Catégorie : Politique et société

  • SPAM from Loca­lize.co and GDPR discus­sion

    (french below)I recei­ved an email from Loca­lize.co a few days ago. I am used to SPAM but this times small lines did catch my atten­tion:

    Follo­wing the GDPR, you are hereby infor­med that your perso­nal data was found on your Linke­din profile (full name and job title) and your email address was gues­sed based on your compa­ny’s email struc­ture which was publi­cly avai­lable. Your perso­nal data was manually proces­sed in our CRM for direct marke­ting purpose. Accor­ding to the GDPR, you have the right to lodge a complaint to a super­vi­sory autho­rity, howe­ver, direct marke­ting purpose may be regar­ded as a legi­ti­mate inter­est which doesn’t require the consent of the data subject. Your perso­nal data is stored in our CRM and will not be proces­sed for any other purpose than direct marke­ting. […]

    Loca­lize.co is scrap­ping Linke­din to collect perso­nal data without autho­ri­za­tion. They do store this data on a long term basis on their own systems, still without any consent. Then they do use this data for unso­li­ci­ted marke­ting (ie SPAM), with a message asser­ting they are in agree­ment with the law.

    That’s not my inter­pre­ta­tion, that is their own words.

    I did request more details, here the response I had:

    […]

    In regards to the GDPR, if you look at Article 14 you can see that you can actually contact data subject without their consent on the base of a legi­ti­mate inter­est. Reci­tal #47 of the GDPR indi­cates that direct marke­ting may be regar­ded as a legi­ti­mate inter­est.

    Our legi­ti­mate inter­est was based on the fact that your company looks simi­lar to our other custo­mers since you have seve­ral languages avai­lable on your app and, the users of our tool often work in the tech­no­logy depart­ment hence we though our services could be rele­vant to you and your company. Once again, if this is not the case and my email did bother you, I since­rely apolo­gize.

    As you can see in the disclai­mer that I inclu­ded in my initial and previous emails, we follow and respect all the points from the article 14.

    As per your request, I’m sending a copy of all the data we have at the end of the email that our inter­nal team has collec­ted from Linke­din and your email was gues­sed based on [your company] email struc­ture. We did not buy data from any third-party tools

    […]

    What is worst than a spam­mer which collect and process unlaw­fully my data, is a spam­mer that tells me he’s legally entit­led to do it.


    J’ai reçu un email de Loca­lize.co il y a quelques jours. Je suis habi­tué aux SPAM mais les petites lignes ont retenu mon atten­tion :

    Suivant le RGPD, nous vous infor­mons que vos données person­nelles ont été trouées sur votre profil Linke­din (nom complet et fonc­tion) et que votre adresse email a été devi­née à partir du format de votre société qui est acces­sible publique­ment. Vos données person­nelles ont été entrées manuel­le­ment dans notre logi­ciel de rela­tion client à des fins de marke­ting. Selon le RGPD, vous avez le droit de porter plainte auprès de l’au­to­rité de super­vi­sion, toute­fois, la pros­pec­tion commer­ciale directe peut être vue comme un inté­rêt légi­time qui ne requiert par le consen­te­ment de la personne objet des données. Vos données person­nelles sont stockées dans notre logi­ciel de rela­tion client et ne seront pas utili­sées à une autre fin que la pros­pec­tion commer­ciale directe. […]

    (traduit par mes soins)

    Loca­lize.co extrait des données person­nelles de Linke­din sans auto­ri­sa­tion. Ils stockent ces données dura­ble­ment dans leur logi­ciel de rela­tion client, toujours sans consen­te­ment. Ensuite ils utilisent ces données pour de la pros­pec­tion commer­ciale non solli­ci­tée (c’est à dire du SPAM).

    Ce n’est pas mon inter­pré­ta­tion, ce sont leurs propres mots.

    J’ai demandé plus de détails, voici la réponse obte­nue :

    […]
    Selon le RGPD, vous pouvez voir à l’article 14 qu’il est possible de contac­ter la personnes objet des données sans son consen­te­ment, sur la base d’un inté­rêt légi­time. Le Reci­tal #47 du RGPD indique que la pros­pec­tion commer­ciale directe peut être vue comme un inté­rêt légi­time.

    Notre inté­rêt légi­time est basé sur le fait que votre entre­prise ressemble à nos clients étant donné que vous avez plusieurs langues acces­sibles dans vos appli­ca­tions, et que les utili­sa­teurs de notre outil travaillent souvent dans les dépar­te­ments tech­niques, d’où le fait que nous pensions que nos services pour­raient être perti­nents pour vous et votre entre­prise. Encore une fois, si ce n’est pas le cas et que mon email vous a dérangé, je vous présente mes excuses sincères.

    Comme vous pouvez le voir dans le commu­niqué que j’ai inclu dans le message initial, nous suivant et respec­tons tous les points de l’ar­ticle 14.

    Suivant votre demande, je vous envoie à la fin de de cet email une copie de toutes les données que nous avons et que notre équipe interne a collecté depuis Linke­din, votre email a été deviné sur la base de la struc­ture des emails de [votre société]. Nous n’avons acheté aucune donnée depuis des outils tiers.

    S’il y a une chose pire qu’un spam­mer, c’est un spam­mer qui me dit être léga­le­ment en droit de le faire.

  • Diffu­sion d’in­for­ma­tion, partages et confiance

    Je trouve inté­res­sant tout ce qu’il s’est passé récem­ment. Je suis le fil de ma pensée mais les propos l’ani­ma­teur eux-même ne sont pas ce que je veux abor­der ici..

    Il y a eu un témoi­gnage précis, de première main, sur un fait d’in­té­rêt public. À cette étape là personne n’en sait plus.

    Ce témoi­gnage s’est signi­fi­ca­ti­ve­ment diffusé. 2000 partages en 24h. On est très loin de ce qu’on peut quali­fier de buzz sur Twit­ter, mais ce n’est pas rien non plus.

    Il a fallu une ving­taine d’heures pour que les jour­na­listes et les services du ministre recoupent suffi­sam­ment les faits puis montrent que le témoi­gnage était faux.

    Après avoir été confronté à ses dires par son enca­dre­ment, l’ani­ma­teur est publique­ment revenu sur ses décla­ra­tions en disant qu’il avait été induit en erreur.

    S’en­suit une mini-polé­mique sur la diffu­sion de fausses infor­ma­tions.

    Il est toujours bon de reve­nir en arrière pour en tirer les leçons en vue d’une prochaine fois. De ce que j’en lis autour de moi, on a toute­fois tendance à juger les partages du témoi­gnage d’ori­gine à l’aune de la révé­la­tion du faux.

    C’est là qu’à mon avis on fait erreur. Ce sont deux types d’in­for­ma­tion diffé­rents, à des niveaux diffé­rents.


    Le premier niveau d’in­for­ma­tion c’est l’exis­tence du témoi­gnage et son contenu. Cette exis­tence est une infor­ma­tion à part entière. Même si ce n’est pas le scan­dale du siècle, elle est à priori d’in­té­rêt public.

    C’est ainsi que dans la presse vous trou­vez des brèves repre­nant une décla­ra­tion offi­cielle, révé­lant un PV, poin­tant un fait qui pose ques­tion, etc. On les recon­nait en ce qu’elles utilisent géné­ra­le­ment des guille­mets pour marquer qu’il s’agit d’une reprise.

    Parfois la décla­ra­tion offi­cielle est fausse ou trom­peuse. Parfois les propos que rapportent le PV sont faux. Parfois la ques­tion posée a une réponse tout à fait légi­time.

    C’est malheu­reux quand ça arrive, on essaye de l’évi­ter, mais ça ne retire en rien l’in­té­rêt public d’avoir relayé cette infor­ma­tion en fonc­tion de sa crédi­bi­lité et de l’in­té­rêt public à ce moment là.


    Ce qu’il s’est passé sur Twit­ter n’est pas diffé­rent. Il n’y a quasi­ment eu que des cita­tions, avec ou sans commen­taire. Les tiers ont tous vu les propos origi­naux, écrits au nom de cet anima­teur inconnu.

    Tous ont pu se faire leur propre idée de la crédi­bi­lité du témoi­gnage. Personne n’a été induit en erreur sur le fait que c’était un témoi­gnage d’un inconnu et rien de plus.

    Nulle part il n’y a eu présen­ta­tion comme venant d’une source offi­cielle, ou d’une quelqu’un ayant véri­fié ou accré­dité l’in­for­ma­tion.

    Il n’y a pas eu trom­pe­rie ou fake news. Il y a juste eu le relai d’une infor­ma­tion d’in­té­rêt public, celle d’un témoi­gnage poten­tiel­le­ment crédible mettant en cause une opéra­tion de commu­ni­ca­tion.


    Le second niveau d’in­for­ma­tion est venu de la presse. Je crois que c’est France Info qui a fait le premier article d’ana­lyse (mis à jour depuis).

    Ils ont fait ce qu’on attend d’eux. Ils ont véri­fié, contacté les services du ministre, peut-être le camp de vacances. Les éléments rele­vés contre­disent direc­te­ment les décla­ra­tions de l’ani­ma­teur.

    On n’a toujours pas d’autres sources que les services du premier ministre concer­nant l’ori­gine du dessin, mais on en a assez pour consi­dé­rer que le récit de l’ani­ma­teur était faux. Pas besoin d’al­ler plus loin sauf à ce que nouveaux témoi­gnages appa­raissent.

    Cette infor­ma­tion est diffé­rente de la première. On n’in­forme pas du témoi­gnage, on va véri­fier le fond.

    Les deux niveaux ne se fusionnent pas et ne s’op­posent pas forcé­ment. Il est toujours vrai que l’ani­ma­teur a fait ce (faux) témoi­gnage, que ce témoi­gnage semblait suffi­sam­ment crédible et d’in­té­rêt public pour être repris. Il est tout aussi vrai qu’on sait désor­mais que les éléments prin­ci­paux du témoi­gnage étaient faux, et que donc il ne faut plus diffu­ser le témoi­gnage d’ori­gine ou ce qu’il préten­dait.


    Pourquoi est-ce impor­tant ? Parce qu’en assi­mi­lant les deux niveaux d’in­for­ma­tion on laisse penser que parta­ger le premier témoi­gnage revient à créer une fausse infor­ma­tion. On oublie qu’il y a deux infor­ma­tions, à deux niveaux bien distincts.

    Fallait-il attendre la véri­fi­ca­tion sur le fond avant choi­sir de parta­ger l’exis­tence du témoi­gnage ?

    Si dans l’idéal on ne peut être que d’ac­cord, c’est oublier que la véri­fi­ca­tion n’a eu lieu que parce qu‘il y a eu cette diffu­sion signi­fi­ca­tive préa­lable. Jamais ni les jour­na­listes ni les services du ministre ne seraient inter­ve­nus sans le micro-buzz. Jamais les services du premier ministre n’au­raient répondu à un citoyen non jour­na­liste profes­sion­nel qui aurait voulu véri­fier l’in­for­ma­tion.

    Empê­chez le premier niveau d’in­for­ma­tion tant que la presse de métier n’a pas offi­ciel­le­ment étudié le fond, vous coupe­rez aussi énor­mé­ment de faits avérés qui n’au­raient jamais eu la visi­bi­lité suffi­sante. Tiens, toute l’af­faire Benalla vient d’un buzz simi­laire sur une courte vidéo à la place de la contre-escarpe, et dont certains avaient contesté la légi­ti­mité d’en faire un buzz à l’époque.

    On ne peut pas espé­rer que ces buzz initiaux ne se fassent que sur des faits qui se révèlent vrais. Ça revient à dire aux gens « agis­sez mais ne vous trom­pez pas ». Ça ne fonc­tionne pas.

    Il n’y a aucun compor­te­ment qui permet à la fois de mettre en lumière le vrai et de lais­ser sous silence le faux. On fait forcé­ment des erreurs des deux côtés, tout est une ques­tion de posi­tion­ner le curseur intel­li­gem­ment.


    Il ne reste du coup que le juge­ment de chacun : Est-ce que l’in­for­ma­tion me semble à la fois assez crédible et assez inté­res­sante pour être parta­gée ?

    Visi­ble­ment 2000 personnes ont pensé que oui. Ça a suffit pour qu’un jour­na­liste s’en empare (ce qui est déjà éton­nant, 2000 partages twit­ter ce n’est pas grand chose) et qu’on ait le fin mot de l’his­toire sur le fond.

    J’ai ensuite vu les correc­tifs et articles de presse large­ment diffu­sés. Rien que ça est assez propre à Twit­ter. Si les correc­tifs sont bien souvent bien moins visibles que les polé­miques de départ, ils le sont toujours beau­coup plus sur Twit­ter que sur la plupart des autres médias.

    C’est malheu­reux quand on diffuse du faux mais quelque part tout s’est passé comme ça aurait du, ou pas loin.

    Nulle part le témoi­gnage initial n’a été présenté comme autre chose qu’un témoi­gnage unique. Il n’y a pas eu retrai­te­ment, il n’y a pas eu masquage de la source, il n’y a pas eu présen­ta­tion faus­sée. Le correc­tif lui-même est arrivé dans un temps rela­ti­ve­ment rapide et la diffu­sion du faux s’est immé­dia­te­ment arrê­tée.

    On est là dans un espace tota­le­ment diffé­rent de celui de la fake news. Il n’y a d’ailleurs proba­ble­ment même pas eu inten­tion de trom­per de la part de l’au­teur d’ori­gine.


    Et donc, puisqu’on fait un retour arrière : Ce témoi­gnage était-il suffi­sam­ment crédible pour méri­ter une diffu­sion ?

    On entre dans le subjec­tif. Je ne peux que donner mon propre avis, forcé­ment biaisé.

    Dans l’his­toire récente on a entendu des élus et hauts fonc­tion­naires mentir sous serment devant une commis­sion d’enquête. On a une porte-parole du gouver­ne­ment qui a dit assu­mer de mentir pour proté­ger le président. On a un procu­reur qui a fait une fausse décla­ra­tion offi­cielle pour éviter de contre­dire les propos du président. On a des ministres, élus et repré­sen­tants de tous bords qui font des pirouettes verbales à la limite de la mauvaise foi pour justi­fier tout et n’im­porte quoi. On a des opéra­tions de commu­ni­ca­tion à gogo, et les mises en scène n’y sont pas si rares.

    De fait, les paroles offi­cielles sont assez peu fiables dès qu’on est dans l’opé­ra­tion de commu­ni­ca­tion. C’est malheu­reux, grave pour notre démo­cra­tie, pas spéci­fique au gouver­ne­ment ou au parti au pouvoir, mais c’est ainsi.

    On était juste­ment dans une opéra­tion de commu­ni­ca­tion. Croire qu’on ait pu prépa­rer une belle image à présen­ter à la presse n’est pas tota­le­ment déli­rant au regard de ce qui précède. Impos­sible de savoir si c’était vrai sans faire un travail de jour­na­liste, mais c’était crédible et vrai­sem­blable.

    Le reste du récit, le vrai mpte person­nel pas créé pour l’oc­ca­sion ni réservé au mili­tan­tisme, la façon de racon­ter, les détails sur d’autres points, disons qu’il n’y avait pas beau­coup de voyants au rouge.


    À mon avis, si vous avons un problème majeur à régler, ce n’est pas tant de limi­ter la diffu­sion de fausses infor­ma­tions que de restau­rer la confiance dans ce qui vient de nos élus, de notre admi­nis­tra­tion et des personnes en posi­tion d’au­to­rité.

    Les deux sont liés. Si on ne peut plus croire ces sources là, on finit par ne plus rien croire, douter de tout ou prêter foi à tout, ce qui revient au même.

    Malheu­reu­se­ment restau­rer la confiance va être diffi­cile et long, parce qu’aujourd’­hui les pratiques sont au plus bas. Elles ont plutôt tendance à enta­mer ce qui reste de confiance qu’à restau­rer ce qui manque.

  • « Les pires sont toujours ceux qui pensent que ce qui leur arrive ou ce qui leur est arrivé les rend légi­times à faire le mal envers les autres. »

    Parce que dans ces cas là, la raison n’est d’au­cune aide. Ils croient que rien ne s’ap­plique à eux, que eux c’est diffé­rent, que eux c’est justi­fié, parce que eux ont sont légi­times. Ça s’ex­plique, ça se comprend, mais ça n’est pas une raison pour l’ac­cep­ter pour autant.

  • « La souf­france des uns, ne dimi­nue pas la souf­france des autres. »

    Faire un concours de souf­frances n’a aucun sens. Ce qu’a vécu quelqu’un est unique­ment rela­tif à lui-même. Ce qui peut se passer ailleurs ne dimi­nue aucu­ne­ment sur ce que lui peut vivre ou avoir vécu, ni ne mérite de le reje­ter.

  • « Les maux s’ad­di­tionnent toujours les uns aux autres. Ils ne se compensent ni ne s’an­nulent entre eux. »

    Je croyais l’avoir déjà gravé ici, désor­mais ce sera fait.


    Je l’avais effec­ti­ve­ment déjà écrit en mars :

    Il ne sert à rien de compa­­rer les violences. Les unes ne justi­­fient jamais celles des autres. Les violences ne s’an­­nulent pas l’une l’autre, elle s’ad­­di­­tionnent.

    Ça fonc­­tionne avec n’im­­porte quels préju­­dices, n’im­­porte quelles actions malveillantes, n’im­­porte quelles trahi­­sons, …

    Les maux ne s’an­­nulent pas les uns les autres, ils s’ad­­di­­tionnent entre eux.

  • Petite revue de presse pour faire peur

    Ou pour prendre conscience et cher­cher comment (ré)agir. Édition du 4 juillet 2019, après celle d’hier.

    « Avant, personne n’au­rait jugé « radi­cal » de sauver quelqu’un en train de se noyer »

    François, Méde­cin sans Fron­tière, via Libé­ra­tion

    « On est dans un renver­se­ment [de valeurs]. Avant, on n’au­rait pas consi­déré comme « radi­cal » de sauver quelqu’un qui est en train de se noyer. Quiconque fait preuve de soli­da­rité est aujourd’­hui consi­déré comme un crimi­nel. […] »

    Libé­ra­tion, 4 juillet 2019 via @libe sur Twit­ter
  • Petite revue de presse pour faire peur

    Ou pour prendre conscience et cher­cher comment (ré)agir. Édition du 3 juillet 2019.

    Je ne sais pas vous mais je commence à ne plus rigo­ler du tout.

    On parle là de droits fonda­men­taux, et de problèmes qui ne sont plus des petits déra­pages indi­vi­duels.

    On parle de problèmes struc­tu­rels sur toute la chaîne de la repré­sen­ta­tion publique, du poli­cier sur le terrain jusqu’au préfet et au ministre.

    On parle de ce qui ne peut plus être autre chose que l’ex­pres­sion de direc­tives et d’une volonté. Même le simple lais­ser faire conscient n’est plus crédible.

  • Droite, gauche, tout ça

    Nous ne sommes pas un parti d’ex­trême droite

    Un ou une respon­sable du Rassem­ble­ment Natio­nal, récem­ment à la radio

    Le jour­na­liste a répliqué que si. J’ai eu la même réac­tion dans ma tête mais y réflé­chir c’est loin d’être aussi évident.

    Factuel­le­ment, sur mes trois critères intui­tifs pour défi­nir l’axe droite / gauche, le RN me parait bien à droite, mais nette­ment moins que LR. L’étiquette d’ex­trême droite ne corres­pond pas à une droite extrême et ça me dérange quelque part.

    Droite, gauche, extrême, tout ça n’est pas si simpliste et ça me fait me poser des ques­tions.

    C’est quoi la droite ?

    Je vous ai demandé ce qui quali­fiait pour vous l’axe droite gauche. Je refor­mule ici quelques réponses :

    Gauche : Utili­ser la dette pour inves­tir pour tous (Keynes)

    Droite : Pas de dette, pas d’in­ves­tis­se­ment car ruis­sel­le­ment (Smith

    https://twit­ter.com/trac­ta­taire/status/114650327993486951

    Gauche : On veut chan­ger le monde, créer une société nouvelle que l’on croit meilleure

    Droite : On accepte le monde tel qu’il est, ou on souhaite le faire reve­nir à un état passé

    https://twit­ter.com/bumble­bee_fr/status/1146506586623545345

    Gauche : Huma­nisme et soli­da­rité

    Droite : Conser­va­tisme et respon­sa­bi­lité indi­vi­duelle

    https://twit­ter.com/zemoko/status/114650483640335564

    Gauche : Tend à recher­cher une société juste, quitte à boule­ver­ser l’ordre établi

    Droite : Tend à préser­ver l’ordre établi, les tradi­tions, au nom de « valeurs » histo­riques

    https://mamot.fr/@peti­te­vieille/10237931506933507

    Gauche : Idée forte de l’éga­lité des indi­vi­dus. Aucun indi­vidu n’a par nature une valeur moindre (que ce soit sa vie, sa santé, etc…), ne mérite moins qu’un autre

    Droite : Présup­posé du genre « X, par ce qu’il est/fait/ ne fait pas, n’est pas assez méri­tant pour tel truc »

    (compte privé)

    Gauche : Un État qui laisse les gens libre/progres­siste sur les aspects socié­taux, mais control freak sur les aspects écono­miques / entre­prise.

    Droite : Un État qui laisse libre sur les aspects écono­miques / entre­prise, mais conser­va­teur / control freak sur les ques­tion de société

    https://twit­ter.com/Modj0r/status/1146525377340346368

    Gauche : Se préoc­cupe du bien être de tous

    Droite : Se préoc­cupe du succès indi­vi­duel

    https://twit­ter.com/anthony_ricaud/status/1146545870084685836

    Gauche : Croit en l’in­di­vidu. La gran­deur de la France passe par le bonheur des français

    Droite : Croit en un État fort. Le bonheur des français passe par la gran­deur de la France

    https://twit­ter.com/nico­las­sing/status/1146531514311745538 et suivant

    Gauche : Avan­cée collec­tive

    Droite : Mérite indi­vi­duel

    (compte privé)

    Gauche : La réus­site du groupe permet la survie des indi­vi­dus

    Droite : Les réus­sites des indi­vi­dus permettent la survie du groupe

    https://twit­ter.com/simple­mentNat/status/1146698809575202817

    Tout ça n’est pas si loin de mes trois critères person­nels :

    Gauche : Respon­sa­bi­lité collec­tive, protec­tion des indi­vi­dus, progres­sion des liber­tés civiles

    Droite : Respon­sa­bi­lité indi­vi­duelle, protec­tion de l’éco­no­mie, conser­va­tion ou retour à l’ordre moral

    On me dit que la caté­go­ri­sa­tion droite / gauche n’a plus lieu d’être mais fina­le­ment les réponses données forment un tout assez cohé­rent.

    Si certains critères semblent très diffé­rents (écono­miques, sociaux, espé­rance de chan­ge­ment) et que tout n’est pas aussi binaires, tout ça semble quand même assez lié.

    Une des réponses qu’on m’a fait a l’avan­tage de trou­ver une géné­ri­cité à tout ça :

    Gauche : Pense plus le sujet comme un être social et iden­ti­fie alors des struc­tures d’échelles et des liens consti­tu­tifs à la fois des sujets et de la société, dans un projet global (on parle de holisme)

    Droite : S’iden­ti­fie à la notion d’ordre ; place cet enjeu dans un cadre moral géné­ra­le­ment fort, voir coer­ci­tif, dont le centre est le sujet (iden­tité, citoyen­neté, respon­sa­bi­lité, croyance, mérite, etc.).

    (réponse privée)

    Mais alors les extrêmes ?

    Si l’ex­trême gauche se retrouve toujours aussi plus ou moins dans la gauche extrême, ce n’est pas vrai pour l’ex­trême droite actuelle

    On y ajoute un autre axe. Intui­ti­ve­ment je lis des ques­tions de natio­na­lisme ou globa­le­ment de consti­tu­tion d’un « nous » et d’un « eux » — peu importe qui est le « nous » et qui est le « eux ».

    On y trouve rapi­de­ment l’au­to­ri­ta­risme comme réponse pour poli­cer, chas­ser ou exclure le « eux », la défiance aux autres, la radi­ca­li­sa­tion, le complo­tisme ; et du popu­lisme pour légi­ti­mer cette posture auto­ri­taire.

    À droite ça prend la forme du natio­na­lisme voire de la xéno­pho­bie, avec une réponse qui va de la mili­ta­ri­sa­tion et répres­sion jusqu’au racisme et au fascisme.

    Extrême centre

    Mon problème avec ce double critère c’est qu’il n’est pas simple. Rien qu’aujourd’­hui, trois articles de presse me font très peur.

    Auto­ri­ta­risme, mili­ta­ri­sa­tion, répres­sion, protec­tion d’un nous État + police contre un eux mani­fes­tants et étran­gers, au risque de dépas­ser allè­gre­ment les droits fonda­men­taux.

    Et pour­tant, nous n’avons pas un gouver­ne­ment d’ex­trême droite. Personne ici ne le quali­fie­rait comme tel.

    Bref, quelque chose manque encore dans mes clas­si­fi­ca­tions, ou alors nous refu­sons de voir ce qui est en face de nous.

    Certains parlent d’ex­trême centre. Si la clas­si­fi­ca­tion d’ex­trême n’est pas liée au posi­tion­ne­ment sur l’axe droite – gauche, ce n’est peut être pas une mauvaise déno­mi­na­tion.

  • Petit mémo pour juger des peines

    Des ques­tions à se poser

    Est-ce que la peine et ses consé­quences (emploi, famille, etc.)…

    … permet au prévenu d’in­té­grer le fait qu’il a outre­passé la loi et la gravité de ses actes ? (*)

    … dissuade effi­ca­ce­ment d’une réité­ra­tion ?

    … permet la réin­ser­tion du prévenu ?

    … risque de faire croire aux tiers que la loi est sans consé­quences ou que ces consé­quences sont accep­tables au point de l’ou­tre­pas­ser ?

    (* celle là est diffi­cile, trop faible il n’y aura pas prise de conscience profonde mais une peine trop forte peut être aussi peu effi­cace, au point d’être perçue comme injuste on risque aussi de bloquer le proces­sus — ou alors il faut aller encore plus loin pour réus­sir à passer la période de rejet/contes­ta­tion)

    Et d’autres à ne pas se poser

    Est-ce que la peine et ses consé­quences (emploi, famille, etc.)…

    … est la même que celle du voisin pour des mêmes faits ? Parce que les consé­quences, la person­na­lité, le contexte, la conscience, l’in­ten­tion, la proba­bi­lité de réin­ser­tion, la person­na­lité, tout ça est forcé­ment toujours diffé­rent.

    … est cohé­rente vis-a-vis de celle du voisin pour des faits qui sont à priori moins graves ? Parce que juste­ment la peine est déter­mi­née en fonc­tion de beau­coup plus que les faits ou la peine maxi­male.

    … est plus lourde que le préju­dice créé ? Parce que la prison ou l’amende ne réparent pas le préju­dice, l’objec­tif n’est pas le même et qu’on a mis fin au oeil pour oeil dent pour dent.

    Et bien entendu

    Tout dépend du dossier, des débats, des person­na­li­tés, pas des résu­més dans la presse.

  • Dégres­si­vité

    Je m’agace de cette dégres­si­vité des indem­ni­tés chômage pour les hauts reve­nus. Tout ça n’est que déma­go­gie, pour donner l’im­pres­sion de mettre aussi à contri­bu­tion les plus riches.

    En réalité, si on vise bien les plus hauts reve­nus — pas les grands patrons hein… on parle des cadres clas­siques — on parle de mettre à contri­bu­tion ceux qui sont en rade, au chômage, pas ceux qui s’en sortent ou qui ont de l’ai­sance de patri­moine.

    On parle d’un palier à 4 500 € bruts mensuels, soit 3 540 € nets. L’in­dem­ni­sa­tion chômage est à 57% soit 2 435 € bruts, 2 155 € nets. Si on applique une réduc­tion de 30 % on tombe à 1 500 €. Ce n’est pas rien mais on imagine assez aisé­ment des loyers fami­liaux à Paris qui sont de cet ordre de gran­deur, et donc des charges fixes plus impor­tantes que ça. Ça va poser problème, peut-être à des familles qui ne sont pas les plus pauvres mais ça va poser problème.

    Bref, on va péna­li­ser ceux qui ont un acci­dent de vie pour favo­ri­ser le pouvoir d’achat de ceux qui n’en ont pas. On a beau parler des hauts reve­nus, cette logique me gêne toujours.

    Si vrai­ment on veut faire de la redis­tri­bu­tion sociale — ce qui déjà est un chan­ge­ment de para­digme par rapport au prin­cipe de l’assu­rance chômage — on pouvait avoir une coti­sa­tion progres­sive avec les reve­nus. Ça aurait pris sur ceux qui le peuvent plutôt que sur ceux qui sont en carafe. Ça serait peut-être juste moins bien passé auprès de l’élec­to­rat de la majo­rité, taper sur les chômeurs est moins risqué.


    La grande ques­tion c’est toujours pourquoi ?

    Pour les inci­ter à reprendre un travail

    C’est la justi­fi­ca­tion offi­cielle mais c’est de la fumis­te­rie. On peut imagi­ner que certains seraient tentés de souf­fler quelques mois après un licen­cie­ment mais la dégres­si­vité n’ap­pa­rait qu’a­près six mois. Ce n’est donc pas ça qui est visé.

    Non seule­ment il y a moins de cadres au chômage mais, si on ne compte pas les séniors, ils le sont aussi moins long­temps que la moyenne.

    Ceux que ça va toucher c’est ceux dans des situa­tions spéci­fiques : hors zone urbaine dans un dépar­te­ment qui ne recrute que peu, avec une quali­fi­ca­tion ou un rôle qui fait que les postes sont rares et qu’il faut attendre qu’un se libère, et ceux détruits par le licen­cie­ment qui ont besoin d’un peu de temps pour se recons­truire.

    Si on parle de cadres en plein emploi, prendre un an de chômage volon­taire c’est tuer sa carrière. Je ne vois personne faire ça volon­tai­re­ment, indé­pen­dam­ment du finan­cier. Les études sur la dégres­si­vité montrent d’ailleurs que ça n’au­rait une influence qu’à la marge.

    En fait la dernière chose qu’on veut socia­le­ment c’est que ces cadres prennent en urgence un emploi sous-quali­fié pour éviter la dégres­si­vité. Ils pren­draient cet emploi à une personne moins quali­fiée qui lui aura bien plus de mal à trou­ver du chômage. En paral­lèle le cadre aura plus de mal à prendre le temps de faire sa vraie recherche d’em­ploi par la suite, et l’en­tre­prise devra réem­bau­cher quelqu’un d’autre dès que le cadre aura trouvé un travail en adéqua­tion avec sa quali­fi­ca­tion. C’est perdant pour tout le monde, que ce soit humai­ne­ment ou écono­mique­ment.

    Parce que c’est le plein emploi pour les cadres

    C’est quoi le plein emploi ? Je vais faire concret : 4% de chômeurs c’est 1 personne sur 25. Sur une classe de collège de 35 élèves dont un quart est dans une famille mono­pa­ren­tale, ça fait 2 à 3 parents qui galèrent au chômage, et là on ne parle que des caté­go­ries A, pas de tous ceux qui cherchent un emploi ou sont en situa­tion diffi­cile

    1 sur 25 au chômage, 3 parents par classe. Ça remet un peu en pers­pec­tive la notion de « plein emploi » qu’on y attache, non ?

    Il se trouve qu’une société en plein emploi aura toujours un % de chômeur non nul, parce qu’il faut gérer les tran­si­tions. Main­te­nant ça ne veut pas dire qu’un % faible corres­pond à du plein emploi. Ça ne dit rien de la faci­lité de ce % à retrou­ver un emploi. Ça peut être facile (beau­coup de monde qui tourne vite) ou très diffi­cile (peu de monde qui ne tourne pas vite du tout).

    Regar­der au travers des moyennes est toujours une arnaque. Ça dit qu’en moyenne, la caté­go­rie ciblée est à 4% de chômage mais ce n’est certai­ne­ment pas homo­gène. Il peut y avoir certaines caté­go­ries de postes ou d’em­plois qui sont à 2% et d’autres qui sont à 10% de chômage. On va appliquer la dégres­si­vité indis­tinc­te­ment.

    Si l’ou­vrier spécia­lisé en auto­mo­bile qui voit son usine fermer aura du mal à retrou­ver un emploi parce qu’il n’y avait qu’une seule usine auto­mo­bile dans la région, ça sera pareil pour le cadre spécia­lisé en auto­mo­bile. Les deux devront cher­cher, se former. La rota­tion des postes pour le cadre sera proba­ble­ment d’au­tant plus faible.

    Consi­dé­rer que parce que les plus hauts reve­nus n’ont que 4% de chômage, s’ils y restent c’est forcé­ment de leur faute, c’est juste une escroque­rie.

    Parce que les hauts reve­nus coûtes cher au chômage, ça fera des écono­mies

    En fait non, ou peu. Les cadres sont rentables. Vu qu’ils sont moins au chômage et moins long­temps, ils cotisent plus qu’ils ne coûtent. Ce sont eux qui financent le chômage des non-cadres. Sachant que le chômage est une assu­rance et pas une aide sociale redis­tri­bu­tive, c’est assez diffi­cile de consi­dé­rer qu’il faudrait bais­ser leurs pres­ta­tions à eux unique­ment.

    On parle de 250 millions. C’est à la fois énorme en valeur abso­lue et peu signi­fi­ca­tif dans le contexte. On parle de 3,5 milliards d’éco­no­mie. 14 fois plus. L’enjeu d’éco­no­mie n’était pas là… sauf s’il s’agit d’ini­tier un mouve­ment pour ensuite appliquer la dégres­si­vité des allo­ca­tions plus large­ment.


    Pourquoi alors ?

    Pour dire qu’on s’at­taque aussi au plus riches, parce que sans ça les autres chan­ge­ments défa­vo­rables à tous les chômeurs et parti­cu­liè­re­ment aux plus précaires feraient l’ac­tua­lité.

    Pour le faire sans pour autant rompre la logique de culpa­bi­li­sa­tion de ceux qui sont hors parcours, sans reti­rer la notion de « pouvoir d’achat de ceux qui réus­sissent », cette magni­fique idéo­lo­gique qui tue le modèle social de redis­tri­bu­tion.

    Il ne s’agit pas de pleu­rer sur ceux qui gagnent le plus et de jouer Les misé­rables. Il s’agit juste de dire que si on peut faire les faire parti­ci­per à hauteur de leurs possi­bi­li­tés, si ce n’est pas un problème que ces coti­sa­tions financent majo­ri­tai­re­ment d’autres besoins que les leurs propres, ça implique quand même que dans le rare cas ou eux aussi ont un acci­dent de vie, ils aient les mêmes droits assu­ran­tiels que les autres.

    Ensuite je fais des calculs, je parle à froid, ration­nel­le­ment. La réalité c’est qu’au chômage en situa­tion psycho­lo­gique diffi­cile, le ration­nel ne compte pas toujours. Cette dégres­si­vité sélec­tive peut être sacré­ment destruc­trice, parce que la psyché humaine ne dépend pas de la dernière fiche de salaire avant de passer au chômage, tout simple­ment.


    Alors quoi ?

    Alors on peut faire payer les entre­prises qui abusent trop du système. Il y a une amorce avec le bonus/malus des emplois précaires et je m’en réjouis.

    On éven­tuel­le­ment au moins discu­ter de coti­sa­tions progres­sives avec les reve­nus, même si ça fait déjà sortir de la logique assu­ran­tielle.

    On peut aussi imagi­ner un délai de carence dépen­dant des reve­nus. Je n’aime pas le prin­cipe mais il est clair que celui qui a des hauts reve­nus a moins rapi­de­ment besoin de soutien que celui qui a des bas reve­nus. Si la situa­tion dure, les indem­ni­tés pleines et entières seront par contre indis­pen­sables.

    Ma dernière propo­si­tion est l’exact contraire de ce que fait le gouver­ne­ment en ce moment. Ce n’est pas un hasard, c’est savoir si on est dans l’idéo­lo­gie de culpa­bi­li­sa­tion (si tu es au chômage c’est de ta faute parce que tu ne cherches pas un emploi assez fort) ou dans l’aide (si ça devient critique, on sera là pour que tu ne coules pas plus bas). La droite appelle ça respon­sa­bi­li­sa­tion et assis­ta­nat. Ques­tion de voca­bu­laire mais je préfère ne pas oublier que le troi­sième terme de notre devise est frater­nité.