Auteur/autrice : Éric

  • Service ou produit

    Vendre ce qu’on réalise ou réali­ser ce qu’on vend.

    Oui, c’est binaire et cari­ca­tu­ral, mais ça repré­sente tout de même quelque chose à mes yeux. C’est faire la diffé­rence entre du service et du produit.


    Sur ce critère les belles paroles ne comptent pas. Ce qui importe c’est le compor­te­ment sous la pres­sion, quand le choix est contraint.

    L’équi­libre est parfois déli­cat mais si on promet trop, si les équipes courent après les promesses, si on suit plus les demandes du clients que ses besoins, si le plan­ning est plus dicté par le client que par l’in­terne, si on parle plus de dead­lines que de solu­tions, alors on a proba­ble­ment basculé dans le service.


    Parfois il est diffi­cile de garder son cap. On finit par se perdre, ou simple­ment de ne pas réali­ser qu’on a changé de route.

    Pas de juge­ment de valeur ni de reproche, mais il est essen­tiel de savoir dans quelle direc­tion on travaille, pour qui ou pour quoi. Je sais que le terme de mission est galvaudé, mais on parle bien de ça.

  • Les esti­ma­tions de petites tâches ne sont pas plus précises

    Un des premiers mensonges qu’on vous livre trop souvent avec SCRUM c’est qu’on peut esti­mer des petites tâches avec bien plus de préci­sion que des grandes, et qu’en consé­quence on peut être assez fiable dans l’es­ti­ma­tion des une à trois semaines de chaque itéra­tion.

    Foutaises !

    Combien de temps faut-il pour mettre les blou­sons avant d’al­ler à l’école ? Mettons 30 secondes si on ne se presse pas. La réalité c’est que ça mettra plus souvent 5 minutes que 30 secondes, et ça c’est si on n’a pas besoin de se battre.

    400% de marge d’er­reur ? Comment voulez-vous faire un plan­ning avec de telles esti­ma­tions. Pour­tant on est sur une tâche connue, répé­tée chaque jour. Seule solu­tion, on triche et on compte 2 minutes 30. Même ainsi on a une marge d’er­reur de 100%. Hallu­ci­nant !

    Ce n’est pas un exemple choisi. J’ai le même problème pour termi­ner la tartine, pour boire le verre d’eau ou pour passer aux toilettes avant de partir, pour descendre dans la rue, pour faire le trajet, pour trou­ver le badge et passer le portail de l’école, pour montrer ma carte au vigile, pour les 10 mètres dans l’école au milieu des copains et autres parents d’élèves, pour le bisou de bonne jour­née avant de pouvoir repar­tir…

    Ce n’est pas non plus la faute d’une mauvaise analo­gie. Esti­mer une petite tâche est juste impos­sible parce que le moindre aléa fait tout explo­ser.

    Ajou­ter un lien sur une page ça prend 30 secon­des… sauf si on vous dit de chan­ger l’URL au dernier moment et qu’il faut faire deux fois le travail, sauf si c’est le seul lien à cet endroit et qu’il faut retou­cher les règles de style, sauf si le lien passe à la ligne en plein milieu et que visuel­le­ment ça ne le fait pas du tout sur ce compo­sant, sauf si l’es­pace pris fait glis­ser le bouton qui suit sous le clavier sur un smart­phone une fois le clavier déplié, sauf s’il faut partir à la chasse de la bonne URL parce que c’était « ça n’a pas d’im­pact, on donnera le lien au dernier moment », sauf si on se rend compte qu’il faut mutua­li­ser ce lien avec autre chose ailleurs dans l’ap­pli­ca­tion, sauf si ajou­ter un lien casse le test end-to-end et qu’il faut le réécrire pour faire passer le serveur d’in­té­gra­tion conti­nue au vert, sauf si… pour un simple foutu lien !


    Et pour­tant, on n’est jamais en retard à l’école. Malgré les aléas infi­nis à chaque tâche, le projet « aller à l’école » prend 45 minutes à ±15 minutes. Pas plus.

    Ce n’est même pas qu’es­ti­mer le projet dans son ensemble permet de lisser les risques de déra­pages, c’est que le temps que prend chaque tâche dépend de toutes les tâches précé­dentes et des options qu’il nous reste pour les suivantes.

    S’il faut lutter pour termi­ner le crois­sant alors on active sérieu­se­ment la suite. Si les toilettes s’éter­nisent je prépare le blou­son et le bonnet pendant ce temps. S’il le faut on presse un peu le pas. À l’école, si on arrive dans les derniers, aucun parent d’élève ou cama­rade ne nous retient dans les dix derniers mètres et le bisou sera vite fait. Si vrai­ment on est super en retard on peut toujours sortir le vélo ou prendre le tram.


    En réalité si SCRUM estime les fonc­tion­na­li­tés unitaires ce n’est pas pour s’en­ga­ger sur un résul­tat donné à l’avance, ni même pour mesu­rer si l’ité­ra­tion a été une réus­site ou un succès lors de la rétros­pec­tive. C’est unique­ment pour savoir où on va dans la boîte de temps qu’on s’est donnée. Rien de plus.

    Quand on vous dit que ça permet d’être plus fiable, derrière se cache l’hydre du « on va trans­for­mer vos esti­ma­tions en enga­ge­ment » voire du « on va ajou­ter vos esti­ma­tions une à une et ça donnera la dead­line de fin de projet si rien ne change ».

  • Ne fais pas atten­tion au débit de ta fibre

    Ami, tu viens d’être éligible à la fibre ou de démé­na­ger là où la fibre est présente. Tu cherches un opéra­teur.

    Ne fais pas atten­tion au débit. Si tu viens de l’ADSL ça va être le jour et la nuit quoi que tu choi­sisses comme offre fibre. Tu auras des offres allant de 200 Mb/s à 10 Gb/s, à compa­rer à ton ADSL qui se situe quelque part entre 8 et 20 Mb/s en descen­dant et au mieux 1 Mb/s en montant.

    En réalité tu ne verras pas de diffé­rence signi­fi­ca­tive au jour le jour entre les offres à 300 Mb/s et les offres à 1 Gb/s. Tu n’at­tein­dras de toutes façons que rare­ment de tels débits de toutes façons. Ne parlons même pas du 10 Gb/s, là on est dans du marke­ting.

    Regarde tout le reste : la qualité de la box, regarde le prix initial mais aussi si ce n’est pas une offre promo­tion­nelle pour les 12 premiers mois qui va doubler au bout d’un an, regarde les frais d’ins­tal­la­tion ou de rési­lia­tion, regarde s’il y a une offre TV qui te corres­pond, regarde les délais habi­tuel de l’opé­ra­teur pour les instal­la­tions, regarde la qualité de leur support client, etc. Tout ça a bien plus d’im­por­tance que le débit des offres fibre, et te touchera de façon bien plus forte.


    La réalité est plus complexe que le dépliant du four­nis­seur d’ac­cès

    On a tous envie de se dire qu’entre 10 Gb/s (10 000 Mb/s) et 300 Mb/s, ça se voit un peu quand même. La réalité est plus complexe. Ce chiffre ne reflète que le débit théo­rique entre la box et le four­nis­seur d’ac­cès.

    Déjà chez toi : Si tu es sur WIFI, tu peux oublier l’idée d’al­ler à plus de 500 Mb/s en pratique même en t’as­seyant juste à côté de ta box. Pour aller plus loin il faudrait un câble ether­net. Ils sont déjà loin les 10 Gb/s. En réalité sur un appar­te­ment un peu bruité, avec un peu de distance, c’est déjà très bien si on arrive à faire du 300 Mb/s en pratique. Ne parlons même pas d’avoir un mur entre le poste infor­ma­tique et la box. Si c’est pour travailler à partir d’une carte SD tu n’ap­pro­che­ras de toutes façons même pas les 100 Mb/s.

    Ensuite en face : Non le serveur d’en face ne te permet­tra géné­ra­le­ment pas d’échan­ger en Gb/s de toutes façons. Même 300 Mb/s tu ne le trou­ve­ras pas si souvent. On en est au point où régu­liè­re­ment il y a des bisbilles avec Youtube, Netflix et les autres parce que les échanges entre eux et les four­nis­seurs d’ac­cès ne dépassent pas la dizaine de Mb/s aux heures de pointe.

    Et de toutes façons sur l’usage : Les hauts débits se trouvent quand tu télé­charges un gros contenu de façon soutenu. Tu envoies des fichiers de quelques Mo ou moins ? le temps sera plus dépen­dant du nombre de fichiers que de la bande passante dispo­nible. Tu fais de la navi­ga­tion web ? à ces vitesses le temps d’af­fi­chage dépend bien plus du déve­lop­peur du site que de la capa­cité de ta ligne.

    Et fais atten­tion à SFR : Si tu démé­nages dans un appar­te­ment exis­tant et que ni Orange ni Free ne proposent pas d’offre fibre pour ton appar­te­ment, il est probable que ton immeuble soit câblé et non fibré (oui, même si SFR conti­nuera à te dire que c’est de la fibre). Tu peux le véri­fier faci­le­ment : Si ça ressemble à une prise d’an­tenne TV, que ça a un diamètre plus proche d’un câble d’an­tenne TV que d’un petit cable USB, c’est du câble coaxial et pas de la fibre.

    Là (coaxial SFR) toutes les instal­la­tions ne sont pas équi­va­lentes. Certaines montent effec­ti­ve­ment jusqu’à 1 Gb/s, d’autres non. Tu auras souvent toutes les peines du monde à obte­nir le vrai chiffre de la part de leur service commer­cial qui te servira du « jusqu’à 1 Gb/s » ad libi­tum . Bref, ache­ter une offre plus chère afin d’avoir un plus haut débit théo­rique et remarquer que c’est fina­le­ment bridé par l’ins­tal­la­tion en place, ça serait dommage.


    Je ne dis pas que tu ne dépas­se­ras jamais les 300 Mb/s mais ça ne repré­sen­tera pas ton quoti­dien. Même s’il t’ar­rive de télé­char­ger des conte­nus vidéos ou des grosses archives à partir d’un ordi­na­teur bran­ché par câble, la diffé­rence entre 300 Mb/s et 1 Gb/s, c’est télé­char­ger un DVD complet en envi­ron 100 secondes au lieu de 30. Je doute que l’at­tente supplé­men­taire soit de nature à influen­cer sur le choix de l’offre Inter­net.

    Si vrai­ment tu veux regar­der le débit, regarde le débit montant

    Le débit descen­dant c’est celui que tu utilises pour télé­char­ger quelque chose en prove­nance d’In­ter­net. C’est celui qui est géné­ra­le­ment mis en avant parce que le plus gros des deux.

    Celui qui peut t’in­té­res­ser c’est le second, qui sert à envoyer des conte­nus vers Inter­net. Il doit t’in­té­res­ser parce qu’il est géné­ra­le­ment bien plus petit.

    Ce n’était pas impor­tant sur ADSL parce que le débit ne te permet­tait pas grand chose d’autre que du descen­dant. Avec la fibre tu vas proba­ble­ment bran­cher un Google Drive, un Drop­box, peut-être un logi­ciel de sauve­garde. Tu vas vouloir envoyer d’énormes photos voire des vidéos ou de mons­trueux docu­ments bureau­tiques pas opti­mi­sés. Bref, l’usage va chan­ger et ce serait dommage d’avoir un débit trop ridi­cule en montant.

    Entre le 200 (descen­dant) / 50 (montant) de SFR et le 300 (descen­dant) / 300 (montant) de Sosh, tu as beau­coup plus de chances de ressen­tir la diffé­rence de débit montant que la diffé­rence de débit descen­dant (même si 50 Mb/s en montant ça reste 50 fois mieux que ce que tu avais en ADSL, et pas ridi­cule du tout, donc pas forcé­ment le critère).

  • Sommes-nous une démo­cra­tie ? Le test

    Il est diffi­cile de se déta­cher de nos croyances alors je vais propo­ser de discu­ter d’un critère rela­ti­ve­ment simple et diffi­ci­le­ment contes­table.

    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens.

    Défi­ni­tion via le CNRTL

    Je m’en tiens à la défi­ni­tion et n’ex­clus aucu­ne­ment ici la notion de démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Le peuple peut tout à fait exer­cer le pouvoir via des repré­sen­tants. L’im­por­tant est que ce soit lui qui l’exerce.

    Atten­tion donc à diffé­ren­cier le peuple qui exerce son pouvoir via des repré­sen­tants, et les repré­sen­tants qui exercent leur pouvoir au nom du peuple. La seconde formule pour­rait vali­der une bonne partie des monar­chies et régimes dicta­to­riaux. Oui, la ligne entre les deux est parfois fine, c’est bien tout le sujet. Que les repré­sen­tants soient élus ne résout pas toute la ques­tion.


    Bref. Il est diffi­cile de défi­nir « le peuple » ou ce qu’il veut alors pour éviter tout débat inter­mi­nable on va se poser dans la situa­tion théo­rique la plus favo­rable imagi­nable :

    Imagi­nons une mesure souhai­tée par la quasi tota­lité de la popu­la­tion, dans les mêmes termes, et que nous puis­sions là aujourd’­hui le déter­mi­ner de façon incon­tes­tée.

    Dans ce scéna­rio on ne peut plus favo­rable, la mesure souhai­tée par le peuple serait-elle forcé­ment prise, dans les termes souhai­tés et dans un temps raison­nable ?

    Si nous ne pouvons pas répondre « oui » sans mettre de condi­tions, sans délai qui se compte en années, sans impo­ser l’ac­cord de telle personne ou de tel groupe de personnes, alors c’est que le peuple n’a pas le pouvoir et en consé­quence que nous ne sommes pas en démo­cra­tie.

  • Modèle d’or­ga­ni­sa­tion

    Et si on mettait des squads ?

    Le modèle d’or­ga­ni­sa­tion à la Spotify semble être l’apha et l’omega des équipes tech­niques.

    Oui, c’est aussi ce que j’ai tendance à mettre partout mais vous voulez que je vous dise ? Je ne le trouve pas si perti­nent pour la plupart des cas que j’ai rencon­tré.

    Modèle clas­sique Spotify

    Dans les struc­tures françaises que j’ai vu ça revient à isoler les équipes avec chacune leur propre product owner. Ça a certai­ne­ment énor­mé­ment de sens pour des socié­tés struc­tu­rées avec des groupes produit vrai­ment distincts qui peuvent avan­cer rela­ti­ve­ment isolé­ment, chacune sur un unique enjeu ou un unique produit dédié.

    Pour des star­tup et socié­tés de taille raison­nable, je vois plus de dérives que de béné­fices. Certaines ressources sont parta­gées ou sous-dimen­sion­nées, il y a plus de produits à gérer que d’équipes dispo­nibles et les enjeux qui arrivent sont répar­tis sur chaque équipe en fonc­tion des dispo­ni­bi­li­tés.

    Cette orga­ni­sa­tion matri­cielle revient rapi­de­ment à guider chaque équipe via sa propre road­map et faire du puzzle dans les back­log pour remplir chaque itéra­tion. Les équipes se marchent sur les pieds, les ressources centrales sont surchar­gées, les product owners bataille­ment pour avoir la prio­rité — ou pour comprendre laquelle est-ce — et chacun est écar­telé entre plusieurs demandes contra­dic­toires dont aucune ne cadre parfois avec sa valeur ajou­tée person­nelle.

    Vous connais­sez le « ce projet est prio­ri­taire, mais n’ou­bliez pas que [l’autre] est tout aussi urgent et qu’on ne peut pas manquer la date de [celui dont on parlait la semaine dernière] ou arrê­ter de travailler sur [la tâche de fond] pour autant » ? Tout est prio­ri­taire, parce que tout est sur une road­map d’une des équipes ou d’un des grands enjeux, ou un sujet d’at­ten­tion de tel ou tel direc­teur, et qu’on s’est entraî­nés à ne pas prio­ri­ser les sujets entre eux.

    Souvent ça se traduit par lancer plein de projets en paral­lèle à l’in­té­rieur même de chaque équipe, puis les lais­ser en sommeil avant de les finir.

    Là dedans les projets trans­ver­saux sont à élimi­ner parce qu’ils occupent les ressources des diffé­rentes road­map. On a à la fois l’im­pres­sion de ne pas assez inves­tir et d’y passer trop de temps, parce que les équipes tentent de faire tout à la fois, parfois en sous-marin.


    Mon modèle idéal ne ressemble pas à celui de Spotify, du moins pas quand l’en­vi­ron­ne­ment ne repré­sente qu’une poignée d’équipes et qu’elles jonglent chacune avec plusieurs projets et produits. J’ima­gine, à l’ins­tar des tribes de Spotify, que sur des envi­ron­ne­ments plus impor­tants il suffit géné­ra­le­ment de décou­per en mini socié­tés mais je n’ai pas envie de trop m’avan­cer sur ce point.

    Dans chaque société où je suis passé, le moment le mieux vécu à la fois par la direc­tion et par les sala­riés, de très loin, est celui où tout le monde a travaillé en même temps sur la même prio­rité.

    Tout le monde. Réel­le­ment, équipes support, marke­ting et direc­tion inclus. Je ne parle pas ici que de la R&D.

    Mon modèle c’est un gros kanban, idéa­le­ment avec un mini­mum de colonnes — souvent trois suffisent. S’il fallait cari­ca­tu­rer, je préfère faire un kanban de kanban qu’un tableau de kanban à plusieurs dimen­sions

    Graphique de John Cutler, sur twit­ter

    Le kanban global c’est une prio­ri­sa­tion commune, c’est permettre à quelqu’un de travailler sur le sujet le plus impor­tant où il appor­tera quelque chose plutôt que là où c’est indiqué dans le joli puzzle construit de façon macro.

    Tout le monde n’est pas perti­nent sur tous les sujets, mais chacun connait l’or­don­nan­ce­ment des sujets. Chacun sait qui est prio­ri­taire s’il y a un coup de main à donner ou une ressource à mono­po­li­ser. Chacun peut visua­li­ser où il est le plus perti­nent sans se repo­ser sur des comi­tés de pilo­tage et autres respon­sables projet pour faire proxy.


    On reprend les clas­siques. Une file de grands et petits enjeux, prio­ri­sés sans jamais deux projets au même niveau. Oui c’est compliqué, d’au­tant plus qu’il va falloir prio­ri­ser entre eux des enjeux marke­ting et des enjeux R&D, mais ne pas le faire c’est juste se bander les yeux. Avan­cer c’est choi­sir.

    Pas besoin de lancer des études sur ces sujets, pas besoin d’es­ti­ma­tions détaillée de charges ou de délais. On n’en fait que le strict néces­saire à savoir les prio­ri­ser.

    Je n’ai même pas besoin de savoir si quelque chose est faisable pour le prio­ri­ser. S’il s’avère que ce n’est pas faisable et bien on réagira quand on le saura, soit en reti­rant l’enjeu soit en prio­ri­sant une recherche d’al­ter­na­tive. Entre temps avan­cer dessus est ou n’est pas la prio­rité.


    Sur chaque sujet ouvert, on a un joli petit kanban habi­tuel limité aux inter­ve­nants qui permet de suivre et pilo­ter le projet.

    L’idée c’est de gérer le nombre d’enjeux en gardant un degré de liberté suffi­sant. Il faut que le nombre de sujets ouverts soit trop restreint pour que tout le monde ait une affec­ta­tion effi­cace.

    Les quelques uns qui ne sont pas sur un des sujets en cours feront avan­cer les tâches de fond, le support, la docu­men­ta­tion, les explo­ra­tions, les réso­lu­tions d’ano­ma­lie, l’ad­mi­nis­tra­tif… tout ce qui est essen­tiel mais qui ne se forma­lise pas en tant que tel.

    C’est ce qui va permettre aux gens de ne pas être quelque part par besoin mais parce que c’est là qu’ils sont le plus perti­nent. C’est aussi ce qui va permettre que l’équipe d’un projet qui se ferme ne soit pas forcé­ment la même que celle du sujet qui s’ouvre pour le rempla­cer.

    Enfin, comme dans toute gestion de back­log, c’est la limite qui va forcer les gens à avan­cer, à colla­bo­rer et à clôtu­rer les sujets.


    Mais alors pourquoi est-ce j’ai dit mettre encore partout ce vieux modèle Spotify ?

    Parfois ça reste ce qui est adapté aux besoins mais souvent c’est surtout que pour mettre en place le grand Kanban il faut que les gens soient prêts.

    Il faut que les colla­bo­ra­teurs soient prêts à aban­don­ner leurs habi­tudes, à s’im­pliquer là où ils sont néces­saires même si ça ne les botte pas toujours sans qu’on ne vienne les cher­cher. Il faut que tout le monde soit impliqué à prendre des respon­sa­bi­li­tés.

    Mais surtout il faut que la direc­tion soit prête à lâcher les road­map puzzle, à assu­rer son rôle de prio­ri­sa­tion. Il faut qu’elle soit prêt à lâcher le côté rassu­rant des plan­nings détaillés et des affec­ta­tions de ressources pour passer sur un pilo­tage par le produit et les besoins.

    Pire, il faut que le mana­ge­ment soit prêt à lâcher le contrôle et faire confiance. Toute l’or­ga­ni­sa­tion se base sur l’idée que chacun va choi­sir où aller en fonc­tion des besoins et de la colla­bo­ra­tion. Il faut tuer dans l’œuf toute idée de chef d’or­chestre qui va bouger ses pions avec suffi­sam­ment d’agi­lité.

    Bref, il faut que tout le monde soit prêt à chan­ger radi­ca­le­ment. Quand tout va bien on ne voit pas trop l’in­té­rêt (à raison). Quand ça commence à aller mal on prend rare­ment le risque, d’au­tant que la confiance néces­saire est souvent en perdi­tion à ce moment là.

    Au mini­mum il faut un mandat pour tout chan­ger, et la confiance qui va avec.

  • Une liseuse pour la nouvelle année 2019

    Ça fait plusieurs fois que je dis « c’est le dernier billet à ce sujet ». Je n’ai plus toujours en main toutes les liseuses qui sortent, et pas toujours pour y lire plusieurs romans, or lire un livre ça n’est pas le même ressenti que jouer avec un gadget pendant une demi-heure.

    Et pour­tant, on me pose encore la ques­tion et je n’ai pas trouvé de texte en ligne à jour avec une analyse sérieuse des liseuses. Faute de mieux, je préfère écrire ici ce que je sais plutôt que de lais­ser les gens lire moins informé ailleurs.

    Recom­man­da­tion confort

    Ma recom­man­da­tion par défaut c’est la TEA Touch HD Plus. La robe bronze est peu discrète mais on a une bonne liseuse 6″ inter­opé­rable avec un bon logi­ciel de lecture, une librai­rie française pour les achats, et le meilleur écran du marché ainsi qu’un très bon éclai­rage. 149 € mais il n’y a aucun risque de se trom­per en prenant celle là.

    L’équi­valent chez Kobo est la Clara HD. Le confort de lecture (écran, éclai­rage, rendu logi­ciel) est simi­laire. J’ai tendance à préfé­rer la TEA sur la posi­tion des touches pour chan­ger les pages, la présence de boutons physiques dans certaines situa­tions, et pour quelques détails d’in­té­ro­pé­ra­bi­lité.

    En face vous trou­ve­rez aussi la Cybook Muse HD et la Kobo Aura H2O. Toutes deux sont de très bonnes liseuses de l’an­née dernière donc ne seront pas des mauvais choix mais elles n’offrent pas vrai­ment d’avan­tage par rapport aux deux déjà citées, pas même sur le prix, tout en ayant un système d’éclai­rage avec une géné­ra­tion de retard.

    Premier prix quali­ta­tif

    Si c’est une ques­tion de prix, on trouve encore des TEA Touch Lux 3 à 100 €. L’écran et l’éclai­rage datent de la géné­ra­tion précé­dente mais ça reste une bonne liseuse de qualité.

    J’ai quand même envie de parler ici de la Bookeen Saga. On est sur une gamme simi­laire à la TEA Touch Lux 3 mais avec une couver­ture inté­grée à un boitier plas­tique agréable. L’en­semble fait moins « sérieux » mais est très réussi à l’usage. Le prix la met plutôt en confron­ta­tion du haut de gamme TEA Touch Lux HD Plus mais il faut comp­ter qu’elle intègre une couver­ture qui s’achète sépa­ré­ment pour une ving­taine d’eu­ros sur les autres modèles

    Toutes les liseuses quali­ta­tives vendues en France l’ont toujours été à partir de 100 €. C’est encore vrai cette année et je décon­seille de descendre en dessous de ce palier. Ça n’a aucun inté­rêt si c’est pour finir par ne pas l’uti­li­ser.

    En face vous trou­ve­rez aussi la Kobo Aura édition 2, la Cybook Muse Front­light 2 et la TEA Touch Lux 4. Toutes trois sont très simi­laires à la Touch Lux 3 mais aucune ne justi­fie à mes yeux les 20 € supplé­men­taires qu’elles demandent. D’au­tant que quitte à se rappro­cher du prix de la Touch Lux HD Plus, autant prendre cette dernière.

    Haut de gamme 8″

    Malgré son prix raison­nable, vous ne trou­ve­rez pas meilleure liseuse 6″ que la TEA Touch HD Plus citée en haut de billet.

    Si vous utili­sez votre liseuse de façon séden­taire ou si la taille de l’écran est un vrai critère, vous pouvez toute­fois loucher vers la Kobo Forma ou la Kobo Aura One (*). Les écrans et éclai­rages sont top et vous béné­fi­ciez d’une surface de 8″ plus proche d’un livre grand format que d’un livre de poche. Les prix sont par contre en consé­quence et on monte entre 230 et 280 €. Ça commence à faire cher même pour du haut de gamme.

    (*) Je parle de la Kobo Aura One, j’in­siste, pas la Kobo Aura édition 2, qui est une liseuse simi­laire à la Touch Lux 3 mais pour plus cher.

    En face vous aurez aussi l’Ink­pad 3 de TEA. Je n’ai pas assez joué avec pour avoir un avis quali­fié mais elle m’a moins convaincu et les géné­ra­tions d’Ink­pad précé­dentes ne justi­fiaient à mon avis pas ce prix. À ces montants je joue la sécu­rité, sinon autant rester sur la Touch Lux HD Plus.

    Ça vaut le coup ?

    Le confort d’avoir ses livres partout avec soi, de les sortir faci­le­ment, de ne pas avoir 3 kg dans la valise, de pouvoir régler la taille des carac­tè­res… Je ne connais pas tant de monde qui soit revenu en arrière après avoir utilisé une liseuse de qualité pour quelques romans.

    C’est un budget mais ça finit par se rembour­ser sur le prix des livres (comp­tez envi­ron 20% de moi,s), sans comp­ter le fait que vous achè­te­rez proba­ble­ment aussi des livres diffé­rents moins cher que les nouveau­tés grand format des librai­ries, voire que vous télé­char­ge­rez gratui­te­ment des clas­siques libres de droits ou des livres numé­riques depuis le site de votre biblio­thèque muni­ci­pale.

    Mon seul critère : Une liseuse de qualité avec éclai­rage. Les gens que j’ai vu aban­don­ner leur liseuse sont surtout des gens qui avaient eu un modèle bas de gamme. Si c’est pour que l’ex­pé­rience soit mauvaise, que la liseuse reste au placard, mieux vaut ne rien ache­ter.

    Et les autres marques ?

    Je fuis Kindle qui ne présente pas l’in­te­ro­pé­ra­bi­lité mini­mum et qui n’est désor­mais avan­ta­geux ni côté qualité ni côté prix.

    Il y a d’autres marques, en géné­ral c’est de l’im­port avec un SAV que je ne connais pas. Sauf excep­tion on est sur une qualité maté­rielle et logi­cielle signi­fi­ca­ti­ve­ment plus faible que les trois marques que je mets en avant ici (Kobo, TEA, Bookeen).

    Pas de secret : Les marges ne sont pas énormes sur les ventes de liseuses. Ceux qui arrivent à s’en sortir jouent à la fois sur les volumes de vente et le fait de prendre une commis­sion sur les livres ache­tés via l’ap­pa­reil. Pour offrir un prix concur­ren­tiel, il faut sinon rogner signi­fi­ca­ti­ve­ment sur les compo­sants et sur l’as­sem­blage.

    Et enfin, je le dis pour ceux qui lisent mes recom­man­da­tions pour la première fois : Fuyez les tablettes LCD qui se font passer pour des liseuses. Le confort de lecture à l’écran n’a rien à voir, l’au­to­no­mie non plus.

  • De la démo­cra­tie en France

    Démo­cra­tie : Régime poli­tique, système de gouver­ne­ment dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’en­semble des citoyens.

    TLFi, via le CNRTL

     

    Le terme démo­cra­tie (du grec ancien δημοκρατία / dēmo­kratía, combi­nai­son de δῆμος / dêmos, « terri­toire » (de daies­thai, « parta­ger ») puis « peuple », et kratein, « comman­der »), désigne le plus souvent un régime poli­tique dans lequel les citoyens ont le pouvoir.

    Wiki­pe­dia

    Sommes-nous (vrai­ment) en démo­cra­tie ?

    Si vous avez déjà lu quelque chose à ce sujet en dehors de la télé­vi­sion, des discours poli­tiques et des livres d’école, vous savez déjà que non. On peut argu­men­ter que nos systèmes sont les plus perti­nents qu’on ait imaginé jusqu’a­lors, qu’une démo­cra­tie pure est irréa­li­sable ou non souhai­table, mais le fait est que nous nous n’en sommes pas une. Il n’y a d’ailleurs pas grand débat à ce sujet.

    Que nous nous dési­gnions régu­liè­re­ment de démo­cra­tie repré­sen­ta­tive n’y change rien. Les régimes marxistes-léni­nistes se dési­gnaient sous le terme de démo­cra­tie popu­laire, et la Chine comme la Corée du nord se voient toujours comme telles. On peut se gaus­ser mais ça montre bien que le nom qu’on se donne ne vaut que pour les beaux discours, et au moins démo­cra­tie popu­laire a le bon goût de ne pas rele­ver de l’oxy­more. On ne peut pas en dire autant chez nous.


    Une déci­sion peut-elle être prise quand bien même il appa­rait clair que le peuple ou sa majo­rité est contre ? À l’in­verse, quand il appa­rait clair que le peuple souhaite une déci­sion donnée, est-il possible qu’elle ne soit pas prise ?

    S’il est possible de répondre oui à une des deux ques­tions, alors le peuple n’a pas vrai­ment le pouvoir. Le reste n’est qu’ar­gu­men­ta­tion pour éviter de regar­der la vérité en face.


    S’ils ne peuvent être pris comme des sources de vérité abso­lue et que chaque ques­tion porte ses propres biais, les insti­tuts de sondages nous montrent quand même des exemples à loisir. Dans les discus­sions préa­lables à ce billet, on m’a par exemple rappelé que s’il avait fallu suivre l’opi­nion du peuple, nous n’au­rions proba­ble­ment pas mis fin à la peine de mort en 1981.

    Dans l’es­sen­tiel des démo­cra­ties occi­den­tales, le peuple n’a éven­tuel­le­ment le pouvoir qu’au moment des élec­tions. Ensuite il le confie à des élus qui en jouissent jusqu’à la prochaine élec­tion. Le peuple lui-même n’a de pouvoir qu’une jour­née de temps en temps, et encore : En France il n’a quasi­ment le pouvoir que de choi­sir à qui le confier, ou de répondre à des ques­tions que d’autres auront choisi de lui poser. Diffi­cile de prétendre que le peuple exerce le pouvoir.

    En fait les systèmes élec­to­raux français sont tels que même lors des élec­tions, même en se restrei­gnant au choix des élus, il est diffi­cile d’af­fir­mer que le choix réalisé repré­sente le peuple.

    Plus que de savoir si nous en sommes une, ce qui m’in­ter­pelle est plutôt de savoir si nous voulons en être une. Moi oui, mais je suis loin d’être certain que cette opinion soit parta­gée.

    Voulons-nous (vrai­ment) de la démo­cra­tie ?

    Vous avez d’un côté un diri­geant éclairé avec une vision pour l’ave­nir. Il est accom­pa­gné d’un groupe d’ex­perts qui travaille avec le terrain pour élabo­rer ce qu’ils pensent être les meilleures déci­sions. Parfois ils peuvent se trom­per, parfois ils ne voient pas la réalité du terrain, parfois le choix dépend aussi ou surtout des valeurs du diri­geant ou des experts, mais prenons pour hypo­thèse que cet ensemble recherche et tend vers les meilleures déci­sions.

    De l’autre côté vous avez le peuple et un moyen d’ex­pri­mer collec­ti­ve­ment notre déci­sion. Parfois il est diffi­cile de déga­ger une volonté dans un ensemble complexe d’opi­nions et il peut même y avoir des erreurs. Parfois le peuple prend une déci­sion sans en comprendre les tenants et abou­tis­sants, change avec le temps, voire se fait mani­pu­ler, mais prenons pour hypo­thèse qu’un moyen d’ex­pres­sion permet d’ex­pri­mer au mieux possible notre déci­sion collec­tive.

    S’il y a désac­cord, qui souhai­tez-vous suivre ?

    Dit autre­ment et en cari­ca­tu­rant, préfé­rez-vous une prison dorée ou un enfer libre ? La démo­cra­tie c’est l’en­fer libre. C’est peut-être prendre les mauvaises déci­sions mais pouvoir en déci­der nous.


    Le futur selon #GiletsJaunes?#RIC:Réfé­ren­dum d’ini­tia­tive citoyenne 2019
    ??Suppres­sion de la #CSG:89% de oui
    ??Camps de réten­tion des fichés S:72% de oui
    ??Aucune limi­ta­tion de vitesse:65% de oui
    ??Réta­blis­se­ment de la peine de mort:61% de oui
    ??Démis­sion de #Macron:55% de oui

    — Olivier Duha­mel (@o_duha­mel) 15 décembre 2018

    Moi aussi les réponses à ces sondages me font peur. Elles ne sont repré­sen­ta­tives que des sondés mais je ne suis pas forcé­ment convaincu que toutes les réponses seraient diffé­rentes pour un réfé­ren­dum natio­nal. Je suis pour­tant person­nel­le­ment très inquiet par le courant qui veut que le peuple soit trop igno­rant ou trop imbé­cile pour déci­der lui-même de son avenir et qu’il faut qu’un élite décide à leur place.

    En creux dans les propos cités, on dit qu’une mino­rité de 10 à 40% a raison et doit garder le pouvoir pour que surtout les choix de la majo­rité ne soient pas exécu­tés. Bien évidem­ment c’est cette même mino­rité qui s’érige en juge et décide de quels propos sont justes et de quels propos sont dange­reux. Son seul droit à le faire c’est qu’elle est déjà au pouvoir, depuis bien long­temps.

    Plus que les réponses au sondage, ce sont les propos du respon­sable LREM qui me font peur. Il est en train de justi­fier qu’il faut que lais­ser les gouver­nants gouver­ner seuls parce que seuls eux ont une opinion valable, et surtout pas lais­ser le peuple déci­der. On est à la limite de souhai­ter une dicta­ture éclai­rée.

    Que la poli­tique actuelle les favo­rise depuis long­temps ne doit être qu’une coïn­ci­dence, ne croyez-vous pas ? Eux-même sont proba­ble­ment les premiers à trai­ter les anciens régimes commu­nistes de détes­table dicta­ture alors que c’est la mise en appli­ca­tion la plus pure de ces prin­cipes là : Une qui élite dirige le peuple en son nom. La seule diffé­rence c’est que ce n’est pas la même élite qui est au pouvoir.


    Moquez-vous si vous voulez des gouver­nants anglais qui tentent contre vents et marées d’exé­cu­ter la sortie de l’Eu­rope malgré tout ce que cela va leur coûter, mais quelque part ils auraient des leçons de démo­cra­tie à nous donner.

    De notre côté, après le « non » au réfé­ren­dum sur le traité établis­sant une consti­tu­tion pour l’Eu­rope (Rome II), nos élus ont acté ensuite le traité de Lisbonne qui conte­nait grosso modo la même chose refor­mulé autre­ment (sans réfé­ren­dum cette fois). Peut-être était-ce la meilleure déci­sion — je vous en laisse juge — mais c’est large­ment discu­table du point de vue démo­cra­tique. En France nous glori­fions même l’idée du gouver­nant vision­naire et ferme, qui sait prendre des déci­sions impo­pu­laires. Impo­pu­laire ça veut aussi dire « contre la volonté du peuple ». En terme de démo­cra­tie ça se pose là.

    Tout au plus on peut se deman­der si le peuple du Royaume Uni n’a pas changé d’avis depuis son vote pour le Brexit. C’est d’ailleurs là un point inté­res­sant. Nos systèmes sont faits pour assu­rer une stabi­lité et pouvoir mettre en œuvre des poli­tiques cohé­rentes qui se déploient mal s’il faut systé­ma­tique­ment chan­ger de direc­tion. Mais du coup, si le peuple ne peut pas chan­ger de direc­tion, exerce-t-il encore le pouvoir ?

    Amélio­rer (vrai­ment) la démo­cra­tie française

    À défaut de parler de démo­cra­tie directe, ou de la vouloir, la France est quand même très loin du concept de démo­cra­tie. Trop loin même.

    Au mini­mum, ce qu’il manque est un système permet­tant au peuple de s’ex­pri­mer quand il le souhaite. Il y en a trois simples : 1– La possi­bi­lité de révoquer des gouver­nants, 2– Les réfé­ren­dums ou déci­sions d’ori­gine popu­laire, et 3– le renou­vel­le­ment court des mandats.


    La révo­ca­tion des mandats permet­trait au peuple de chan­ger d’avis ou de mettre fin à un élu qui agirait autre­ment que ce qui était prévi­sible au moment des élec­tions. Ça semble du bon sens mais c’est aussi assez risqué. Il est facile de fédé­rer contre un élu, mais pas forcé­ment d’avoir un consen­sus pour un remplaçant.

    La révo­ca­tion n’a pour moi de sens qu’au sein d’une assem­blée propor­tion­nelle et pour toute l’as­sem­blée dans son ensemble, ou alors excep­tion­nel­le­ment à titre indi­vi­duel mais alors avec un quorum extrê­me­ment élevé, genre 50% des élec­teurs, ou 2/3 des votants (blancs inclus).


    Le vrai enjeu est proba­ble­ment celui des réfé­ren­dums d’ori­gine popu­laire. Vous vous souve­nez de mes deux ques­tions pour défi­nir une démo­cra­tie ? Ça se résume en « si la volonté du peuple est claire, est-elle suivie ? » Le réfé­ren­dum d’ori­gine popu­laire est unique­ment ça, forma­li­ser une volonté claire, et la rendre exécu­table. Toute la diffi­culté c’est de défi­nir qui et sous quelles condi­tions peut lancer un tel réfé­ren­dum.

    La voie qui semble être prise en ce moment est qu’il faut que ça vienne des dépu­tés – ce qui inva­lide tout le propos démo­cra­tique – et que les soutiens popu­laires se fassent de façon publics – ce qui pose bien d’autres problèmes de vie privée et de liberté de conscience pour les plus expo­sés.

    Il y a encore beau­coup de choses à imagi­ner. C’est faisable mais ça va être long à s’im­po­ser telle­ment notre classe diri­geante a peur de lais­ser la main directe au peuple.

    le droit de vote c’est dange­reux (1789)
    le suffrage univer­sel c’est dange­reux (1848)
    le bulle­tin secret c’est dange­reux (1851)
    le parle­men­ta­risme c’est dange­reux (1875)
    le vote des femmes c’est dange­reux (1945)
    le réfé­ren­dum d’ini­tia­tive citoyenne c’est dange­reux (2018)

    Jean Massiet (@JeanMas­siet) 17 décembre 2018

    Pour ceux qui ont vrai­ment trop peur de lais­ser le peuple s’ex­pri­mer, on peut commen­cer par avoir une capa­cité de refe­ren­dum d’ori­gine popu­laire unique­ment sur de la censure (marquer le refus à une loi ou une mesure qui vien­drait d’être votée). Ça permet­trait unique­ment de refu­ser une évolu­tion contre l’ac­cord du peuple. Pas grand danger à part celui d’un status quo mais si on appré­cie un mini­mum l’idée de démo­cra­tie il serait logique de ne pas pouvoir impo­ser quelque chose de nouveau au peuple si ce dernier arrive à expri­mer son désac­cord.


    Le renou­vel­le­ment des mandats a l’air tota­le­ment irréa­liste mais c’est ce qui me semble le plus viable à court terme. Par le passé nous avions le Sénat qui fonc­tion­nait ainsi : mandat de neuf ans renou­ve­lable par tiers. Imagi­nez un vote perma­nent, tous les six mois, pour renou­ve­ler 1/8ème de l’As­sem­blée natio­nale. Nos dépu­tés garde­raient un mandat de 4 ans, leur permet­tant d’ap­prendre et se montrer effi­caces. Le renou­vel­le­ment par (petite) partie permet de ne pas reprendre tout à zéro en perma­nence, tout en permet­tant à la popu­la­tion de chan­ger la repré­sen­ta­tion natio­nale progres­si­ve­ment en cours d’ac­tion.

    Par là le peuple met même une pres­sion perma­nente sur les élus natio­naux, avec la crainte de perdre ou gagner des sièges s’ils prennent des déci­sions impo­pu­laires (c’est à dire « contre le peuple »). Non seule­ment on permet au peuple d’in­fluen­cer sa repré­sen­ta­tion en conti­nue, mais en plus on donne un peu plus de pres­sion pour que cette repré­sen­ta­tion prenne en compte l’avis du peuple. Ça ne corrige pas tout, mais c’est déjà ça.

    Et, bien évidem­ment, pour que ça fonc­tionne, il faudra quit­ter notre système majo­ri­taire à deux tours découpé par circons­crip­tion et passer par des listes natio­nales (même si rien n’em­pêche de mettre des règles complexes assu­rant une repré­sen­ta­ti­vité aux diffé­rents terri­toires et d’en faire sortir des élus locaux). Si on peut en profi­ter pour que ça passe par de la propor­tion­nelle ce serait encore mieux d’un point de vue démo­cra­tique mais on peut tout à fait passer à du renou­vel­le­ment continu sans ça.

  • 100 € de plus par mois en 2019

    Notre président annonce que les sala­riés au SMIC auront 100 € de plus par mois dès janvier 2019. Je prends la plume par ce que cette histoire me met hors de moi.

    Alors déjà je conchie très forte­ment tous les édito­ria­listes et poli­tiques qui disent que 100 € par mois ce n’est rien. 100 € par mois pour quelqu’un au smic c’est juste énorme. Vu le niveau de dépenses contraintes, ça peut être la diffé­rence entre une fin de mois diffi­cile et une fin de mois où on épargne un peu. Ça peut aussi ne pas couper le chauf­fage ou pouvoir faire un cadeau sympa au gamin à Noël. Critiquer 100 € par mois montre une décon­nexion que même Emma­nuel Macron n’a jamais affi­ché.

    Le problème est ailleurs. Atten­tion c’est long mais ça fait mal.

    Mise à jour : Quand on se plante il faut le dire. C’est donc dit (et je me suis bien planté, d’au­tant en plus ça a beau­coup été diffusé rapi­de­ment sans que personne ne me corrige).
    Il y a un joli effet d’an­nonce qui ne me plait pas de la part de l’Ély­sée mais ce n’est pas malhon­nête au point que j’ai initia­le­ment décrit. Pas plus que d’or­di­naire dans les commu­ni­ca­tions poli­tiques quoi (*) 

    Il reste que très peu de gens vont voir cette augmen­ta­tion de 100 €. Entre autres :

    • 20 € concernent l’aug­men­ta­tion légale du SMIC pour rattra­per l’in­fla­tion, sans coup de pouce. Oui il y aura 20 € nets de plus sur la fiche de salaire de janvier 2019. Non ça ne repré­sente aucun pouvoir d’achat supplé­men­taire par rapport à janvier 2018 (en fait c’est le contraire, c’est tous les autres mois de 2018 où il y a eu une perte de pouvoir d’achat à cause de l’in­fla­tion).
    • 20 € concernent la baisse des coti­sa­tions sala­riales. Ce ne sera pas valable pour tout le monde (coucou mes amis du public ?)
    • Enfin 30 + 20 + 20 € viennent d’une anti­ci­pa­tion d’aug­men­ta­tion de la prime d’ac­ti­vité. C’est le montant maxi­mum de la hausse avant appli­ca­tion des coef­fi­cients pour les personnes à charge. Si vous gagnez plus que le SMIC ou si le conjoint a aussi des reve­nus, ça peut vite bais­ser ou passer à zéro. 
      L’aug­men­ta­tion était déjà actée et on ne fait que l’an­ti­ci­per. C’est surtout qu’elle était en échange d’un gel de l’ali­gne­ment sur l’in­fla­tion sur 3 ans. J’ai toujours consi­déré qu’an­non­cer un plan­ning de hausse de la main droite tout en gelant l’ali­gne­ment sur l’in­fla­tion de la main gauche était de la commu­ni­ca­tion malhon­nête, même si le solde est posi­tif. À une infla­tion de 2% par an vous pouvez consi­dé­rer que vous perdrez ensuite quelque chose comme 4 € par an à euros constants.

    Annoncé
    À € constant
    Nouveau ?
    SMIC + 1,8%
    + 20 €
    0 €
    non
    baisse coti­sa­tions sociales
    + 20 €
    + 20 € pour le privé
    non
    hausse prime acti­vité
    + 70 €
    + 70 € gelés 3 ans
    anti­cipé

    On me signale toute­fois que la prime d’ac­ti­vité est prise en compte dans le calcul des APL donc que pour ceux qui béné­fi­cient d’APL (géné­ra­le­ment ce sont les mêmes) l’aug­men­ta­tion réelle pour­rait donc être en partie compen­sée par une dimi­nu­tion des APL.
    À véri­fier, je veux bien une confir­ma­tion sour­cée de quelqu’un qui connait le sujet.

    (*) L’er­reur de calcul était sur la prime d’ac­ti­vité (ceux qui ont exploré les modes de calcul de cette prime compren­dront). L’aug­men­ta­tion d’oc­tobre a été plus faible en ce qu’elle compre­nait en même temps un chan­ge­ment de taux. J’ai (bête­ment) repro­duit ce même calcul pour toutes les années alors que le taux ne change évidem­ment qu’une seule fois.


    L’ef­fet kiss cool c’est toute­fois qu’on conti­nue dans l’idéo­lo­gie de la « valeur travail » : On ne cible que les gens avec un emploi. On préfère conti­nuer à croire que s’il y a du chômage c’est parce que les gens ne veulent pas travailler, et donc qu’il faut récom­pen­ser ceux qui ont trouvé un emploi.

    On ne change rien à la répar­ti­tion travail/capi­tal vu que ce qu’on donne sera pris sur le budget public et donc les impôts (et pan les gilets jaunes qui mili­taient en grande partie contre la pres­sion fiscale et le trop de taxes), mais aucun effort parti­cu­lier n’est demandé aux entre­prises. On (nos impôts) est en train de spon­so­ri­ser les travailleurs bons marché auprès des entre­prises.

  • Et mes données person­nelles ?

    Spotify accé­dant d’une part à tes données et d’autre part à la météo, il ajuste ses play­lists au temps qu’il fait. (Je vais vomir, je reviens.)

    C’est la grande contra­dic­tion des données person­nelles.

    Bien sûr que je veux que mes appli­ca­tions utilisent mes données person­nelles. Elles sont là pour auto­ma­ti­ser ou me simpli­fier la vie et tout ce que je fais avec est person­nel, donc touche par défi­ni­tion des données person­nelles.

    Je choi­sis effec­ti­ve­ment mes listes de lecture en fonc­tion du temps qu’il fait, de l’heure de la jour­née, de si je suis au travail ou pas. Je peux limi­ter mon lecteur audio au contenu de mes diffé­rentes listes de lecture (c’est déjà sacré­ment person­nel) et inter­ve­nir à la main pour choi­sir la bonne liste en fonc­tion du temps mais pourquoi refu­se­rais-je une auto­ma­ti­sa­tion du mode par défaut ?

    Au contraire, j’ai­me­rais même qu’il tente de regar­der quelles appli­ca­tions j’uti­lise et à quelle vitesse je frappe au clavier pour me lancer quelque chose de repo­sant (réflexion) ou de dyna­mi­sant (exécu­tion) suivant les cas. J’ai­me­rais qu’il détecte si je suis chez moi ou à l’ex­té­rieur, en dépla­ce­ment ponc­tuel ou en congés, etc.

    Plus mes logi­ciels prennent en compte de données, plus ils pour­ront me propo­ser quelque chose d’éla­boré et m’épar­gner du boulot. Tant mieux.

    J’ai l’im­pres­sion qu’en se battant contre ça on se trompe de combat.


    L’enjeu pour moi n’est pas que mes logi­ciels ou des services en ligne utilisent mes données person­nelles, c’est de comprendre ce qu’ils font pour éviter d’être assujetti à un algo­rithme.

    Oui je mets une musique diffé­rente en plein soleil et par jour de pluie, mais je ne veux pas non plus que le logi­ciel finisse par me faire dépri­mer chaque fois qu’il pleut. Oui j’ai­me­rais bien que mon lecteur d’ac­tua­lité me montre le plus impor­tant en premier mais ce qu’il va choi­sir ou non va forcé­ment impac­ter mon atten­tion et ma compré­hen­sion du monde.

    Les auto­ma­ti­sa­tions ont une influence énorme. J’ai besoin que les auto­ma­ti­sa­tions faites soient expli­ci­tées et expliquées, idéa­le­ment désac­ti­vable. C’est vrai de façon géné­rale mais encore plus si ça met en jeu mes données person­nelles.


    La vraie diffi­culté elle est surtout au niveau de la confiance. Si j’au­to­rise Spotify à utili­ser ma géolo­ca­li­sa­tion ils risquent aussi de stocker un histo­rique chez eux. Là c’est poten­tiel­le­ment une donnée plus sensible, surtout si elle fuite. Ils risquent d’uti­li­ser tout ça pour de la publi­cité, pour complé­ter mon profil auprès de tiers, ou pour je ne sais quoi d’autre.

    Résul­tat : Je ne partage pas. Ni ma géolo­ca­li­sa­tion, ni (surtout pas) mes contacts. Je refuse quasi­ment tout ce que je peux sur les auto­ri­sa­tions de mon Android. Manque de confiance.

    Mon problème n’est pas dans l’uti­li­sa­tion des données person­nelle, il est dans leur contrôle. Si j’avais un moyen d’avoir un enga­ge­ment raison­nable du type « j’uti­lise tes données person­nelles mais elles sont stockées en local chez toi, je ne les exporte jamais à des tiers et je ne les croise jamais avec celles de tiers » je signe­rais la plupart du temps.

    Bref, une ques­tion de confiance. Ma confiance en Spotify est limi­tée — comment en n’im­porte quelle société basée au moins partiel­le­ment sur l’af­fi­chage de publi­cité ciblée et donc sur le profi­lage des utili­sa­teurs — mais je peux diffi­ci­le­ment repro­cher à Spotify le manque de confiance que moi-même je lui porte.

  • Une histoire de dépen­dances

    Le main­te­neur d’un paquet NPM n’a plus eu envie et a donné la main à un tiers. Ce tiers a injecté un code mali­cieux dans une version publique et poten­tiel­le­ment infecté pas mal de monde. Ça n’a été détecté qu’au bout de deux mois et demi alors que le paquet est utilisé un peu partout.


    J’en vois qui lancent des blâmes ou qui se moquent sur l’ac­tua­lité du paquet NPM mali­cieux. Ça défoule mais : Faites-vous mieux ? Permet­tez-moi d’en douter très très forte­ment.

    Le moindre projet React, Symfony ou Rails, c’est une centaine de dépen­dances directes et indi­rectes, certaines proviennent de sources dont vous n’avez jamais entendu parler. J’ai listé trois frame­works mais c’est bien la même chose sur les autres langages/tech­nos.

    C’est bien le sujet : Sauf si vous avez la taille d’un Face­book/Google ou la criti­cité d’un Thalès ou d’un état, vous n’avez ni les moyens de passer des années-homme à tout reco­der en interne, ni les moyens d’au­di­ter chaque source à chaque mise à jour (si tant est que ça suffise).

    Même ceux que j’ai nommé, je ne suis pas certains qu’ils le fassent toujours, sur tous les types de projet. Je suis même assez convaincu du contraire. Le ratio béné­fice/risque n’est juste pas assez impor­tant pour ça. Les moyens et les délais ne sont pas dimen­sion­nés pour.


    Alors moquez-vous, de ceux qui utilisent NPM, de ceux qui ne contrôlent pas l’en­semble des dépen­dances, mais vous ne faites proba­ble­ment pas mieux. Il y a pas mal d’hy­po­cri­sie dans les réac­tions que je vois passer.

    Ne blâmez pas non plus le main­te­neur d’ori­gine. Lui ne vous a jamais rien promis. C’est même dit expli­ci­te­ment dans la licence « aucune garan­tie d’au­cune sorte ». Ce n’est pas parce que d’autres utilisent son code gratui­te­ment qu’il aurait magique­ment des comptes à rendre. En fait avoir passé la main est plutôt quelque chose d’en­cou­ragé dans l’open source. S’il n’y avait pas eu cette issue, il aurait plutôt fallu le remer­cier.


    Alors quoi ? Alors rien.

    Le problème a été résolu. Si ça arrive trop souvent alors ça chan­gera le ratio béné­fice/risque et la commu­nauté évaluera le fait d’avoir trop de dépen­dances tierces un (tout petit) peu plus néga­ti­ve­ment, et ainsi de suite.

    La ques­tion inté­res­sante que personne ne semble poser c’est celle de l’hon­nê­teté du main­te­neur d’ori­gine. A-t-il vrai­ment passé la main ? et s’il l’a fait, est-ce qu’il en a tiré un béné­fice tout en soupçon­nant ce qui pouvait se passer ? C’est à peu près la seule chose qui pour­rait à mon sens lui faire porter une quel­conque respon­sa­bi­lité.