref, faites donc, mais je ne vois pas en quoi ce serait exclu­sif d’une inscrip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles. Au contraire, faire les deux serait d’une superbe cohé­rence dans l’ac­tion publique.

    Ça va amener plein d’abus

    FUD (fear, uncer­tainty and doubt).

    On ne parle déjà que de gens effec­ti­ve­ment atteints par le syndrome d’épui­se­ment profes­sion­nel, qui peuvent être recon­nus comme tels et le prou­ver. Ce n’est pas un truc marrant qu’on prend par plai­sir. On ne parle pas de simple­ment réper­to­rier tous ceux qui sont fati­gués ou n’ont pas envie d’al­ler travailler le lundi matin.

    Ensuite on parle de prou­ver des condi­tions. Chaque inscrip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles est liée à des condi­tions d’ex­po­si­tion profes­sion­nelles. Il faudra donc prou­ver que l’en­vi­ron­ne­ment corres­pond à celui de nature à créer des burn out. On parlera proba­ble­ment de pres­sion, de mana­ge­ment humi­liant, de harcè­le­ment, et globa­le­ment de situa­tion psycho­lo­gique destruc­trice. Il faudra le prou­ver, et imagi­nez bien que l’em­ployeur fera tout ce qu’il peut pour ne surtout pas lais­ser acter offi­ciel­le­ment qu’il a un tel envi­ron­ne­ment.

    Bref, on va permettre de faire effec­ti­ve­ment recon­naitre des cas de burn out sans deman­der l’im­pos­sible. On ne dit pas que ça va d’un coup être facile pour autant.

    Mais surtout, aujourd’­hui on sait que cette mala­die touche du monde, et que ça augmente de plus en plus. Les dossiers accep­tés sont peu nombreux. L’abus il existe déjà, aujourd’­hui, et il est au détri­ment des gens qui souffrent.

    En déter­mi­nant de quelle côté est la présomp­tion (le seul effet de l’ins­crip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles), on peut choi­sir la situa­tion qui génè­rera le moins d’injus­tices.

    Ce serait anor­mal de consi­dé­rer que l’em­ployeur est forcé­ment en faute

    Ça tombe bien, il n’en est pas ques­tion ici. Il s’agit d’at­tri­buer une cause qui permet à la sécu­rité sociale de couvrir plus ou moins bien les consé­quences de la mala­die, pas de dire si cette cause relève ou non d’une faute de l’em­ployeur.

    Il peut y avoir une mala­die profes­sion­nelle sans faute ni indem­ni­sa­tion spéci­fique de l’em­ployeur, comme il peut y avoir recon­nais­sance d’une faute et indem­ni­sa­tion du préju­dice sans recon­nais­sance pour autant d’une mala­die profes­sion­nelle.

    Main­te­nant à titre person­nel je ne verrai pas forcé­ment d’un mauvais œil qu’on commence à inquié­ter les employeurs quand le burn out vient de condi­tions humaines inac­cep­tables ou d’un défaut de préven­tion flagrant.

  • « la poli­tique raison­nable et humaine que nous menons »

    J’avais commencé à lister un histo­rique de ces dernières années mais je vais vous dire autre chose.

    J’ai honte.

    J’ai­me­rais ne plus avoir honte. On peut avoir des diver­gences fortes sur la poli­tique à mener, mais j’ai­me­rais ne plus avoir honte de ma police, de comment elle met en œuvre cette poli­tique.

    Je ne veux plus entendre que notre police confisque duvets et couver­tures à des personnes qui dorment dehors en plein hiver. C’est illé­gal mais c’est aussi inhu­main.

    Je ne veux plus entendre que notre police lacère ou jette des tentes de personnes sans domi­ciles. Ces tentes sont peut-être elles-mêmes anor­mal mais fragi­li­ser ces gens dehors en plein hiver n’est pas justi­fiable pour autant.

    Je ne veux plus entendre qu’on enferme illé­ga­le­ment, qu’on créé des centres de réten­tion arti­fi­ciels sans leur en donner le nom et le statut.

    Je ne veux plus entendre qu’on traite des enfants légè­re­ment et qu’on les laisse à la rue, parce que c’est plus simple, en se défaus­sant sur leurs parents, ou simple­ment en leur niant leur mino­rité.

    Je ne veux plus lire des récits qui me font honte dans les commu­niqués d’ONG au dessus de tout soupçon de partia­lité et jusque dans la presse inter­na­tio­nale. C’est toute la France qui devrait avoir honte, honte au point de ne pas oser faire une quel­conque décla­ra­tion inter­na­tio­nale avant de régler ça.

    J’ai honte et c’est grave.

    C’est grave parce que ce sont des actions de forces de l’ordre qui se croient au dessus de la loi, qui font justice eux même. On a là un terreau fertile pour les déra­pages les plus graves.

    C’est grave parce que ce sont des fonc­tion­naires qui acceptent des ordres illé­gaux et inhu­mains, et ça doit faire réflé­chir vu le passé de la France.

    C’est grave parce que sont des respon­sables poli­tiques qui cautionnent voire qui soutiennent. Pire, ils vont vanter le trai­te­ment humain alors qu’ils ont des alertes cohé­rentes et persis­tantes d’ac­teurs incon­tes­tables. Bref, pour montrer leur fermeté ils renforcent le senti­ment que tout est permis.

    J’ai honte, c’est grave et j’ai peur.

    J’ai désor­mais peur quand je vois la police, celle qui devrait me proté­ger. Je n’ima­gine plus parti­ci­per à une mani­fes­ta­tion légale, décla­rée et paci­fique sans craindre de reve­nir avec des héma­tomes voire mutilé par une grenade.

    J’ai peur d’une police ivre de son pouvoir et qui n’a plus aucune limite. Même quand il y a mort après inter­pel­la­tion, on lit ensuite dans la presse qu’il n’y a rien eu d’anor­mal ou de répré­hen­sible de la part des forces de l’ordre, limite que le passé du décédé justi­fie bien ce qui lui est arrivé.

    Élevé dans le respect de l’ordre et dans l’idée que la police est là pour moi, à toute occa­sion, aujourd’­hui je change de trot­toir si je le peux pour éviter toute rencontre avec la police. On ne sait jamais, parce que je n’ai plus aucune confiance.

    J’ai honte, c’est grave, j’ai peur et je veux du chan­ge­ment.

    Je crève d’en­vie de deman­der la démis­sion de ministres, préfets et autres personnes à respon­sa­bi­lité dans toute cette chaîne défaillante mais je veux surtout du chan­ge­ment.

    Je veux un ministre qui trace clai­re­ment les limites de l’inac­cep­table. Je suis prêt à ne pas faire atten­tion s’il prend plein de précau­tions oratoires, s’il dit que ce sont des faits isolés alors qu’il est désor­mais évident que ce n’est pas le cas, mais je veux qu’il le fasse, clai­re­ment.

    Je veux que derrière il y ait des enquêtes et des sanc­tions. Je veux qu’il y ait des syndi­cats qui reprennent voix pour dire qu’ils s’op­po­se­ront aux ordres illé­gaux et immo­raux. Je veux des poli­ciers qui s’ex­priment, même anony­me­ment.

    Je veux qu’on margi­na­lise l’inac­cep­table, que ça rede­vienne inac­cep­table. Je veux pouvoir être fier de mon pays et de sa police.

    J’ai honte, c’est grave, j’ai peur, je veux du chan­ge­ment et c’est urgent.

    Si j’ai peur, moi qui ai toujours défendu la police pendant toute ma vie, j’ima­gine ce qu’il doit en être pour ceux qui n’ont pas une situa­tion aussi privi­lé­giée que la mienne.

    On va ramer pour retrou­ver de la confiance, pour retrou­ver du lien entre le citoyen et les forces de l’ordre. Ce ne sont pas des belles paroles qui vont chan­ger des choses. Il faut du visible, du poing sur la table, et pas qu’un peu, pas juste pendant une opéra­tion de commu­ni­ca­tion de quelques jours.

    Même ainsi ça va prendre du temps, des années peut-être, mais si on ne le fait pas rapi­de­ment ça risque vite de deve­nir trop tard. J’es­père que ça ne l’est pas déjà.

    C’est main­te­nant qu’il y a un train à prendre, pour qu’un jour je ne pleure pas de dégoût quand j’en­tends parler de « la poli­tique raison­nable et humaine que nous menons » à la radio.

  • 86% des chômeurs

    La presse se fait écho des statis­tiques de contrôle au Pôle Emploi et de la réponse de notre gouver­ne­ment. On saura que 14% des contrô­lés auront été pris en faute (proba­ble­ment une inca­pa­cité à prou­ver des recherches suffi­santes).

    On est très loin du mythe du chômeur majo­ri­tai­re­ment frau­deur mais 14% ça n’est pas négli­geable non plus. Le gouver­ne­ment annonce vouloir inten­si­fier les contrôles, multi­plier par 5 les effec­tifs de contrô­leurs.

    Certains jour­naux donnent plus de détails et, là, le ridi­cule se pointe.

    * * *

    Parlons d’abord chiffres. Sur les 14% de sanc­tion­nés, seuls 40% sont en réalité indem­ni­sés par l’Une­dic.

    Oui, vous avez bien lu. Une part impor­tante des contrô­lés ne rece­vaient aucune indem­ni­sa­tion d’au­cune sorte.

    Au final les sanc­tion­nés rece­vant une indem­ni­sa­tion indue repré­sentent seule­ment 5,6% des contrô­lés. D’un coup le chiffre devient bien moins signi­fi­ca­tif. Ne trou­vez-vous pas ?

    Si en plus le ciblage a été fait sur des critères pas trop idiots, ça veut dire que le taux de frau­deurs indem­ni­sés doit commen­cer à être fran­che­ment réduit (surtout quand on a en tête le taux de non-recours aux pres­ta­tions sociales, un ordre de gran­deur supé­rieur)

    * * *

    Bref, pas de quoi justi­fier la multi­pli­ca­tion par cinq (!) des contrôles et des contrô­leurs qui a été annon­cée par le gouver­ne­ment.

    Faites le calcul : L’in­dem­ni­sa­tion moyenne est de 1159 euros. La sanc­tion est une radia­tion de 15 jours, soit donc 580 euros.

    Pour chaque personne indem­ni­sée sanc­tion­née on en contrôle manuel­le­ment 20, et on procède à 14 désins­crip­tions puis réins­crip­tions. Je ne connais pas le coût d’un contrôle ni celui des désins­crip­tions et réins­crip­tions, mais le gain finan­cier net ne doit pas être énorme.

    Avec seule­ment 5% de réus­site utile, il est plutôt urgent de travailler à mieux cibler les contrôles plutôt que les augmen­ter. Là on aurait de la bonne gestion et pas une opéra­tion de commu­ni­ca­tion poli­tique.

    * * *

    D’au­tant que je ne sais pas vous, mais si j’étais inscrit sans indem­ni­tés et que l’État avait l’ou­tre­cui­dance de me deman­der des comptes, il n’est pas certain que je joue­rais le jeu long­temps.

    Même pour ceux qui effec­ti­ve­ment n’avaient pas une recherche active suffi­sante, quel inté­rêt de les contrô­ler à part faire une opéra­tion de commu­ni­ca­tion sur les chiffres ?

    Qu’on en arrive à cibler ces gens là pour un contrôle montre qu’il y a fort à faire au niveau de l’ef­fi­ca­cité du ciblage.

    * * *

    Ou alors…

    Ou alors le but était juste­ment de faire une opéra­tion de commu­ni­ca­tion, de pouvoir présen­ter un chiffre de frau­deurs élevé et reje­ter socia­le­ment la faute sur les chômeurs. Ce serait vrai­ment malhon­nête, vrai­ment dégueu­lasse, vrai­ment…

    Le problème c’est qu’à part l’in­com­pé­tence crasse de toute la chaîne opéra­tion­nelle cumu­lée à celle de toute la chaîne déci­sion­nelle jusqu’au ministre qui a validé la réponse poli­tique à la publi­ca­tion de ce chif­fre… je ne vois pas d’autre alter­na­tive.

    Si j’étais cynique, la malhon­nê­teté et l’in­com­pé­tence ne sont pas des éven­tua­li­tés exclu­sives l’une de l’autre.

  • Il s’agit bien d’éva­sion

    Je n’ac­cepte pas qu’on corrige en « opti­mi­sa­tion fiscale » ces séries de socié­tés écran, de circuits complexes et de domi­ci­lia­tion arti­fi­cielles dans des para­dis fiscaux.

    Il ne s’agit pas simple­ment de bonne gestion d’en­tre­prise et donc d’op­ti­mi­sa­tion des ressources. Il s’agit de montages qui ont pour unique but de se sous­traire à ses obli­ga­tion, de ne pas contri­buer à la société.

    L’évasion fiscale traduit juste­ment ça : Fuir la fisca­lité locale natu­relle pour en cher­cher une autre (et le plus souvent une absence de).  Ce peut-être légal ou illé­gal. Dans la défi­ni­tion rien ne présup­pose l’illé­ga­lité.

    La ques­tion de la léga­lité est d’ailleurs une raison de plus d’évi­ter ici le terme d’op­ti­mi­sa­tion fiscale : On se doute bien qu’au moins partie de ces pratiques frise l’abus de droit fiscal, c’est à dire l’usage de montages à l’unique desti­na­tion de se sous­traire à l’es­prit de la loi et à l’in­ten­tion du légis­la­teur.

    Bref, utili­ser des des socié­tés écran et des montages avec domi­ci­lia­tion arti­fi­cielle dans des para­dis fiscaux, c’est bien de l’éva­sion fiscale, ni plus ni moins. C’en est même l’exemple type.

    Le terme ne vous plait pas parce qu’il a une conno­ta­tion néga­tive ? dans ce cas inter­ro­gez-vous sur les pratiques plus que sur les termes, parce qu’il me semble que le néga­tif vient surtout de là.