Il propose alors un système permettant aux citoyens soit de laisser faire leurs députés, soit de voter directement les lois sur Internet. Quand un citoyen s’exprime directement, sa portion de vote est décomptée à tous les parlementaires sans distinction. Il s’agit d’instaurer un droit de veto que « les citoyens exerceraient contre les lois qui leur portent préjudice. Ils obligeraient ainsi ceux qui dirigent et légifèrent à penser beaucoup plus à ce qu’ils vont faire, à faire des lois qui profitent à tous, sinon tout le monde s’y opposera ».
L’idée est intéressante en ce qu’elle permet la démocratie directe sans imposer à tout un chacun de se déplacer pour tout tout le temps. On assure aussi une gradation puisque le groupe qui a une opinion assez forte sur un sujet pour s’y exprimer directement a une influence plus forte que ceux qui laissent faire.
Il y a d’autres biais, comme sur-représenter ceux qui ont le temps de s’investir par rapport aux autres. Il y a d’autres problèmes, comme encourager les gens à exprimer une opinion rapide, donc souvent informée uniquement sur la base des caricatures ou des résumés portées dans les média.
Malgré ces défauts, l’idée reste séduisante. Ce n’est pas comme si le système actuel n’avait pas des défauts largement aussi grands. J’ai bon espoir que le regain de contrôle que prendraient les citoyens pourrait relancer un peu l’esprit politique, et donc contre-balancer ces défauts.
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Ce qui me gêne ce n’est pas tout ça, c’est que par la force des choses on imagine faire reposer toute la structure sur le vote électronique, encore une fois.
C’est vrai que c’est pratique mais aujourd’hui, en l’état de nos connaissances, le vote électronique peut garantir la sincérité du résultat ou le secret du vote, jamais les deux à la fois.
Là nous ne parlons pas d’un petit défaut mais d’un défaut majeur, de ceux qui font écrouler tout un système.
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Nous votons aujourd’hui dans une république relativement apaisée. Oui, malgré tout ce qui se passe, j’assume de le dire.
Aujourd’hui retirer le secret du vote amènerait de graves conséquences pour la démocratie et pour les citoyens, mais ne changerait pas forcément significativement le résultat en bout d’élection.
Aujourd’hui laisser le gouvernement, une autorité indépendante ou un groupe d’experts garantir le fonctionnement d’un vote électronique ne serait pas un risque important. Je leur fait relativement confiance pour ne pas tricher à ce point.
Mais demain ?
Demain exprimer publiquement certaines opinions fera porter un risque sérieux sur soi ou sur ses proches.
Demain le pouvoir aura suffisamment de poids et assez peu de respect pour oser tricher à grande échelle sur les votes nationaux, surtout s’il sait qu’il n’y aura pas vraiment de traces.
Les choix je les prends en fonction de demain, pas uniquement d’aujourd’hui.
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Il ne s’agit pas d’être pessimiste. Comme dans la maxime « après la pluie vient le beau temps », la question n’est pas de savoir « si » mais de savoir « quand ». Un jour la situation sera grave.
Ce demain existe d’ailleurs déjà à plus d’un endroit du globe. Il a aussi existé plus d’une fois dans notre passé à nous. C’est dire combien il est crédible.
Il suffit parfois de peu, et notre actualité le montre encore. Un attentat terroriste et nous sommes prêts à sacrifier quelques libertés. Il suffirait d’un quelque chose pour que le futur soit différent, que les volontés ne se résument pas à des jeux politiques en vue de la prochaine élection. Des guerres ont été déclenchées pour si peu.
Notre république apaisée est encore jeune, fragile. Demain ne sera pas aussi beau. Le système de vote actuel avec le secret du vote et la transparence de l’urne ne suffira pas forcément à empêcher des jours noirs, mais il peut tout de même éviter certains futurs, en freiner d’autres, ou donner des leviers pour en sortir plus rapidement.
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Une chose est certaine, sans sacraliser le système actuel – encore moins le vote lui-même – je ne suis pas prêt à imaginer aujourd’hui le vote électronique là où il n’est pas indispensable. Ce serait dangereux, un peu pour aujourd’hui, beaucoup pour demain.
S’il vous plait, aidez-moi à faire un barrage systématique à au vote électronique. J’ai un fils. Je veux lui laisser une fraction du rêve démocratique.
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