
Auteur/autrice : Éric
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Une histoire de bagagistes et de données personnelles
Une « étude » a été publiée, analysant l’activité Twitter autour de l’affaire Benalla. L’étude tente de classer et grouper les acteurs, et donc leur attribue un couleur politique. En fin d’étude, un peu de transparence : Le site donne le lien vers deux fichiers avec les données qualifiées.
Problème : Ces fichiers sont donc des listes d’identifiants auxquels on a associé l’intensité de leur activité politique sur le sujet, et pour certains une qualification plus complète de proximité avec certains médias ou types d’informations/désinformations.
Je me retrouve dans un des deux fichiers diffusés, évidemment contre mon gré. Résultat : Deux tweets. Un pour demander aux auteurs accès et information sur le cadre de ce fichier. Un pour demander à la CNIL si tout cela est normal et quels sont mes moyens d’action (ce dernier sera doublé d’une demande papier, la CNIL ne répondant pas sur Twitter, mais ça permet de diffuser la demande publiquement).
Discussions
Est-ce une donnée personnelle ? Oui, il y a peu de doutes sur le sujet. Un identifiant twitter est bien une donnée personnelle. Il identifie assez bien une personne, au même titre qu’un email, une adresse IP ou d’autres identifiants de connexion. Le fait que ces identifiants ne soient pas rattachés aux états civils des concernés ne leur retire en rien le qualificatif de donnée personnelle. Voir la CNIL « qu’est-ce qu’une donnée personnelle ».
Sont-ce des données sensibles ? C’est moins évident pour moi. L’opinion politique est une donnée dite « sensible » qui a un cadre particulier et qui nécessite des consentements explicites. J’ai tendance à penser que l’activité politique et son intensité est suffisamment lié à l’opinion politique pour être sensibles, surtout quand c’est lié à un sujet précis, et que derrière l’étude fait des classements où elle indique que sauf quelques rares cas, les acteurs significatifs sont tous classés dans trois sphères politiques d’opposition et pas affiliés LREM.
On donne des indications politiques ou de réaction à des informations politiques, même si c’est en préjugé et pas exact à 100%, ça qualifie à-priori pour être une donnée sensible.Mais c’est une information publique, que tu diffuses volontairement ! Oui, et ça ne retire en rien le fait que ce soit une donnée personnelle (Je cite la CNIL « Peu importe que ces informations soient confidentielles ou publiques ») et le cadre qui s’y rattache.
Pour enfoncer l’évidence : Le fait que des adresses email soit publiées quelque part n’autorise pas un tiers à les récolter pour en faire un fichier différent avec une finalité différente. La situation est similaire avec d’autres identifiants que les emails.Est-ce un fichier de données personnelles ? La remarque m’a un peu abasourdi mais elle a été faite. Physiquement il s’agit d’un fichier, qui contient des données personnelles. Pour la définition légale, le CIL du CNRS répond aussi « tout ensemble structuré de données à caractère personnel accessibles ». Et ici le traitement et la présentation de données nominatives sous forme de liste pour leur accès direct est l’objet même du fichier. Si celui-ci n’en était pas un, pas grand chose serait considéré comme fichier.
Les auteurs sont belges, ça ne concerne pas la CNIL française ! Peut-être. Je ne fais que demander à mon autorité locale quels sont mes moyens d’action. Une bonne partie des règlementations sont européennes donc tout à fait applicables aux belges. Heureusement pour nous, les frontières européennes ne blanchissent pas l’utilisation de données personnelles
Je ne suis cependant pas catégorique. On a une étude qui concerne essentiellement des français, sur un sujet de politique française, destiné à des français. Le fichier de données personnelles est lui même hébergé sur un site français (dl.free.fr) avec des serveurs français et une entité légale française. Dire que la loi française est inapplicable ici me semble aller un peu vite (mais quand bien même, l’autorité française pourra bien me répondre sur comment exercer mes droits vis à vis d’auteurs belges — la question posée est d’autant plus légitime.Tu as abandonné tous tes droits à Twitter, c’est un problème entre toi et Twitter ! Non. Quand bien même j’aurais autorisé Twitter à lui-même autoriser ses partenaires à faire ça (plus sur le sujet plus bas), le droit d’accès et d’information persiste pour tous ceux qui traitent mes données. J’exerce ce droit directement vis à vis de ceux qui diffusent le fichier. Twitter est totalement étranger à la question (et pour l’avoir fait par le passé avant que ça ne devienne à la mode ou que le RGPD n’existe, Twitter, eux, répondent très sérieusement à ce type de requêtes).
Ok, mais du coup les auteurs de l’étude ont bien le droit de faire ça parce que tu as tout cédé à Twitter ! Non. J’ai cédé certains droits. Un re-parcours récent des CGU et privacy policy de Twitter ne me montre rien qui autorise ce type de diffusion par les partenaires de Twitter. Avec le RGPD ce devrait pourtant être simple à trouver puisque les différents tiers doivent être listés avec l’intégralité des finalités, une à une. Je ne m’avancerai pas à dire que ça n’est pas présent, mais je n’ai pas trouvé. Vous êtes les bienvenus à me détromper (même si ça ne change rien à la légitimité de mes demandes d’information).
À noter que l’actualité est taquine puisque l’UFC a justement gagné un procès contre Twitter pour faire qualifier comme abusives certaines clauses, dont justement le traitement et la diffusion de données personnelles, et le fait de considérer que ces données sont. « publiques » par défaut.
Tout laisse à penser que les auteurs de l’étude ont juste utilisé l’API publique de recherche (ils donnent même leurs critères) et s’il n’est pas anormal qu’ils puissent récupérer les messages et faire des analyses statistiques dessus, ça ne les autorise pas à en tirer des fichiers de données personnelles et encore moins à les diffuser.Mais c’est pour la recherche, l’article 5b du RGPD autorise ces finalités ! J’avoue que je ne connais pas tout le cadre de cette autorisation, mais le fait de traiter les données n’autorise pas forcément le fait de diffuser ensuite un fichier de données personnelles alors que ce fichier ne représente ni les données d’origine (ie: les paramètres de recherche, et éventuellement par extension la sauvegarde des résultats de la recherche) ni les données de résultat (ie: les statistiques et éventuellement le nominatif des quelques comptes particuliers qui pourraient être cités unitairement dans l’étude).
La finalité de recherche est au moins encadré par l’article 89 qui dit précisément cela. Il aurait au minimum fallu anonymiser les données (ce qui leur aurait fait perdre le qualificatif de données personnelles), et ce qui n’a pas été fait.D’autres études font cela ! Je n’en suis pas si certain. Je suis curieux sur d’autres études européennes récentes (post-RGPD) qui diffuseraient ainsi publiquement des fichiers de données personnelles (non anonymisées) avec des informations sensibles, et ça sans l’accord des concernés.
Et quand bien même, si l’argument « d’autres le font » était légitime, nos tribunaux pourraient immédiatement fermer.Mais c’est une étude sérieuse ! En fait non. Au point qu’ils ont qualifié dans leurs sources de désinformations une information réelle et reconnue comme telle (oui la voiture avait des girophares). Les critères pris et leur sélection, les interprétations faites, tout semble du travail rapide et sans grande valeur. Ne parlons même pas de revue par des pairs.
Il y a surtout une « étude » qui est destinée à faire la une pour servir de vitrine médiatique et demander des subventions, avec des choses qui buzzent un peu comme « les russes ». Mis à part pour l’utilisation du logiciel qui traite les données ensuite, il n’y a pas grand chose.
Les études sérieuses font d’ailleurs à priori très attention aux questions d’anonymisation, parce que ça fait partie du métier. Pas ici.
Et quand bien même, ça n’autorise pas tout, et ça ne délégitime certainement pas une demande d’information. -
[Vocabulaire] le mentor et le …
Comment nommer l’interlocuteur du mentor ?
Je voulais éviter les termes élève ou apprenant qui me semblaient trop scolaires. Le mentor n’est pas un formateur mais un accompagnateur. J’aime l’idée qu’on est en apprentissage permanent mais je sais aussi bien l’image que ces termes vont donner chez des gens qui n’ont pas ce recul.
Plus généralement, je voulais éviter les termes qui laissent penser à un faible niveau de compétence pour la personne en face du mentor. Dans mon esprit un expert technique reconnu internationalement peut tout à fait avoir un mentor (et pas forcément un plus expert d’ailleurs). Les termes d’apprenti ou de stagiaire me gênent à ce niveau.
Je veux aussi absolument éviter les termes qui induisent une relation de subordination forte. Ce n’est pas ma vision de la chose. Le terme de disciple me fait immédiatement penser à la bande dessinée Léornard avec le génie et son disciple proche de l’esclave. Acolyte n’est que légèrement mieux.
Protégé est mieux mais on risque d’entrer dans le paternalisme qui n’est pas forcément de bon aloi, avec le risque de carrément infantiliser sans le vouloir.
Pour l’instant il me reste padawan, qui doit être compris de tout le monde dans le métier mais j’avoue que j’aurais aimé me séparer des environnements de ninjas, rockstars et autres jedi. En être réduit à prendre un terme à partir d’une fiction de guerre des étoiles me semble hallucinant.
On me propose mentoré, un peu par défaut. Je me vois bien utiliser ce terme dans une thèse ou un article scientifique, probablement moins dans le langage de tous les jours, et pas quand la personne est proche. Quitte à utiliser ce type de formulation, on me propose accompagné qui est peut-être plus joli car plus usuel.
Il y a aussi condisciple et compagnon. Même si on perd la notion de mentorat, compagnon est encore ce que j’ai trouvé de mieux, sans que cela ne me convienne vraiment (et puis, ça se féminise comment compagnon ?). Il y a une notion de communauté, j’y colle (peut-être à tort) une image d’entre-aide et d’apprentissage permanent quand c’est dans un contexte professionnel artisan.
Quitte à rester dans cette métaphore, affilié pourrait éventuellement convenir. Dans le compagnonage c’est celui qui a fini son apprentissage et qui est intégré à la communauté mais toujours considéré comme en perfectionnement. On a une proximité avec la notion de filiation professionnelle qui ne me déplait pas. Il reste que l’affilié n’est pas un compagnon à part entière, donc je garderai donc probablement compagnon rien que pour ça.
Avez-vous d’autres propositions ? (je mettrai à jour le billet)
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Firefox, « anonyme par défaut »
J’aimerais avoir un Firefox configuré en « anonyme par défaut ». Ça veut dire deux choses :
- Un site ne doit pas pouvoir partager ou croiser les données avec un autre ;
- Un site ne doit pas pouvoir faire persister des données plus longtemps que la session en cours.
Si je veux garder une authentification permanente ou autoriser des croisements (par exemple pour des SSO), c’est à moi de le demander explicitement.
Ça pourrait être fait par une double préférence liée à chaque domaine, quelque chose du type « autoriser le domaine X à stocker des données persistantes dans ce contexte » et « ne pas isoler le domaine X en fonction de l’origine de la page principale ».
Un site ne doit pas pouvoir partager ou croiser les données avec un autre
Ce premier point est relativement bien couvert. L’extension first party isolation fait exactement ça. En gros tout le stockage (cookies, localstorage, indexeddb) est segmenté par l’origine de la page principale dans l’onglet.
Le composant Facebook inclut dans les pages de LeMonde ne partagera aucune données avec celui inclut dans les pages du Figaro. Il restera l’adresse IP et diverses techniques de fingerprinting, mais ça va un peu limiter.
Je navigue avec depuis des mois, plutôt avec succès. Il y a encore du boulot. Il faut le désactiver temporairement pour faire la configuration initiale de Pocket dans Firefox, ou pour le SSO « se connecter avec google » de quelques sites (pas tous, d’autres fontionnent bien) mais globalement ça passe très bien.
Une fois corrigées les anomalies et ajoutée une façon de désactiver l’isolation site par site, ça sera parfait.
Un site ne doit pas pouvoir faire persister des données plus longtemps que la session en cours
Ce second point est plus compliqué.
J’ai tenté initialement d’utiliser les conteneurs de Firefox pour ça mais tout ce que je peux faire c’est isoler des sites les uns des autres. Au final je me retrouve avec un conteneur par défaut qui contient la majorité du trafic et qui continue à garder mes traces de session en session.
Il y a peu j’ai trouvé l’extension temporary containers. L’idée c’est que, par défaut, le navigateur charge un nouveau conteneur temporaire dédié à chaque fois qu’on navigue vers un nouveau domaine. Ce conteneur et ses données sont détruits dès qu’on ferme l’onglet.
Globalement ça fonctionne mais il y a quelques soucis de performance ressentie (au moins des fermeture/réouverture visibles d’onglet lors des navigations) et si on affecte un site à un conteneur fixe pour éviter de se retrouver à chaque fois sur une page non authentifiée, on perd la capacité de l’utiliser en parallèle dans plusieurs conteneurs différents.
J’ai globalement l’impression d’abuser des conteneurs pour quelque chose qui n’est pas fait pour.
L’extension cookie autodelete a une autre approche. On garde le fonctionnement normal des conteneurs mais, par défaut, l’extension supprime les cookies d’un site dès qu’on ferme tous les onglets qui y mènent. Charge à l’utilisateur de faire des exceptions explicites site par site. Globalement ça fait le job mais ça n’efface ni le localstorage ni l’indexeddb, ne parlons même pas du tracking par cache HTTP.
Je trouve ça dommage. Intuitivement j’aurais pensé que supprimer des données était plus facile à faire pour le navigateur que créer une isolation supplémentaire entre les sites.
Suis-je le seul à chercher un tel niveau d’isolation ?
- Un site ne doit pas pouvoir partager ou croiser les données avec un autre ;
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Le problème c’est la direction
Chaque fois qu’on me pointe un problème sérieux d’une équipe de développement, le problème vient de la direction (*). À. Chaque. Fois.
Il n’y a que deux alternatives.
La première alternative c’est d’avoir recruté une équipe essentiellement composée de mauvais, au point que les quelques rares bons se retrouve totalement immobilisés ou s’en aillent. Notez que le problème vient alors du recrutement et/ou de l’incapacité à donner carte blanche avec un vrai mandat aux quelques rares bons dans l’équipe. Dans les deux cas c’est c’est le boulot de la direction.
La seconde alternative c’est que des forces externes à l’équipe les empêchent de travailler efficacement et de faire progresser vers un mieux. Ce peut être une question d’autonomie, de visibilité, de confort, de confiance, d’attentes ou d’objectifs peu pertinents, de pression, de communication, d’animation, de formation, de valeurs ou encore d’autres choses mais c’est externe à l’équipe. Le contexte c’est là aussi la direction qui en est responsable, soit qu’elle est elle-même directement fautive, soit qu’elle échoue à organiser le reste de la société pour éviter ce contexte toxique.
À. Chaque. Fois.
Si vos équipes travaillent mal, préparez-vous à ce que le changement majeur soit au niveau de la direction.
La source est là, simplement parce que sinon de bons ingénieurs travaillant ensemble finissent toujours pas trouver un comportement relativement correct. Quand la source est interne à l’équipe, ça peut être lent mais il y aura toujours un processus d’amélioration continue qui donnera confiance sur l’issue. Il ne s’agira plus de corriger un problème mais d’accompagner l’amélioration pré-existante.
Un ou deux ingénieurs peuvent dérailler mais pas toutes les équipes, pas à la fois, pas sans qu’il y ait une personne facilement identifiable à qui donner une carte blanche pour mettre en œuvre autre chose, pas si le contexte mis en place par la direction n’y est pas propice.
Je ne dis pas qu’il n’y a jamais de problèmes au sein des équipes, ni qu’un intervenant extérieur ne peut pas aider l’équipe à s’améliorer ou à se réorganiser. Au contraire, c’est mon métier (et globalement celui de manager). Par contre, quand on en est à un problème perçu par la direction et que l’équipe ne tend pas à remonter la pente une fois le constat fait, c’est quasiment toujours qu’il y a un contexte assez moche autour.
À. Chaque. Fois.
Et pourtant, encore et encore, à chaque fois on tente de mettre un directeur en confrontation, de faire du management serré, de demander de travailler plus intensément, de reprocher les objectifs non tenus, et globalement de faire porter la faute aux équipes.
Certes, c’est plus simple pour le CEO que de reprocher à ceux d’en-dessous de mal travailler, mais c’est un peu fuir ses responsabilités, non ?
(*) Par direction j’entends CEO, Directeur produit, Directeur commercial, DSI, CTO, VP Engineering, COO et globalement la structure haute du management. Au pire ça veut au moins dire le président, CEO ou directeur général qui est nominativement en charge de la boite, même pour celles qui sont officiellement sans hiérarchie.
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« tu » ou « vous »
Jeune, on m’a appris qu’on vouvoie les gens avec qui on n’a pas de relation proche, une façon de montrer le respect.
C’est en réalité moins reluisant. On tutoie les enfants voire les plus jeunes. À l’inverse on doit le vouvoiement à quelqu’un de bien plus âgé, à un supérieur hiérarchique, à un élu ou représentant quelconque, à un médecin, à un préposé administratif à qui on demande quelque chose, et globalement à quiconque a une autorité ou un pouvoir sur nous.
Ce n’est pas tant du respect que de la déférence et de la subordination, voire un rapport de domination. Si c’était simplement du respect, on vouvoierait les amis les plus proches.
Dans un échange c’est d’ailleurs toujours celui qui a l’autorité qui a le droit de proposer le passage au tutoiement, l’opposé serait malvenu. Il s’agit un peu de dire « je t’autorise à me tutoyer [pauvre manant] ».
Le truc c’est que la hiérarchie ce n’est pas ma tasse de thé.
Dans certains milieux le vouvoiement semble la règle. J’ai par exemple cru comprendre que les équipes de restauration et d’hôtellerie se vouvoient au travail même quand ils se connaissent personnellement.
Dans le milieu informatique ça semble l’opposé. Le tutoiement est plutôt la norme. Le milieu startup en fait une règle quasi absolue, même si c’est souvent pour de mauvaises raisons (l’image moderne, jeune, cool et tous copains que certains veulent se donner pour des raisons marketing).
Le résultat c’est qu’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais vouvoyé personne dans les entreprises où j’ai été, DG et actionnaires inclus. Ça n’était juste pas un sujet. On bosse ensemble ou on est amené à le faire alors on se tutoie.
J’ai parfois vouvoyé des clients ou des prospects, mais probablement très rarement des gens dans les divisions techniques, directeurs compris. En fait même les directions générales se tutoient assez facilement, y compris pour des grandes entreprises très classiques. Ceux que j’ai tendance à vouvoyer sont plutôt les commerciaux et DRH, et pour les premiers c’est probablement une marque de défiance ou de distance de ma part.
Bref, j’ai du rédiger des annonces de recrutement aujourd’hui. Le « vous » me gênait pour la distance qu’il mettait, qui me semblait fausse vis à vis de mon expérience. C’était un peu prendre une position d’autorité et de domination alors que je n’ai jamais conçu la collaboration professionnelle ainsi. Indépendamment de moi, ça ne me semblait pas refléter la réalité des relations dans l’entreprise.
Il reste que le « tu » des startups m’a tué, ce « tu » qui parle de babyfoot et fait semblant qu’on soit de vieux copains de skateboard et de concerts de métal alors que c’est une personne du marketing qui écrit les lignes après avoir lu des livres genre « la génération Y » en croyant que ça attire les jeunes.
Bref, j’ai tout sauf envie de ressembler à ce « tu » startup, et visiblement c’est aussi lui qui semble repoussoir pour une partie des développeurs qui m’ont aidé à choisir la bonne tournure. Je suis repassé au « vous », quitte à utiliser un style très détendu autour de ce « vous ».
Peut-être que je deviens vieux.
Où est-ce que vous vous situez là-dedans de votre côté ? Quelle est la tournure que vous utilisez au jour le jour quand vous n’avez ni relation de proximité ni relation hiérarchique ou de pouvoir ?
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[Lecture] Colonies et nazisme
[C]e formidable développement techno-scientifique a produit une puissance jusque-là inconnue qui a permis le déchaînement de la colonisation grâce aux armes à feu, et cette domination sur le monde s’est faite non au nom de la problématisation mais de la négation de la culture d’autrui, au nom de la supériorité de la race blanche européenne, supériorité qui a dominé toute l’histoire de l’Europe.
L’urgence et l’essentiel, Edgar MorinÀ méditer, à l’heure où on a trop vite l’impression que le nazisme de la seconde guerre mondiale est une atrocité ponctuelle alors que c’est un mode de fonctionnement continu de notre continent (au moins de celui-ci) depuis bien bien longtemps.
Je n’avais jamais envisagé les choses sous cet angle. Et si le capitalisme n’était qu’une suite de cette « négation de la culture d’autrui » au nom de la supériorité de la race riche ?
Colonies et nazisme, David LarletRéflexion avec beaucoup d’écho chez moi quand je vois le traitement de l’immigration actuelle mais aussi la considération qu’ont ces gouvernements élitistes pro-économie pour les gens qui n’appartiennent pas à leur caste, et l’oppression quotidienne qui en découle.
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Deux mondes du travail
Ils évoluent dans un monde où la souffrance au travail n’existe que dans les livres d’histoire, et ils ne manquent pas de reprocher systématiquement à leurs adversaires de « faire du Zola » quand ils évoquent les horaires décalés des femmes de ménage, le burn out des soignants ou le taux de mortalité des ouvriers. Infoutus d’admettre que leur position de dominants leur assure, du berceau à la tombe, un rapport enchanté au travail, les macronistes ne comprennent pas que si eux « ne comptent pas leurs heures », l’ensemble des salariés français ne le fassent pas aussi.
Leur « émancipation » n’est pas la nôtre, Regards.frAilleurs, mort au travail jugée en fin d’année dernière
Les conditions de travail sont particulièrement difficiles, comme le décrit l’un de ses collègues, entendu par la police : « Il fait très chaud, et il y a beaucoup de poussière. Par exemple, ce matin, j’ai mesuré la température sur le casque de mon collègue et j’ai relevé une mesure de 350 degrés, donc imaginez ce que nous subissons… Parfois, nous pouvons rester pendant trois heures exposés à la chaleur, puisque nous devons enchaîner les convertisseurs les uns après les autres. »
[…]
« Notons que sur la majorité des salariés entendus, très peu savent que l’azote est utilisé pour le gunitage et très peu en connaissent les propriétés dangereuses ! » Et pour cause, dans le plan de prévention porté à la connaissance des ouvriers, l’employeur n’avait mentionné ni l’utilisation de l’azote, ni les risques encourus, ni les moyens de s’en protéger. […] La machine de commande dans laquelle était penché M. R. lors de son décès présente plus de 40 non-conformités. Au vu de ces irrégularités, l’inspecteur n’exclut pas qu’un échappement excessif d’azote ait pu provoquer l’asphyxie brutale de la victime.
[…]
Le 17 avril, au lendemain du décès, l’inspecteur du travail alerte déjà, par mail, le parquet : « J’ai pu constater que l’environnement du poste de travail de la victime et les tâches qu’elle exécutait dans la nuit de son décès présentaient plusieurs facteurs de pénibilité qui pourraient être à l’origine de son décès (…) toutefois seule une autopsie de la victime permettrait de le déterminer. Je pense qu’il conviendrait de demander l’autopsie de la victime M. R. » La requête a été renouvelée trois jours après et six mois plus tard. Toutes ces réclamations sont restées lettre morte.
La justice épargne ArcelorMittal, MediapartMême endroit, jugé il y a quelques jours
« C’était un gars très courageux qui n’arrêtait jamais. C’est un garçon qui a été dans la galère du marché de l’emploi avant d’être là. Il m’a confié qu’il ne faisait que des petites missions d’intérim en alternance avec le chômage. Je pense qu’il voulait montrer aux responsables qu’il avait envie de rester »
[…]
« Le haut-fourneau, comme nous l’explique Alexandre, fondeur depuis plus de 15 ans, pour ArcelorMittal, c’est comme une sorte de marmite géante de plus de 80 mètres de hauteur qui peut produire 270 000 tonnes de fonte par mois. Cette fonte est portée à une température de plus de 1 500 degrés. Des trous sont faits dans cette marmite pour laisser couler la fonte en fusion, qui passe par des rigoles et est ensuite récupérée pour être utilisée. On travaille aux bords de cette rigole qui fait 1,6 mètre de large et de 1 à 1,5 mètre de profondeur. Il y a des nuages de fumée, de poussière. Il faut aussi s’habituer au bruit. Il peut y avoir parfois de fortes détonations, semblables à des gros pétards, déclenchées par certaines machines. Rajoutée à cela, l’extrême chaleur. C’est l’un des métiers les plus pénibles et les plus dangereux. Mais on s’y habitue. »
Le 13 juillet 2015, une détonation, plus forte qu’à l’accoutumée, sort de l’une des machines. Surpris, Jérôme est « d’un coup poussé en arrière, il n’avait plus d’équilibre et il est tombé dans la rigole en arrière sur son côté gauche. Je me suis immédiatement rendu sur place, mais il était trop tard. Il a tendu son bras vers moi, mais je ne pouvais pas l’atteindre. (…) Il y avait des flammes d’au moins cinq mètres de haut. Je me suis écroulé (…) puis j’ai été pris en charge pour aller au centre médical », raconte Laurent, témoin de l’accident. Traumatisé, Laurent a été en arrêt maladie pendant deux ans et vient tout juste de reprendre en mi-temps thérapeutique.
Les premiers constats de l’inspection du travail relèvent une infraction flagrante de la part d’ArcelorMittal : aucune protection n’a été installée pour prévenir le risque de chute. Les ouvriers travaillent ainsi à quelques centimètres d’un liquide qui coule à plus de 1 500 degrés sans qu’aucun dispositif ne les protège de ce danger.
Accident mortel dans une usine: la justice épargne encore ArcelorMittal, MediapartMais « la justice épargne ArcelorMittal », et la ministre du travail pavoise dans un gouvernement qui nous parle de valeur travail comme d’un accomplissement et qui pour le valoriser ne propose que de réduire les contraintes des employeurs ou de réduire la qualité de vie de ceux qui n’ont pas d’emploi.