Auteur/autrice : Éric

  • Tomber en marche

    Celle ci je ne peux me rete­nir de la copier car elle est magni­fique :

    $override = null;
    if ($notify_admin and $conf['browser_language'])
    {
      if (!get_browser_language($override['language']))
      {
        $override=null;
      }
    }

    À première vue, le code ne fait rien. À la seconde lecture non plus, je vous rassure.

    Après expli­ca­tion, la méthode get_browser_language utilise un passage par réfé­rence (oui, avec ce nom là…), c’est à dire que la variable qui est passée en argu­ment pourra voir sa valeur modi­fiée.

    Eureka! En sortie de code on pour­rait bien avoir une variable $override qui contient quelque chose. On a au passage fait une créa­tion de tableau impli­cite en utili­sant la syntaxe avec crochets sur une valeur nulle (conseil : ne jamais faire ça si vous souhai­tez rester lisible).

    La seconde affec­ta­tion $override=null sert si jamais get_browser_language a bien modi­fié $override['language'] mais a renvoyé une valeur évaluée à false.

    Mais pourquoi cette seconde affec­ta­tion à null ? Et bien il se trouve que la fonc­tion get_browser_language renvoie false si elle ne modi­fie pas la variable passée par réfé­rence. Dans ce cas le code d’ap­pel aurait quand même créé un tableau dans $override à cause de override['language'], il faut donc reve­nir en arrière et écra­ser ce tableau créé impli­ci­te­ment.

    À rete­nir :

    1. Ne jamais créer de tableau implic­te­ment avec l’opé­ra­teur crochet sur une valeur null.
    2. Ne jamais attendre un retour par réfé­rence sur une fonc­tion qui s’ap­pelle « get_* »
    3. Globa­le­ment, ne quasi­ment jamais utili­ser le passage par réfé­rence pour récu­pé­rer une simple valeur.

    Ici en plus vu qu’on utilise déjà l’éva­lua­tion à true ou false du retour de get_browser_language, autant lui faire retour­ner direc­te­ment la langue, ou null si aucune n’est trou­vée.

  • Why CEOs are wildly over­paid, in one chart

    Une étude récente mise en avant par Busi­ness Insi­der indique que pour la plupart des gens le ratio entre les bas salaires et les hauts salaires serait idéa­le­ment entre 4 et 5, 6 tout au plus – et ce qu’ils se quali­fient de droite comme de gauche, qu’ils soient dans une couche socio-écono­mique élevée ou non, qu’ils soient jeunes ou vieux, et pour tous niveaux d’édu­ca­tion : c’est même étran­ge­ment stable.

    Rien de nouveau, il y a un siècle et demi, la Commune de Paris prenait des mesures pour réduire ce ratio à 5.

    Calculé à partir des grands chefs d’en­tre­prise, ce ratio serait en réalité au delà de 110 en France, 155 en Alle­magne, 130 en Espagne, 150 en Suisse, et même proche de 350 pour les États Unis. Bien que toujours sans rapport avec le ratio idéal, il est de moins de 90 au Royaume Uni,  et moins de 40 en Autriche comme en Pologne.

    Bien qu’a­vec un ratio tota­le­ment décon­necté de l’idéal des gens, la France a échoué a impo­ser un taux margi­nal d’im­pôt sur le revenu à 75%. La Suisse n’a pas plus réussi à défi­nir une limite maxi­mal aux hauts salaires en novembre dernier. Étran­ge­ment, c’est en Autriche et aux Pays Bas qu’ils ont tout de même réussi à ajou­ter une impo­si­tion plus forte sur les para­chutes dorés et avan­tages au delà de 500 000 €.

    Le gros problème pour agir n’est pas au niveau de la volonté, mais de la percep­tion des gens :

    D’après l’étude, les gens estiment à tort le ratio réel actuel entre 7 et 12. Que se passe­rait-il s’ils avaient conscience de la réalité où il faut ajou­ter un zéro de plus ?

    Ventu­re­beat a une superbe illus­tra­tion – en gris le réel, en rouge l’es­timé, en bleu l’idéal selon les mêmes personnes :

     

    Ce qui est inté­res­sant c’est qu’il y a une oppor­tu­nité. Si on propose de limi­ter les reve­nus à un ratio 1:20, c’est bien au-delà de ce que les gens estiment comme réel, donc ils ne perce­vront pas ça comme une limi­ta­tion catas­tro­phique, alors que ça va provoquer un chan­ge­ment radi­cal dans la réalité.

    La limi­ta­tion n’a pas à être radi­cale, il suffi­rait d’avoir un taux de taxa­tion progres­sif très signi­fi­ca­tif à partir de là.

  • Et vous devriez vous en réjouir

    Le FN entre au Sénat. Et vous devriez vous en réjouir. Oui, même si le FN vous fait horreur.

    Il y a un non-événe­ment, et un vrai événe­ment.

    Le non-événe­ment c’est la montée du FN. Le FN repré­sente de manière stable 10 à 20% de la popu­la­tion depuis presque des dizaines d’an­nées.

    Ils ont 2 dépu­tés, et ont déjà été 35 à l’As­sem­blée Natio­nale (1986). Ils ont fait 18% à la prési­den­tielle de 2002 et ont même fait le meilleur score devant le PS et l’UMP aux dernières euro­péennes avec 24 dépu­tés sur 74. Dire que le résul­tat d’aujourd’­hui est syno­nyme d’une montée du FN est large­ment discu­table. Si on devait faire une bête compa­rai­son, le FN a même plutôt un très mauvais score au Sénat.

    C’est d’au­tant moins une « montée du FN » que l’élec­tion qui a eu lieu ce week-end est indi­recte. Les résul­tats ne repré­sentent pas le score du FN parmi la popu­la­tion mais acte sa repré­sen­ta­tion parmi des gens déjà élus (donc rien de neuf). Le FN serait aujourd’­hui soutenu par 1% de la popu­la­tion ou par 99%, il aurait pu faire le même score.

    Bref, pas de quoi faire même un entre­fi­let si ce n’est pour faire peur aux gens ou vendre des jour­naux (main­te­nant ça explique pourquoi ceux qui vivent de ces deux acti­vi­tés parlent encore d’une montée soudaine du FN).

    Le vrai événe­ment c’est qu’un parti qui repré­sente dura­ble­ment 10 à 20% de la popu­la­tion a pu enfin entrer au Sénat sans faire d’al­liance avec les deux gros partis histo­riques. Et ça, c’est forcé­ment bien pour la démo­cra­tie. C’est le contraire qui aurait été un scan­dale. Dans l’idéal il faudrait même qu’il ait nette­ment plus d’élus au sein des deux chambres natio­nales (vous pouvez multi­plier par 10 leurs repré­sen­tants actuels que vous seriez encore large­ment en dessous).

    Tout notre système est fait pour créer un bipar­tisme, faire peur avec les extrêmes mais empê­cher tout tiers de venir trou­bler la fête sans qu’il ne courbe l’échine en s’as­sujet­tis­sant à un des deux gros partis. Rien n’a changé à ce niveau, mais le système reste un peu perméable quand même, et ça c’est une sacré­ment bonne nouvelle.

    Si vous voulez râler, faites le contre les idées du FN, contre la popu­la­tion qui soutient le FN, mais certai­ne­ment pas dans le fait qu’ils soient repré­sen­tés dans nos insti­tu­tions. Ce, peu importe ce que vous pensez du FN : c’est hors sujet.

  • Pas dans le bon pays mon ebook ?

    Puisque le sujet refait surface, voici un peu d’ex­pli­ca­tions :

    La gestion des droits

    Le libraire obtient les droits de vente avec toute une série de droits atta­chés à chaque titre. Pour faire simple ça dit sur quels pays on a le droit de vendre. La date de publi­ca­tion (à partir de laquelle on a le droit de vendre), le prix (parfois imposé de par la loi) et la devise sont poten­tiel­le­ment diffé­rents pour chaque pays. En fait on pour­rait même avoir, pour des raisons de droits, une illus­tra­tion de couver­ture diffé­rente par pays.

    À partir de ça le libraire a l’obli­ga­tion contrac­tuelle (voire légale pour ce qui est du prix) de véri­fier l’adé­qua­tion de ces infor­ma­tions avec la vente à venir. En résumé : savoir à quel pays affec­ter la vente.

    On en arrive à des situa­tions comme celle de Jérôme :

    amazon fr est inac­ces­sible depuis l’étran­ger. Revenu en france, ma kindle n’ac­cep­tait que le store austra­lien..

    La vente par le libraire

    En France, on impose aux libraires indé­pen­dants une triple véri­fi­ca­tion. Pour pouvoir vendre sur la France, il faut trois condi­tions cumu­la­tives :

    1. L’adresse de factu­ra­tion du client est en France
    2. L’adresse IP du client est affec­tée à la France
    3. Le moyen de paie­ment est français, plus exac­te­ment la carte bancaire est déli­vrée en France

    Si un des trois ne corres­pond pas, la vente n’est pas française et le libraire doit la refu­ser.

    Bien entendu c’est diffi­ci­le­ment compré­hen­sible pour le client, surtout s’il est en vacances à l’étran­ger. Ne parlons même pas de celui qui a une adresse IP non recon­nue par la base de géolo­ca­li­sa­tion, ou un moyen de paie­ment peu clas­sique qui est enre­gis­tré à l’étran­ger.

    Le pire c’est le pays de la carte bleue qui n’est connu qu’a­près l’au­to­ri­sa­tion de paie­ment, ce qui implique d’an­nu­ler la tran­sac­tion après la saisie du numéro de CB. Autant dire que ça passe diffi­ci­le­ment pour le client.

    Vous note­rez qu’un français en vacances au Maroc ne peut pas ache­ter de livre numé­rique, pas plus qu’un expa­trié espa­gnol en France pour longue durée mais qui a sa visa affec­tée à son pays d’ori­gine. Avec ces règles ces gens ne pour­ront pas plus ache­ter au Maroc ou en Espagne : Ils ne pour­ront pas ache­ter, point.

    Pour certains libraires il est au final carré­ment plus simple de ne vendre que dans leur pays d’ori­gine plutôt que de s’amu­ser à compo­ser dans une multi­tudes de pays pour un rapport béné­fice / coût discu­table. Tous ont adapté leur archi­tec­ture pour tenir compte du système imposé, au prix des situa­tions comme celle de Jérôme en début de billet, même ceux qui ne subissent pas tota­le­ment ce triple critère.

    Encore de la gestion des droits

    Le libraire n’est pas coupable ici. Il ne prends pas toujours la meilleure solu­tion, mais il n’en a que des mauvaises à son arc.

    Tout ça est imposé par l’édi­teur, mais ne lui jetons pas la pierre trop vite non plus :

    Déjà l’édi­teur lui-même obtient peut être les droits unique­ment pour la France à partir d’un agent ou d’un éditeur étran­ger (on vend plus cher un droit exclu­sif pour chaque pays indé­pen­dam­ment qu’au­tant de droits non exclu­sifs où personne n’est garanti de quoi que ce soit). Bon gré mal gré, il a lui-même l’obli­ga­tion de faire respec­ter les droits géogra­phiques.

    Quand ce n’est pas lui qui achète les droits à des tiers, il se réserve poten­tiel­le­ment la possi­bi­lité de les revendre. C’est impor­tant pour son busi­ness et la renta­bi­lité de ses inves­tis­se­ments : Tous n’ont pas un circuit de vente inter­na­tio­nal. Le tiers lui deman­dera des droits exclu­sifs, ce qui implique forcé­ment d’im­po­ser tout de même ces restric­tions géogra­phiques.

    Bref, c’est tout le système qui fonc­tionne comme ça histo­rique­ment, parce que pour des livres papier ce n’est pas tota­le­ment idiot, et parce que les droits numé­riques accom­pagnent géné­ra­le­ment les droits papier. Il faut plus qu’un peu de bonne volonté pour chan­ger les choses.

    Même quand l’édi­teur dispose bien des droits monde, les prix dans certains pays sont gérés par la loi : En France le libraire doit vendre au prix fixé, ni plus ni moins. Sauf à ce que le prix soit stric­te­ment iden­tique partout – en faisant atten­tion aux conver­sions de devise et en niant la réalité écono­mique du marché local et du niveau de vie de chaque pays – on en revient encore à devoir véri­fier très stric­te­ment le pays de chaque vente.

    Aussi dommage que ça puisse être, le marché a évolué ainsi. Aujourd’­hui les éditeurs sont autant coin­cés là dedans que les libraires, les auteurs et les lecteurs.

    On peut espé­rer voir des assou­plis­se­ments dans les condi­tions (par exemple vali­der deux critères sur les trois, ou accep­ter un dépla­ce­ment hors de France occa­sion­nel pour un client français préexis­tant), mais le fond du problème ne dispa­rai­tra pas sans passer par le légis­la­tif, proba­ble­ment au niveau euro­péen.

    Que faire ? discu­ter avec votre député, français comme euro­péen.

    Dernière note : Pour plein de raisons, la situa­tion des vidéos est proba­ble­ment diffé­rente, parti­cu­liè­re­ment en ce qui concerne les vidéos en ligne type Youtube, et ce même si les effets visibles du grand public sont simi­laires.

  • Élec­tions et démo­cra­tie

    Démo­cra­tie, litté­ra­le­ment, « le pouvoir détenu par le peuple ».

    Quel pouvoir avez-vous (collec­ti­ve­ment) ? Si votre seul pouvoir est d’élire quelqu’un, ou de vous faire tirer au sort, alors vous n’êtes proba­ble­ment pas en démo­cra­tie.

    L’élec­tion ou le tirage au sort ne sont en rien exclus. Ils ne sont toute­fois que des outils, ce qui compte est tout le système qui va autour.

    Jamais le fait d’avoir des élec­tions – ou un tirage au sort- ne doit suffire à vous sentir en démo­cra­tie. Mal employée, l’élec­tion est même un superbe outil de confis­ca­tion du pouvoir.

    Véri­fi­ca­tion en trois critères :

    1– Quand bien même elle aurait été prépa­rée et négo­ciée par le repré­sen­tant, la déci­sion est-elle prise,  confir­mée ou vali­dée direc­te­ment par vous (collec­ti­ve­ment) ?

    2– À défaut, avez-vous (collec­ti­ve­ment) moyen de bloquer la déci­sion du repré­sen­tant , de vous y oppo­ser ou de reve­nir en arrière ?

    3– À défaut, et à condi­tion de garder un contrôle sur le repré­sen­tant (renou­vel­le­ment très court du mandat, ou capa­cité de révo­ca­tion, ou possi­bi­lité de reve­nir excep­tion­nel­le­ment à un des deux points précé­dents en cas de besoin, etc.), la déci­sion relève-t-elle d’un choix réalisé (collec­ti­ve­ment) lors de la dési­gna­tion de ce repré­sen­tant ? soit que la déci­sion à prendre ait fait expli­ci­te­ment partie du choix, soit qu’elle est direc­te­ment issue d’une posi­tion ou de valeurs géné­rales assez claires qui faisaient partie de ce choix.

    Si vous ne répon­dez-pas « oui » à au moins un de ces trois scéna­rios, en pratique la déci­sion prise n’est pas démo­cra­tique.

    Mais ça ne s’ar­rête pas là.  Il y a deux condi­tions supplé­men­taires, à cumu­ler aux précé­dentes :

    A- Vous êtes (collec­ti­ve­ment) en pleine capa­cité de réali­ser des choix libres et éclai­rés. Ceci implique entre autres d’être plei­ne­ment infor­més de l’en­semble des contextes utiles concer­nant les choix passés et futurs, ou en capa­cité raison­nable d’ob­te­nir une telle infor­ma­tion si vous le souhai­tez.

    B- L’en­semble des déci­sions et choix d’im­por­tance vous concer­nant (collec­ti­ve­ment) sont pris suivant un procédé démo­cra­tique.

    #16ans m’an­nonce qu’il a été élu délé­gué de classe dans sa termi­nale. #démo­cra­tie

    Petite illus­tra­tion à partir d’une phrase lue aujourd’­hui, sur un sujet volon­tai­re­ment léger.

    • Les rares inter­ven­tions prises par le délé­gué sont prises unila­té­ra­le­ment par ce dernier, sans vali­da­tion ou confir­ma­tion de l’en­semble de la classe. Sauf excep­tion, elles sont de toutes façons prises sur l’ins­tant, sans prépa­ra­tion préa­lable.
    • De même, des déci­sions rela­ti­ve­ment défi­ni­tives sont prises suite à ces inter­ven­tions. La classe n’a aucun moyen de s’op­po­ser, ni même de desti­tuer son délé­gué (c’est à l’unique appré­cia­tion d’une auto­rité tierce, le profes­seur, basée sur un juge­ment pure­ment person­nel et arbi­traire).
    • Enfin, les ques­tions qui seront abor­dées par le délé­gué ne sont géné­ra­le­ment pas connues à l’avance. Il s’agit d’ailleurs géné­ra­le­ment de ques­tions person­nelles qui ne sont pas de nature à rele­ver d’une posi­tion poli­tique géné­rale. Il n’y a de toutes façons aucun moyen de contrôle d’un repré­sen­tant qui n’agi­rait pas comme initia­le­ment prévu.

    En tout état de cause, la classe n’a géné­ra­le­ment aucune infor­ma­tion sur les sujets réel­le­ment abor­dés par le repré­sen­tant au conseil de classe (et heureu­se­ment, ce sont des ques­tions de personnes).

    Pire, le délé­gué lui-même n’a quasi­ment aucun pouvoir. Il parti­cipe à des instances dans lesquelles il est partie extrê­me­ment mino­ri­taire, au milieu de tiers qui ont tous une forte auto­rité sur lui, parfois très directe. Il n’a lui-même que peu de recul sur les enjeux des déci­sions qui sont prises ni de capa­cité à les comprendre. Il est au mieux un porte-parole ou un indi­ca­teur du senti­ment de la classe, certai­ne­ment pas un déten­teur de pouvoir.

    Démo­cra­tie ? certai­ne­ment pas.

    Le pire c’est qu’ici l’élec­tion est plus de nature à disso­cier les élèves du pouvoir en leur donnant un os à ronger. On enseigne direc­te­ment à la géné­ra­tion future que la démo­cra­tie c’est la capa­cité à se plier aux déci­sions de tiers pour peu qu’on puisse envoyer quelqu’un aux instances de déci­sion.

    Ce n’est pas un appren­tis­sage de la démo­cra­tie, c’est un appren­tis­sage du renon­ce­ment par l’illu­sion démo­cra­tique.

    Ce qui m’inquiète n’est pas l’ab­sence de démo­cra­tie dans le fonc­tion­ne­ment de la classe, mais que les citoyens adultes que nous sommes puissent confondre une simple élec­tion de repré­sen­tant avec un système démo­cra­tique – bien entendu, l’exemple ici n’est qu’une illus­tra­tion, pas l’objet du débat.

  • Repré­sen­ta­tion de données

    Un graphique tourne un peu avec des données sur l’édu­ca­tion en France :

    Les chiffres sont inté­res­sants mais la visua­li­sa­tion est tota­le­ment biai­sée. Le point le plus flagrant est la posi­tion du zéro sur chaque axe qui augmente des diffé­rences.

    Première tenta­tive

    Quelqu’un a genti­ment fourni une version alter­na­tive, mais tout aussi biai­sée :

    L’in­ten­tion est honnête, mais la volonté de graduer tous les axes sur la même échelle n’a aucun sens quand on compare des choux et des carottes. Ici non seule­ment les données n’ont pas le même sens (le nombre d’heures et le nombre de jours n’ont pas à être compa­rés sur la même échelle, car ils ne repré­sentent pas une donnée cohé­rente), mais elles n’ont même pas la même unités : il y a des heures, des pour­cen­tages, des nombres de jours et des nombres de personnes. Penser que 100% corres­pond à 100 jours et 100 élèves n’a stric­te­ment aucun sens. Du coup les axes sont écra­sés et on ne verrait aucune diffé­rence quand bien même elle serait signi­fi­ca­tive.

    Choi­sir sa réfé­rence

    Refai­sons donc avec un maxi­mum diffé­rent sur chaque axe, mais lequel ?

    Premier choix, si on tente de compa­rer des chiffres bruts pour voir la répar­ti­tion sur toute la dyna­mique. Ca permet de voir où se massent la plupart des pays, et éven­tuel­le­ment sur quelle dyna­mique ça se répar­tit. On a l’avan­tage aussi d’avoir des chiffres abso­lus et pas des % par rapport à quelqu’un d’autre.

    Second choix, on veut avoir une vision de la répar­ti­tion euro­péenne, on les compare donc à la moyenne OCDE (on aurait pu choi­sir la médiane, mais elle ne faisait pas partie des données sources). Ça permet de visua­li­ser faci­le­ment qui s’échappe de la masse.

    Dernière possi­bi­lité, si on souhaite compa­rer le reste des pays à la France, on utilise nos propres chiffres comme réfé­rence au lieu de la moyenne OCDE. Ca permet de visua­li­ser plus faci­le­ment où la France parti­cu­liè­re­ment est signi­fi­ca­ti­ve­ment diffé­rente du reste :

     Le choix entre ces trois visua­li­sa­tions est tota­le­ment arbi­traire, en fonc­tion de ce qu’on recherche ou de ce qu’on veut montrer. Dans tous les cas, le choix même de la repré­sen­ta­tion, est déjà un acte d’ana­lyse et donc subjec­tif. Aucune n’est plus « objec­tive » que les autres.

    Dans l’in­ten­tion du graphique initial, c’est proba­ble­ment la dernière visua­li­sa­tion qui est la plus perti­nente, vu qu’elle montre faci­le­ment là où la France est isolée.

    Toujours aussi biaisé

    D’ailleurs mes trois graphiques sont eux-même biai­sés. Le départ à zéro semble natu­rel mais ne l’est en fait pas du tout. Une diffé­rence de 1% pour­rait très bien être extrê­me­ment signi­fi­ca­tive sur une donnée, et ne pas du tout être visible si on graphe bête­ment avec une échelle qui part de zéro.

    Même après avoir résolu cette ques­tion des axes, on n’au­rait pas fini pour autant :

    Pourquoi unique­ment ces quelques pays, ont-ils été sélec­tion­nés pour accen­tuer un discours pré-établi ? Est-ce qu’on n’au­rait pas plein d’autres pays qui sont proches de nous, voire encore plus diver­gents ?

    À défaut de mettre tous les pays de l’OCDE, colo­rier l’écart type serait appré­ciable pour voir si notre écart est parti­cu­liè­re­ment anor­mal ou pas. Avoir la médiane plutôt que la moyenne pour­rait aussi être perti­nent au cas où certains pays sont excep­tion­nel­le­ment hauts ou excep­tion­nel­le­ment bas.

    Au niveau des données elles-mêmes, pourquoi avoir pris un pour­cen­tage d’heures de math sur la tota­lité et pas avoir compté le nombre d’heures d’en­sei­gne­ment en valeur absolu ? Au niveau des résul­tats pour l’élève ça aurait été plus cohé­rent.

    On a aussi le nombre d’heures par jour et le nombre de jours. Le nombre d’heures par an est-il simi­laire pour tous ? Ca aurait été sacré­ment inté­res­sant de le grapher.

    Même chose pour le nombre d’élèves par classe : Pour combien d’en­sei­gnant ? Il y a-t-il des aides, des assis­tants mater­nelles, des assis­tants de vie, des accom­pa­gne­ments person­na­li­sés en plus de l’ins­ti­tu­teur prin­ci­pal ? Quelle est la propor­tion des ensei­gne­ments en demi groupe ou en groupes auto­nomes restreints par rapport aux ensei­gne­ments « pleine classe » ?

    Subjec­ti­vité et inten­tion

    Vous voulez une repré­sen­ta­tion objec­tive ? Ça n’existe pas. Une donnée objec­tive non plus d’ailleurs, même si ça ressemble à un chiffre brut. C’est bien tout le travail des analystes : Choi­sir une donnée, la méthode de calcul et de récolte, une repré­sen­ta­tion, puis la mettre en forme accom­pa­gnée des expli­ca­tions utiles. Tout ça se fait en fonc­tion d’un objec­tif parti­cu­lier déter­miné au départ.

    Du coup le graphique initial est tota­le­ment biaisé, mais fina­le­ment… pas forcé­ment plus qu’un autre. S’il cherche unique­ment à montrer que nous sommes hors du groupe formé par les 4 autres réfé­rences poin­tées, il y réus­sit et proba­ble­ment avec la meilleure visua­li­sa­tion de tout ce qui est présenté ici. Le défaut vient peut être unique­ment de ceux qui le critiquent, qui tentent de le sur-inter­pré­ter.

    Il y manquait surtout une légende pour guider la lecture. Ca passait pour des chiffres bruts, ce que ça n’était évidem­ment pas puisqu’il y avait une mise en forme et un objec­tif de commu­ni­ca­tion.

  • Ninja Squad : Bilan des ventes de l’ebook Angu­larJS

    Ninja Squad : Bilan des ventes de l’ebook Angu­larJS

    On m’a montré le retour de Ninja Squad concer­nant leur ebook sur Angu­larJS.

    Premier retour : Bravo. J’ai étudié la possi­bi­lité de faire quelque chose de simi­laire, et je saute­rai proba­ble­ment le pas si j’écris un nouveau livre. Ils l’ont fait, l’ex­pé­rience a été posi­tive pour eux, et ils ont eu une rému­né­ra­tion non négli­geable. Bref, bravo.

    Très heureux de voir aussi que les lecteurs sont prêts à soute­nir l’ini­tia­tive, et pas payer le prix plan­cher à chaque fois. Ça commence à être connu sur les humble bundle, mais c’est agréable à chaque fois qu’on le confirme.

    Main­te­nant vu qu’on m’a pointé le billet, ça vaut le coup de démon­ter tout le discours parce que ça va induire trop de monde en erreur.

    Tout d’abord le prix libre

    Tous les auteurs ne se seraient pas mis à risque ainsi. Ils l’ont fait, bien fait, avec succès. Bravo.

    carac­té­ris­tique notable qui n’aura échappé à personne : il est vendu à prix libre

    Aïe, c’est illé­gal.

    En France, le prix la loi impose de fixer un prix pour le livre, et il est inter­dit de vendre à un autre prix (c’est un peu plus complexe que ça sur des cas parti­cu­liers mais on peut s’ar­rê­ter à ça concer­nant notre exemple).

    Diffi­cile du coup de recom­man­der l’ini­tia­tive de Ninja Squad.

    J’avais exploré un peu le sujet. Le don est quasi­ment exclu dans ce cas. Une possi­bi­lité est de faire plusieurs éditions à des prix éche­lonné sur la four­chette probable, avec du contenu légè­re­ment diffé­rent (images supplé­men­taires, préface en plus, formats en plus, couver­ture de couleur diffé­rente, etc.). Une autre serait de vendre en bundle un dessin, un auto­graphe, enfin quelque chose qui lui serait à prix libre à côté du livre à prix plan­cher fixe.

    Ça reste de toutes façons très arti­fi­ciel et je ne garan­tis pas l’idée inat­taquable juri­dique­ment.

    Ensuite les reve­nus

    4000 € HT ce n’est pas rien. Il y a plein d’au­teurs qui effec­ti­ve­ment gagnent moins que ça. Bref, encore une fois bravo.

    on a fait 4300 visi­teurs unique, et 395 ventes pour un total de plus de 3900€ HT

    Atten­tion tout de même, ici on ne parle pas de gain « auteur » mais de gain « entre­prise ». Quand l’édi­teur vous verse 4000 €, il ne reste que l’im­pôt sur le revenu à payer. Ici c’est la struc­ture qu’ils ont choisi qui encaisse. Il faut payer l’im­pôt sur les socié­tés, et proba­ble­ment des charges et coti­sa­tions avant que ça arrive dans la poche de l’au­teur. Dans le meilleur des cas (auto-entre­pre­neur) c’est 20% forfai­taires envi­ron. Il ne reste donc au mieux que 3200 € en réalité.

    D’un autre côté ils ont facturé à 20% de TVA, et je ne comprends pas du tout pourquoi. Le livre, y compris numé­rique, c’est une TVA à 5%. Ils ont donné 15 points de marge à l’État, gratui­te­ment, au lieu de les garder pour eux. Bref, ils ont eux 3 200 € en poche mais avec le bon taux de TVA ça aurait effec­ti­ve­ment pu être dans les 4 000 €.

    Mora­lité : des auteurs recon­nus, sortant un livre de réfé­rence sur des tech­no­lo­gies univer­sel­le­ment utili­sées, n’ont pas gagné plus d’argent que nous avec ce modeste livre vendu par nous-même dans des propor­tions infi­ni­ment plus faibles.

    Foutaises !

    Toutes propor­tions gardées parce que j’ai publié en papier, mais mon gain total sur mon premier livre, donc avant que je ne sois connu, a proba­ble­ment été d’en­vi­ron 40 000 € au total. On était deux, donc le gain du livre était de l’ordre de 80 000 €. C’est quand même autre chose que 4 000 €.

    Ce n’est pas à chaque fois, rare­ment autant, et on pourra trou­ver plein de contre-exemples, mais de là à dire qu’un auteur connu gagne moins de 5 000 € sur un livre réfé­rence, il y a un pas que je ne fran­chi­rai juste pas.

    Et par rapport à un éditeur ?

    Pour la rému­né­ra­tion, c’est simple : l’au­teur touche 8/10/12% du prix… EDITEUR !!! Donc, mon livre est à 49$, prix éditeur 22$ et moi je touche 2.2$

    Foutaises !

    L’his­toire rappor­tée par le billet de Ninja Squad est certai­ne­ment vraie, mais elle est loin d’être la norme, pas en France tout du moins.

    Si en France on parle bien de 8, 10 ou 12% pour l’au­teur, on parle d’un pour­cen­tage sur le prix de vente public HT, pas du prix éditeur. La diffé­rence est juste du simple au double.

    Du coup, sur un bouquin tech­nique, souvent au delà de 20€, avec une TVA à 5%, c’est quasi­ment toujours au moins 2 € par livre et non 1 € comme indiqué dans le billet.

    En numé­rique c’est encore plus déli­cat vu qu’outre atlan­tique – puisque l’au­teur cité a publié là bas – et avec un éditeur clas­sique, il n’est pas anor­mal d’avoir une commis­sion doublée sur les ventes numé­riques. Les éditeurs tech­niques pur numé­riques vont même jusqu’à 50% (PragP­rog par exemple).

    le suivi est misé­reux, la relec­ture quasi inexis­tante et les contraintes multiples

    Je ne peux que racon­ter mon expé­rience : Ça n’a pas empê­ché de multiples coquilles et quelques ratés de maquet­tage, mais j’ai eu une relec­ture non tech­nique à chaque édition. Je me rappelle parti­cu­liè­re­ment la première, rela­ti­ve­ment poin­tilleuse, y compris sur la typo­gra­phie et ce malgré un nombre de pages impres­sion­nant et de multiples allers-retours.

    Côté relec­ture tech­nique ils se sont simple­ment assu­rés que c’était sérieux et que nous avions des gens pour ça. Je crois qu’ils nous ont proposé des contacts pour ça au moins pour une édition. Je n’ima­gi­nais de toutes façons pas qu’ils aient un expert tech­nique de chaque sujet en interne, mais ils ont fait leur boulot.

    Je ne me rappelle pas de contraintes parti­cu­lières mis à part l’im­pres­sion papier en noir et blanc, pas dues à l’édi­teur en tout cas. On leur a pour­tant parfois demandé des choses « anor­males ».

    Par contre j’ai du du suivi, des coups de pieds au fesse quand il fallait pour que ça avance, des commen­taires sur le sommaire avant de prendre une mauvaise direc­tion. Rien de fantas­ma­go­rique, mais ils étaient là. Merci Muriel et Karine (entre autres).

    nous ne voyons pas l’in­té­rêt de passer par le circuit tradi­tion­nel de l’édi­tion

    Je ne dis pas que passer par un éditeur est forcé­ment une bonne idée. Devoir aban­don­ner ses droits pour sa vie, et même 70 ans après sa mort, ça me bloque sérieu­se­ment désor­mais.

    Pour du pur numé­rique, il y a large­ment de quoi se poser la ques­tion. J’au­rais tendance à privi­lé­gier l’auto-publi­ca­tion. Pour un livre qui aurait un volume de vente signi­fi­ca­tif en papier, ou si vous privi­lé­giez la diffu­sion et le béné­fice d’image à la rému­né­ra­tion, l’édi­teur a en revanche une carte à jouer (assu­rez-vous qu’il la joue, il peut aussi ne quasi­ment rien faire si on ne le chal­lenge pas, comme n’im­porte quel four­nis­seur).

    Et même si rien n’est fait exac­te­ment comme nous on l’au­rait fait, l’édi­teur qui se charge du choix des polices, du maquet­tage, de l’en­voi sur les réseaux de vente, de la collecte des ventes, du dépôt légal, des décla­ra­tions fisca­les… ce n’est pas rien non plus. En tous cas ce n’est pas aussi noir que décrit.

    Ça n’em­pê­chera de toutes façons pas de faire sa propre landing page, son marke­ting, et tout ce que Ninja Squad a pu faire comme commu­ni­ca­tion autour de leur livre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Luca Rossato

  • Ivres de la jungle

    Ivres de la jungle

    Auteur (un peu) connu ; chro­niqueur humo­ris­tique, en rupture du monde de l’édi­tion qui ne m’ac­corde pas de crédit malgré mon lecto­rat passé, et encore actuel, depuis quelques années (http://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Fran­cis_Mizio), je lance cette nouvelle forme de ce que jadis on appe­lait une sous­crip­tion.
    Ivres de la jungle, sur Ulule

    Dans tous les systèmes écono­miques alter­na­tifs pour la produc­tion cultu­relle, le finan­ce­ment parti­ci­pa­tif est un de ceux que j’ap­pré­cie le plus.

    C’est encore bancal car hors des usages, mais ça répon­dra à une partie des problé­ma­tiques bien mieux que les licences globales, rede­vances de copie privée, contri­bu­tion créa­tives et autres systèmes déri­vés d’une gestion collec­tive.

    Voyez ça comme un système de micro-mécé­nat, qui est juste le système qui a financé la culture sur quasi­ment toute l’his­toire humaine. La préva­lence du droit d’au­teur patri­mo­nial est un événe­ment assez récent qui n’a jamais été stable ou tota­le­ment satis­fai­sant.

    Ici ça prend de plus la forme d’une précom­mande, ce qui assure le créa­teur de sa rému­né­ra­tion mini­mum avant même la réali­sa­tion.

    On ne finan­cera pas tout par le parti­ci­pa­tif, il ne s’agit pas de faire mourir le droit d’au­teur pour autant, mais si vous voulez parti­ci­per à la liberté des auteurs et à la construc­tion d’un autre écosys­tème, c’est entre autres par là que ça se passe. Et c’est sacré­ment bien adapté à la problé­ma­tique du livre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Mario Mancuso

  • Dead­line

    Dead­line

    La plupart du temps la dead­line est une manif d’une fausse urgence créée par une absence de déci­sion
    Raphaël

    Je ne saurais mieux dire. Esti­mer puis mesu­rer le niveau d’ef­fort est impor­tant pour pilo­ter la déci­sion. Parfois la date de livrai­son est un élément néces­saire, mais le plus souvent il ne s’agit que d’un élément arti­fi­ciel qui se veut moti­vant et qui ne vient que d’une inca­pa­cité à pilo­ter l’ef­fort en continu, à s’adap­ter aux situa­tions qui se présentent.

    Qu’im­porte quelle était l’es­ti­ma­tion précé­dente, la date qu’on a pu maladroi­te­ment en déduire. L’im­por­tant est quelle est la déci­sion la plus perti­nente à prendre aujourd’­hui, en fonc­tion de la valeur produite, et du niveau d’ef­fort encore à four­nir pour ce qu’on envi­sage.

    Le reste est simple­ment hors sujet, y compris savoir si on est « en avance »,  « en retard » ou même « parfai­te­ment dans le plan­ning » par rapport à la date prévue en direc­tion. Le pilo­tage par la date est juste une inca­pa­cité à prendre ce recul et à s’adap­ter au présent plutôt qu’aux plans passés. Tout envi­sa­ger en un bloc et sous forme de retard ou d’avance est juste telle­ment plus rassu­rant, plus simple… Ça n’ap­porte malheu­reu­se­ment aucune valeur.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par João Almeida

  • [Photo] Quelques photos de mon chemin

    SimpleVous trou­vez la suite ailleurs. Tout feed­back franc et appro­fondi qui me permet d’avan­cer sera plus qu’ap­pré­cié, qu’il soit ici, sur place ou par email.

    Sur Flickr, pensez à désac­ti­ver le Safe Search dans vos para­mètres pour voir plus que la première photo.