Catégorie : Politique et société

  • Tout faire à l’en­vers

    Plus je regarde dans les couches sociales hautes, plus j’y trouve de la détes­ta­tion de la démo­cra­tie en mode « oui bien sûr, mais pas là ».

    « Le sujet est trop sérieux », ou trop complexe, demande trop de temps, trop de connais­sances, d’avoir une vision ou une réflexion pous­sée.

    Peu importe le sujet, tous tombent dans cette case, excepté ce qui est à la fois simpliste et sans impor­tance.


    Parce qu’il le faut, parce qu’ils se sentent obli­gés d’être « pour la démo­cra­tie » au moins en théo­rie et sur le papier, ils veulent bien consen­tir à un vote de repré­sen­tant tous les cinq ans.

    Même là, c’est unique­ment à grand renfort de mépris pour tous ces idiots qui votent mal, trop à droite ou trop à gauche, même si ensemble ces mauvais votants sont majo­ri­taires.

    Heureu­se­ment donc qu’on ne laisse pas à ces mécréants les moyens de réel­le­ment déci­der de quoi que ce soit…


    Si ça râle trop, on orga­nise des consul­ta­tions publiques, des débats. On fait des discours et des expli­ca­tions péda­go­giques.

    Surtout, rien qui ne permette de parta­ger un peu la prise de déci­sion elle-même. Là c’est trop sérieux.

    Dès que certains forcent le passage, mani­fes­ta­tions, presse enga­gée ou mili­tan­tisme, alors on écrase.

    On leur permet déjà de parler dans le vent et de voter une fois tous les cinq ans. S’ils n’y trouvent pas leur compte, qu’ils comparent donc à la Chine et à la Corée, ils verront !


    Pour moi être atta­ché à la démo­cra­tie c’est juger la légi­ti­mité d’une déci­sion à l’aune de la volonté du peuple – par sa majo­rité, par son consen­sus, ou tout autre proces­sus qui ne laisse pas une mino­rité déci­der – et pas en évaluant le bien-fondé objec­tif de cette déci­sion.

    Vouloir une struc­ture qui met en avant le bien-fondé des déci­sions est tentant, mais c’est oublier qui est juge de ce bien-fondé et sur quels critères.

    Le diable c’est que les critères et leur impor­tance sont diffé­rents pour chacun. Le choix de ces critères et du modèle de société n’a aucune « meilleure solu­tion » objec­tive. Personne n’a raison sur ce point car c’est juste un choix.

    La poli­tique c’est ça. Le reste c’est de la gestion et de l’in­ten­dance.


    Quand une personne proche du pouvoir vous dit qu’on a objec­ti­ve­ment pris la meilleure déci­sion, il parle de gestion.

    Quand on vous parle de gestion, on vous masque les critères d’éva­lua­tion de cette bonne gestion et des déci­sions qui en découlent. Le choix de ces critères d’éva­lua­tion, des valeurs qui les soutiennent, est lui tota­le­ment arbi­traire et n’a rien d’objec­tif.

    C’est là que le pouvoir se trouve, là qu’il est dérobé.


    C’est pour ça que réser­ver le pouvoir à ceux qui ont l’ex­per­tise, le temps ou l’in­tel­lect est une arnaque.

    Ils peuvent prendre les meilleures déci­sions de gestion et d’in­ten­dance, mais ce faisant ils prennent surtout à notre place les vrais choix poli­tiques en amont, ceux là même qui devraient être pris en commun.

    Ces gouver­ne­ments d’élites, élus gestion­naires et démo­cra­ties d’ex­perts ou de savants me font peur parce que ça revient à tuer la démo­cra­tie pour n’en garder que l’image.

    Nous sommes déjà sur le chemin, à nous de ne pas conti­nuer, de ne pas nous lais­ser prendre par le mirage.


    Les experts, les gestion­naires, les savants, les élites sont impor­tants. Ils sont là pour infor­mer, pour réflé­chir et analy­ser, pour propo­ser des solu­tions.

    Le choix, la déci­sion, l’ar­bi­trage de ce qu’on souhaite ou pas, il doit être dans les mains de tous, y compris et surtout ceux qui n’ap­par­tiennent pas aux caté­go­ries sus-citées, ceux qui n’ont pas d’autres moyens d’in­fluen­cer le cap.

    Aujourd’­hui nos élus promeuvent l’in­verse, en opérant des consul­ta­tions et des débats publics, mais en réser­vant la déci­sion à une élite qui elle même se base sur les experts qu’elle aura choisi.

    Nous faisons tout à l’en­vers, ne nous éton­nons pas que cela ne fonc­tionne pas.

  • Du contrôle perma­nent

    Nous refu­se­rions certai­ne­ment une loi qui oblige notre boulan­ger à nous deman­der notre carte d’iden­tité et à noter qui achète quoi sur un carnet à desti­na­tion des auto­ri­tés.

    Et pour­tant aujourd’­hui nous payons tout par carte bancaire. L’État dimi­nue peu à peu les plafonds qui nous auto­risent à payer en monnaie et supprime en même temps tous les moyens de paie­ment un mini­mum anonymes. Les paie­ments en ligne sont eux tous expli­ci­te­ment nomi­na­tif sous prétexte d’éta­blir des factures systé­ma­tiques.


    Nous refu­se­rions un fonc­tion­naire qui nous connait dans notre rue, qui note systé­ma­tique­ment qui entre ou sort de chez nous et à quelle heure, au cas où un jour il y a un vol ou une agres­sion.

    Et pour­tant nous accep­tons les camé­ras de surveillance et la majo­rité voit d’un bon œil l’ar­ri­vée de la recon­nais­sance faciale sur ces camé­ras.


    Il y a encore quelques années nous aurions été horri­fiés de devoir donner notre iden­tité pour voya­ger autre­ment qu’à pieds.

    Et pour­tant aujourd’­hui nous avons un contrôle d’iden­tité fort pour prendre l’avion. Il est prévu que les billets de TGV ne soient plus anonymes. Même l’au­tos­top est devenu nomi­na­tif via son rempla­ce­ment par le covoi­tu­rage sur des plate­formes en ligne.


    Désor­mais l’es­pace public est devenu une terre de surveillance. La vie privée se réduit au domi­cile, et à condi­tion de ne pas inter­agir par télé­phone ou par inter­net.

    On en est au point où nos élus trouvent dange­reux qu’on puisse commu­niquer entre nous de façon sécu­ri­sée sans qu’ils ne puissent inter­cep­ter nos messages en clair.

    On en est au point où on nous a fait acter que montrer son visage dans l’es­pace public était une mesure de vivre ensemble et pas de surveillance.

    Tout ce que nous lisons, tous les gens que nous rencon­trons, tout ce que nous ache­tons ou échan­geons, toutes les conver­sa­tions que nous avons en dehors de chez nous, tous les trajets que nous faisons, … tout ça est enre­gis­tré, nomi­na­ti­ve­ment, et peut être acces­sible à un État.


    De l’autre côté du globe, on voit des piles de vête­ments à diffé­rents endroits de la ville et des photos de mani­fes­ta­tions bardées de lasers verts comme un spec­tacle de disco­thèque. Les lasers mettent en défaite la recon­nais­sance faciale. Les piles de vête­ments permettent de se chan­ger pour mettre en défaite le suivi et l’iden­ti­fi­ca­tion par vidéo­sur­veillance après les mani­fes­ta­tions.

    De quoi donner à réflé­chir.


    Alors quand je vois San Fran­cisco — ville proba­ble­ment la plus à la pointe et compo­sée des gens les plus au fait de ces tech­no­lo­gies — s’in­ter­dire d’uti­li­ser la recon­nais­sance faciale, ça fait peut-être sourire certains mais pour moi ça veut encore dire quelque chose.

    Il serait peut-être temps de se rappe­ler pourquoi donner trop de pouvoir à l’État est dange­reux, pourquoi c’est au citoyen de contrô­ler son État et pas l’op­posé, pourquoi la vie privée et le secret des corres­pon­dances sont essen­tiels à la vie démo­cra­tique.

  • Quelques titres de presse dans un bateau

    Je ne suis plus abonné à rien. J’ai juste l’email hebdo­ma­daire de lundi.matin (qui ironique­ment arrive rare­ment le lundi matin mais que j’aime bien quand même).

    Régu­liè­re­ment, j’ai­me­rais quand même accé­der à du contenu de fond, longs, sérieux, avec des analyses pous­sées. Je trouve tout à fait légi­time de payer pour accé­der à ce type de conte­nus. L’enjeu c’est plutôt de savoir si je lirai derrière. J’ai tenté de m’abon­ner briè­ve­ment à Les Jours, et j’avais fini par rési­lier faute de réel­le­ment aller lire des choses dessus. Les séries TV ont pris la place. Arri­ve­rai-je à reve­nir à de la lecture ?

    • Les Jours
    • Le Monde Diplo­ma­tique
    • Le Monde

    Régu­liè­re­ment j’ai­me­rais avoir un contenu un peu moins dans l’émo­tion que Twit­ter pour me main­te­nir au courant de ce qu’il se passe dans le monde. J’ai lundi.matin. J’avais envi­sagé brief.me qui était pas mal aussi mais, même si le prin­cipe de payer ne me gêne pas quand il y a un peu plus que des reco­pies de dépêches, le prix m’a fait hési­ter et recu­ler. Le Cour­rier inter­na­tio­nal m’at­tire parce qu’on est vrai­ment centré ailleurs que sur la France.

    • Brief.me
    • Cour­rier inter­na­tio­nal
    • Lundi Matin
    • Le Monde

    Régu­liè­re­ment j’ai­me­rais aussi pouvoir accé­der aux conte­nus dont je trouve les liens sur les réseaux sociaux. J’avais Media­part et Arrêt sur Images un moment mais c’est quand même très anxio­gène. L’es­sen­tiel des liens mènent vers des scan­dales, des dénon­cia­tions, de l’émo­tion, et il faut faire double­ment atten­tion à véri­fier ce qui y est dit, à tout prendre avec de l’ana­lyse critique. C’est parti­cu­liè­re­ment vrai pour Media­part à cause de leur ligne édito­riale, mais c’est plus géné­ral : Seuls les liens polé­miques percent, et ce sont du coup ceux-ci que je veux ouvrir. N’est-ce pas fina­le­ment une bonne chose de ne pas y avoir accès ?

    • Media­part
    • Le Monde
    • Next Inpact
    • Arrêt sur Images

    Bref, je vais peut-être réac­ti­ver quelques abon­ne­ments. Le Monde entre dans les trois caté­go­ries, c’est un bon candi­dat, mais il ne m’ap­pa­rait le plus inté­res­sant dans aucune caté­go­rie. « Moyen partout » n’est pas forcé­ment idéal.

    Si je prends l’en­semble je m’en sors à plus de 50 € mensuels. On va essayer d’être plus raison­nable.

    Je peux déjà proba­ble­ment rayer Arrêt sur Images et Next Inpact sur lequels j’ai trop peu de liens sur des sujets non couverts par le reste. Peut-être qu’il vaut mieux écar­ter Media­part pour l’ins­tant quitte à être frus­tré de ne pas pouvoir suivre quelques liens. Ça me permet­tra de moins entrer dans le climat de scan­dale perma­nent.

    Ça en laisse beau­coup et il serait proba­ble­ment une bonne idée de n’en rete­nir que deux ou trois parmi Le Monde, Les jours, Cour­rier inter­na­tio­nal et le Monde Diplo­ma­tique. Mettons que je m’au­to­rise dans les 15 à 20 € mensuel. C’est déjà pas mal en atten­dant de voir.

    Vous avez des sugges­tions ? À quoi êtes-vous abon­nés et pourquoi ?

    MensuelAnnuel
    Les Jours8,50 € (*)60 €
    Monde Diplo­ma­tique5,50 €65 €
    Le Monde10 €100 €
    Cour­rier inter­na­tio­nal5 €60 €
    Media­part11 €110 €
    Lundi matindon libredon libre
    Brief.me7 €60 €
    Next Inpact5 € (*)50 €
    Arrêt sur Images4 € (*)45 €
    52,5 € / mois
    550 € / an
    46 € / mois

    Les prix sont arron­dis pour plus de clarté et pour éviter de trom­per le lecteur à coup de 90 centimes.
    (*) Ces prix peuvent bais­ser en cas d’abon­ne­ment multiple via La Presse Libre.

    Oui, c’est marqué à gauche. J’as­sume.

  • SPAM from Loca­lize.co and GDPR discus­sion

    (french below)I recei­ved an email from Loca­lize.co a few days ago. I am used to SPAM but this times small lines did catch my atten­tion:

    Follo­wing the GDPR, you are hereby infor­med that your perso­nal data was found on your Linke­din profile (full name and job title) and your email address was gues­sed based on your compa­ny’s email struc­ture which was publi­cly avai­lable. Your perso­nal data was manually proces­sed in our CRM for direct marke­ting purpose. Accor­ding to the GDPR, you have the right to lodge a complaint to a super­vi­sory autho­rity, howe­ver, direct marke­ting purpose may be regar­ded as a legi­ti­mate inter­est which doesn’t require the consent of the data subject. Your perso­nal data is stored in our CRM and will not be proces­sed for any other purpose than direct marke­ting. […]

    Loca­lize.co is scrap­ping Linke­din to collect perso­nal data without autho­ri­za­tion. They do store this data on a long term basis on their own systems, still without any consent. Then they do use this data for unso­li­ci­ted marke­ting (ie SPAM), with a message asser­ting they are in agree­ment with the law.

    That’s not my inter­pre­ta­tion, that is their own words.

    I did request more details, here the response I had:

    […]

    In regards to the GDPR, if you look at Article 14 you can see that you can actually contact data subject without their consent on the base of a legi­ti­mate inter­est. Reci­tal #47 of the GDPR indi­cates that direct marke­ting may be regar­ded as a legi­ti­mate inter­est.

    Our legi­ti­mate inter­est was based on the fact that your company looks simi­lar to our other custo­mers since you have seve­ral languages avai­lable on your app and, the users of our tool often work in the tech­no­logy depart­ment hence we though our services could be rele­vant to you and your company. Once again, if this is not the case and my email did bother you, I since­rely apolo­gize.

    As you can see in the disclai­mer that I inclu­ded in my initial and previous emails, we follow and respect all the points from the article 14.

    As per your request, I’m sending a copy of all the data we have at the end of the email that our inter­nal team has collec­ted from Linke­din and your email was gues­sed based on [your company] email struc­ture. We did not buy data from any third-party tools

    […]

    What is worst than a spam­mer which collect and process unlaw­fully my data, is a spam­mer that tells me he’s legally entit­led to do it.


    J’ai reçu un email de Loca­lize.co il y a quelques jours. Je suis habi­tué aux SPAM mais les petites lignes ont retenu mon atten­tion :

    Suivant le RGPD, nous vous infor­mons que vos données person­nelles ont été trouées sur votre profil Linke­din (nom complet et fonc­tion) et que votre adresse email a été devi­née à partir du format de votre société qui est acces­sible publique­ment. Vos données person­nelles ont été entrées manuel­le­ment dans notre logi­ciel de rela­tion client à des fins de marke­ting. Selon le RGPD, vous avez le droit de porter plainte auprès de l’au­to­rité de super­vi­sion, toute­fois, la pros­pec­tion commer­ciale directe peut être vue comme un inté­rêt légi­time qui ne requiert par le consen­te­ment de la personne objet des données. Vos données person­nelles sont stockées dans notre logi­ciel de rela­tion client et ne seront pas utili­sées à une autre fin que la pros­pec­tion commer­ciale directe. […]

    (traduit par mes soins)

    Loca­lize.co extrait des données person­nelles de Linke­din sans auto­ri­sa­tion. Ils stockent ces données dura­ble­ment dans leur logi­ciel de rela­tion client, toujours sans consen­te­ment. Ensuite ils utilisent ces données pour de la pros­pec­tion commer­ciale non solli­ci­tée (c’est à dire du SPAM).

    Ce n’est pas mon inter­pré­ta­tion, ce sont leurs propres mots.

    J’ai demandé plus de détails, voici la réponse obte­nue :

    […]
    Selon le RGPD, vous pouvez voir à l’article 14 qu’il est possible de contac­ter la personnes objet des données sans son consen­te­ment, sur la base d’un inté­rêt légi­time. Le Reci­tal #47 du RGPD indique que la pros­pec­tion commer­ciale directe peut être vue comme un inté­rêt légi­time.

    Notre inté­rêt légi­time est basé sur le fait que votre entre­prise ressemble à nos clients étant donné que vous avez plusieurs langues acces­sibles dans vos appli­ca­tions, et que les utili­sa­teurs de notre outil travaillent souvent dans les dépar­te­ments tech­niques, d’où le fait que nous pensions que nos services pour­raient être perti­nents pour vous et votre entre­prise. Encore une fois, si ce n’est pas le cas et que mon email vous a dérangé, je vous présente mes excuses sincères.

    Comme vous pouvez le voir dans le commu­niqué que j’ai inclu dans le message initial, nous suivant et respec­tons tous les points de l’ar­ticle 14.

    Suivant votre demande, je vous envoie à la fin de de cet email une copie de toutes les données que nous avons et que notre équipe interne a collecté depuis Linke­din, votre email a été deviné sur la base de la struc­ture des emails de [votre société]. Nous n’avons acheté aucune donnée depuis des outils tiers.

    S’il y a une chose pire qu’un spam­mer, c’est un spam­mer qui me dit être léga­le­ment en droit de le faire.

  • Diffu­sion d’in­for­ma­tion, partages et confiance

    Je trouve inté­res­sant tout ce qu’il s’est passé récem­ment. Je suis le fil de ma pensée mais les propos l’ani­ma­teur eux-même ne sont pas ce que je veux abor­der ici..

    Il y a eu un témoi­gnage précis, de première main, sur un fait d’in­té­rêt public. À cette étape là personne n’en sait plus.

    Ce témoi­gnage s’est signi­fi­ca­ti­ve­ment diffusé. 2000 partages en 24h. On est très loin de ce qu’on peut quali­fier de buzz sur Twit­ter, mais ce n’est pas rien non plus.

    Il a fallu une ving­taine d’heures pour que les jour­na­listes et les services du ministre recoupent suffi­sam­ment les faits puis montrent que le témoi­gnage était faux.

    Après avoir été confronté à ses dires par son enca­dre­ment, l’ani­ma­teur est publique­ment revenu sur ses décla­ra­tions en disant qu’il avait été induit en erreur.

    S’en­suit une mini-polé­mique sur la diffu­sion de fausses infor­ma­tions.

    Il est toujours bon de reve­nir en arrière pour en tirer les leçons en vue d’une prochaine fois. De ce que j’en lis autour de moi, on a toute­fois tendance à juger les partages du témoi­gnage d’ori­gine à l’aune de la révé­la­tion du faux.

    C’est là qu’à mon avis on fait erreur. Ce sont deux types d’in­for­ma­tion diffé­rents, à des niveaux diffé­rents.


    Le premier niveau d’in­for­ma­tion c’est l’exis­tence du témoi­gnage et son contenu. Cette exis­tence est une infor­ma­tion à part entière. Même si ce n’est pas le scan­dale du siècle, elle est à priori d’in­té­rêt public.

    C’est ainsi que dans la presse vous trou­vez des brèves repre­nant une décla­ra­tion offi­cielle, révé­lant un PV, poin­tant un fait qui pose ques­tion, etc. On les recon­nait en ce qu’elles utilisent géné­ra­le­ment des guille­mets pour marquer qu’il s’agit d’une reprise.

    Parfois la décla­ra­tion offi­cielle est fausse ou trom­peuse. Parfois les propos que rapportent le PV sont faux. Parfois la ques­tion posée a une réponse tout à fait légi­time.

    C’est malheu­reux quand ça arrive, on essaye de l’évi­ter, mais ça ne retire en rien l’in­té­rêt public d’avoir relayé cette infor­ma­tion en fonc­tion de sa crédi­bi­lité et de l’in­té­rêt public à ce moment là.


    Ce qu’il s’est passé sur Twit­ter n’est pas diffé­rent. Il n’y a quasi­ment eu que des cita­tions, avec ou sans commen­taire. Les tiers ont tous vu les propos origi­naux, écrits au nom de cet anima­teur inconnu.

    Tous ont pu se faire leur propre idée de la crédi­bi­lité du témoi­gnage. Personne n’a été induit en erreur sur le fait que c’était un témoi­gnage d’un inconnu et rien de plus.

    Nulle part il n’y a eu présen­ta­tion comme venant d’une source offi­cielle, ou d’une quelqu’un ayant véri­fié ou accré­dité l’in­for­ma­tion.

    Il n’y a pas eu trom­pe­rie ou fake news. Il y a juste eu le relai d’une infor­ma­tion d’in­té­rêt public, celle d’un témoi­gnage poten­tiel­le­ment crédible mettant en cause une opéra­tion de commu­ni­ca­tion.


    Le second niveau d’in­for­ma­tion est venu de la presse. Je crois que c’est France Info qui a fait le premier article d’ana­lyse (mis à jour depuis).

    Ils ont fait ce qu’on attend d’eux. Ils ont véri­fié, contacté les services du ministre, peut-être le camp de vacances. Les éléments rele­vés contre­disent direc­te­ment les décla­ra­tions de l’ani­ma­teur.

    On n’a toujours pas d’autres sources que les services du premier ministre concer­nant l’ori­gine du dessin, mais on en a assez pour consi­dé­rer que le récit de l’ani­ma­teur était faux. Pas besoin d’al­ler plus loin sauf à ce que nouveaux témoi­gnages appa­raissent.

    Cette infor­ma­tion est diffé­rente de la première. On n’in­forme pas du témoi­gnage, on va véri­fier le fond.

    Les deux niveaux ne se fusionnent pas et ne s’op­posent pas forcé­ment. Il est toujours vrai que l’ani­ma­teur a fait ce (faux) témoi­gnage, que ce témoi­gnage semblait suffi­sam­ment crédible et d’in­té­rêt public pour être repris. Il est tout aussi vrai qu’on sait désor­mais que les éléments prin­ci­paux du témoi­gnage étaient faux, et que donc il ne faut plus diffu­ser le témoi­gnage d’ori­gine ou ce qu’il préten­dait.


    Pourquoi est-ce impor­tant ? Parce qu’en assi­mi­lant les deux niveaux d’in­for­ma­tion on laisse penser que parta­ger le premier témoi­gnage revient à créer une fausse infor­ma­tion. On oublie qu’il y a deux infor­ma­tions, à deux niveaux bien distincts.

    Fallait-il attendre la véri­fi­ca­tion sur le fond avant choi­sir de parta­ger l’exis­tence du témoi­gnage ?

    Si dans l’idéal on ne peut être que d’ac­cord, c’est oublier que la véri­fi­ca­tion n’a eu lieu que parce qu‘il y a eu cette diffu­sion signi­fi­ca­tive préa­lable. Jamais ni les jour­na­listes ni les services du ministre ne seraient inter­ve­nus sans le micro-buzz. Jamais les services du premier ministre n’au­raient répondu à un citoyen non jour­na­liste profes­sion­nel qui aurait voulu véri­fier l’in­for­ma­tion.

    Empê­chez le premier niveau d’in­for­ma­tion tant que la presse de métier n’a pas offi­ciel­le­ment étudié le fond, vous coupe­rez aussi énor­mé­ment de faits avérés qui n’au­raient jamais eu la visi­bi­lité suffi­sante. Tiens, toute l’af­faire Benalla vient d’un buzz simi­laire sur une courte vidéo à la place de la contre-escarpe, et dont certains avaient contesté la légi­ti­mité d’en faire un buzz à l’époque.

    On ne peut pas espé­rer que ces buzz initiaux ne se fassent que sur des faits qui se révèlent vrais. Ça revient à dire aux gens « agis­sez mais ne vous trom­pez pas ». Ça ne fonc­tionne pas.

    Il n’y a aucun compor­te­ment qui permet à la fois de mettre en lumière le vrai et de lais­ser sous silence le faux. On fait forcé­ment des erreurs des deux côtés, tout est une ques­tion de posi­tion­ner le curseur intel­li­gem­ment.


    Il ne reste du coup que le juge­ment de chacun : Est-ce que l’in­for­ma­tion me semble à la fois assez crédible et assez inté­res­sante pour être parta­gée ?

    Visi­ble­ment 2000 personnes ont pensé que oui. Ça a suffit pour qu’un jour­na­liste s’en empare (ce qui est déjà éton­nant, 2000 partages twit­ter ce n’est pas grand chose) et qu’on ait le fin mot de l’his­toire sur le fond.

    J’ai ensuite vu les correc­tifs et articles de presse large­ment diffu­sés. Rien que ça est assez propre à Twit­ter. Si les correc­tifs sont bien souvent bien moins visibles que les polé­miques de départ, ils le sont toujours beau­coup plus sur Twit­ter que sur la plupart des autres médias.

    C’est malheu­reux quand on diffuse du faux mais quelque part tout s’est passé comme ça aurait du, ou pas loin.

    Nulle part le témoi­gnage initial n’a été présenté comme autre chose qu’un témoi­gnage unique. Il n’y a pas eu retrai­te­ment, il n’y a pas eu masquage de la source, il n’y a pas eu présen­ta­tion faus­sée. Le correc­tif lui-même est arrivé dans un temps rela­ti­ve­ment rapide et la diffu­sion du faux s’est immé­dia­te­ment arrê­tée.

    On est là dans un espace tota­le­ment diffé­rent de celui de la fake news. Il n’y a d’ailleurs proba­ble­ment même pas eu inten­tion de trom­per de la part de l’au­teur d’ori­gine.


    Et donc, puisqu’on fait un retour arrière : Ce témoi­gnage était-il suffi­sam­ment crédible pour méri­ter une diffu­sion ?

    On entre dans le subjec­tif. Je ne peux que donner mon propre avis, forcé­ment biaisé.

    Dans l’his­toire récente on a entendu des élus et hauts fonc­tion­naires mentir sous serment devant une commis­sion d’enquête. On a une porte-parole du gouver­ne­ment qui a dit assu­mer de mentir pour proté­ger le président. On a un procu­reur qui a fait une fausse décla­ra­tion offi­cielle pour éviter de contre­dire les propos du président. On a des ministres, élus et repré­sen­tants de tous bords qui font des pirouettes verbales à la limite de la mauvaise foi pour justi­fier tout et n’im­porte quoi. On a des opéra­tions de commu­ni­ca­tion à gogo, et les mises en scène n’y sont pas si rares.

    De fait, les paroles offi­cielles sont assez peu fiables dès qu’on est dans l’opé­ra­tion de commu­ni­ca­tion. C’est malheu­reux, grave pour notre démo­cra­tie, pas spéci­fique au gouver­ne­ment ou au parti au pouvoir, mais c’est ainsi.

    On était juste­ment dans une opéra­tion de commu­ni­ca­tion. Croire qu’on ait pu prépa­rer une belle image à présen­ter à la presse n’est pas tota­le­ment déli­rant au regard de ce qui précède. Impos­sible de savoir si c’était vrai sans faire un travail de jour­na­liste, mais c’était crédible et vrai­sem­blable.

    Le reste du récit, le vrai mpte person­nel pas créé pour l’oc­ca­sion ni réservé au mili­tan­tisme, la façon de racon­ter, les détails sur d’autres points, disons qu’il n’y avait pas beau­coup de voyants au rouge.


    À mon avis, si vous avons un problème majeur à régler, ce n’est pas tant de limi­ter la diffu­sion de fausses infor­ma­tions que de restau­rer la confiance dans ce qui vient de nos élus, de notre admi­nis­tra­tion et des personnes en posi­tion d’au­to­rité.

    Les deux sont liés. Si on ne peut plus croire ces sources là, on finit par ne plus rien croire, douter de tout ou prêter foi à tout, ce qui revient au même.

    Malheu­reu­se­ment restau­rer la confiance va être diffi­cile et long, parce qu’aujourd’­hui les pratiques sont au plus bas. Elles ont plutôt tendance à enta­mer ce qui reste de confiance qu’à restau­rer ce qui manque.

  • « Les pires sont toujours ceux qui pensent que ce qui leur arrive ou ce qui leur est arrivé les rend légi­times à faire le mal envers les autres. »

    Parce que dans ces cas là, la raison n’est d’au­cune aide. Ils croient que rien ne s’ap­plique à eux, que eux c’est diffé­rent, que eux c’est justi­fié, parce que eux ont sont légi­times. Ça s’ex­plique, ça se comprend, mais ça n’est pas une raison pour l’ac­cep­ter pour autant.

  • « La souf­france des uns, ne dimi­nue pas la souf­france des autres. »

    Faire un concours de souf­frances n’a aucun sens. Ce qu’a vécu quelqu’un est unique­ment rela­tif à lui-même. Ce qui peut se passer ailleurs ne dimi­nue aucu­ne­ment sur ce que lui peut vivre ou avoir vécu, ni ne mérite de le reje­ter.

  • « Les maux s’ad­di­tionnent toujours les uns aux autres. Ils ne se compensent ni ne s’an­nulent entre eux. »

    Je croyais l’avoir déjà gravé ici, désor­mais ce sera fait.


    Je l’avais effec­ti­ve­ment déjà écrit en mars :

    Il ne sert à rien de compa­­rer les violences. Les unes ne justi­­fient jamais celles des autres. Les violences ne s’an­­nulent pas l’une l’autre, elle s’ad­­di­­tionnent.

    Ça fonc­­tionne avec n’im­­porte quels préju­­dices, n’im­­porte quelles actions malveillantes, n’im­­porte quelles trahi­­sons, …

    Les maux ne s’an­­nulent pas les uns les autres, ils s’ad­­di­­tionnent entre eux.

  • Petite revue de presse pour faire peur

    Ou pour prendre conscience et cher­cher comment (ré)agir. Édition du 4 juillet 2019, après celle d’hier.

    « Avant, personne n’au­rait jugé « radi­cal » de sauver quelqu’un en train de se noyer »

    François, Méde­cin sans Fron­tière, via Libé­ra­tion

    « On est dans un renver­se­ment [de valeurs]. Avant, on n’au­rait pas consi­déré comme « radi­cal » de sauver quelqu’un qui est en train de se noyer. Quiconque fait preuve de soli­da­rité est aujourd’­hui consi­déré comme un crimi­nel. […] »

    Libé­ra­tion, 4 juillet 2019 via @libe sur Twit­ter
  • Petite revue de presse pour faire peur

    Ou pour prendre conscience et cher­cher comment (ré)agir. Édition du 3 juillet 2019.

    Je ne sais pas vous mais je commence à ne plus rigo­ler du tout.

    On parle là de droits fonda­men­taux, et de problèmes qui ne sont plus des petits déra­pages indi­vi­duels.

    On parle de problèmes struc­tu­rels sur toute la chaîne de la repré­sen­ta­tion publique, du poli­cier sur le terrain jusqu’au préfet et au ministre.

    On parle de ce qui ne peut plus être autre chose que l’ex­pres­sion de direc­tives et d’une volonté. Même le simple lais­ser faire conscient n’est plus crédible.