Nous refuserions certainement une loi qui oblige notre boulanger à nous demander notre carte d’identité et à noter qui achète quoi sur un carnet à destination des autorités.
Et pourtant aujourd’hui nous payons tout par carte bancaire. L’État diminue peu à peu les plafonds qui nous autorisent à payer en monnaie et supprime en même temps tous les moyens de paiement un minimum anonymes. Les paiements en ligne sont eux tous explicitement nominatif sous prétexte d’établir des factures systématiques.
Nous refuserions un fonctionnaire qui nous connait dans notre rue, qui note systématiquement qui entre ou sort de chez nous et à quelle heure, au cas où un jour il y a un vol ou une agression.
Et pourtant nous acceptons les caméras de surveillance et la majorité voit d’un bon œil l’arrivée de la reconnaissance faciale sur ces caméras.
Il y a encore quelques années nous aurions été horrifiés de devoir donner notre identité pour voyager autrement qu’à pieds.
Et pourtant aujourd’hui nous avons un contrôle d’identité fort pour prendre l’avion. Il est prévu que les billets de TGV ne soient plus anonymes. Même l’autostop est devenu nominatif via son remplacement par le covoiturage sur des plateformes en ligne.
Désormais l’espace public est devenu une terre de surveillance. La vie privée se réduit au domicile, et à condition de ne pas interagir par téléphone ou par internet.
On en est au point où nos élus trouvent dangereux qu’on puisse communiquer entre nous de façon sécurisée sans qu’ils ne puissent intercepter nos messages en clair.
On en est au point où on nous a fait acter que montrer son visage dans l’espace public était une mesure de vivre ensemble et pas de surveillance.
Tout ce que nous lisons, tous les gens que nous rencontrons, tout ce que nous achetons ou échangeons, toutes les conversations que nous avons en dehors de chez nous, tous les trajets que nous faisons, … tout ça est enregistré, nominativement, et peut être accessible à un État.
De l’autre côté du globe, on voit des piles de vêtements à différents endroits de la ville et des photos de manifestations bardées de lasers verts comme un spectacle de discothèque. Les lasers mettent en défaite la reconnaissance faciale. Les piles de vêtements permettent de se changer pour mettre en défaite le suivi et l’identification par vidéosurveillance après les manifestations.
De quoi donner à réfléchir.
Alors quand je vois San Francisco — ville probablement la plus à la pointe et composée des gens les plus au fait de ces technologies — s’interdire d’utiliser la reconnaissance faciale, ça fait peut-être sourire certains mais pour moi ça veut encore dire quelque chose.
Il serait peut-être temps de se rappeler pourquoi donner trop de pouvoir à l’État est dangereux, pourquoi c’est au citoyen de contrôler son État et pas l’opposé, pourquoi la vie privée et le secret des correspondances sont essentiels à la vie démocratique.
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