Le caritatif est un danger pour la démocratie.
Oui, j’aime bien les phrases choc. C’est forcément un peu plus complexe que ça mais le fond y est.
Les dons de grandes fortunes aux resto du cœur et aux monuments nationaux me laissent un arrière goût amer. Oh, je suis heureux qu’ils soient là mais on parle de palier aux manques de l’État, d’agir à sa place dans ses rôles. On parle de le faire par des gens dont on a tendance ces derniers temps à réduire leur fiscalité et celle de leurs entreprises.
Ce qu’ils donnent, c’est ce qui n’est pas collecté via l’impôt ou les cotisations par ailleurs. On peut dire que les dons palient au manque de budget de l’État. On peut aussi dire que ces dons sont justement ce qui manque au budget de l’État pour assurer plus directement les mêmes missions. Le caritatif et les manques de l’État sont liés, dans les deux sens.
Au final on peut même dire que le moyen d’action importe peu mais il s’agit d’un modèle de société, et son choix n’est pas neutre. En privilégiant le caritatif sur l’impôt, on permet au donateur de choisir l’affectation des sommes sans passer par les structures démocratiques prévues pour. On est en train de dire que ceux qui ont l’argent doivent avoir un pouvoir de décision plus grand que les autres dans les choix budgétaires collectifs. Pas neutre, vraiment.
Est-ce qu’il faut reconstruire Notre Dame ? Peut-être, peut-être pas, mais étant un bâtiment public ce devrait être un choix collectif. En choisissant moins d’impôts et plus de caritatif, on prive la collectivité de la capacité de faire un tel choix, de privilégier la réfection d’écoles ou de tribunaux en ruine plutôt qu’un monument touristique. C’est celui qui a l’argent qui décide, et ça pose un vrai problème démocratique.
Le pire c’est quand non seulement on donne un tel pouvoir mais qu’on le renforce. Celui qui donne aura des exonérations d’impôts. Les resto du cœur se plaignent de moindres donation depuis la disparition de l’ISF et des incitations fiscales afférentes.
Inciter à donner parait une bonne idée, le fameux gagnant-gagnant. En réalité ça revient à leur donner encore plus de pouvoir. Ça revient à leur permettre de piocher dans les impôts qu’ils auraient du payer – c’est à dire dans le budget public – pour décider où cela sera utilisé.
Bien entendu seuls ceux qui ont suffisamment d’argent peuvent faire ce choix. Les voilà avec un pouvoir décisionnaire plus fort que les autres. On est sorti du « une personne une voix ».
Oui, chacun fait ce qu’il veut de son argent. Choisir de diminuer les impôts et faire appel au caritatif pour des actions publiques est toutefois un choix politique. Aller jusqu’à offrir des réductions d’impôts pour encourager de financer en dons ce qu’on ne collecte pas comme impôts l’est aussi.
Aucune des deux formes n’est neutre politiquement ou démocratiquement, et encore moins quand les dons sont promis par les plus riches peu après la mise en place d’une politique fiscale qui leur est très favorable.
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