Catégorie : Politique et société

  • Sécu­rité sociale et coti­sa­tions sala­riales

    Je suis gêné aux entour­nures à chaque fois que j’en­tends parler de la suppres­sion d’une partie des coti­sa­tions sala­riales (les fameuses « charges ») au profit de la CSG.

    Fonda­men­ta­le­ment c’est une bonne chose. C’est la prise en compte que notre société n’est plus celle de 1945. Non seule­ment on consi­dère désor­mais la santé et la protec­tion sociale comme des droits qui ne sont pas condi­tion­nés par un emploi, mais la propor­tion d’ac­tifs en emploi dans la popu­la­tion baisse de façon conti­nue et défi­ni­tive.

    Le couplage emploi ↔ couver­ture sociale dispa­rais­sant – encore une fois, c’est une bonne chose – il est logique que son finan­ce­ment change en consé­quence. Ne pas le faire serait risquer que l’uni­ver­sa­li­sa­tion de la couver­ture sociale finisse par explo­ser un jour.

    * * *

    L’équi­libre n’est cepen­dant pas forcé­ment simple à trou­ver. Avec les coti­sa­tions sociales on finance autant les frais de santé que les indem­ni­tés de perte de salaire. Il en va de même avec les retraites où on finance les mini­mum vieillesse comme les parties au delà qui sont en fonc­tion des coti­sa­tions person­nelles.

    Si on voulait être acadé­mique, il faudrait lais­ser sépa­rer ce qui dépend de la situa­tion person­nelle et ce qui relève d’un régime géné­ral. Une partie devrait rester sous contrôle des sala­riés, l’autre devrait être globa­li­sée.

    C’est faisable mais je n’ai pas lu de travaux en ce sens et ça me gêne beau­coup. Là on passe d’une situa­tion illé­gi­time à une autre.

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    Quand les fonde­ments sont bancals, il y a de quoi se méfier. Le chan­ge­ment n’est pas neutre et il faut le relier à l’idéo­lo­gie libé­rale de l’exé­cu­tif de ces dix dernières années : Dimi­nuer la dépense publique et délé­guer au privé une part crois­sante des couver­tures sociales.

    L’idée de rendre obli­ga­toire les mutuelles pour les sala­riés tient du génie à ce niveau. Ça passe pour une mesure sociale alors qu’il s’agit de fixer qu’une partie de la couver­ture indis­pen­sable est à gérer par le privé. C’est d’au­tant plus perni­cieux que ça ne se voit pas immé­dia­te­ment, et que c’est la mutuelle qui passera pour le méchant de service quand elle augmen­tera ses tarifs.

    Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que le trans­fert des coti­sa­tions sala­riales vers la CSG n’est dès aujourd’­hui pas prévu à budget constant. La diffé­rence se chiffre en milliards d’eu­ros. Rien que ça. L’hô­pi­tal étant déjà en sous-finan­ce­ment gigan­tesque, il faudra bien compen­ser ça par des augmen­ta­tion de couver­ture par le privé.

    Le gouver­ne­ment vient d’ailleurs d’an­non­cer une augmen­ta­tion de plus de 10% du forfait hospi­ta­lier, augmen­ta­tion qui sera assu­mée par les mutuelles privées et pas par la sécu­rité sociale publique. Facile main­te­nant que les mutuelles sont géné­ra­li­sées. Coïn­ci­dence ? diffi­cile d’y croire. Les mutuelles ont bien entendu annoncé qu’elles auront à augmen­ter leurs coti­sa­tions à l’ave­nir.

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    Malheu­reu­se­ment le trans­fert du finan­ce­ment des coti­sa­tions sala­riales vers la CSG nous retire aussi un levier pour éviter ça. Les coti­sa­tions sont gérées de manière pari­taire entre les orga­ni­sa­tions sala­riales et employeurs. La CSG est au mains de l’État. Le trans­fert est une bonne chose, le chan­ge­ment de contrôle est légi­time pour la même raison, mais il ne se fait pas à un moment de l’his­toire très favo­rable pour un service public univer­sel.

    Si la poli­tique de l’État conti­nue dans la direc­tion de ces dernières années – et ça semble plutôt s’ac­cé­lé­rer avec l’exé­cu­tif actuel – il y a des chances que le finan­ce­ment par la CSG baisse, au moins par rapport aux recettes et aux besoins, et que la part du privé augmente en consé­quence.

    De plus, la CSG étant impôt fixe et non-progres­sif et les mutuelles étant au contraire un système assu­ran­tiel basé sur les risques indi­vi­duels, nous allons de plus tout droit vers une augmen­ta­tion des inéga­li­tés et une indi­vi­dua­li­sa­tion de la santé. Ce n’est pas mon aspi­ra­tion et ça va coûter bien plus cher : La sécu­rité sociale ayant des frais de fonc­tion­ne­ment pas loin de quatre fois plus faibles que ceux des mutuelles.

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    On peut essayer de lutter contre tout cela mais j’ai peur que les syndi­cats sala­riés jettent aussi le bébé avec l’eau du bain, qu’ils cherchent à garder le contrôle sur la sécu­rité sociale, oubliant que ça ne concerne plus que les sala­riés.

  • [Retour sur vécu] Casino va permettre aux annon­ceurs de piocher dans ses 50 millions de profils cross-devices

    Plutôt discret jusque-là dans la bataille qui oppose les géants du retail français aux Gafa, le groupe Casino passe à l’of­fen­sive. Le groupe de distri­bu­tion français vient d’an­non­cer le lance­ment d’une plate­forme data bapti­sée rele­vanC dans laquelle les annon­ceurs pour­ront consul­ter « la base de données la plus massive, complète et quali­ta­tive sur les consom­ma­tions des Français, leurs inten­tions et compor­te­ments d’achat ». La plate­forme propo­sera à terme près de 50 millions de profils et 1 100 segments d’au­dience.

    Jour­nal Du Net

    Entre ça et Gravity, C’est un peu la course à « regarde, moi aussi je sais mettre fin en masse à la vie privée des gens ».

    Ça me rappelle des discus­sions avec des entre­pre­neurs dans des solu­tions marke­ting. Naïve­ment j’ai fait remarquer une ou deux fois que les données récol­tées leur permet­traient au mieux une analyse statis­tique sur des visites.

    On m’a répondu, sourire en coin, qu’il existe des services qui complètent les profils à partir de données incom­plètes ou anonymes. Il suffit d’une IP, d’un iden­ti­fiant de tracker web, parfois d’un nom avec une donnée supplé­men­taire. On vous renvoie un profil complet, souvent avec iden­tité et coor­don­nées, mais aussi les habi­tudes, les caté­go­ri­sa­tions, les inté­rêts person­nels.

    C’est visi­ble­ment un secret de poli­chi­nelle, et si j’ima­gine que ce n’est pas parfait, ça semble suffi­sant et assez fiable pour inves­tir dans du marke­ting.

    Parfois les coor­don­nées ne sont pas parta­gées : Il faut deman­der l’en­voi du mailing au déten­teur des données. Sur le papier c’est un peu mieux mais ça n’ap­porte en réalité aucune protec­tion. C’est unique­ment pour rester en inter­mé­diaire et moné­ti­ser plus long­temps vos données person­nelles.

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    Rien qu’en écri­vant ces souve­nirs, je me rappelle qu’une société pour laquelle je travaillais indi­rec­te­ment reven­dait les coor­don­nées de livrai­son, noms, adresse, âge et email de ses clients. Malaise quand je l’ai appris via une connais­sance et un spam du loueur de la base (coucou Loca­dresses).

    Quand je l’ai fait remon­ter naïve­ment, ils se sont préoc­cu­pés des pratiques de spam de leur loueur. Tel que je l’ai inter­prété, ils voulaient surtout éviter que n’im­porte qui reçoive en spam le fait qu’ils relouent les coor­don­nées de leurs clients. Revendre ces infor­ma­tions ne leur faisait par contre visi­ble­ment ni chaud ni froid.

  • [Lecture] Dette: la sonnette d’alarme est tirée

    Rien, en effet, n’ex­prime mieux la faillite de la gouver­nance mondiale que d’avoir aban­donné la gestion des consé­quences de la crise à ceux qui avaient contri­bué à en créer les condi­tions par une poli­tique moné­taire systé­ma­tique­ment biai­sée en faveur de l’injec­tion de monnaie.

    « Appren­tis sorciers », les diri­geants des prin­ci­pales banques centrales, à commen­cer par la Réserve fédé­rale des États-Unis, appa­raissent surtout comme des pompiers pyro­manes. Leur réponse à la crise d’un modèle de crois­sance fondé sur l’en­det­te­ment expo­nen­tiel des prin­ci­paux agents écono­miques, publics et privés, aura été de doubler ou tripler la mise, les préten­dus « gardiens de la monnaie » trans­for­mant en quelques années les bilans de leurs véné­rables insti­tu­tions en gigan­tesques fonds spécu­la­tifs, gorgés d’ac­tifs de qualité souvent douteuse (voir graphique ci-dessous). De 2007 à 2017, les actifs des banques centrales des pays du G7 ont bondi de 3 000 à près de 15 000 milliards de dollars. « La dimen­sion de la bulle créée par la poli­tique de taux d’in­té­rêts néga­tifs et d’as­sou­plis­se­ment quan­ti­ta­tif a conduit Bill Gross à compa­rer la situa­tion finan­cière actuelle à l’émer­gence d’une super­nova, l’ex­plo­sion massive qui se produit à la fin du cycle de vie d’une étoile », écrivent les auteurs.

    « La pompe à phynance » du G7. © yardeni.com

    Toute­fois, la dette n’est que virtuelle, de même que la valo­ri­sa­tion des actifs. Tout ça n’est que du papier.

    Notre société est riche. Riche en compé­tence, en savoir faire, mais  aussi en produc­tion et en ressources.

    La dette, fina­le­ment, c’est surtout une préoc­cu­pa­tion par peur de faire écla­ter le système en cours. Par quoi le rempla­ce­rait-on ? Qui y gagne­rait ? Il est certain que les plus riches et ceux qui maîtrisent actuel­le­ment la gouver­nance ont tout à y perdre. Il est évident que la tran­si­tion vers autre chose se fera dans la douleur pour tous, et peut-être encore plus pour les plus faibles.

    On peut tenter d’y réflé­chir, ou attendre d’être au pied du mur.

  • [poli­tique] Ils préfèrent foutre le bordel (que de faire 7h de train par jour pour aller travailler)

    Il y a tout un monde entre la théo­rie sur le papier et la réalité sur le terrain. Le problème c’est quand celui en charge se permet d’être hautain avec les gens sur le terrain.

    Il suffit de quelques mots d’un concerné pour se rendre compte combien les mots d’hu­meur à l’ori­gine de la polé­mique sont ceux de quelqu’un décon­necté du terrain.

    Mention spéciale à notre ministre Gérard Collomb dont les propos sont rappor­tés par Marianne. Lui n’a même plus de limites dans son statut de privi­lé­gié, ou alors il a conscience de ce qu’il dit et c’est encore pire :

    « C’est pas le problème de 180 kilo­mètres », assure Gérard Collomb, qui estime que les deux points se relient en trois coups d’ac­cé­lé­ra­teur : « Si vous êtes relié par une auto­route ou une voie ferrée qui peut y aller… Je viens de Lyon, j’ai pas de problème pour venir chez vous. »

    Ça permet d’ailleurs à Marianne de rappe­ler que ces 180 km prennent plus de temps qu’un Paris-Lyon, que ce soit en voiture ou en train – entre 5 et 7 heures aller-retour, rien que ça, pour du quoti­dien c’est un peu diffi­cile –, et de rappe­ler l’état de la poli­tique d’in­fra­struc­tures hors des liai­sons pour cadres qui vont sur Paris :

    Comme semble l’igno­rer Gérard Collomb, la desserte des terri­toires ruraux est de fait en déliques­cence. La SNCF a récem­ment supprimé quatre arrêts à la gare de La Souter­raine, alors que le nombre de voya­geurs y a augmenté de 60% en sept ans. Et A Ussel, la situa­tion n’est guère meilleure. « Ussel est coin­cée », pointe Frédé­ric Cueille de la CGT des chemi­nots limou­sins, qui déplore dans La Montagne un « encla­ve­ment » des zones rurales : « L’objec­tif de la SNCF est de fermer vingt-deux des vingt-sept points de vente. Ussel et Égle­tons sont mena­cées… ».

  • [extrait] Les ultra­riches paient très peu d’im­pôts: la preuve!

    Connu, archi-connu, mais visi­ble­ment pas assez vu qu’on vient encore d’al­lé­ger la fisca­lité pour les mêmes quelques ultra-riches :

    Plus on monte dans l’échelle des reve­nus, plus le taux moyen d’im­po­si­tion de l’im­pôt sur le revenu progresse lente­ment, pour culmi­ner à 27,9 % pour les contri­buables dont le revenu fiscal de réfé­rence est compris entre 700 000 et 800 000 euros par an. Mais ensuite, lente­ment, de manière non linéaire, le taux moyen d’im­po­si­tion baisse quand on arrive dans les caté­go­ries les plus richis­simes.

    C’est ainsi que le taux moyen d’im­po­si­tion s’ef­fondre à 21,6 % pour les 36 foyers fiscaux dont les reve­nus fiscaux de réfé­rence sont compris entre 7 et 8 millions d’eu­ros. Et il baisse même encore un peu, à 21,4 % pour les 163 foyers fiscaux dont les reve­nus fiscaux de réfé­rence sont supé­rieurs à 9 millions d’eu­ros.

    CQFD ! Pour les ultra­riches, l’im­pôt sur le revenu est dégres­sif. Et les prin­ci­paux milliar­daires français sont assujet­tis à un impôt sur le revenu qui est beau­coup plus léger, en propor­tion, que pour les cadres supé­rieurs.

    — sur Media­part

  • Brigitte Liso, LREM — Comment on desti­tue un député aujourd’­hui ?

    Voilà l’état de la poli­tique en France. Les dépu­tés qui votent sans aucun travail préa­lable, qui ont juste entendu parler comme tout un chacun de la loi avant d’ar­ri­ver au vote, et qui se font une idée sur le moment, dans l’hé­mi­cycle, en enten­dant la majo­rité et l’op­po­si­tion se répondre, soit disant que ça donne une vue d’en­semble.

    Sérieu­se­ment ? Oui, elle parle de poli­tique autre­ment, j’en viens presque à regret­ter les précé­dents.

    On voit à la fin de la vidéo les éléments de langage appris par cœur puis oubliés, qu’on va recher­cher sur la messa­ge­rie pour répondre aux ques­tions sans les comprendre, et l’ab­sence totale de pensée ou d’avis en l’ab­sence de ces éléments de langage.

    Quand on en est là, autant direc­te­ment avoir 10 personnes à l’As­sem­blée, chacun avec un nombre de voix diffé­rent. Ici Brigitte Liso est dans le groupe LREM mais je n’ai pas forcé­ment plus d’es­time pour certains dépu­tés d’autres groupes. Ils sont souvent plus enga­gés et moins apathiques, mais n’ont pas pour autant forcé­ment plus de réflexion person­nelle.

    Bref, indé­pen­dam­ment des opinions portées, n’y a-t-il donc aucun moyen de rele­ver de ses fonc­tions un député qui avoue expli­ci­te­ment ne pas les exécu­ter avec sérieux ?

    À défaut, un parti sérieux devrait au moins exclure la dépu­tée concer­née de son groupe à l’As­sem­blée. Visi­ble­ment ce n’est pas le cas, pas plus à LREM qu’ailleurs. Ça en dit long sur les crédos de nos partis poli­tiques.

    Le parle­ment est ce qui symbo­lise notre démo­cra­tie, le pouvoir du peuple et son contrôle sur l’État. Voilà l’état de notre démo­cra­tie, et ce n’est pas très relui­sant.

  • [Lecture] Inside the CIA’s black site torture room

    Oui ça ne date pas d’aujourd’­hui mais on aurait tort de lais­ser l’in­for­ma­tion sous le tapis à cause de cela. Les faits ne sont connus qu’a­près quelques années, les enquêtes en mettent encore plusieurs autres. La tran­sac­tion judi­ciaire liée à ce passé vient juste d’être soldée.

    À l’heure où on est sur le point d’em­pi­ler encore une loi renforçant l’exé­cu­tif, les pouvoirs de police police et le rensei­gne­ment en France, il n’est pas inutile de rappe­ler de quoi nos démo­cra­ties sont capables. Il est illu­soire de croire que ça n’au­rait pas pu arri­ver en France. Je n’irai même pas jusqu’à affir­mer que nous n’avons rien eu du même style.

    Le repor­tage est long mais bien fait, détaillé, factuel, expli­ca­tif : Inside de CIA’s black site torture room, The Guar­dian. Aujourd’­hui les vrais respon­sables, poli­tiques et donneurs d’ordre, sont toujours chez eux.

    In his pre-trial depo­si­tion, Jessen insis­ted that the inter­ro­ga­tion methods he and Mitchell first propo­sed to defeat this resis­tance inclu­ded no physi­cal pres­sures and were consistent with the Geneva Conven­tions. But by April, Jessen was craf­ting an “Exploi­ta­tion Draft Plan” that inclu­ded holding captives in sound­proof cells in secret faci­li­ties that were beyond the reach of the Red Cross, the press, and US and foreign obser­vers. A few months later, “Jim and I went into a cubicle,” as Jessen recal­led during his depo­si­tion. “He sat down at a type­wri­ter, and toge­ther we wrote out a list” that became the CIA’s enhan­ced inter­ro­ga­tion tech­niques.

    […]

     

    Novem­ber 2002:  Rahman wearing only socks and diaper; super­vi­sor has concern regar­ding hypo­ther­mia

    Rahman subjec­ted to 48 hours of sleep depri­va­tion, rough treat­ment, cold shower and other measures but remai­ned noncom­pliant.

    Subjec­ted to cold condi­tions and mini­mum food and sleep… confu­sed due to dehy­dra­tion and fatigue.

    Cable recom­mends future use of conti­nued envi­ron­men­tal depri­va­tions with inter­ro­ga­tions 18 out of 24 hours daily

    Linguist asks ques­tions about the tempe­ra­ture at which hypo­ther­mia occurs […]

    Novem­ber 20,
    04:00 hrs guard check – Rahman is alive.
    08:00 hrs guard check – Rahman is alive.
    10:00 hrs guard check – Rahman is dead.

     

     

     

     

  • Inter-file mon amour

    Vous voyez souvent des motos et scoo­ters navi­guer au milieu d’une file de circu­la­tion vous ? Moi jamais ou presque (ça arrive, mais unique­ment quand il n’y a pas de voiture à proxi­mité).

    Dans le meilleur des cas je les vois entre les files ou sur un côté de la route en paral­lèle des voitures, parfois même sur la ligne blanche entre les deux voies de circu­la­tion. *

    Les motards avec qui j’en discute me disent tous avec assu­rance que c’est pour leur sécu­rité, et que c’est même ce qu’on leur apprend lors du permis. *

    Vous savez quoi ? C’est inter­dit. Pas même toléré : IN-TER-DIT. Un deux-roues moto­risé circule dans une file de circu­la­tion, au même que les autres véhi­cules moto­ri­sés.

    Bon, en réalité il y a une expé­ri­men­ta­tion en cours mais :

    • Depuis moins de deux ans seule­ment
    • Dans 11 dépar­te­ments seule­ment
    • Unique­ment en cas de ralen­tis­se­ment / conges­tion
    • Unique­ment sur des doubles voies avec terre plein central
    • Unique­ment entre deux files de circu­la­tion allant dans le même sens
    • En se limi­tant à 50 km/h maxi­mum
    • Jamais en ville

    Ces condi­tions sont cumu­la­tives.  Ça limite hein ?

    Autant dire qu’en dehors des bouchons sur voie express et auto­route, 99.99% des inter-files sont contraires au code de la route… et dange­reuses vu qu’une voiture n’est pas censée prévoir de la circu­la­tion à cet endroit.

    J’en­tends l’ar­gu­ment qui veut que ça ne gêne pas et que ça ne coûte rien. Je laisse la place quand je suis à l’ar­rêt ou quand ça ne me semble pas dange­reux de le faire.

    Main­te­nant si vous pouviez quand même arrê­ter de râler et de vous compor­ter comme si c’était un droit fonda­men­tal, ça ne serait pas mal : C’est vous qui êtes en tort à la base, et il n’est pas rare que ce soit dange­reux.

    Merci au moins de ne pas vous mettre vous-même en danger au point de devoir vous rabattre juste devant mes roues ou de me faire faire des écarts parce qu’un camion vous croise en face. Ça semble évident mais visi­ble­ment ça ne l’est pas pour tous.


    * Je vais éviter de parler de ceux qui sont sur les bandes cyclables ou les voies bus, voire carré­ment à contre­sens de l’autre côté d’une ligne blanche conti­nue, ainsi que de ceux qui prétendent faire de l’in­ter-file par charité chré­tienne pour flui­di­fier la circu­la­tion. Il y a des moutons noirs et des hypo­crites partout, personne n’y est pour rien.

    Le pire étant les motards et scoo­ters telle­ment certains de leur droit de passage qu’on a concert de klaxon, rétro brisé ou coups sur la carros­se­rie quand ils jugent qu’ils n’ont pas assez de place pour doubler. Péri­phé­rique pari­sien je pense à toi, mais on commence à voir ça aussi en ville à Lyon.

  • On orga­nise le dumping social

    Liberté des entre­prises d’un côté, chan­tage à l’em­ploi de l’autre. En réalité c’est plus perni­cieux que ça.

    La conven­tion collec­tive c’était aussi s’as­su­rer que toutes les entre­prises d’un secteur jouent avec un même socle de règles et de contraintes.

    Avec des accords d’en­tre­prise qui peuvent reve­nir sur ces accords de branche, on fait sauter ce verrou : L’en­tre­prise à côté est plus concur­ren­tielle parce qu’elle a entaillé certaines protec­tions sociales ? Il va falloir qu’on fasse pareil si on veut reprendre le marché, et même aller un peu plus loin, sinon c’est le plan social qui nous pend au nez à long terme.

    C’est la course au moins disant. Pas le choix. Si l’autre le fait et que le climat écono­mique n’est pas encou­ra­geant, il faudra s’y mettre aussi.

    Ça ne vous rappelle rien ? L’Ir­lande avec son impôt sur les socié­tés moitié plus faible que les voisins, le Luxem­bourg qui offre des condi­tions fiscales ridi­cules pour atti­rer les multi­na­tio­nales chez lui, les inci­ta­tions fiscales pour les plus riches « parce que sinon ils iront ailleurs »… On repro­duit ça, en interne, avec les condi­tions de travail des sala­riés.

    En réalité on orga­nise le dumping social interne sur le marché français.
    Rien de moins.

    Et à ce jeu là il n’y a aucun gain pour l’em­ploi. Il s’agit unique­ment de savoir quelle entre­prise gagne la commande, pas d’en prendre de nouvelles.

    Pendant ce temps, on perd les protec­tions sociales. Ça peut appor­ter un peu de concur­rence inter­na­tio­nale à court terme, mais pas au point de concur­ren­cer les pays à bas coût, et ça se fait au prix de la santé des sala­riés.

  • On instaure litté­ra­le­ment un crime de pensée

    « Aux seules fin de préve­nir la commis­sion d’actes de terro­risme, toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son compor­te­ment consti­tue une menace d’une parti­cu­lière gravité pour la sécu­rité et l’ordre publics et qui soit entre en rela­tion de manière habi­tuelle avec des personnes ou des orga­ni­sa­tions inci­tant, faci­li­tant ou parti­ci­pant à des actes de terro­risme, soit soutient, diffuse ou adhère à des thèses inci­tant à la commis­sion d’actes de terro­risme ou faisant l’apo­lo­gie de tels actes peut se voir pres­crire par le ministre de l’in­té­rieur les obli­ga­tions prévues au présent chapitre. »

    La phrase est pleine d’al­ter­na­tives alors je vais clari­fier : Il suffit d’adhé­rer à des thèses parlant posi­ti­ve­ment d’actes de terro­risme. Adhé­rer à des thèses. Pas besoin d’actes ni d’in­ten­tion future, pas même d’apo­lo­gie publique.

    On instaure litté­ra­le­ment un crime de pensée.

    Je ne sais pas si tout le monde se rend compte qu’on est en train de fran­chir grave­ment la ligne jaune.

    Les petits malins diront qu’il faut en plus qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le compor­te­ment consti­tue une menace d’une parti­cu­lière gravité. Cela dit on a vu avec les assi­gna­tions à rési­dence passées que les juges étaient assez ouvert à l’ar­bi­traire total de la formule « des raisons sérieuses de penser ». D’au­tant que quelqu’un qui adhère à des thèses qui peuvent inci­ter à la commis­sion d’actes de terro­risme, ça laisse forcé­ment des raisons sérieuses de penser, vous ne trou­vez pas ? C’est même la raison d’être de cet article.

    À force de vouloir arrê­ter le crime avant qu’il ne devienne réalité, on crimi­na­lise le risque, l’opi­nion et la proxi­mité rela­tion­nelle. Tout ça me fait peur, parce qu’une fois cette ligne fran­chie, je ne vois pas où on va s’ar­rê­ter.