Catégorie : Politique et société

  • Deux mondes du travail

    Ils évoluent dans un monde où la souf­france au travail n’existe que dans les livres d’his­toire, et ils ne manquent pas de repro­cher systé­ma­tique­ment à leurs adver­saires de « faire du Zola » quand ils évoquent les horaires déca­lés des femmes de ménage, le burn out des soignants ou le taux de morta­lité des ouvriers. Infou­tus d’ad­mettre que leur posi­tion de domi­nants leur assure, du berceau à la tombe, un rapport enchanté au travail, les macro­nistes ne comprennent pas que si eux « ne comptent pas leurs heures », l’en­semble des sala­riés français ne le fassent pas aussi.

    Leur « éman­ci­pa­tion » n’est pas la nôtre, Regards.fr

    Ailleurs, mort au travail jugée en fin d’an­née dernière

    Les condi­tions de travail sont parti­cu­liè­re­ment diffi­ciles, comme le décrit l’un de ses collègues, entendu par la police : «  Il fait très chaud, et il y a beau­coup de pous­sière. Par exemple, ce matin, j’ai mesuré la tempé­ra­ture sur le casque de mon collègue et j’ai relevé une mesure de 350 degrés, donc imagi­nez ce que nous subis­sons… Parfois, nous pouvons rester pendant trois heures expo­sés à la chaleur, puisque nous devons enchaî­ner les conver­tis­seurs les uns après les autres. »

    […]

    « Notons que sur la majo­rité des sala­riés enten­dus, très peu savent que l’azote est utilisé pour le guni­tage et très peu en connaissent les proprié­tés dange­reuses ! » Et pour cause, dans le plan de préven­tion porté à la connais­sance des ouvriers, l’em­ployeur n’avait mentionné ni l’uti­li­sa­tion de l’azote, ni les risques encou­rus, ni les moyens de s’en proté­ger. […] La machine de commande dans laquelle était penché M. R. lors de son décès présente plus de 40 non-confor­mi­tés. Au vu de ces irré­gu­la­ri­tés, l’ins­pec­teur n’ex­clut pas qu’un échap­pe­ment exces­sif d’azote ait pu provoquer l’as­phyxie brutale de la victime.

    […]

    Le 17 avril, au lende­main du décès, l’ins­pec­teur du travail alerte déjà, par mail, le parquet : « J’ai pu consta­ter que l’en­vi­ron­ne­ment du poste de travail de la victime et les tâches qu’elle exécu­tait dans la nuit de son décès présen­taient plusieurs facteurs de péni­bi­lité qui pour­raient être à l’ori­gine de son décès (…) toute­fois seule une autop­sie de la victime permet­trait de le déter­mi­ner. Je pense qu’il convien­drait de deman­der l’au­top­sie de la victime M. R. » La requête a été renou­ve­lée trois jours après et six mois plus tard. Toutes ces récla­ma­tions sont restées lettre morte.

    La justice épargne Arce­lorMit­tal, Media­part

    Même endroit, jugé il y a quelques jours

    « C’était un gars très coura­geux qui n’ar­rê­tait jamais. C’est un garçon qui a été dans la galère du marché de l’em­ploi avant d’être là. Il m’a confié qu’il ne faisait que des petites missions d’in­té­rim en alter­nance avec le chômage. Je pense qu’il voulait montrer aux respon­sables qu’il avait envie de rester »

    […]

    « Le haut-four­neau, comme nous l’ex­plique Alexandre, fondeur depuis plus de 15 ans, pour Arce­lorMit­tal, c’est comme une sorte de marmite géante de plus de 80 mètres de hauteur qui peut produire 270 000 tonnes de fonte par mois. Cette fonte est portée à une tempé­ra­ture de plus de 1 500 degrés. Des trous sont faits dans cette marmite pour lais­ser couler la fonte en fusion, qui passe par des rigoles et est ensuite récu­pé­rée pour être utili­sée. On travaille aux bords de cette rigole qui fait 1,6 mètre de large et de 1 à 1,5 mètre de profon­deur. Il y a des nuages de fumée, de pous­sière. Il faut aussi s’ha­bi­tuer au bruit. Il peut y avoir parfois de fortes déto­na­tions, semblables à des gros pétards, déclen­chées par certaines machines. Rajou­tée à cela, l’ex­trême chaleur. C’est l’un des métiers les plus pénibles et les plus dange­reux. Mais on s’y habi­tue. »

    Le 13 juillet 2015, une déto­na­tion, plus forte qu’à l’ac­cou­tu­mée, sort de l’une des machines. Surpris, Jérôme est « d’un coup poussé en arrière, il n’avait plus d’équi­libre et il est tombé dans la rigole en arrière sur son côté gauche. Je me suis immé­dia­te­ment rendu sur place, mais il était trop tard. Il a tendu son bras vers moi, mais je ne pouvais pas l’at­teindre. (…) Il y avait des flammes d’au moins cinq mètres de haut. Je me suis écroulé (…) puis j’ai été pris en charge pour aller au centre médi­cal », raconte Laurent, témoin de l’ac­ci­dent. Trau­ma­tisé, Laurent a été en arrêt mala­die pendant deux ans et vient tout juste de reprendre en mi-temps théra­peu­tique.

    Les premiers constats de l’ins­pec­tion du travail relèvent une infrac­tion flagrante de la part d’Ar­ce­lorMit­tal : aucune protec­tion n’a été instal­lée pour préve­nir le risque de chute. Les ouvriers travaillent ainsi à quelques centi­mètres d’un liquide qui coule à plus de 1 500 degrés sans qu’au­cun dispo­si­tif ne les protège de ce danger.

    Acci­dent mortel dans une usine: la justice épargne encore Arce­lorMit­tal, Media­part

    Mais « la justice épargne Arce­lorMit­tal », et la ministre du travail pavoise dans un gouver­ne­ment qui nous parle de valeur travail comme d’un accom­plis­se­ment et qui pour le valo­ri­ser ne propose que de réduire les contraintes des employeurs ou de réduire la qualité de vie de ceux qui n’ont pas d’em­ploi.

  • « PHP 5 avancé » en chiffres

    Je vois les auteurs racon­ter leur histoire, leurs rému­né­ra­tions. Je n’ai pas trop envie de m’y mélan­ger vu que je n’ai jamais été auteur profes­sion­nel ni n’ai jamais cher­ché à l’être. Mes enjeux d’au­teur du dimanche sont bien diffé­rents. Ajou­tez y que j’ai écrit dans à propos de tech­nique infor­ma­tique, très loin des auteurs de romans et de bande dessi­née.

    Pour autant, c’est aussi l’oc­ca­sion parce que je ne crois pas avoir déjà fait un tel bilan. Peut-être que ça inté­res­sera certain d’entre vous. Dites-moi s’il y a des ques­tions auxquelles je ne réponds pas.

    Atten­tion, ce n’est repré­sen­ta­tif de rien d’autre que de mon cas person­nel. J’ai même tendance à penser que mon histoire entre dans l’ex­cep­tion à plus d’un titre. Le fait qu’il y ait des gros chiffres dans la suite ne doit certai­ne­ment pas vous amener à penser que les auteurs roulent habi­tuel­le­ment sur l’or.

    Six éditions et quatre colla­bo­ra­teurs

    Travail à quatre mains avec Cyril Pierre de Geyer. Le premier chapitre a été fait en février 2003 pour une publi­ca­tion de 700 pages en juin 2004.

    PHP a pas mal évolué et le livre serait rapi­de­ment devenu obso­lète. Nous avons du mettre à jour le livre régu­liè­re­ment. Il y a eu une édition par an jusqu’en 2008 puis une sixième de 870 pages en 2012.

    La troi­sième édition a été reti­rée sur un format « best-of » en 2007, en paral­lèle de la vente de la quatrième dans son format d’ori­gine. J’avoue que ça me semble toujours étrange, d’au­tant que si nous en avons fait une quatrième édition plutôt qu’un reti­rage c’est que l’évo­lu­tion de PHP rendait l’an­cienne version moins perti­nente.

    Nous avons été épaulé par Hugo Hamon pour les relec­tures et l’in­dexa­tion de la cinquième édition. La sixième édition a été parta­gée avec un troi­sième auteur, Frédé­ric Hardy. Il est en petit sur la couver­ture, je le regrette aujourd’­hui.

    Les tirages et les ventes

    Le premier tirage était prévu à 3000 exem­plaires. Vus les chiffres de vente je suppose qu’il en a plutôt été tiré 3200 (ou alors on a vendu des livres qui n’exis­taient pas). Les chiffres des éditions suivantes ne tombant même pas proches de multiples de 250, j’ima­gine qu’on en imprime toujours un peu plus au cas où et que le chiffre final n’est pas tota­le­ment maitri­sable.

    La seconde édition a été tirée à envi­ron 3700 exem­plaires, la troi­sième et la quatrième ont toutes les deux fait entre 3200 et 3300 exem­plaires, plus envi­ron 4000 exem­plaires pour la best-off. La cinquième a béné­fi­cié de deux tirages, proba­ble­ment respec­ti­ve­ment 3400 et 2000 exem­plaires. La dernière a été tirée à quelque chose comme 3800 exem­plaires, proba­ble­ment en deux fois.

    Au total j’ai quelque chose comme 26 500 ventes sur les 12 ans de vie du livre.

    Le travail d’écri­ture

    Diffi­cile d’es­ti­mer le temps passé en écri­ture tant il était très frac­tionné, d’au­tant que ce n’était pas mon acti­vité prin­ci­pale. Sur les 16 mois de travail de l’édi­tion initiale, j’ai quand même du y passer une bonne majo­rité des soirs et week-end, et quelques mois quasi­ment à temps plein. À cela il faut bien entendu ajou­ter le travail de mon co-éditeur.

    Chose éton­nante pour moi, nous n’avons pas utilisé de logi­ciel ou de format de fichier spéci­fique à l’édi­tion, juste du Micro­soft Word avec une feuille de styles interne : un fichier par version et par chapitre nommé d’après l’au­teur a avoir créé la version, le tout dans un FTP.

    Les autres éditions ont été un effort variable, plus fort pour les premières que pour les dernières. On parle quand même géné­ra­le­ment de plusieurs mois pendant des soirs et des week-ends.

    Je n’ai aucune idée du travail total en équi­valent temps plein 35h sala­rié. Si je devais donner un chiffre je dirais proba­ble­ment un an équi­valent temps plein sala­rié, mais en réalité ça peut faci­le­ment être la moitié moins ou moitié plus.

    Malgré la moti­va­tion des premiers temps, faire ça en paral­lèle d’un job très prenant n’est pas aisé, surtout au moment des relec­tures. La colla­bo­ra­tion entre auteurs n’a pas toujours été évidente non plus. Ça parait évident après coup mais écrire à deux quand on ne se connait pas vrai­ment et qu’on ne se voit jamais en face à face, c’est forcé­ment un peu diffi­cile.

    La rému­né­ra­tion

    La rému­né­ra­tion est de 10% du hors taxe pour les ventes françaises grand format (4% sur les ventes à l’étran­ger, 5% sur le format poche — l’édi­teur a souhaité en sortir un une année, nous avons refusé), à parta­ger entre les auteurs initiaux, sans aucune avance, sur des livres qui ont varié de 35 à 45 € pour la collec­tion prin­ci­pale, 25 € pour le best-of.

    Même en allant cher­cher dans les archives, je suis encore aujourd’­hui inca­pable de dire combien j’ai gagné que ce soit en net ou en brut. J’ai des comptes de vente, des détails de coti­sa­tions, des avis de paie­ment et des résu­més de sommes à décla­rer au fisc. Rien ne se recoupe vrai­ment, quand je n’ai pas deux docu­ments d’un même type tota­le­ment diffé­rents pour une même année.

    Disons que la somme encais­sée avant impôts sur le revenu doit être entre 40 et 47 000 euros nets depuis le premier verse­ment en 2005. Précis hein ?

    Ramené à un an de travail c’est effec­ti­ve­ment très bien payé, surtout par rapport à ce que je lis à propos de auteurs en litté­ra­ture, en jeunesse ou en bande dessi­née. Même dans la four­chette haute, en comp­tant deux ans de travail en équi­valent temps plein, ça reste bien au dessus du SMIC. Cela dit il était loin d’être dit que ça rému­nè­re­rait autant, et ce que ça m’a apporté a large­ment dépassé le finan­cier. Je ne pensais pas à l’argent. Je ne m’étais en fait même pas fait de prévi­sion quand j’ai dit oui, et je n’au­rais pas su dire si je m’at­ten­dais à 1 000 ou 10 000 euros.

    Cette somme est après paie­ment de la TVA, de la CSG et CRDS, ainsi que d’une coti­sa­tion de 1% à l’Agessa. Tout ça est prelevé pour moi en amont par l’édi­teur. Pas de retraite, pas de prévoyance, et avec dans les 4000€ par an en moyenne je n’au­rais proba­ble­ment eu aucune couver­ture sociale si je n’avais pas eu un emploi sala­rié en paral­lèle.

    Pour l’im­pôt sur le revenu je déclare ce que l’édi­teur me dit en trai­te­ments et salaires. C’est peut-être idiot ou anor­mal, je n’ai jamais su (on m’a donné des réponses diffé­rentes à chaque fois que je deman­dais ce que devait faire un auteur de loisir) mais du coup c’est imposé sur le barème progres­sif.

    Autant Hugo (en relec­teur) que Frédé­ric (en co-auteur sur la dernière mise à jour) ont été rému­né­rés sur une base fixe, payée par l’édi­teur en plus de nos droits d’au­teur.

    L’édi­teur

    J’en­tends beau­coup de choses sur les éditeurs. Person­nel­le­ment moi j’ai plutôt eu une très bonne expé­rience d’Ey­rolles. Muriel, tu as été vrai­ment super, Karine aussi, et j’ou­blie certai­ne­ment des gens. Je n’ai eu à me plaindre de personne, au contraire.

    Si je devais repro­cher quelque chose, c’est le refus total de consi­dé­rer une durée limi­tée pour la version numé­rique du livre. Je crains cepen­dant qu’il en soit de même pour l’es­sen­tiel des éditeurs et mon co-auteur a de toutes façons refusé toute vente numé­rique par peur du pira­tage (qui a tout de même eu lieu, visi­ble­ment par des fuites des PDF internes desti­nés à l’im­pri­meur, avec les marques de découpe). Oh si, si je devais pinailler, il y a briè­ve­ment eu une mise en vente de la quatrième édition sous forme numé­rique malgré le refus expli­cite au contrat, mais ils y ont mis un terme quand on l’a fait remarquer.

    Je ne m’éten­drai pas sur ce point mais on a même eu une diffi­culté de répar­ti­tion des droits entre co-auteurs à un moment. Non seule­ment l’édi­teur a aidé à sa réso­lu­tion mais il a aussi pris le diffé­ren­tiel à sa charge pour solder le passé. Ok, vu les ventes ils pouvaient se le permettre, mais rien ne les y obli­geait non plus.

    PHP 7 avancé

    Aujoud’­hui PHP 5 avancé n’existe plus. Il y a eu réécri­ture partielle pour construire PHP 7 avancé mais consi­dé­rant les diffi­cul­tés de colla­bo­ra­tion, on a décidé de ne pas forcé­ment le refaire ensemble. Je suis toujours sur la couver­ture en grisé mais j’ai passé la main aux excel­lents Pascal Martin et Julien Pauli, au moins pour les deux premières éditions (la seconde arrive parait-il sous peu).

  • Se donner une belle image de mili­tant quand on fait tout le contraire

    Superbe opéra­tion de commu­ni­ca­tion de la part du gouver­ne­ment et du parti LREM en faveur de Nutri-score. Plusieurs ministres y vont de leur propre vidéo.

    Et là… on comprend que l’im­por­tant c’est la commu­ni­ca­tion.

    Il faut dire l’obli­ga­tion d’af­fi­chage du Nutris­core a été rejeté dans la loi il y a à peine un mois… sur avis défa­vo­rable du gouver­ne­ment et après le vote néga­tif du groupe LREM.

    D’un côté on fait en sorte que ça n’ar­rive pas, et de l’autre on prend une jolie posture de mili­tant face à l’opi­nion publique. Du double jeu même pas caché.


    Le pire je trouve c’est cette vidéo là, qui rejette la faute sur l’Eu­rope. C’est facile, ça ne coûte pas cher et ça fonc­tionne toujours. Malheu­reu­se­ment la Commis­sion euro­péenne a au contraire expli­ci­te­ment noti­fié à la France l’au­to­ri­sa­tion d’uti­li­ser Nutris­core. La vraie raison du rejet elle se trouve encore faci­le­ment dans les articles de presse du mois dernier : LREM a refusé l’uti­li­sa­tion de Nutris­co­re… pour ne pas faire fuir les annon­ceurs publi­ci­taires.

    Et aujourd’­hui ils osent se donner le beau rôle…

    Et si nous ne les lais­sions pas faire ? si nous en parlions ?

  • À 130 € du seuil de pauvreté

    Seuil de pauvreté 1 015 €
    SMIC 1.148,96 € net

    J’en­tends qu’il n’est pas normal que les gens ne faisant rien touchent autant que les travailleurs.

    Ce qui n’est pas normal c’est que travailler à plein temps soit à 130 € du seuil de pauvreté.

    Propos repris et refor­mu­lés, trou­vés sur Frama­piaf

    Le seuil de pauvreté c’est un niveau rela­tif au revenu médian (pas le salaire médian, le revenu médian du ménage divisé par les personnes compo­sant le ménage). Il permet de cher­cher qui a un niveau de vie signi­fi­ca­ti­ve­ment en dessous du gros du reste de la popu­la­tion locale, et s’en retrouve en consé­quence exclu de fait.

    C’est un seuil arbi­traire. Savoir s’il y a 5%, 10% ou 15% de la popu­la­tion sous ce seuil a peu de sens : Ça dépend de quel seuil on prend. Tant qu’on ne prend pas un seuil déli­rant (le commu­né­ment admis est de 60% du revenu médian) ça permet toute­fois de regar­der l’évo­lu­tion dans le temps, de compa­rer des zones géogra­phiques, et de regar­der quel type de popu­la­tion se retrouve concer­née.


    C’est le dernier point qui m’in­té­resse ici : Quel type de popu­la­tion est concerné.

    Intui­ti­ve­ment on peut y imagi­ner ceux qui n’ont pas d’em­ploi (soit par choix soit par diffi­culté spéci­fique comme un handi­cap) et ceux qui ont des gens à charge.

    Qu’une personne travaillant à temps plein et se gardant seul l’en­tiè­reté de ses reve­nus ne soit pas loin de se retrou­ver exclu sous ce seuil de pauvreté, ça doit faire réflé­chir et c’est un problème en soi.

    Ça pose des ques­tions sur l’échelle des salaires, sur la répar­ti­tion préa­lable entre travail et capi­tal, sur la capa­cité des plus pauvres à se sortir de leur situa­tion par leurs propres moyens. Dans tous les cas : Ça craint.


    Et donc, le sens de la cita­tion pour moi : On ne rendra pas la société plus juste en forçant les gens à travailler ou en abais­sant les aides à ceux qui ne travaillent pas. On ne rend pas la situa­tion de certains plus juste en écra­sant ceux qui se trouvent en dessous.

    Le jour où travailler à temps plein permet­tra de s’en sortir, on en repar­lera. Entre temps le problème est ailleurs.

  • Un serveur email chif­fré

    J’amorce mon départ de Gmail, dans la lignée de la reprise de contrôle sur mes données. Le problème avec les emails c’est qu’on est dans un écosys­tème où tout est échangé en clair.

    J’ai aban­donné l’idée de conver­tir tout le monde à GPG. En fait j’ai même aban­donné l’idée de m’y conver­tir moi-même. J’ai long­temps eu des clefs expo­sées sur mes profils en ligne et malgré un réseau très geek sensible à ces ques­tions, je crois que je n’ai jamais reçu un seul email chif­fré.

    Bref, vous échan­gez les emails en clair avec l’ex­té­rieur et vous ne pour­rez rien faire contre ça. Vous pouvez cepen­dant chif­frer vos archives et tout email dès sa récep­tion. C’est ce que font Proton­mail, Tuta­nota et Mail­den.

    Mail­den ce sont des versions modi­fiés de Post­fix et Dove­cot qui chiffrent et déchiffrent les emails à la volée pour vous. Le serveur a donc accès à vos clefs quand vous vous y connec­tez mais promet de les oublier dès que la connexion prend fin. L’avan­tage c’est que de votre point de vue vous avez un serveur email tout ce qu’il y a de plus clas­sique.

    Proton­mail et Tuta­nota gèrent eux un vrai chif­fre­ment de bout en bout. Le serveur ne voit jamais passer votre clef de déchif­fre­ment. Seul vous pour­rez lire vos email une fois qu’ils ont été chif­frés. En échange il vous faudra des appli­ca­tions email spéci­fiques ou un proxy de déchif­fre­ment inter­mé­diaire.

    Aucun des deux modèles n’est parfait. Tuta­nota me tente mais ça reste assez spar­tiate et j’ai peur que leur approche de la recherche m’em­pêche d’y indexer toutes mes archives. Disons que ça sera à tester avant de s’en­ga­ger.

    Mail­den pour­rait être une option mais si c’est pour faire confiance au serveur lors de la récep­tion des emails, lors de l’en­voi des email, lors de chaque accès, et que contacts comme calen­driers devront être gérés tota­le­ment en clair chez un autre héber­geur…

    … Je commence à me deman­der si tout ça vaut le coup et si je ne devrais pas juste sous­crire à la gamme complète chez Fast­mail. Ce ne sera pas chif­fré mais c’est un bon choix et je leur fais confiance pour ne pas exploi­ter mes données privées. Ce pour­rait être un compro­mis perti­nent le temps que Tuta­nota et les offres simi­laires soient un peu plus abou­ties.


    Pourquoi pas Proton­mail plutôt que Tuta­nota ?

    Sécu­rité : Tuta­nota chiffre les contacts et le sujet des emails, pas Proton­mail. Tuta­nota propose aussi ses appli­ca­tions clientes en open source, ce qui apporte un peu plus de garan­tie ou permet d’hé­ber­ger soi-même le webmail.

    Utili­sa­tion : Proton­mail a la bonne idée d’of­frir un proxy pour utili­ser un vrai client email sur le poste fixe mais en échange l’app mobile ne saura pas faire de recherche dans le contenu des emails, ce qui me parait un défaut très sérieux.

    Prix : Au delà de 5 Go, Proton­mail est prohi­bi­tif. On parle de 1€ le Go par mois.

    Pour mon usage, avec un gros quota et un usage mobile complet, le choix est vite fait.

  • [Liens] Éthique et travail

    I funda­men­tally believe that my time at Reddit made the world a worse place. That sucks. It sucks to have to say that about myself.

    An Apology for the Inter­net, McCo­mas

    I wonder which propor­tion of deve­lo­pers is sharing that feeling. Knowing to work for the (dark) grey guys out there, imple­men­ting addic­tive algo­rithms, dark patterns, profi­ling and so on. Whate­ver the reasons, that should be hard to live with. Is there some­thing exis­ting like ethi­cal burn out?

    Worse Place, David

    Il est possible de penser à l’éthique person­nelle versus l’éthique de l’en­tre­prise. Il est néces­saire d’ex­plo­rer ce que nous appe­lons profes­sio­na­lisme et ses consé­quences. Qu’est-ce que signi­fie « bien faire son travail » ?

    Éthique, Karl

    Merci Karl et David, je trouve toujours de l’écho chez moi dans vos liens et propos.

  • L’an­cien CEO WhatsApp en cheva­lier blanc

    Des fois j’ai vrai­ment l’im­pres­sion qu’on nous prend pour des imbé­ciles.

    Notre CEO mont un service en faisant appel à des fonds de capi­tal risque. On parle de dizaines ou centaines de millions d’eu­ros quand même.

    En public il promet un service quasi gratuit, sans publi­cité, sans exploi­ta­tion commer­ciale des données utili­sa­teur, consi­dé­rant que c’est l’ADN même du service.

    C’est beau, c’est blanc, c’est propre, mais il sait pour­tant très bien qu’il va falloir non seule­ment finan­cer l’ex­ploi­ta­tion du service mais en plus rembour­ser les capi­taux risque. En gros il espé­rait juste avoir revendu et quitté le navire avant que quelqu’un ne doive rompre la promesse initiale.

    En reven­dant le service 19 milliards à Face­book, il devait bien se douter qu’il faudrait renta­bi­li­ser un mini­mum l’in­ves­tis­se­ment, que ce n’était pas un don cari­ta­tif. Connais­sant Face­book, il était évident que le service serait gratuit, que ce seraient les promesses liées à la publi­cité et aux données person­nelles qui seraient rompues.

    Sauf à être tota­le­ment naif et un peu idiot (et je ne le crois pas), il savait tout cela. Alors quand il claque publique­ment la porte de Face­book en se posant en cheva­lier blanc qui résiste contre la publi­cité et les problèmes de vie privée, j’ai l’im­pres­sion que c’est un peu nous qu’on prend pour des imbé­ciles.

  • La chance et le privi­lège

    Je voyais l’ave­nir comme une succes­sion infi­nie de rencontres, d’ex­pé­riences et de nouveau­tés, portée par une sorte de légè­reté, propul­sée par une source d’éner­gie que je pensais inépui­sable tout en ayant peu conscience de son exis­tence. Je pensais, comme tous les privi­lé­giés à diffé­rents degrés, que cette éner­gie venait de moi et qu’elle m’était due pour toujours.

    Je laisse pour aujourd’­hui le reste du discours sur l’ef­fon­dre­ment de la civi­li­sa­tion (dit comme ça c’est assez cari­ca­tu­ral mais il y a vrai­ment de quoi penser).

    Il est facile de croire que nos privi­lèges viennent de notre travail, de nos compé­tences, de notre impli­ca­tion ou de notre moti­va­tion. Foutaises.

    Nos privi­lèges découlent unique­ment de la pyra­mide sociale et de l’ex­ploi­ta­tion de ceux qui sont en dessous. C’est vrai a l’échelle du pays, où le top 20% est très loin d’ap­por­ter autant de valeur à la société qu’il n’en consomme. C’est aussi vrai à l’échelle mondiale où le niveau de vie français se base prin­ci­pa­le­ment sur les condi­tions de travail et l’ex­ploi­ta­tion des ressources des pays dits « en déve­lop­pe­ment ».

    Qui pense donc qu’il produit et contri­bue 100 fois plus que celui qui se tue – litté­ra­le­ment – au travail à l’usine en Asie du sud-est ou celui qui essaie autant que possible de survivre à la misère ou à la guerre dans certaines parties d’Afrique ? Quand je vois les 0,1% les plus privi­lé­giés ont un ratio de richesse proba­ble­ment bien plus proche du million… Qui peut sérieu­se­ment prétendre appor­ter un million de fois plus que quiconque ?

    * * *

    Et le travail, l’im­pli­ca­tion, les connais­sances, la prise de risque ? Oh, c’est certain que celui qui ne travaille pas et rejette toutes les oppor­tu­ni­tés aura moins de chance d’ar­ri­ver aussi loin, mais au final c’est bien de ça dont il s’agit, de chance. Nos privi­lèges viennent d’abord de la chance d’être bien né, dans le bon pays, poten­tiel­le­ment d’une bonne famille ou au moins d’avoir rencon­tré les bonnes personnes, été au bon endroit, au bon moment, d’avoir profité des condi­tions ou d’op­por­tu­ni­tés parti­cu­lières. Oui, de chance, comme premier critère.

    Vous ne me croyez pas ? Pour­tant des cher­cheurs arrivent bien à cette conclu­sion. Même sans comp­ter la géopo­li­tique, au sein d’une popu­la­tion ce qui diffé­ren­cie les 20% qui ont le plus, c’est surtout la chance et les oppor­tu­ni­tés qui se sont présen­tées à eux.

    * * *

    L’objec­tif n’est pas de se flagel­ler, mais peut-être d’ar­rê­ter de se croire supé­rieurs, d’ar­rê­ter de glori­fier la vision où il faut libé­rer les éner­gies quitte à restreindre les règles qui permettent aux 80% moins privi­lé­giés d’être moins écra­sés.

    C’est toute la diffé­rence entre une vision de charité où ceux qui ont réussi à la sueur de leur front vont béné­vo­le­ment aider ceux qui ont besoin d’un coup de pouce pour pouvoir faire pareil s’ils le veulent vrai­ment… et une vision de mise en commun où la collec­ti­vité règle­mente et prélève sur les plus privi­lé­giés pour permettre à tous de profi­ter d’un niveau de vie correct.

  • La retraite des chemi­nots à 50 ans, ou 52, ou 57 en réalité, ou…

    Puisque ça trau­ma­tise les gens…

    On va parler de Pierre, Paul et Jacques, embau­chés aujourd’­hui comme chemi­nots, et regar­der leur âge réel de départ à la retraite :

    Pierre

    Pierre est embau­ché après ses 31 ans. Il béné­fi­cie des mêmes règles que le régime géné­ral. C’est un âge légal de départ à la retraite à 62 ans pour 172 trimestres, et un taux plein garanti à 67 ans.

    Paul

    Paul est un chemi­not séden­taire, comme 90% des chemi­nots.

    Il a un avan­tage scan­da­leux : Son âge légal de départ à la retraite sera de 57 ans au lieu de 62 ans. C’est 5 ans de mieux… en théo­rie.

    En théo­rie parce qu’il devra quand même coti­ser 172 trimestres, comme le régime géné­ral. Pour partir à 57 ans il faudrait qu’il travaille de façon inin­ter­rom­pue depuis ses 14 ans. Voyons donc son âge de départ à la retraite en fonc­tion de son âge d’em­bauche :

    Travail depuis ses 14 ans : Non sérieu­se­ment, il est inter­dit de travailler à cet âge. Les parents et l’em­ployeur iraient en prison. Paul ne peut pas prendre sa retraite à taux plein à 57 ans, même en théo­rie.

    Ou plutôt si, il peut, s’il a commencé à travailler plus tard mais qu’il souffre à 57 ans d’un handi­cap signi­fi­ca­tif ou d’une mala­die grave.

    Si quelqu’un pensait se lever pour faire cesser cet avan­tage indu, j’es­père qu’il est déjà rouge de honte.

    Oui, sur le régime géné­ral il faudra attendre 60 ans malgré cette situa­tion de santé, mais c’est peut-être ça qu’il faut chan­ger, non ? En tout cas on n’est dans un cas à la marge qui reste ultra-mino­ri­taire.

    Bon, Paul peut partir bien entendu avant d’avoir ses trimestres mais dans ce cas il aura une pension réduite d’au­tant *et* une décote supplé­men­taire. Le calcul est le même que le régime géné­ral et ça peut vite faire mal.

    Travail depuis ses 15 ans : Oui, si Paul travaille depuis ses 15 ans via l’ap­pren­tis­sage, qu’il ne s’in­ter­rom­pra jamais, il pourra prendre sa retraite à taux plein à 58 ans, soit 4 ans de mieux que la règle géné­rale.

    Je vous vois, envieux de ce gosse qui travaille déjà à temps plein alors que les autres sont encore au lycée. Rassu­rez-vous, son espé­rance de vie fait qu’il profi­tera proba­ble­ment moins de sa retraite que vous.

    Cela dit il n’y a là nul avan­tage. Si vous êtes sala­riés du régime géné­ral vous béné­fi­ciez du régime « carrières longues » qui permet à ceux qui ont commencé le travail avant leurs 16 ans de partir à la retraite à… 58 ans.

    Comme quoi, l’avan­tage n’en est pas toujours un.

    Travail depuis ses 17 ans : Même chose, si Paul commence deux ans plus tard, à un âge où beau­coup n’ont même pas encore le BAC, il pourra prendre sa retraite à taux plein deux ans plus tard, soit 60 ans.

    Le dispo­si­tif carrière longue du régime géné­ral instaure la même excep­tion pour ceux qui ont commencé à travailler avant leurs 20 ans : départ possible à 60 ans.

    Début de travail à 19 ans : Si Paul commence à 19 ans, travailler 172 trimestres en commençant à 19 ans ça nous mène à… 62 ans.

    Bref, si Paul commence à travailler à 19 ans, il aura le même âge réel de départ à la retraite que n’im­porte quoi. Oh avan­tage indu…

    Début de travail après ses 20 ans : Ah, le voilà le vrai avan­tage. Il y a l’âge légal et l’âge de départ à taux plein. L’âge de départ à taux plein est bien 5 ans plus tôt, à 62 ans.

    Notre chemi­not partira à la retraite à taux plein à 62 ans là où un sala­rié du privé ayant fait des études longues devra subir une décote de ses pensions.

    Bref, si vous cher­chez un avan­tage scan­da­leux, le voilà. Il existe, mais il s’agit de partir à la retraite à 62 ans, loin des cari­ca­tures.

    Main­te­nant si vous voulez être francs il faudra prendre en compte que le chemi­not aura payé toute sa vie 11% de plus sur ses coti­sa­tions retraite. Ça ne parait rien mais cumulé sur 40 ans ça commence à faire quand même. Ça ne compense pas 5 ans de retraite mais ça peut en compen­ser une bonne année quand même, plus s’il y a des taux d’in­té­rêt élevés.

    Jacques

    On m’avait pour­tant rabâ­ché que les chemi­not partent à la retraite à 50 ans !

    En fait les roulants partent bien 5 ans plus tôt que les séden­taires. Ils repré­sentent 10% des chemi­nots. On est loin du cas géné­ral.

    Pour un nouvel embau­ché roulant, le départ à la retraite pourra donc théo­rique­ment se faire dès 52 ans (et pas 50 ans), mais ceux qui ont déjà lu le reste du billet ont compris que c’était un chiffre qui est surtout là pour faire joli sur le papier tant qu’on n’a pas ses trimestres. Aucun chemi­not embau­ché aujourd’­hui ne pourra jamais prendre sa retraite à taux plein à cet âge.

    Il reste que cette mino­rité de chemi­nots roulants a bel et bien un départ à la retraite réel signi­fi­ca­ti­ve­ment plus tôt que le régime géné­ral, à condi­tion d’avoir été embau­chés à la SNCF avant leurs 31 ans. C’est vrai aussi pour quelques autres profes­sions dites « pénibles » en France, à tort ou à raison.

    On peut se dire qu’il y a d’autres travailleurs en France qui ont des horaires inte­nables et qui vivent une partie du temps hors de leur maison, et que ce n’est pas forcé­ment le cas de tous les roulants. C’est vrai. À vous de voir si ce ne sont pas les autres qui méri­te­raient eux-aussi un avan­tage plutôt que de l’en­le­ver aux roulants.

    En tout état de cause, on parle de 10% des chemi­nots, et les règles pour les embauches actuelles ne mènent pas du tout à une retraite réelle à 50 ans, ou même à 52, même dans le meilleur des cas.


    J’ai fait de mon mieux pour regar­der des sources offi­cielles mais je suis peut-être passé à côté de certains cas, n’hé­si­tez pas à complé­ter.

    Il y a plein de cas plus complexes ou plus avan­ta­geux pour des gens qui ont embau­ché il y a plusieurs années. Je ne les décris pas parce que personne n’a même soulevé l’idée de chan­ger leur statut à eux, et que les gens ont tendance à compa­rer le régime géné­ral futur avec le régime SNCF passé, ce qui est forcé­ment biaisé dès le départ.

    Je ne prends en compte que les règles à partir d’aujourd’­hui, et c’est déjà pas mal. « Le passé c’est le passé Darling, ça para­site le présent. »

  • Un peu de recul pour ce week-end

    Parfois on tombe sur des textes avec un peu de recul, et ça fait du bien.

    Le premier de ce week-end est à propos des vélos en libre service. On y dépasse les récri­mi­na­tions sur les dégra­da­tions ou leur mauvais station­ne­ment bien que ce soit en plein dans le sujet.

    Les vélos en libre service, qui sont là pour long­temps, nous donnent une belle occa­sion de repen­ser la mobi­lité et l’es­pace public. À condi­tion de ne pas se cris­per, de ne pas renon­cer (à régu­ler), et de faire preuve d’ima­gi­na­tion.

    Le second est à propos de l’aban­don de l’am­bi­tion initiale d’of­frir une couver­ture chômage aux sala­riés démis­sion­naires. L’idée est toujours là mais telle­ment limi­tée qu’elle n’a plus vrai­ment le même sens.

    « L’échec de la révo­lu­tion de l’as­su­rance chômage » explique en quoi il y avait là quelque chose d’in­té­res­sant, qu’on aurait pu consi­dé­rer comme un inves­tis­se­ment social posi­tif.