Dès que je parle d’héritage on me parle de solidarité intergénérationnelle. J’en parle souvent avec des gens qui gagnent bien leur vie et ils ont des préjugés largement discutables de ce qu’est la réalité de l’héritage.
Voici quelques chiffres extraits de la dernière étude patrimoine et transmission intergénérationnelle de l’INSEE (2015) :
40 % des sommes héritées sont inférieures à 8 000 € ; 66 % sont inférieures à 30 000 € ; moins de 13 % dépassent 100 000 €
Première conclusion : Les héritages réels sont bien loin des fantasmes. Quand on discute d’un héritage évalué à plus de 100 000 € on parle déjà de gens extrêmement privilégiés.
Le second fantasme est sur la solidarité intergénérationnelle.
Coup de théâtre :
78 % des héritiers ont plus de 50 ans. Ils sont même 30 % à avoir plus de 70 ans.
Sachant que nous avons les retraités parmi les plus aisés d’Europe, autant dire qu’on est très très loin de la vision d’Épinal où on aide les jeunes générations à partir avec le fruit du labeur de notre vie.
En pratique non seulement on hérite peu, mais en plus ceux qui héritent le font quand ils n’en ont plus besoin, à la fin de leur vie.
Je sais, vous allez me dire que quand même, les plus âgés sont parfois dans une misère incroyable.
L’INSEE nous donne justement des découpages en fonction des catégories socio-professionnelles ou du niveau de patrimoine des héritiers.
Près de 70 % de mes 13 % recevant au moins 100 000 € appartiennent déjà aux trois déciles les plus favorisés en terme de patrimoine.
Le chiffre vient de recoupement de répartitions par déciles n’est pas précis mais l’ordre de grandeur est bon.
Surpris ? moi pas. Tout va dans le même sens : Les héritages bénéficient principalement aux plus favorisés. On ne parle pas de solidarité intergénérationnelle mais de perpétuation de la richesse par droit de naissance.
Mieux. La même étude nous dit que ce sont aussi ces catégories aisées qui ont déjà reçu des dons intergénérationnels importants par le passé au cours de leur vie (logique, l’optimisation fiscale est l’apanage des plus riches). Ils ont donc encore moins besoin de cet héritage.
Les plus pauvres, eux, reçoivent les montants les plus faibles.
Les deux premiers déciles en terme de patrimoine reçoivent à 67 % moins de 8 000 €. Moins de 20 % de ces ménages ont reçu un des héritages à plus de 100 000 €.
Inversement les deux déciles les plus favorisés en terme de patrimoine reçoivent à plus de 30 % des héritages de plus de 100 000 €.
Bref, impossible de faire un tel croisement de façon fiable mais les jeunes ménages de moins de 30 ans avec un patrimoine inférieur à la médiane française et recevant un héritage suffisant pour avoir des droits de succession à payer… doivent probablement se compter sur les doigts de la main.
Juste et légitime l’héritage ? Laissez-moi rire un coup.
En ligne directe, il faut hériter de plus de 1.8 millions d’euros par personne pour être fiscalisé à la même hauteur que les revenus du capital (flat tax dite « Macron » à 30%) et ça restera dans tous les cas bien en deçà de l’impôt sur les revenus du travail.
Ce qui est formidable c’est que malgré tout ça on continue à moins fiscaliser l’héritage que les revenus.
Parfois le sort s’acharne. Sur une période assez courte j’ai vu trois cancers lourds dans mon entourage plus ou moins proche. Ce sont des choses qui brassent.
Je peux vous dire qu’à ce moment là, savoir que deux sur les trois aient dû lancer des cagnottes en ligne pour payer leurs soins, pour juste continuer à vivre, ça fait réfléchir.
Ce n’était pas le cas du troisième : Savoir que mes proches avec un cancer n’ont pas besoin de lancer un appel à dons pour payer leurs soins, ça justifie toutes mes cotisations sociales, tous mes impôts.
J’irai plus loin : l’hôpital gratuit, l’école gratuite, les secours gratuits, les soins courants accessibles, le RSA et le minimum vieillesse, malgré toutes les critiques qu’on peut en faire, tout ça vaut vraiment largement tous mes impôts et toutes mes cotisations sociales.
C’est vital. Littéralement.
Avoir dans ses proches quelques personnes qui n’ont pas ces chances, qui en souffrent et dont la vie bascule, ça remet vite les pendules à l’heure. Ensuite on n’oublie pas. J’en pleure presque en écrivant.
Plus je regarde dans les couches sociales hautes, plus j’y trouve de la détestation de la démocratie en mode « oui bien sûr, mais pas là ».
« Le sujet est trop sérieux », ou trop complexe, demande trop de temps, trop de connaissances, d’avoir une vision ou une réflexion poussée.
Peu importe le sujet, tous tombent dans cette case, excepté ce qui est à la fois simpliste et sans importance.
Parce qu’il le faut, parce qu’ils se sentent obligés d’être « pour la démocratie » au moins en théorie et sur le papier, ils veulent bien consentir à un vote de représentant tous les cinq ans.
Même là, c’est uniquement à grand renfort de mépris pour tous ces idiots qui votent mal, trop à droite ou trop à gauche, même si ensemble ces mauvais votants sont majoritaires.
Heureusement donc qu’on ne laisse pas à ces mécréants les moyens de réellement décider de quoi que ce soit…
Si ça râle trop, on organise des consultations publiques, des débats. On fait des discours et des explications pédagogiques.
Surtout, rien qui ne permette de partager un peu la prise de décision elle-même. Là c’est trop sérieux.
Dès que certains forcent le passage, manifestations, presse engagée ou militantisme, alors on écrase.
On leur permet déjà de parler dans le vent et de voter une fois tous les cinq ans. S’ils n’y trouvent pas leur compte, qu’ils comparent donc à la Chine et à la Corée, ils verront !
Pour moi être attaché à la démocratie c’est juger la légitimité d’une décision à l’aune de la volonté du peuple – par sa majorité, par son consensus, ou tout autre processus qui ne laisse pas une minorité décider – et pas en évaluant le bien-fondé objectif de cette décision.
Vouloir une structure qui met en avant le bien-fondé des décisions est tentant, mais c’est oublier qui est juge de ce bien-fondé et sur quels critères.
Le diable c’est que les critères et leur importance sont différents pour chacun. Le choix de ces critères et du modèle de société n’a aucune « meilleure solution » objective. Personne n’a raison sur ce point car c’est juste un choix.
La politique c’est ça. Le reste c’est de la gestion et de l’intendance.
Quand une personne proche du pouvoir vous dit qu’on a objectivement pris la meilleure décision, il parle de gestion.
Quand on vous parle de gestion, on vous masque les critères d’évaluation de cette bonne gestion et des décisions qui en découlent. Le choix de ces critères d’évaluation, des valeurs qui les soutiennent, est lui totalement arbitraire et n’a rien d’objectif.
C’est là que le pouvoir se trouve, là qu’il est dérobé.
C’est pour ça que réserver le pouvoir à ceux qui ont l’expertise, le temps ou l’intellect est une arnaque.
Ils peuvent prendre les meilleures décisions de gestion et d’intendance, mais ce faisant ils prennent surtout à notre place les vrais choix politiques en amont, ceux là même qui devraient être pris en commun.
Ces gouvernements d’élites, élus gestionnaires et démocraties d’experts ou de savants me font peur parce que ça revient à tuer la démocratie pour n’en garder que l’image.
Nous sommes déjà sur le chemin, à nous de ne pas continuer, de ne pas nous laisser prendre par le mirage.
Les experts, les gestionnaires, les savants, les élites sont importants. Ils sont là pour informer, pour réfléchir et analyser, pour proposer des solutions.
Le choix, la décision, l’arbitrage de ce qu’on souhaite ou pas, il doit être dans les mains de tous, y compris et surtout ceux qui n’appartiennent pas aux catégories sus-citées, ceux qui n’ont pas d’autres moyens d’influencer le cap.
Aujourd’hui nos élus promeuvent l’inverse, en opérant des consultations et des débats publics, mais en réservant la décision à une élite qui elle même se base sur les experts qu’elle aura choisi.
Nous faisons tout à l’envers, ne nous étonnons pas que cela ne fonctionne pas.
Nous refuserions certainement une loi qui oblige notre boulanger à nous demander notre carte d’identité et à noter qui achète quoi sur un carnet à destination des autorités.
Et pourtant aujourd’hui nous payons tout par carte bancaire. L’État diminue peu à peu les plafonds qui nous autorisent à payer en monnaie et supprime en même temps tous les moyens de paiement un minimum anonymes. Les paiements en ligne sont eux tous explicitement nominatif sous prétexte d’établir des factures systématiques.
Nous refuserions un fonctionnaire qui nous connait dans notre rue, qui note systématiquement qui entre ou sort de chez nous et à quelle heure, au cas où un jour il y a un vol ou une agression.
Et pourtant nous acceptons les caméras de surveillance et la majorité voit d’un bon œil l’arrivée de la reconnaissance faciale sur ces caméras.
Il y a encore quelques années nous aurions été horrifiés de devoir donner notre identité pour voyager autrement qu’à pieds.
Et pourtant aujourd’hui nous avons un contrôle d’identité fort pour prendre l’avion. Il est prévu que les billets de TGV ne soient plus anonymes. Même l’autostop est devenu nominatif via son remplacement par le covoiturage sur des plateformes en ligne.
Désormais l’espace public est devenu une terre de surveillance. La vie privée se réduit au domicile, et à condition de ne pas interagir par téléphone ou par internet.
On en est au point où nos élus trouvent dangereux qu’on puisse communiquer entre nous de façon sécurisée sans qu’ils ne puissent intercepter nos messages en clair.
On en est au point où on nous a fait acter que montrer son visage dans l’espace public était une mesure de vivre ensemble et pas de surveillance.
Tout ce que nous lisons, tous les gens que nous rencontrons, tout ce que nous achetons ou échangeons, toutes les conversations que nous avons en dehors de chez nous, tous les trajets que nous faisons, … tout ça est enregistré, nominativement, et peut être accessible à un État.
De l’autre côté du globe, on voit des piles de vêtements à différents endroits de la ville et des photos de manifestations bardées de lasers verts comme un spectacle de discothèque. Les lasers mettent en défaite la reconnaissance faciale. Les piles de vêtements permettent de se changer pour mettre en défaite le suivi et l’identification par vidéosurveillance après les manifestations.
De quoi donner à réfléchir.
Alors quand je vois San Francisco — ville probablement la plus à la pointe et composée des gens les plus au fait de ces technologies — s’interdire d’utiliser la reconnaissance faciale, ça fait peut-être sourire certains mais pour moi ça veut encore dire quelque chose.
Il serait peut-être temps de se rappeler pourquoi donner trop de pouvoir à l’État est dangereux, pourquoi c’est au citoyen de contrôler son État et pas l’opposé, pourquoi la vie privée et le secret des correspondances sont essentiels à la vie démocratique.
Je ne suis plus abonné à rien. J’ai juste l’email hebdomadaire de lundi.matin (qui ironiquement arrive rarement le lundi matin mais que j’aime bien quand même).
Régulièrement, j’aimerais quand même accéder à du contenu de fond, longs, sérieux, avec des analyses poussées. Je trouve tout à fait légitime de payer pour accéder à ce type de contenus. L’enjeu c’est plutôt de savoir si je lirai derrière. J’ai tenté de m’abonner brièvement à Les Jours, et j’avais fini par résilier faute de réellement aller lire des choses dessus. Les séries TV ont pris la place. Arriverai-je à revenir à de la lecture ?
Les Jours
Le Monde Diplomatique
Le Monde
Régulièrement j’aimerais avoir un contenu un peu moins dans l’émotion que Twitter pour me maintenir au courant de ce qu’il se passe dans le monde. J’ai lundi.matin. J’avais envisagé brief.me qui était pas mal aussi mais, même si le principe de payer ne me gêne pas quand il y a un peu plus que des recopies de dépêches, le prix m’a fait hésiter et reculer. Le Courrier international m’attire parce qu’on est vraiment centré ailleurs que sur la France.
Brief.me
Courrier international
Lundi Matin
Le Monde
Régulièrement j’aimerais aussi pouvoir accéder aux contenus dont je trouve les liens sur les réseaux sociaux. J’avais Mediapart et Arrêt sur Images un moment mais c’est quand même très anxiogène. L’essentiel des liens mènent vers des scandales, des dénonciations, de l’émotion, et il faut faire doublement attention à vérifier ce qui y est dit, à tout prendre avec de l’analyse critique. C’est particulièrement vrai pour Mediapart à cause de leur ligne éditoriale, mais c’est plus général : Seuls les liens polémiques percent, et ce sont du coup ceux-ci que je veux ouvrir. N’est-ce pas finalement une bonne chose de ne pas y avoir accès ?
Mediapart
Le Monde
Next Inpact
Arrêt sur Images
Bref, je vais peut-être réactiver quelques abonnements. Le Monde entre dans les trois catégories, c’est un bon candidat, mais il ne m’apparait le plus intéressant dans aucune catégorie. « Moyen partout » n’est pas forcément idéal.
Si je prends l’ensemble je m’en sors à plus de 50 € mensuels. On va essayer d’être plus raisonnable.
Je peux déjà probablement rayer Arrêt sur Images et Next Inpact sur lequels j’ai trop peu de liens sur des sujets non couverts par le reste. Peut-être qu’il vaut mieux écarter Mediapart pour l’instant quitte à être frustré de ne pas pouvoir suivre quelques liens. Ça me permettra de moins entrer dans le climat de scandale permanent.
Ça en laisse beaucoup et il serait probablement une bonne idée de n’en retenir que deux ou trois parmi Le Monde, Les jours, Courrier international et le Monde Diplomatique. Mettons que je m’autorise dans les 15 à 20 € mensuel. C’est déjà pas mal en attendant de voir.
Vous avez des suggestions ? À quoi êtes-vous abonnés et pourquoi ?
Les prix sont arrondis pour plus de clarté et pour éviter de tromper le lecteur à coup de 90 centimes. (*) Ces prix peuvent baisser en cas d’abonnement multiple via La Presse Libre.
(french below)I received an email from Localize.co a few days ago. I am used to SPAM but this times small lines did catch my attention:
Following the GDPR, you are hereby informed that your personal data was found on your Linkedin profile (full name and job title) and your email address was guessed based on your company’s email structure which was publicly available. Your personal data was manually processed in our CRM for direct marketing purpose. According to the GDPR, you have the right to lodge a complaint to a supervisory authority, however, direct marketing purpose may be regarded as a legitimate interest which doesn’t require the consent of the data subject. Your personal data is stored in our CRM and will not be processed for any other purpose than direct marketing. […]
Localize.co is scrapping Linkedin to collect personal data without authorization. They do store this data on a long term basis on their own systems, still without any consent. Then they do use this data for unsolicited marketing (ie SPAM), with a message asserting they are in agreement with the law.
That’s not my interpretation, that is their own words.
I did request more details, here the response I had:
[…]
In regards to the GDPR, if you look at Article 14 you can see that you can actually contact data subject without their consent on the base of a legitimate interest. Recital #47 of the GDPR indicates that direct marketing may be regarded as a legitimate interest.
Our legitimate interest was based on the fact that your company looks similar to our other customers since you have several languages available on your app and, the users of our tool often work in the technology department hence we though our services could be relevant to you and your company. Once again, if this is not the case and my email did bother you, I sincerely apologize.
As you can see in the disclaimer that I included in my initial and previous emails, we follow and respect all the points from the article 14.
As per your request, I’m sending a copy of all the data we have at the end of the email that our internal team has collected from Linkedin and your email was guessed based on [your company] email structure. We did not buy data from any third-party tools
[…]
What is worst than a spammer which collect and process unlawfully my data, is a spammer that tells me he’s legally entitled to do it.
J’ai reçu un email de Localize.co il y a quelques jours. Je suis habitué aux SPAM mais les petites lignes ont retenu mon attention :
Suivant le RGPD, nous vous informons que vos données personnelles ont été trouées sur votre profil Linkedin (nom complet et fonction) et que votre adresse email a été devinée à partir du format de votre société qui est accessible publiquement. Vos données personnelles ont été entrées manuellement dans notre logiciel de relation client à des fins de marketing. Selon le RGPD, vous avez le droit de porter plainte auprès de l’autorité de supervision, toutefois, la prospection commerciale directe peut être vue comme un intérêt légitime qui ne requiert par le consentement de la personne objet des données. Vos données personnelles sont stockées dans notre logiciel de relation client et ne seront pas utilisées à une autre fin que la prospection commerciale directe. […]
(traduit par mes soins)
Localize.co extrait des données personnelles de Linkedin sans autorisation. Ils stockent ces données durablement dans leur logiciel de relation client, toujours sans consentement. Ensuite ils utilisent ces données pour de la prospection commerciale non sollicitée (c’est à dire du SPAM).
Ce n’est pas mon interprétation, ce sont leurs propres mots.
J’ai demandé plus de détails, voici la réponse obtenue :
[…] Selon le RGPD, vous pouvez voir à l’article 14 qu’il est possible de contacter la personnes objet des données sans son consentement, sur la base d’un intérêt légitime. Le Recital #47 du RGPD indique que la prospection commerciale directe peut être vue comme un intérêt légitime.
Notre intérêt légitime est basé sur le fait que votre entreprise ressemble à nos clients étant donné que vous avez plusieurs langues accessibles dans vos applications, et que les utilisateurs de notre outil travaillent souvent dans les départements techniques, d’où le fait que nous pensions que nos services pourraient être pertinents pour vous et votre entreprise. Encore une fois, si ce n’est pas le cas et que mon email vous a dérangé, je vous présente mes excuses sincères.
Comme vous pouvez le voir dans le communiqué que j’ai inclu dans le message initial, nous suivant et respectons tous les points de l’article 14.
Suivant votre demande, je vous envoie à la fin de de cet email une copie de toutes les données que nous avons et que notre équipe interne a collecté depuis Linkedin, votre email a été deviné sur la base de la structure des emails de [votre société]. Nous n’avons acheté aucune donnée depuis des outils tiers.
S’il y a une chose pire qu’un spammer, c’est un spammer qui me dit être légalement en droit de le faire.
Je trouve intéressant tout ce qu’il s’est passé récemment. Je suis le fil de ma pensée mais les propos l’animateur eux-même ne sont pas ce que je veux aborder ici..
Il y a eu un témoignage précis, de première main, sur un fait d’intérêt public. À cette étape là personne n’en sait plus.
Ce témoignage s’est significativement diffusé. 2000 partages en 24h. On est très loin de ce qu’on peut qualifier de buzz sur Twitter, mais ce n’est pas rien non plus.
Il a fallu une vingtaine d’heures pour que les journalistes et les services du ministre recoupent suffisamment les faits puis montrent que le témoignage était faux.
Après avoir été confronté à ses dires par son encadrement, l’animateur est publiquement revenu sur ses déclarations en disant qu’il avait été induit en erreur.
S’ensuit une mini-polémique sur la diffusion de fausses informations.
Il est toujours bon de revenir en arrière pour en tirer les leçons en vue d’une prochaine fois. De ce que j’en lis autour de moi, on a toutefois tendance à juger les partages du témoignage d’origine à l’aune de la révélation du faux.
C’est là qu’à mon avis on fait erreur. Ce sont deux types d’information différents, à des niveaux différents.
Le premier niveau d’information c’est l’existence du témoignage et son contenu. Cette existence est une information à part entière. Même si ce n’est pas le scandale du siècle, elle est à priori d’intérêt public.
C’est ainsi que dans la presse vous trouvez des brèves reprenant une déclaration officielle, révélant un PV, pointant un fait qui pose question, etc. On les reconnait en ce qu’elles utilisent généralement des guillemets pour marquer qu’il s’agit d’une reprise.
Parfois la déclaration officielle est fausse ou trompeuse. Parfois les propos que rapportent le PV sont faux. Parfois la question posée a une réponse tout à fait légitime.
C’est malheureux quand ça arrive, on essaye de l’éviter, mais ça ne retire en rien l’intérêt public d’avoir relayé cette information en fonction de sa crédibilité et de l’intérêt public à ce moment là.
Ce qu’il s’est passé sur Twitter n’est pas différent. Il n’y a quasiment eu que des citations, avec ou sans commentaire. Les tiers ont tous vu les propos originaux, écrits au nom de cet animateur inconnu.
Tous ont pu se faire leur propre idée de la crédibilité du témoignage. Personne n’a été induit en erreur sur le fait que c’était un témoignage d’un inconnu et rien de plus.
Nulle part il n’y a eu présentation comme venant d’une source officielle, ou d’une quelqu’un ayant vérifié ou accrédité l’information.
Il n’y a pas eu tromperie ou fake news. Il y a juste eu le relai d’une information d’intérêt public, celle d’un témoignage potentiellement crédible mettant en cause une opération de communication.
Le second niveau d’information est venu de la presse. Je crois que c’est France Info qui a fait le premier article d’analyse (mis à jour depuis).
Ils ont fait ce qu’on attend d’eux. Ils ont vérifié, contacté les services du ministre, peut-être le camp de vacances. Les éléments relevés contredisent directement les déclarations de l’animateur.
On n’a toujours pas d’autres sources que les services du premier ministre concernant l’origine du dessin, mais on en a assez pour considérer que le récit de l’animateur était faux. Pas besoin d’aller plus loin sauf à ce que nouveaux témoignages apparaissent.
Cette information est différente de la première. On n’informe pas du témoignage, on va vérifier le fond.
Les deux niveaux ne se fusionnent pas et ne s’opposent pas forcément. Il est toujours vrai que l’animateur a fait ce (faux) témoignage, que ce témoignage semblait suffisamment crédible et d’intérêt public pour être repris. Il est tout aussi vrai qu’on sait désormais que les éléments principaux du témoignage étaient faux, et que donc il ne faut plus diffuser le témoignage d’origine ou ce qu’il prétendait.
Pourquoi est-ce important ? Parce qu’en assimilant les deux niveaux d’information on laisse penser que partager le premier témoignage revient à créer une fausse information. On oublie qu’il y a deux informations, à deux niveaux bien distincts.
Fallait-il attendre la vérification sur le fond avant choisir de partager l’existence du témoignage ?
Si dans l’idéal on ne peut être que d’accord, c’est oublier que la vérification n’a eu lieu que parce qu‘il y a eu cette diffusion significative préalable. Jamais ni les journalistes ni les services du ministre ne seraient intervenus sans le micro-buzz. Jamais les services du premier ministre n’auraient répondu à un citoyen non journaliste professionnel qui aurait voulu vérifier l’information.
Empêchez le premier niveau d’information tant que la presse de métier n’a pas officiellement étudié le fond, vous couperez aussi énormément de faits avérés qui n’auraient jamais eu la visibilité suffisante. Tiens, toute l’affaire Benalla vient d’un buzz similaire sur une courte vidéo à la place de la contre-escarpe, et dont certains avaient contesté la légitimité d’en faire un buzz à l’époque.
On ne peut pas espérer que ces buzz initiaux ne se fassent que sur des faits qui se révèlent vrais. Ça revient à dire aux gens « agissez mais ne vous trompez pas ». Ça ne fonctionne pas.
Il n’y a aucun comportement qui permet à la fois de mettre en lumière le vrai et de laisser sous silence le faux. On fait forcément des erreurs des deux côtés, tout est une question de positionner le curseur intelligemment.
Il ne reste du coup que le jugement de chacun : Est-ce que l’information me semble à la fois assez crédible et assez intéressante pour être partagée ?
Visiblement 2000 personnes ont pensé que oui. Ça a suffit pour qu’un journaliste s’en empare (ce qui est déjà étonnant, 2000 partages twitter ce n’est pas grand chose) et qu’on ait le fin mot de l’histoire sur le fond.
J’ai ensuite vu les correctifs et articles de presse largement diffusés. Rien que ça est assez propre à Twitter. Si les correctifs sont bien souvent bien moins visibles que les polémiques de départ, ils le sont toujours beaucoup plus sur Twitter que sur la plupart des autres médias.
C’est malheureux quand on diffuse du faux mais quelque part tout s’est passé comme ça aurait du, ou pas loin.
Nulle part le témoignage initial n’a été présenté comme autre chose qu’un témoignage unique. Il n’y a pas eu retraitement, il n’y a pas eu masquage de la source, il n’y a pas eu présentation faussée. Le correctif lui-même est arrivé dans un temps relativement rapide et la diffusion du faux s’est immédiatement arrêtée.
On est là dans un espace totalement différent de celui de la fake news. Il n’y a d’ailleurs probablement même pas eu intention de tromper de la part de l’auteur d’origine.
Et donc, puisqu’on fait un retour arrière : Ce témoignage était-il suffisamment crédible pour mériter une diffusion ?
On entre dans le subjectif. Je ne peux que donner mon propre avis, forcément biaisé.
Dans l’histoire récente on a entendu des élus et hauts fonctionnaires mentir sous serment devant une commission d’enquête. On a une porte-parole du gouvernement qui a dit assumer de mentir pour protéger le président. On a un procureur qui a fait une fausse déclaration officielle pour éviter de contredire les propos du président. On a des ministres, élus et représentants de tous bords qui font des pirouettes verbales à la limite de la mauvaise foi pour justifier tout et n’importe quoi. On a des opérations de communication à gogo, et les mises en scène n’y sont pas si rares.
De fait, les paroles officielles sont assez peu fiables dès qu’on est dans l’opération de communication. C’est malheureux, grave pour notre démocratie, pas spécifique au gouvernement ou au parti au pouvoir, mais c’est ainsi.
On était justement dans une opération de communication. Croire qu’on ait pu préparer une belle image à présenter à la presse n’est pas totalement délirant au regard de ce qui précède. Impossible de savoir si c’était vrai sans faire un travail de journaliste, mais c’était crédible et vraisemblable.
Le reste du récit, le vrai mpte personnel pas créé pour l’occasion ni réservé au militantisme, la façon de raconter, les détails sur d’autres points, disons qu’il n’y avait pas beaucoup de voyants au rouge.
À mon avis, si vous avons un problème majeur à régler, ce n’est pas tant de limiter la diffusion de fausses informations que de restaurer la confiance dans ce qui vient de nos élus, de notre administration et des personnes en position d’autorité.
Les deux sont liés. Si on ne peut plus croire ces sources là, on finit par ne plus rien croire, douter de tout ou prêter foi à tout, ce qui revient au même.
Malheureusement restaurer la confiance va être difficile et long, parce qu’aujourd’hui les pratiques sont au plus bas. Elles ont plutôt tendance à entamer ce qui reste de confiance qu’à restaurer ce qui manque.
Parce que dans ces cas là, la raison n’est d’aucune aide. Ils croient que rien ne s’applique à eux, que eux c’est différent, que eux c’est justifié, parce que eux ont sont légitimes. Ça s’explique, ça se comprend, mais ça n’est pas une raison pour l’accepter pour autant.
Faire un concours de souffrances n’a aucun sens. Ce qu’a vécu quelqu’un est uniquement relatif à lui-même. Ce qui peut se passer ailleurs ne diminue aucunement sur ce que lui peut vivre ou avoir vécu, ni ne mérite de le rejeter.
Il ne sert à rien de comparer les violences. Les unes ne justifient jamais celles des autres. Les violences ne s’annulent pas l’une l’autre, elle s’additionnent.
Ça fonctionne avec n’importe quels préjudices, n’importe quelles actions malveillantes, n’importe quelles trahisons, …
Les maux ne s’annulent pas les uns les autres, ils s’additionnent entre eux.