Catégorie : Politique et société

  • « Conforme à un ensemble de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux »

    Je fais le tour des propo­si­tions des diffé­rents groupes pour les Euro­péennes.

    Je filtre en ne rete­nant que ce qui concerne vrai­ment l’Eu­rope. Je rage chaque fois élec­tion en voyant combien même les partis qui se disent pro-euro­péens font majo­ri­tai­re­ment campagne sur des sujets natio­naux.


    J’ai à mon grand éton­ne­ment trouvé pas mal de choses inté­res­santes côté PCF. J’ai aussi trouvé une réplique magni­fique de leur candi­dat :

    — « Vous l’uti­li­sez Face­book, vous utili­sez Google […] Vous pour­riez ne pas colla­bo­rer avec ces géants
    — « Regar­dez, des tas d’édi­to­ria­listes du Figaro qui dénoncent le fonc­tion­ne­ment de la sécu­rité sociale, utilisent la sécu­rité sociale donc si vous voulez qu’on joue à ce petit jeu là […]

    PCF sur twit­ter, extrait de LCP

    La propo­si­tion qui m’in­té­resse est pour une fois de la France Insou­mise.

    « Tout produit péné­trant dans le marché commun est conforme à un ensemble de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux.

    La France Insou­mise, sur Twit­ter

    Ça n’a l’air de rien mais si je devais soute­nir deux pistes de travail sur l’Eu­rope, elle ferait partie des deux (l’autre serait une refonte démo­cra­tique dans les insti­tu­tions).

    Aujourd’­hui on parle de salaire mini­mum en Europe et on parle d’in­ten­tion écolo­gique, mais ça reste d’im­pact quasi­ment nul. Toute avan­cée se heur­tera forcé­ment au mur de la concur­rence mondiale.

    Dans cette vision on a l’im­pres­sion que le social et l’éco­lo­gie se font forcé­ment au détri­ment de notre inté­rêt. Malheu­reu­se­ment, s’il y a une chose que la gouver­nance euro­péenne actuelle ne semble pas prête à faire, c’est bien handi­ca­per notre posi­tion­ne­ment écono­mique.


    Si je dois voir une vraie solu­tion, c’est forcé­ment en impo­sant que toute la planète respecte les mêmes règles.

    Ça semble impos­sible mais il n’y a aucune raison sérieuse.

    On impose déjà à tous les produits et services vendus en Europe de respec­ter certaines règles, géné­ra­le­ment écono­miques et de sécu­rité. Ces règles prennent parfois en compte les impacts des produits après leur vente (sécu­rité, toxi­cité dans le temps, recy­clage, etc.).

    On ne peut pas refu­ser l’en­trée des produits construits dans des pays avec des normes sociales et écolo­giques basses. Par contre je ne vois rien qui empê­che­rait de règle­men­ter les ventes en Europe en fonc­tion de normes écolo­giques et sociales des produits — peu importe leur prove­nance — soit en consi­dé­rant une inter­dic­tion des produits et services ne respec­tant pas un mini­mum, soit avec une taxe progres­sive sur ce critère.

    Le vrai enjeu c’est de consi­dé­rer toute la vie du produit, depuis l’ex­trac­tion des matières premières jusqu’à sa vie de déchets. On ne compte donc pas que ce qui est réalisé sur le sol euro­péen mais tout ce qui concourt à la vente ou son achat sur notre sol, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment.

    Bref, on pour­rait, avec un peu de volonté.

    On peut commen­cer par des normes exces­si­ve­ment basses, qui fina­le­ment sont respec­tées quasi­ment partout en Europe. On évite­rait donc trop de débat interne.

    Voilà d’un coup que les normes écolo­giques et sociales des pays euro­péens devien­draient un avan­tage écono­mique sur leur marché (nous les respec­tons déjà, nous rédui­sons l’avan­tage concur­ren­tiel de réali­ser les mêmes biens et services sans prendre en compte les impacts écolo­giques et sociaux de façon délo­ca­lise).

    Ça favo­ri­se­raient en même temps la montée sociale et écolo­gique des autres pays au lieu de favo­ri­ser leur exploi­ta­tion (ça coute encore proba­ble­ment moins cher de produire ailleurs dans le monde, mais ça leur impose quand même d’éle­ver leurs pratiques s’ils veulent parti­ci­per, géné­rant une concur­rence vers le haut).

    Charge à nous ensuite de monter ces normes au fur et à mesure, année après année.


    De quoi je parle ?

    • Le nombre de kilo­mètre parcouru sur toute la vie du produit, matières premières incluses
    • Le carbone généré
    • Un revenu mini­mum absolu, rela­tif au prix des denrées et services primaires locaux, ou rela­tif au revenu moyen, pour tous les sala­riés et pres­ta­taires concer­nés, directs et indi­rects
    • Pour les mêmes travailleurs, des garan­ties sur l’ac­cès aux soins, les filets de sécu­rité, la non discri­mi­na­tion, la liberté syndi­cale, etc.
    • L’im­pact écolo­gique de produc­tion en terme de rejets toxiques, de trai­te­ment, de protec­tion des milieux natu­rels
    • L’im­pact écolo­gique en terme de recy­clage
    • La durée de vie moyenne du produit ou la période garan­tie
    • La répa­ra­bi­lité du produit

    Ce ne sont que des grands sujets, c’est forcé­ment très flou juste pour exemple, mais si nous arri­vons à même imagi­ner avan­cer sur un socle vrai­ment mini­mum-mini­mum qui se conver­tisse en loi euro­péenne sur tous les produits et services vendus en Europe, ça serait énorme.


    En pratique chacun auto-certi­fie ses propres actions et se charge de deman­der les mêmes certi­fi­ca­tions de la part de tous ses four­nis­seurs, qui eux-même devront faire de même pour s’auto-certi­fier.

    Évidem­ment il y aura plein de faux dans la chaine. Je ne demande même pas d’obli­ga­tion de résul­tat, juste d’obli­ga­tion de moyens et d’at­ten­tion.

    À chacun de mettre en œuvre des mesures raison­nables et crédibles pour s’as­su­rer de la véra­cité et de la vrai­sem­blance des garan­ties de ses four­nis­seurs, et être respon­sable en cas de problème mani­feste, de problème connu, ou de manque de contrôle en cas de défaillance à répé­ti­tion.

    C’est peu, mais c’est juste énorme par rapport à l’(in)exis­tant et ça ouvre la voie à des pour­suites en justice pour les maillons euro­péens qui ne jouent pas assez le jeu sur le contrôle et les garan­ties sur toute leur chaîne amont.


    Suis-je tota­le­ment à l’ouest ? Ça me parait à la fois faisable tech­nique­ment, respec­tueux des trai­tés inter­na­tio­naux pour­tant très libé­raux, béné­fique à notre écono­mie, et béné­fique à notre situa­tion sociale et écolo­gique comme à celle des pays qui sont aujourd’­hui nos poubelles à ce point de vue.

    J’ai pu louper plein de choses, y compris de l’évident, mais du coup je veux bien vos lumières.

  • Démo­cra­tie — Accep­ter de ne pas la vouloir

    Il est accep­table de souhai­ter ne pas toujours suivre la volonté du peuple. Ce peut-être que la popu­la­tion ne comprend pas, qu’elle n’a pas l’ex­per­tise, qu’il est impos­sible de toujours deman­der son avis au peuple sur chaque déci­sion, qu’il y aura toujours une majo­rité de mécon­tents quelle que soit la déci­sion prise, que les avis sont trop divers pour trou­ver un consen­sus… Choi­sis­sez vos raisons ou ajou­tez les vôtres. L’exemple qui revient le plus est l’abo­li­tion de la peine de mort à une date où le peuple aurait proba­ble­ment voté contre.

    Bref, ceci est un choix poli­tique et philo­so­phique tout à fait défen­dable. C’est même partiel­le­ment le choix de nos régimes repré­sen­ta­tifs occi­den­taux. Lors de la révo­lu­tion française démo­cra­tie était presque un gros mot, au même titre que déma­go­gie aujourd’­hui.

    Par contre, si vous assu­mez ce choix de ne pas toujours suivre le peuple en tout point et en tout moment, accep­tez d’en­tendre que les déci­sions qui en découlent ne sont pas démo­cra­tiques, que le régime qui le permet n’est pas plei­ne­ment démo­cra­tique.

    Peut-être qu’une démo­cra­tie pure et abso­lue n’est pas réaliste, ou même pas souhai­table. Ce n’est pas horrible. Il faut juste l’as­su­mer, et savoir mettre les mots dessus. Ça permet de prendre du recul pour savoir quoi amélio­rer, ou pour déci­der de la direc­tion à prendre.

  • Démo­cra­tie — Quelques pensées

    Je place là quelques notes de discus­sions récentes et moins récentes.


    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens

    Défi­ni­tion via le CNRTL

    Choix arbi­traire de défi­ni­tion, expli­cité ailleurs, mais je n’ai pas vu de source d’au­to­rité avec un sens vrai­ment diffé­rent.

    Reprendre le sens des mots est essen­tiel si on veut avoir le moindre recul.


    Si on réduit la démo­cra­tie à la volonté du peuple, on n’au­rait pas mis fin à la peine de mort

    On l’a fait. C’était une bonne chose. Ça n’en fait pas pour autant une déci­sion démo­cra­tique (à l’époque) pour autant si une part majo­ri­taire de la popu­la­tion était contre.

    Une bonne déci­sion n’est pas forcé­ment démo­cra­tique. Une déci­sion démo­cra­tique n’est pas forcé­ment bonne.

    Il faut juste accep­ter de faire descendre le concept de démo­cra­tie de son piédes­tal. Oui dans une pure démo­cra­tie on aurait proba­ble­ment mis plus de temps à arrê­ter la peine de mort en France.

    Peut-être que la réponse est que nous ne voulons pas d’une démo­cra­tie parfaite, tout simple­ment.


    Si on réduit la démo­cra­tie à la volonté du peuple, ça peut donner l’Al­le­magne Nazie, l’an­ti­sé­mi­sitme, [etc].

    Je n’ai pas l’ex­per­tise sur cette époque pour prétendre savoir quelle est la part de volonté du peuple et quelle est la part de prise de pouvoir.

    Pour autant oui. Le concept de démo­cra­tie n’est aucu­ne­ment lié à un quel­conque sujet éthique ou moral. Que le peuple ait le pouvoir implique qu’il puisse tout à fait déci­der des pires horreurs, de répres­sions et régres­sions sans précé­dent. Il peut aussi toute­fois déci­der de bien­veillance, de respect des liber­tés, de progres­sion sociale et de bonheur collec­tif.

    C’est d’ailleurs proba­ble­ment vrai quel que soit le régime, démo­cra­tie ou pas. La poli­tique c’est déci­der ce qu’on fait du pouvoir qu’on a.


    Atten­tion à ne pas confondre démo­cra­tie et dicta­ture de la majo­rité

    Dans toutes les défi­ni­tions que j’ai trouvé, on parle de pouvoir au peuple sans défi­nir comment on déter­mine cette volonté dans un peuple qui n’a pas qu’une seule opinion.

    Dans notre vision élec­tive, on traduit ça par une majo­rité de 50% + 1 mais ce n’est pas limi­ta­tif. On pour­rait très bien imagi­ner une majo­rité aux 2/3, ou même un consen­sus qui n’im­plique pas d’ac­cord mais juste une absence de rejet.

    Non la démo­cra­tie n’est pas la dicta­ture de la majo­rité dans sa défi­ni­tion. Savoir comment mettre en place un système démo­cra­tique concret qui ne puisse pas tour­ner en dicta­ture de la majo­rité est une vraie ques­tion inté­res­sante et je n’ai pas la réponse.

    Je note toute­fois deux points :

    1– Notre système actuel, bien qu’ayant fait des compro­mis, ne nous garan­tit rien non plus contre la dicta­ture de la majo­rité. Pire, notre système permet la dicta­ture de la plus grande mino­rité, ce qui est encore moins glorieux.

    2– S’il est diffi­cile de savoir où s’ar­rête la démo­cra­tie et où commence la dicta­ture de la majo­rité, il est toute­fois simple de dire que s’il n’y a pas d’as­sen­ti­ment d’au moins la majo­rité, les déci­sions prises ne peuvent être quali­fiées de démo­cra­tique. Dit autre­ment : L’as­sen­ti­ment de la majo­rité n’est pas forcé­ment suffi­sant mais il est clai­re­ment néces­saire.


    Il y a eu vote démo­cra­tique

    Le vote est un outil, la démo­cra­tie est un régime poli­tique. Le vote peut nous aider à créer un système de gouver­nance qui nous mènera à un régime démo­cra­tique (ou à un régime qui cherche à l’être), mais il n’y est ni néces­saire ni suffi­sant.

    Démons­tra­tion par l’ab­surde : Il est tout à fait possible d’ima­gi­ner une monar­chie élec­tive, avec un roi ayant les pleins pouvoirs jusqu’à sa mort, et une élec­tion à sa mort pour dési­gner un nouveau roi. Ce ne serait pas une démo­cra­tie (le peuple n’au­rait pas le pouvoir) mais il y aurait bien élec­tion.

    La démons­tra­tion n’est d’ailleurs pas si absurde que ça parce que si nos systèmes de gouver­nance se limi­taient à élire des repré­sen­tants, nous serions effec­ti­ve­ment dans une suite de petites dicta­tures élec­tives le temps d’un mandat. Ce qui nous fait avan­cer un peu vers la notion de démo­cra­tie c’est la sépa­ra­tion des pouvoirs, les contre-pouvoirs, la consti­tu­tion et tout ce qui permet au peuple de garder le contrôle d’une façon ou d’une autre sur les gens qu’il a élu.

    Malheu­reu­se­ment consti­tu­tion et contre-pouvoirs ne sont là aussi que des outils, pas suffi­sants en eux-mêmes (surtout si la consti­tu­tion peut-être chan­gée par une assem­blée sans en réfé­rer au peuple et si les contre-pouvoirs sont eux-mêmes action­nables unique­ment par les repré­sen­tants).


    Nous avons une consti­tu­tion, des élec­tions, les droits de l’Homme, des insti­tu­tions, n’est-ce pas ce qui fait de nous une démo­cra­tie ?

    Outre les réponses sur la consti­tu­tion et les élec­tions qui ne sont que des outils et pas consti­tu­tifs d’un régime parti­cu­lier, et la ques­tion des droits de l’Homme qui repré­sentent plus une ques­tion de morale qu’une ques­tion de régime poli­tique, l’en­semble décrit une orga­ni­sa­tion où le pouvoir est partagé, règle­menté.

    La défi­ni­tion d’un telle orga­ni­sa­tion c’est la répu­blique. Répu­blique et démo­cra­tie tendent à se rejoindre dans nos esprits mais ils n’ont pas à l’être. La répu­blique quali­fie sa struc­ture, la démo­cra­tie quali­fie sa fina­lité et qui a le contrôle dans la struc­ture.


    Ne confon­dons pas démo­cra­tie et déma­go­gie

    Cette phrase me gêne parce qu’elle est trop souvent employée pour dire « ne suivons pas la volonté du peuple ».

    Déma­go­gie :

    A. Exer­cice du pouvoir par des factions popu­laires ou par leurs meneurs, avec les abus qui en résultent; système de gouver­ne­ment corres­pon­dant.

    B. Recherche de la faveur du peuple pour obte­nir ses suffrages et le domi­ner.

    Défi­ni­tion via le CNRTL

    Dans le A, la déma­go­gie est typique­ment une prise de pouvoir par un groupe restreint. C’est le contraire de « suivre la volonté du peuple » et ça corres­pond bien plus à la capa­cité d’une personne ou d’un groupe à se faire élire pour exer­cer le pouvoir à son profit.

    Dans le B il y a effec­ti­ve­ment une recherche de popu­la­rité et donc d’ac­cé­der aux volonté du peuple mais elle est de façade ou tempo­raire pour y appliquer ensuite une domi­na­tion.

    Dans aucun des cas le fait de lais­ser le peuple déci­der n’est de la déma­go­gie. Ça c’est de la démo­cra­tie.

    Par contre, se faire élire par des promesses pour ensuite exer­cer le pouvoir à son profit, ça c’est bien la défi­ni­tion en B, quand bien même ça sera via une élec­tion à la base.

  • Démo­cra­tie — Reprendre le sens des mots.

    À brouiller les termes on empêche de prendre du recul sur ce qu’on fait et où on va. Reti­rons les fantasmes, les construc­tions mentales et amal­games. Repre­nons le sens des termes.

    Je vous propose de prendre comme base la défi­ni­tion du TLFi, claire et simple :

    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens

    Défi­ni­tion via le CNRTL

    Le choix du TLFi est forcé­ment très arbi­traire mais la défi­ni­tion corres­pond parfai­te­ment à son étymo­lo­gie (« dêmos » le peuple et « kratein » comman­der) ainsi qu’à celle de la huitième édition du diction­naire de l’Aca­dé­mie française qui parle de « forme de gouver­ne­ment où le peuple exerce la souve­rai­neté ».

    La neuvième édition rédi­gée dans les années 1980 y expli­cite « direc­te­ment ou indi­rec­te­ment » et ajoute « théo­rique­ment ou réel­le­ment ». Ce dernier ajout me gêne un peu en ce qu’il peut être inter­prété comme vali­dant des dispo­si­tifs qui ne sont démo­cra­tiques que dans la volonté affi­chée mais pas dans les faits, mais on reste dans tous les cas sur la même notion de base.

    Je n’ai pas trouvé de sources sérieuses avec une une défi­ni­tion signi­fi­ca­ti­ve­ment diffé­rente. On peut discu­ter d’autres défi­ni­tions mais en ce cas je vous deman­de­rai d’en sour­cer l’ori­gine et la légi­ti­mité.

  • Le pouvoir de l’argent

    Le cari­ta­tif est un danger pour la démo­cra­tie.

    Oui, j’aime bien les phrases choc. C’est forcé­ment un peu plus complexe que ça mais le fond y est.

    Les dons de grandes fortunes aux resto du cœur et aux monu­ments natio­naux me laissent un arrière goût amer. Oh, je suis heureux qu’ils soient là mais on parle de palier aux manques de l’État, d’agir à sa place dans ses rôles. On parle de le faire par des gens dont on a tendance ces derniers temps à réduire leur fisca­lité et celle de leurs entre­prises.

    Ce qu’ils donnent, c’est ce qui n’est pas collecté via l’im­pôt ou les coti­sa­tions par ailleurs. On peut dire que les dons palient au manque de budget de l’État. On peut aussi dire que ces dons sont juste­ment ce qui manque au budget de l’État pour assu­rer plus direc­te­ment les mêmes missions. Le cari­ta­tif et les manques de l’État sont liés, dans les deux sens.

    Au final on peut même dire que le moyen d’ac­tion importe peu mais il s’agit d’un modèle de société, et son choix n’est pas neutre. En privi­lé­giant le cari­ta­tif sur l’im­pôt, on permet au dona­teur de choi­sir l’af­fec­ta­tion des sommes sans passer par les struc­tures démo­cra­tiques prévues pour. On est en train de dire que ceux qui ont l’argent doivent avoir un pouvoir de déci­sion plus grand que les autres dans les choix budgé­taires collec­tifs. Pas neutre, vrai­ment.

    Est-ce qu’il faut recons­truire Notre Dame ? Peut-être, peut-être pas, mais étant un bâti­ment public ce devrait être un choix collec­tif. En choi­sis­sant moins d’im­pôts et plus de cari­ta­tif, on prive la collec­ti­vité de la capa­cité de faire un tel choix, de privi­lé­gier la réfec­tion d’écoles ou de tribu­naux en ruine plutôt qu’un monu­ment touris­tique. C’est celui qui a l’argent qui décide, et ça pose un vrai problème démo­cra­tique.


    Le pire c’est quand non seule­ment on donne un tel pouvoir mais qu’on le renforce. Celui qui donne aura des exoné­ra­tions d’im­pôts. Les resto du cœur se plaignent de moindres dona­tion depuis la dispa­ri­tion de l’ISF et des inci­ta­tions fiscales affé­rentes.

    Inci­ter à donner parait une bonne idée, le fameux gagnant-gagnant. En réalité ça revient à leur donner encore plus de pouvoir. Ça revient à leur permettre de piocher dans les impôts qu’ils auraient du payer – c’est à dire dans le budget public – pour déci­der où cela sera utilisé.

    Bien entendu seuls ceux qui ont suffi­sam­ment d’argent peuvent faire ce choix. Les voilà avec un pouvoir déci­sion­naire plus fort que les autres. On est sorti du « une personne une voix ».


    Oui, chacun fait ce qu’il veut de son argent. Choi­sir de dimi­nuer les impôts et faire appel au cari­ta­tif pour des actions publiques est toute­fois un choix poli­tique. Aller jusqu’à offrir des réduc­tions d’im­pôts pour encou­ra­ger de finan­cer en dons ce qu’on ne collecte pas comme impôts l’est aussi.

    Aucune des deux formes n’est neutre poli­tique­ment ou démo­cra­tique­ment, et encore moins quand les dons sont promis par les plus riches peu après la mise en place d’une poli­tique fiscale qui leur est très favo­rable.

  • Respect de la vie privée chez lesnu­me­riques

    Dites lesnu­me­riques, quand je viens chez vous j’ai le droit à un superbe cadre pour deman­der mon consen­te­ment à plusieurs usages de mes données person­nelles.

    Nos parte­naires et nous-mêmes utili­sons diffé­rentes tech­no­lo­gies, telles que les cookies, pour person­na­li­ser les conte­nus et les publi­ci­tés, propo­ser des fonc­tion­na­li­tés sur les réseaux sociaux et analy­ser le trafic. Merci de cliquer sur le bouton ci-dessous pour donner votre accord. Vous pouvez chan­ger d’avis et modi­fier vos choix à tout moment.

    https://www.lesnu­me­riques.com

    Ça pour­rait donner confiance dans votre respect de la loi mais…

    J’ai soulevé le capot

    Accès au site
La conservation d’informations ou l’accès à des informations déjà conservées sur votre appareil, par exemple des identifiants publicitaires, des identifiants de l’appareil, des cookies et des technologies similaires.

    Pour­tant avant même que je consente, me voilà avec pile 139 cookies tous neufs (j’ai compté). La plupart contiennent des iden­ti­fiants uniques de pistage publi­ci­taires ou de mesure d’au­dience. Hallu­ci­nant !

    Je ne compte pas là ceux qui exploitent des « tech­no­lo­gies simi­laires ». Certains ont utilisé le localS­to­rage du navi­ga­teur. Je serais étonné qu’au­cun ne m’iden­ti­fie via mon adresse IP, l’ex­ploi­ta­tion du cache du navi­ga­teur ou d’autres arti­fices. Pas vu pas pris, conten­tons-nous du certain.

    Si je n’étais pas poli je dirais que vous vous foutez de ma gueule. D’au­tant qu’au­cun de ces iden­ti­fiants n’est supprimé si je refuse mon consen­te­ment par la suite. Une fois placés, ils seront utili­sés pour recou­per avec mes visites sur d’autres sites.

    Mesure d'audience
La collecte d’informations relatives à votre utilisation du contenu et association desdites informations avec celles précédemment collectées afin d’évaluer, de comprendre et de rendre compte de la façon dont vous utilisez le service. Cela ne comprend pas la Personnalisation, la collecte d’informations relatives à votre utilisation de ce service afin de vous adresser ultérieurement du contenu et/ou des publicités personnalisés dans d’autres contextes, c’est-à-dire sur d’autres services, tels que des sites ou des applications.

    Et pour­tant, avant même que je n’ac­cepte ou ne refuse, me voilà déjà pisté par Estat (Media­mé­trie), avec un iden­ti­fiant unique qui expire en 2020. J’ai aussi du Google Analy­tics et du Webo­rama.

    Rien que ça.

    Ces services ne se contentent pas de m’iden­ti­fier. Je n’ai pas encore pu accé­der au contenu de lesnu­me­riques que j’ai déjà des actions de collecte dans mon audit réseau. Si je visite d’autres sites plus tard, tout ça sera relié sur mon profil chez eux.

    J’ai compté, ce fut long. Je suis pisté par au moins 44 services publi­ci­taires ou de profi­lage suite à mon accès initial à lesnu­me­riques. Je n’ai compté que ceux dont je suis certain qu’ils m’iden­ti­fient pour me pister.

    À ce stade je n’ai pour­tant toujours consenti à rien, accédé à rien. Je suis encore sur la page qui me demande si j’ac­cepte avant d’al­ler plus loin.


    Ça ne s’ar­rête pas là.

    Non seule­ment tout ça va relier ma visite sur lesnu­me­riques avec celles que je fais ailleurs, mais dans ces pisteurs j’ai aussi des centres d’échanges.

    Il en existe plusieurs mais je peux au moins parler de celui d’App­nexus. Sur lesnu­me­riques il me relie direc­te­ment aux iden­ti­fiants et méthodes de pistages d’au moins 28 services parmi les 44, sachant que eux-même se relient souvent aux autres ensuite. Il ne doit y en avoir qu’une poignée qui refusent d’échan­ger des infor­ma­tions.

    Appnexus est présent sur un tiers des sites majeurs sur le web, sachant que même là où il n’est pas, il suffit qu’un seul pisteur parte­naire soit présent pour pouvoir ensuite tout relier. Il y avait une tren­taine de parte­naires directs rien que sur lesnu­me­riques.

    À côté j’ai de toutes façons désor­mais un iden­ti­fiant Google Analy­tics. Ce dernier est partagé avec Google Syndi­ca­tion, Google Ad Services, Google Tag Services / Mana­ger, Double­click, Trade­lab et Everst­tech. Rien qu’a­vec ça ma visite sur lesnu­me­riques est relié à 80% des sites majeurs.

    Comme ce n’est jamais assez, lors de ma visite sur lesnu­me­riques, mon iden­ti­fiant Appnexus a été partagé à Google Syndi­ca­tion et Everst­tech, eux-même liés à Google Analy­tics.

    Tout ça alors que je n’ai toujours consenti à rien. Et me voilà irré­mé­dia­ble­ment relié à toutes mes visites ailleurs sur le web.


    Lesnu­me­riques je t’en veux

    Je t’en veux parce que tout ça tu le décides toi. Il y a pas mal de choses qui viennent des régies publi­ci­taires mais Appnexus et Google Analy­tics ont été char­gés direc­te­ment par tes pages, avant que j’aie consenti à quoi que ce soit.

    Tu es respon­sable de tout ça. J’es­père juste me trom­per, avoir des expli­ca­tions, ou au moins voire des chan­ge­ments rapides.


    Et après le refus ?

    Après le refus c’est de toutes façons trop tard mais je suis allé jusqu’au bout des tests : J’ai refusé mon consen­te­ment, en bloc, sur toutes les options, avant de navi­guer plus loin.

    Lors de mes premiers tests j’ai simple­ment cliqué sur « tout refu­ser ». L’en­semble des coches de la page sont passées au rouge, tout va bien.

    Plus tard je suis revenu pour voir les parte­naires et j’en découvre un bon tiers au vert, auto­ri­sés !?!

    Je refais le test avec un profil neuf et je suis capable de confir­mer : Quand je clique « tout refu­ser » le lien tout en bas qui mène vers la page des parte­naires me laisse encore actifs un bon tiers des parte­naires.

    Là on n’est plus dans une mauvaise inter­face, on est carré­ment dans la trom­pe­rie !

    Je décoche tout ça et je conti­nue. Les iden­ti­fiants posés sont restés. Aucune requête réseau n’a été envoyée aux diffé­rents services pour leur dire que je refu­sais le pistage.

    Lors des inter­ac­tions suivantes les outils de mesure d’au­dience comme le profi­lage à visée publi­ci­taire ont conti­nué à envoyer des jour­naux de collecte, avec les mêmes iden­ti­fiants de pistage. La plupart en tout cas.


    Quelque part c’est le moins grave mais l’ou­til qui permet de choi­sir si je consens envoie lui-même des jour­naux d’au­dit iden­ti­fiants à un tiers, avant et après mon choix, quel qu’il soit.

    Ça montre juste à quel point tout ceci est une farce.


    Peut-être qu’en interne j’ai eu de la publi­cité non-ciblée au lieu de la publi­cité ciblée. Peut-être que les trai­te­ments réali­sés par les divers services se permettent des choses diffé­rentes. Je n’en sais rien. Ça ne chan­ge­rait pas tous les problèmes déjà rele­vés.

  • Choc de simpli­fi­ca­tion fiscale

    Je ne vois juste pas comment on peut s’en sortir. Tout chan­ge­ment sera forcé­ment jugé injuste, et deman­dera une armada de fisca­listes dès qu’on touche plusieurs para­mètres.

    Je pleure quand je vois la CSG. Un taux de base (9,2%), puis 3 caté­go­ries spéci­fiques (jeux, retraite, chômage), puis 3 paliers progres­sifs en fonc­tion des reve­nus mais que pour une de ces caté­go­ries et pas les autres. Oh, et ce taux est déduc­tible des impôts sur le revenu sauf 2,4 points qui ne le sont pas. Enfin sauf pour une des caté­go­ries où c’est inté­gra­le­ment déduc­tible. Bien entendu sur les reve­nus d’ac­ti­vité ce taux ne se calcule que sur 98,25% des reve­nus. Oh, et pour les reve­nus du capi­tal ce taux peut-être fusionné avec l’im­pôt progres­sif sur le revenu pour en faire un prélè­ve­ment forfai­taire de 30%, enfin sauf si vous optez pour l’an­cien système.

    Sérieu­se­ment…

    Le pire c’est que nos poli­tiques ne semblent pas avoir inté­rêt à simpli­fier tout ça. La complexité permet d’an­non­cer une augmen­ta­tion de prime d’ac­ti­vité de 20 € tout en passant un taux de calcul de 62 à 61% pour que le résul­tat net soit unique­ment de 8 €. Oh, il doit y avoir de très bonnes raisons pour ne pas avoir précal­culé les bases de calcul pour y appliquer un taux de 100% mais au final ça masque tout. Tout ça ce n’est que le côté visible. C’est tout aussi complexe sur la redis­tri­bu­tion des recettes dans les diffé­rentes caisses.

    Même ce président qui s’est fait élire sur la simpli­fi­ca­tion a au final énor­mé­ment complexi­fié tout le système. Au niveau poli­tique, « simpli­fi­ca­tion » se traduit souvent par « régres­sion sociale » ou « réduc­tion fiscale », quitte à ce que ce soit via une complexité supplé­men­taire.


    Oui, je sais, tout n’est pas illé­gi­time mais ça reste incom­pré­hen­sible et donc dange­reux pour le consen­te­ment à l’im­pôt.

    Oui, je connais aussi les tenta­tives de révo­lu­tions fiscales mais je n’ose imagi­ner personne faire un tel big bang. Les risques sont gigan­tesques, autant sur les prévi­sions de recette que sur les impacts dans l’éco­no­mie, et là je ne compte pas le coût humain et maté­riel de tout chan­ger.

    On fait quoi ?

  • Éthique et Lima

    Le projet Lima s’éteint. C’est dommage. Je suis convaincu que les équipes de Lima ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour que ça n’ar­rive pas. Des fois « on n’y arrive pas ». C’est dommage mais c’est ainsi et on doit plutôt remer­cier les gens d’avoir essayé.

    Les appa­reils concer­nés vont à terme deve­nir inuti­li­sables. C’est un bon exemple de « n’uti­li­sez pas d’ap­pa­reils connec­tés qui dépendent d’un service centra­lisé » mais à mon sens la leçon n’est pas celle là.

    Je n’aime pas tirer sur l’am­bu­lance mais mon problème est un problème éthique.

    What happens if CGC dies ?

    What’s good with Lima is that it’s enti­rely private and decen­tra­li­zed. So Lima can work inde­pen­dently from any servers, and conti­nue mana­ging your data even if our star­tup dies (disclo­sure: we don’t plan anything like that)

    The only thing we manage on our side of the equa­tions are updates of our app and the web inter­face of Lima. In case of company crash, we’ll do our best to open source at least the most criti­cal parts of our code, so the commu­nity conti­nues impro­ving the solu­tion every night.

    FAQ sur la page Kicks­tar­ter, le 6 août 2013

    La dispa­ri­tion de l’en­tre­prise a été envi­sa­gée dès le début de l’aven­ture (c’est bien) et des éléments de réas­su­rance ont été posés (c’est bien aussi, même si ce n’est que du best effort).

    J’ai un problème éthique parce que toutes les équipes de Lima, des fonda­teurs jusqu’aux déve­lop­peurs ont accepté de poser ces éléments de réas­su­rance alors qu’ils semblent faux.


    En pratique le serveur de l’in­fra­struc­ture Lima est un compo­sant essen­tiel et les boitiers vont progres­si­ve­ment arrê­ter de fonc­tion­ner. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Lima eux-mêmes. Là on est dans la trom­pe­rie pure et simple par rapport à la promesse affi­chée.

    While your Lima product synchro­nises with your devices without servers, our servers are still needed to make your devices find each other and esta­blish a connec­tion.

    Unfor­tu­na­tely, as our services shut down, your Lima will progres­si­vely stop to work.

    This time, it’s Good­bye. Page d’ac­cueil Lima

    La promesse de l’open source est simi­laire. En pratique il est impos­sible de passer le code open source une fois la société en liqui­da­tion. C’est confirmé par les réponses sur Twit­ter.

    C’est simple­ment légal. Les action­naires perdent le contrôle de la société et le liqui­da­teur a l’obli­ga­tion légale de tirer le maxi­mum des posses­sions de la société. Ça inclut le code source et la propriété intel­lec­tuelle. Libé­rer le code source gratui­te­ment n’est léga­le­ment plus possible.

    Le problème c’est que ce n’est pas une surprise.

    Il aurait fallu s’y prendre avant le début des diffi­cul­tés. Il aurait fallu dépo­ser le code source régu­liè­re­ment chez un tiers de confiance et s’en­ga­ger contrac­tuel­le­ment avec lui sur une cession de droits qui ne devien­dra effec­tive qu’à certaines condi­tions pré-établies.

    Même si la FAQ parle de « do our best », on est dans la trom­pe­rie. Il n’est pas imagi­nable que la ques­tion ait été abor­dée dans la FAQ et que les colla­bo­ra­teurs de l’en­tre­prise aient pu igno­rer les enjeux ci-dessus. Ils semblent pour­tant ne rien avoir prévu, consciem­ment, et avoir parti­cipé là aussi à un déca­lage signi­fi­ca­tif entre le discours et les actions.


    J’en veux aux déve­lop­peurs qui ont parti­cipé à ça, et qui vont mettre le doute sur tous les autres.

    Déve­lop­peurs, vous ne devriez pas mettre l’éthique de côté. Vous ne devriez pas appor­ter votre concours à des socié­tés qui trichent, qui trompent, peu importe le degré de cooli­tude du produit ou du service.

  • Sommes-nous une démo­cra­tie ? Le test

    Il est diffi­cile de se déta­cher de nos croyances alors je vais propo­ser de discu­ter d’un critère rela­ti­ve­ment simple et diffi­ci­le­ment contes­table.

    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens.

    Défi­ni­tion via le CNRTL

    Je m’en tiens à la défi­ni­tion et n’ex­clus aucu­ne­ment ici la notion de démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Le peuple peut tout à fait exer­cer le pouvoir via des repré­sen­tants. L’im­por­tant est que ce soit lui qui l’exerce.

    Atten­tion donc à diffé­ren­cier le peuple qui exerce son pouvoir via des repré­sen­tants, et les repré­sen­tants qui exercent leur pouvoir au nom du peuple. La seconde formule pour­rait vali­der une bonne partie des monar­chies et régimes dicta­to­riaux. Oui, la ligne entre les deux est parfois fine, c’est bien tout le sujet. Que les repré­sen­tants soient élus ne résout pas toute la ques­tion.


    Bref. Il est diffi­cile de défi­nir « le peuple » ou ce qu’il veut alors pour éviter tout débat inter­mi­nable on va se poser dans la situa­tion théo­rique la plus favo­rable imagi­nable :

    Imagi­nons une mesure souhai­tée par la quasi tota­lité de la popu­la­tion, dans les mêmes termes, et que nous puis­sions là aujourd’­hui le déter­mi­ner de façon incon­tes­tée.

    Dans ce scéna­rio on ne peut plus favo­rable, la mesure souhai­tée par le peuple serait-elle forcé­ment prise, dans les termes souhai­tés et dans un temps raison­nable ?

    Si nous ne pouvons pas répondre « oui » sans mettre de condi­tions, sans délai qui se compte en années, sans impo­ser l’ac­cord de telle personne ou de tel groupe de personnes, alors c’est que le peuple n’a pas le pouvoir et en consé­quence que nous ne sommes pas en démo­cra­tie.

  • De la démo­cra­tie en France

    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens.

    TLFi, via le CNRTL

     

    Le terme démo­cra­tie (du grec ancien δημοκρατία / dēmo­kratía, combi­nai­son de δῆμος / dêmos, « terri­toire » (de daies­thai, « parta­ger ») puis « peuple », et kratein, « comman­der »), désigne le plus souvent un régime poli­tique dans lequel les citoyens ont le pouvoir.

    Wiki­pe­dia

    Sommes-nous (vrai­ment) en démo­cra­tie ?

    Si vous avez déjà lu quelque chose à ce sujet en dehors de la télé­vi­sion, des discours poli­tiques et des livres d’école, vous savez déjà que non. On peut argu­men­ter que nos systèmes sont les plus perti­nents qu’on ait imaginé jusqu’a­lors, qu’une démo­cra­tie pure est irréa­li­sable ou non souhai­table, mais le fait est que nous nous n’en sommes pas une. Il n’y a d’ailleurs pas grand débat à ce sujet.

    Que nous nous dési­gnions régu­liè­re­ment de démo­cra­tie repré­sen­ta­tive n’y change rien. Les régimes marxistes-léni­nistes se dési­gnaient sous le terme de démo­cra­tie popu­laire, et la Chine comme la Corée du nord se voient toujours comme telles. On peut se gaus­ser mais ça montre bien que le nom qu’on se donne ne vaut que pour les beaux discours, et au moins démo­cra­tie popu­laire a le bon goût de ne pas rele­ver de l’oxy­more. On ne peut pas en dire autant chez nous.


    Une déci­sion peut-elle être prise quand bien même il appa­rait clair que le peuple ou sa majo­rité est contre ? À l’in­verse, quand il appa­rait clair que le peuple souhaite une déci­sion donnée, est-il possible qu’elle ne soit pas prise ?

    S’il est possible de répondre oui à une des deux ques­tions, alors le peuple n’a pas vrai­ment le pouvoir. Le reste n’est qu’ar­gu­men­ta­tion pour éviter de regar­der la vérité en face.


    S’ils ne peuvent être pris comme des sources de vérité abso­lue et que chaque ques­tion porte ses propres biais, les insti­tuts de sondages nous montrent quand même des exemples à loisir. Dans les discus­sions préa­lables à ce billet, on m’a par exemple rappelé que s’il avait fallu suivre l’opi­nion du peuple, nous n’au­rions proba­ble­ment pas mis fin à la peine de mort en 1981.

    Dans l’es­sen­tiel des démo­cra­ties occi­den­tales, le peuple n’a éven­tuel­le­ment le pouvoir qu’au moment des élec­tions. Ensuite il le confie à des élus qui en jouissent jusqu’à la prochaine élec­tion. Le peuple lui-même n’a de pouvoir qu’une jour­née de temps en temps, et encore : En France il n’a quasi­ment le pouvoir que de choi­sir à qui le confier, ou de répondre à des ques­tions que d’autres auront choisi de lui poser. Diffi­cile de prétendre que le peuple exerce le pouvoir.

    En fait les systèmes élec­to­raux français sont tels que même lors des élec­tions, même en se restrei­gnant au choix des élus, il est diffi­cile d’af­fir­mer que le choix réalisé repré­sente le peuple.

    Plus que de savoir si nous en sommes une, ce qui m’in­ter­pelle est plutôt de savoir si nous voulons en être une. Moi oui, mais je suis loin d’être certain que cette opinion soit parta­gée.

    Voulons-nous (vrai­ment) de la démo­cra­tie ?

    Vous avez d’un côté un diri­geant éclairé avec une vision pour l’ave­nir. Il est accom­pa­gné d’un groupe d’ex­perts qui travaille avec le terrain pour élabo­rer ce qu’ils pensent être les meilleures déci­sions. Parfois ils peuvent se trom­per, parfois ils ne voient pas la réalité du terrain, parfois le choix dépend aussi ou surtout des valeurs du diri­geant ou des experts, mais prenons pour hypo­thèse que cet ensemble recherche et tend vers les meilleures déci­sions.

    De l’autre côté vous avez le peuple et un moyen d’ex­pri­mer collec­ti­ve­ment notre déci­sion. Parfois il est diffi­cile de déga­ger une volonté dans un ensemble complexe d’opi­nions et il peut même y avoir des erreurs. Parfois le peuple prend une déci­sion sans en comprendre les tenants et abou­tis­sants, change avec le temps, voire se fait mani­pu­ler, mais prenons pour hypo­thèse qu’un moyen d’ex­pres­sion permet d’ex­pri­mer au mieux possible notre déci­sion collec­tive.

    S’il y a désac­cord, qui souhai­tez-vous suivre ?

    Dit autre­ment et en cari­ca­tu­rant, préfé­rez-vous une prison dorée ou un enfer libre ? La démo­cra­tie c’est l’en­fer libre. C’est peut-être prendre les mauvaises déci­sions mais pouvoir en déci­der nous.


    Le futur selon #GiletsJaunes?#RIC:Réfé­ren­dum d’ini­tia­tive citoyenne 2019
    ??Suppres­sion de la #CSG:89% de oui
    ??Camps de réten­tion des fichés S:72% de oui
    ??Aucune limi­ta­tion de vitesse:65% de oui
    ??Réta­blis­se­ment de la peine de mort:61% de oui
    ??Démis­sion de #Macron:55% de oui

    — Olivier Duha­mel (@o_duha­mel) 15 décembre 2018

    Moi aussi les réponses à ces sondages me font peur. Elles ne sont repré­sen­ta­tives que des sondés mais je ne suis pas forcé­ment convaincu que toutes les réponses seraient diffé­rentes pour un réfé­ren­dum natio­nal. Je suis pour­tant person­nel­le­ment très inquiet par le courant qui veut que le peuple soit trop igno­rant ou trop imbé­cile pour déci­der lui-même de son avenir et qu’il faut qu’un élite décide à leur place.

    En creux dans les propos cités, on dit qu’une mino­rité de 10 à 40% a raison et doit garder le pouvoir pour que surtout les choix de la majo­rité ne soient pas exécu­tés. Bien évidem­ment c’est cette même mino­rité qui s’érige en juge et décide de quels propos sont justes et de quels propos sont dange­reux. Son seul droit à le faire c’est qu’elle est déjà au pouvoir, depuis bien long­temps.

    Plus que les réponses au sondage, ce sont les propos du respon­sable LREM qui me font peur. Il est en train de justi­fier qu’il faut que lais­ser les gouver­nants gouver­ner seuls parce que seuls eux ont une opinion valable, et surtout pas lais­ser le peuple déci­der. On est à la limite de souhai­ter une dicta­ture éclai­rée.

    Que la poli­tique actuelle les favo­rise depuis long­temps ne doit être qu’une coïn­ci­dence, ne croyez-vous pas ? Eux-même sont proba­ble­ment les premiers à trai­ter les anciens régimes commu­nistes de détes­table dicta­ture alors que c’est la mise en appli­ca­tion la plus pure de ces prin­cipes là : Une qui élite dirige le peuple en son nom. La seule diffé­rence c’est que ce n’est pas la même élite qui est au pouvoir.


    Moquez-vous si vous voulez des gouver­nants anglais qui tentent contre vents et marées d’exé­cu­ter la sortie de l’Eu­rope malgré tout ce que cela va leur coûter, mais quelque part ils auraient des leçons de démo­cra­tie à nous donner.

    De notre côté, après le « non » au réfé­ren­dum sur le traité établis­sant une consti­tu­tion pour l’Eu­rope (Rome II), nos élus ont acté ensuite le traité de Lisbonne qui conte­nait grosso modo la même chose refor­mulé autre­ment (sans réfé­ren­dum cette fois). Peut-être était-ce la meilleure déci­sion — je vous en laisse juge — mais c’est large­ment discu­table du point de vue démo­cra­tique. En France nous glori­fions même l’idée du gouver­nant vision­naire et ferme, qui sait prendre des déci­sions impo­pu­laires. Impo­pu­laire ça veut aussi dire « contre la volonté du peuple ». En terme de démo­cra­tie ça se pose là.

    Tout au plus on peut se deman­der si le peuple du Royaume Uni n’a pas changé d’avis depuis son vote pour le Brexit. C’est d’ailleurs là un point inté­res­sant. Nos systèmes sont faits pour assu­rer une stabi­lité et pouvoir mettre en œuvre des poli­tiques cohé­rentes qui se déploient mal s’il faut systé­ma­tique­ment chan­ger de direc­tion. Mais du coup, si le peuple ne peut pas chan­ger de direc­tion, exerce-t-il encore le pouvoir ?

    Amélio­rer (vrai­ment) la démo­cra­tie française

    À défaut de parler de démo­cra­tie directe, ou de la vouloir, la France est quand même très loin du concept de démo­cra­tie. Trop loin même.

    Au mini­mum, ce qu’il manque est un système permet­tant au peuple de s’ex­pri­mer quand il le souhaite. Il y en a trois simples : 1– La possi­bi­lité de révoquer des gouver­nants, 2– Les réfé­ren­dums ou déci­sions d’ori­gine popu­laire, et 3– le renou­vel­le­ment court des mandats.


    La révo­ca­tion des mandats permet­trait au peuple de chan­ger d’avis ou de mettre fin à un élu qui agirait autre­ment que ce qui était prévi­sible au moment des élec­tions. Ça semble du bon sens mais c’est aussi assez risqué. Il est facile de fédé­rer contre un élu, mais pas forcé­ment d’avoir un consen­sus pour un remplaçant.

    La révo­ca­tion n’a pour moi de sens qu’au sein d’une assem­blée propor­tion­nelle et pour toute l’as­sem­blée dans son ensemble, ou alors excep­tion­nel­le­ment à titre indi­vi­duel mais alors avec un quorum extrê­me­ment élevé, genre 50% des élec­teurs, ou 2/3 des votants (blancs inclus).


    Le vrai enjeu est proba­ble­ment celui des réfé­ren­dums d’ori­gine popu­laire. Vous vous souve­nez de mes deux ques­tions pour défi­nir une démo­cra­tie ? Ça se résume en « si la volonté du peuple est claire, est-elle suivie ? » Le réfé­ren­dum d’ori­gine popu­laire est unique­ment ça, forma­li­ser une volonté claire, et la rendre exécu­table. Toute la diffi­culté c’est de défi­nir qui et sous quelles condi­tions peut lancer un tel réfé­ren­dum.

    La voie qui semble être prise en ce moment est qu’il faut que ça vienne des dépu­tés – ce qui inva­lide tout le propos démo­cra­tique – et que les soutiens popu­laires se fassent de façon publics – ce qui pose bien d’autres problèmes de vie privée et de liberté de conscience pour les plus expo­sés.

    Il y a encore beau­coup de choses à imagi­ner. C’est faisable mais ça va être long à s’im­po­ser telle­ment notre classe diri­geante a peur de lais­ser la main directe au peuple.

    le droit de vote c’est dange­reux (1789)
    le suffrage univer­sel c’est dange­reux (1848)
    le bulle­tin secret c’est dange­reux (1851)
    le parle­men­ta­risme c’est dange­reux (1875)
    le vote des femmes c’est dange­reux (1945)
    le réfé­ren­dum d’ini­tia­tive citoyenne c’est dange­reux (2018)

    Jean Massiet (@JeanMas­siet) 17 décembre 2018

    Pour ceux qui ont vrai­ment trop peur de lais­ser le peuple s’ex­pri­mer, on peut commen­cer par avoir une capa­cité de refe­ren­dum d’ori­gine popu­laire unique­ment sur de la censure (marquer le refus à une loi ou une mesure qui vien­drait d’être votée). Ça permet­trait unique­ment de refu­ser une évolu­tion contre l’ac­cord du peuple. Pas grand danger à part celui d’un status quo mais si on appré­cie un mini­mum l’idée de démo­cra­tie il serait logique de ne pas pouvoir impo­ser quelque chose de nouveau au peuple si ce dernier arrive à expri­mer son désac­cord.


    Le renou­vel­le­ment des mandats a l’air tota­le­ment irréa­liste mais c’est ce qui me semble le plus viable à court terme. Par le passé nous avions le Sénat qui fonc­tion­nait ainsi : mandat de neuf ans renou­ve­lable par tiers. Imagi­nez un vote perma­nent, tous les six mois, pour renou­ve­ler 1/8ème de l’As­sem­blée natio­nale. Nos dépu­tés garde­raient un mandat de 4 ans, leur permet­tant d’ap­prendre et se montrer effi­caces. Le renou­vel­le­ment par (petite) partie permet de ne pas reprendre tout à zéro en perma­nence, tout en permet­tant à la popu­la­tion de chan­ger la repré­sen­ta­tion natio­nale progres­si­ve­ment en cours d’ac­tion.

    Par là le peuple met même une pres­sion perma­nente sur les élus natio­naux, avec la crainte de perdre ou gagner des sièges s’ils prennent des déci­sions impo­pu­laires (c’est à dire « contre le peuple »). Non seule­ment on permet au peuple d’in­fluen­cer sa repré­sen­ta­tion en conti­nue, mais en plus on donne un peu plus de pres­sion pour que cette repré­sen­ta­tion prenne en compte l’avis du peuple. Ça ne corrige pas tout, mais c’est déjà ça.

    Et, bien évidem­ment, pour que ça fonc­tionne, il faudra quit­ter notre système majo­ri­taire à deux tours découpé par circons­crip­tion et passer par des listes natio­nales (même si rien n’em­pêche de mettre des règles complexes assu­rant une repré­sen­ta­ti­vité aux diffé­rents terri­toires et d’en faire sortir des élus locaux). Si on peut en profi­ter pour que ça passe par de la propor­tion­nelle ce serait encore mieux d’un point de vue démo­cra­tique mais on peut tout à fait passer à du renou­vel­le­ment continu sans ça.