Auteur/autrice : Éric

  • L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    Je vois vrai­ment la mort de la presse dans la direc­tion qu’elle prend, à ne faire que du format court, reprise des dépêches d’agences, news people et commu­niqués.

    On fait de la poubelle avec de la main d’oeuvre sous-payée, et en siphon­nant les fonds publics. Je ne vois pas comment la société pourra soute­nir long­temps une absence telle de valeur.

    Certains prennent le pas opposé, et si je n’ai pas envie de prendre de paris sur le modèle, c’est assez rafrai­chis­sant de voir que certains croient en l’in­for­ma­tion profonde, de qualité, et bien payée.

    Qualité ou quan­tité ? Visi­ble­ment, Jill Abram­son a fait son choix. Bruta­le­ment licen­ciée en mai après 17 ans passés au sein du pres­ti­gieux New York Times dont trois ans à sa tête, la jour­na­liste de 60 ans a décidé de recom­men­cer à zéro, sur Inter­net cette fois-ci. Son nouveau média, dont ni la date de lance­ment ni le nom ne sont pour le moment connus, ne publiera qu’un seul article par mois, rému­néré 100 000 dollars au jour­na­liste. A ce prix là, la rédac­trice en chef s’at­tend à ce que le pigiste se fende d’un long format d’en moyenne 120 000 signes, le double des plus longs papiers publiés par le célèbre New Yorker

    Photo d’en­tête sous licence CC BY à partir d’un travail de John Ragai

  • L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    Les écrits avec du recul sur l’ob­so­les­cence program­mée ne sont pas légion. Celui-ci en est un :

    Dès lors, ce serait une faute de concep­tion que de ne pas correc­te­ment ajus­ter les compo­sants puisque cela risque­rait d’oc­ca­sion­ner des retours coûteux au service après vente. C’est ainsi un impé­ra­tif ration­nel que de cali­brer l’en­semble des conden­sa­teurs en sorte qu’ils rendent l’âme le plus possible au même instant…

    […]

    Un tel écart de prix [choix de la durée de vie des compo­sants] était incom­pré­hen­sible pour le client à l’époque et il se trou­vait déjà des écono­mistes néo-libé­raux pour expliquer que le « diffé­ren­tiel » de prix était entiè­re­ment dû à l’écart de coût de main d’œu­vre…

    Au demeu­rant, on conçoit que l’in­dus­trie n’ait pas envie de commu­niquer sur ce para­mètre qui, moyen­nant un calcul actua­riel, permet­trait de compa­rer plus juste­ment les prix…

    En outre, le client est, pour des raisons épis­té­mo­lo­giques, inéluc­ta­ble­ment aveugle sur ce qu’il achète – n’en déplaise aux écono­mistes qui essaient de nous faire croire en la possi­bi­lité d’une trans­pa­rence des marchés. Il pour­rait se sentir « le dindon de la farce » s’il savait que le fabri­cant déter­mine préci­sé­ment la durée de vie espé­rée…

    Je me rappelle aussi cette histoire sur les impri­mantes qui recueillent un tout petit peu d’encre pendant les nettoyages des têtes à l’al­lu­mage. Il y a un bac avec une mousse pour ça, malheu­reu­se­ment non acces­sible. L’im­pri­mante tient un compte du nombre de nettoyages, et refuse le fonc­tion­ne­ment à partir d’un certain nombre prédé­ter­miné, pour éviter que le bac ne déborde.

    *

    Pas besoin de voir un complot des indus­triels. La durée de vie de l’im­pri­mante est connue, mais c’est plus une ques­tion d’éco­no­mie – le bac n’est pas acces­sible pour être vidé – que de volonté de faire raccour­cir le temps d’uti­li­sa­tion.

    Oui le construc­teur défi­nit la durée de vie probable du maté­riel, parce que cette durée de vie a un coût au niveau de la fabri­ca­tion et des compo­sants. Ce n’est pas que pour de l’élec­tro­nique. On peut parler du choix du textile et de son tissage pour les vête­ments.

    Le problème c’est que cette qualité et cette durée de vie sont invi­sibles de la part du client. Les deux critères de vente restent le prix et le marke­ting. Pas éton­nant donc qu’on tende vers des prix bas accom­pa­gnés d’un beau discours, quitte à avoir une qualité de concep­tion en baisse.

    * * *

    Que faire ? Étendre les garan­ties obli­ga­toires (elles sont désor­mais de deux ans). Impo­ser une commu­ni­ca­tion sur la dispo­ni­bi­lité de pièces déta­chées (bien­tôt effec­tif).

    J’ai plus simple, mais ça demande un courage poli­tique : Simple­ment impo­ser au construc­teur de commu­niquer offi­ciel­le­ment sur la durée de vie probable pour le maté­riel à sa connais­sance. Pas d’en­ga­ge­ment autre que la bonne foi, mais au moins on pourra se retour­ner si jamais il y a mauvaise foi.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA à partir d’un travail de Matt Shif­fler

  • Jugez un ebook sur son rendu,

    Jugez un ebook sur son rendu,

    Fran­che­ment, je me moque du code source. Faites des livres numé­riques avec du code horrible, ce qui m’im­porte c’est qu’il soit utili­sable partout, au mieux.


    Je prends donc le contre-pied total de Jiminy :

    Jugez un ebook sur son rendu,
    c’est unique­ment pour cela qu’il existe.

    Le rendu c’est l’as­pect graphique, la typo­gra­phie, l’adap­ta­tion à diffé­rents écrans, l’ac­ces­si­bi­lité, les extrac­tions textes, la compa­ti­bi­lité avec les outils divers et variés…

    L’exemple parfait nous vient du PDF. Il y a des PDF très bien faits, acces­sibles, utili­sables, compa­tibles. Personne n’ira regar­der à l’in­té­rieur, et cet inté­rieur est très fréquem­ment effec­ti­ve­ment une soupe infâme géné­rée par un logi­ciel d’édi­tion. Je n’ai aucun problème à ce que l’EPUB prenne le même chemin.

    * * *

    L’ar­ti­san expert a un atta­che­ment émotion­nel fort avec ses outils, et peut conti­nuer à les chérir et les utili­ser quand bien même ils ne seraient pas indis­pen­sable. Il reste que ces outils ne sont qu’un moyen de parve­nir à une fina­lité, pas la fina­lité elle-même. Le code interne n’est qu’un outil, rien de plus.

    Faut-il promou­voir un code simple et « propre » dans les EPUB ? La ques­tion est pure­ment tech­nique et ne devrait inté­res­ser que les concep­teurs. Hors atta­che­ment émotion­nel, la ques­tion est simple­ment de savoir ci ce code simple et propre est néces­saire.

    *

    Nous avons eu le débat il y a envi­ron 10 ans dans le milieu du déve­lop­pe­ment web, pour les mêmes tech­no­lo­gies. Aujourd’­hui faire du code simple et propre est devenu une bonne pratique incon­tour­nable. Les Dream­wea­ver et autres GO Live ont disparu. Si l’es­sen­tiel du code reste du code généré par des outils, il sera jugé en fonc­tion de sa ressem­blance avec du code déve­loppé main par un arti­san. À l’époque la compa­ti­bi­lité, l’évo­lu­ti­vité, la perfor­mance et le coût de main­te­nance nous ont entrai­nés dans cette direc­tion.

    Doit-il en être de même pour l’EPUB ? Je n’en sais rien, ce d’au­tant plus que la concep­tion d’EPUB n’est pas direc­te­ment mon métier.

    Je ne suis par contre pas convaincu que les argu­ments qu’on avait pour les pages web il y a 10 ans valent pour les EPUB aujourd’­hui : Les livres sont peu modi­fiés une fois publiés. On s’ap­proche plus d’un format final d’ex­port comme le PDF qu’un docu­ment en évolu­tion perma­nente comme le gaba­rit d’un site web.

    Le débat s’ouvre d’ailleurs de nouveau aujourd’­hui pour les sites web. Avec certains frame­works Javas­cript, le format de travail tend à s’éloi­gner gran­de­ment du code tech­nique rendu par les navi­ga­teurs. Pourquoi faudrait-il appliquer les mêmes bonnes pratiques à ce dernier alors que les contraintes et avan­tages y sont diffé­rents ?

    *

    J’ai un passé d’ar­ti­san du web. J’étais moi-même mili­tant de cette vision à l’époque. J’ai donc forcé­ment tendance à encou­ra­ger les arti­sans du livre numé­rique, ceux qui aiment le code bien fait, qui en prennent soin, qui font atten­tion aux détails.

    En prenant du recul, toute­fois, main­te­nant que je ne suis plus partie prenante, je me moque du code tech­nique interne. C’est un débat de tech­ni­ciens. Si un jour on me montre des EPUB avec un code infâme mais dont le rendu – au sens large – est bon, je n’au­rai aucun mal à le prendre en exemple.

    Nous sommes malheu­reu­se­ment en réalité encore loin de ce débat. Ceux qui génèrent du code mal fait sont aujourd’­hui très loin de géné­rer un bon rendu. Typo­gra­phie, compa­ti­bi­lité et acces­si­bi­lité sont rare­ment au rendez-vous.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Vicky Hughes­ton

  • Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    L’ar­ticle vaut le détour, même si le titre décrit très bien l’in­té­gra­lité de l’his­toire.

    A Michi­gan man was stop­ped and ques­tio­ned by police last week after « nervous » passersby called 911 to report he was « walking with his hands in his pockets. »

    The cop, who also recor­ded the inci­dent, appa­rently stop­ped and ques­tio­ned the man about his hand place­ment around 4:30 p.m. on Thanks­gi­ving in Pontiac, MI.

    « You were walking by, you were making people nervous, » the cop explains in the video, which was origi­nally uploa­ded on Face­book. « They said you had your hands in your pockets. »

    Chaque situa­tion est diffé­rente, mais la France est loin d’être exclue de ce type de ségré­ga­tion.  C’est un peu moins vrai depuis que je suis à Lyon, mais à Paris je voyais quoti­dien­ne­ment des gens se faire arrê­ter pour des contrôles autour de moi : iden­tité, titre de trans­port et souvent la fouille – oui, tech­nique­ment c’est proba­ble­ment une palpa­tion de sécu­rité avec une demande insis­tante de vider les poches et ouvrir les sacs sous peine de finir en garde à vue pour appro­fon­dir le contrôle, mais ça revient un peu au même au final.

    Par une extra­or­di­naire coin­ci­dence, je n’ai jamais été ciblé. Plus préci­sé­ment je n’ai jamais fait l’objet de ma vie d’un contrôle indi­vi­duel pour mon iden­tité,et, quand j’ai été contrôlé pour mon titre de trans­port, c’est que tout le monde l’a été sans excep­tion.

    Je sais que je suis plutôt du genre passe-partout qui se tient correc­te­ment donc peu de raisons d’at­ti­rer un contrôle indi­vi­duel, mais il en va de même pour certains autres qui sont quand même contrô­lés.

    Ce doit être la même extra­or­di­naire coïn­ci­dence qui fait que c’étaient quasi­ment toujours des gens de couleur qui étaient arrê­tés  à la Garde du Nord dans la zone métro – rer. Ils devaient avoir les mains dans les poches. Il faut dire que moi ça m’ar­rive rare­ment.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Thomas Hawk

  • Working with desi­gners

    Working with desi­gners

    J’ai lu récem­ment le Working with desi­gners, et ça me donne l’oc­ca­sion de publier une réflexion qui me trotte dans la tête depuis long­temps :

    Vous avez besoin d’un graphiste dans votre équipe.
    En interne, à demeure.

    Oui, on peut très bien faire un peu tout sans graphisme, et trou­ver un pres­ta­taire quand il s’agit quelques fois dans l’an­née de faire une charte, un design ou une illus­tra­tion. Vous manquez juste 80% de la valeur ajou­tée.

    En fait c’est plus large que ça. On peut tech­nique­ment avoir juste un CEO, qui achète des pres­ta­tions de déve­lop­pe­ment infor­ma­tique à une SSII, délègue le cahier des charges à un cabi­net d’as­sis­tance MOA, fait distri­buer la solu­tion par des vendeurs multi­cartes.

    Ça peut même fonc­tion­ner, dans de rares cas. Vous manquez juste la valeur qui est de réflé­chir au produit, de faire des évolu­tions perma­nentes et progres­sives, de lais­ser les gens s’ex­pri­mer, colla­bo­rer, avoir des initia­tives, appor­ter de la valeur, de l’ému­la­tion… On ne parle pas que de produc­tion sur le projet, mais de parti­ci­per et enri­chir la vie de l’en­tre­prise à tous les niveaux.

    * * *

    En régime de croi­sière, pour une boite techno web, vous aurez besoin d’un déve­lop­peur back, d’un déve­lop­peur front, d’un expert produit/métier, d’un graphiste, d’un commer­cial/marke­ting, d’une personne pour le support client, et d’une personne pour gérer l’ad­mi­nis­tra­tif.

    On peut bien entendu parler aussi d’un direc­teur des opéra­tions ou d’un sys admin, mais ils ne font pas autant parti du même coeur mini­mum pour moi.

    Chacune de ces sept personnes vous appor­tera quelque chose dans l’en­tre­prise,mettra de l’huile dans les rouages, même en dehors du projet lui-même.

    *

    Au départ il n’y a pas le choix, il faut porter plusieurs casquettes et faire quelques impasses. Par la suite vous avez tout inté­rêt à ce que les rôles soient poreux, que chacun soit incité à travaillé sur plus que sa petite case.

    Si par contre vous êtes une dizaine et que vous n’avez pas une personne diffé­rente qui joue le guide pour chacun des rôles, vous ne faites pas une écono­mie, vous vous ampu­tez d’une grosse valeur ajou­tée.

    *

    Votre boite n’est pas une boite techno web ? Dans ce cas vous pouvez peut être éviter d’avoir deux déve­lop­peurs distincts, mais il faudra au mini­mum les rempla­cer par un bidouilleur infor­ma­tique à tout faire (au sens noble, si vous croi­sez le terme anglais hacker, c’est de ça qu’on parle), qui devien­dra vite indis­pen­sable.

    Dans ce cadre, j’aime beau­coup la notion « hacker in resi­dence » et « desi­gner in resi­dence » de eFoun­ders. C’est la compré­hen­sion que même parta­gés entre plusieurs projets, pour faire émer­ger de la valeur il faut des gens impliqués à demeure, au milieu des équipes.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA par Axel Hart­mann

  • Dans des chaus­sures de grand

    Visi­ble­ment l’af­fiche du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil fait débat. On y verrait un reflet sexiste de mauvais gout.

    Je retrouve parfai­te­ment mon fils dans l’image du petit qui joue au grand, essayant et trai­nant les chausses de ses parents. Il a l’âge en ce moment, et si ça ne lui arrive pas tous les jours, ça reste plusieurs fois par semaine. Oh qu’il est fier quand il fait ça ! autant avec les chaus­sures de sa mère que de son père d’ailleurs.

    J’ai person­nel­le­ment pensé à ça en voyant l’af­fiche. J’ai souri, et trouvé l’image excel­lente pour un salon jeunesse qui a pour thème l’âge adulte.

    * * *

    Main­te­nant je suis forcé­ment un peu moins sensible au sexisme, n’en étant géné­ra­le­ment pas la cible. Parfois j’ai besoin qu’on m’ex­plique, qu’on me montre, avant de prendre conscience. Ici je sèche même avec les expli­ca­tions.

    Ce que je lis tourne autour du choix d’avoir mis des chaus­sures rouges à talon pour iden­ti­fier l’ave­nir de la petite fille et du fait que c’est très stéréo­typé, que ça contraint la petite fille à un rôle précon­di­tionné, sexua­lisé.

    Même en seconde lecture, j’avoue que j’ai beau­coup de mal à y lire ça.

    Pourquoi avoir utilisé des chaus­sures rouges à talon ? Aucune idée, il faudrait deman­der à l’au­teur.

    En pratique ça reste quand même une des formes les plus ingé­nieuses pour le thème. Non seule­ment l’angle permet plus faci­le­ment de voir la diffé­rence de taille entre le pied et la chaus­sure, mais on ajoute intel­li­gem­ment une montée en hauteur, ce qui illustre double­ment juste­ment le sujet : faire grand.

    Je ne prétends nulle­ment que ces deux réflexions étaient dans les réflexions de l’au­teur, mais je n’ai non plus aucun élément pour douter qu’a­près plusieurs essais il ou elle ait pu trou­ver cette illus­tra­tion comme la plus adéquate.

    Dans tous les cas je trouve qu’on va un peu vite en besogne quand on y voit forcé­ment la simple appli­ca­tion du stéréo­type sexiste « femme objet sexuel » comme avenir de la petite fille. Je le vois d’au­tant moins que mon fils se moque bien de savoir s’il essaye les chaus­sures de sa mère ou de son père.

    *

    Et pourquoi rouge ? Aucune idée, il faudrait deman­der à l’au­teur (si vous y voyez un bottage en touche, ce n’est pas par hasard : je n’ai simple­ment pas envie de présup­po­ser les raisons du choix de l’au­teur, qu’elles soient conscientes ou incons­cientes).

    Peut-être est-ce effec­ti­ve­ment parce que les talons sont stéréo­ty­pés avec une image de désir, donc asso­cié au rouge (même si dans les faits ils sont rare­ment de cette couleur).

    Peut-être est-ce aussi plus basique­ment la couleur la plus basique pour faire ressor­tir un élément dans un crayonné noir blanc et bleu. On voit d’ailleurs que plus que la couleur, ce qui diffé­ren­cie les chaus­sures est qu’il s’agit du seul élément « rempli » de couleur ; il y a donc bien une inten­tion de mise en avant forte.

    Bref, je n’en sais rien, et il y a proba­ble­ment des deux, mais je suis loin de sauter sur la conclu­sion de sexisme ou de sexua­li­sa­tion, même invo­lon­taire.

    * * *

    Ce qui me gêne c’est qu’à jouer les inter­prètes du pourquoi de ces choix, on aurait pu avoir la même conclu­sion avec tout à fait d’autres chaus­sures.

    • Des chaus­sures d’homme ? Mais pourquoi être grand serait-il forcé­ment une ques­tion d’homme, c’est infan­ti­li­ser les femmes
    • Des chaus­sures de chan­tier type Cater­pillar ? Malheu­reu­se­ment, même si elles sont mixtes, le rendu est proche de la cari­ca­ture de chaus­sure homme et aurait encore plus renforcé l’idée grand = homme qui travaille
    • Des chaus­sons ? Horreur, l’ave­nir de la petite fille est-il forcé­ment d’être mère au foyer avec des chaus­sures d’in­té­rieur ?
    • Des chaus­sures neutres et plates types tennis de toile ? Pourquoi lui nier la possi­bi­lité d’avoir des chaus­sures femme, nier son sexe ?

    Je cari­ca­ture bien évidem­ment, mais le pire c’est qu’en le faisant je me demande si je n’ai effec­ti­ve­ment pas déjà vécu ces réac­tions à d’autres occa­sions.

    * * *

    Est-ce à dire que l’af­fiche n’est pas sexiste ? Je n’en sais rien. Tout simple­ment. Je ne vois pas ce sexisme ici mais je veux aussi bien croire qu’il puisse exis­ter sans que je ne le vois ; le contexte et l’his­to­rique social ont forcé­ment un poids qu’il n’est pas toujours simple à éviter. Je trouve de toutes façons plutôt sain qu’on puisse avoir ce débat, que des personnes puissent aler­ter sur du sexisme qui leur appa­rait.

    C’est juste que j’en ai lu ici ne m’a pas convaincu. J’ai l’im­pres­sion qu’on sur-inter­prète les conno­ta­tions asso­ciées au choix des chaus­sures à talon quasi­ment autant qu’on sur-inter­pré­tait les impli­ca­tions et chaque mot ou tour­nure de phrase lors des analyses de texte en prévi­sion du BAC au lycée. L’au­teur doit avoir bien mal, ici comme au lycée.

    N’ou­blions pas : Quand on prête arbi­trai­re­ment des inten­tions à d’autres, et encore plus quand on prête des influences incons­cientes liées au cadre social, on peut prou­ver n’im­porte quelle thèse à partir de n’im­porte quel fait, ou de son contraire.

    Si quelqu’un y voit autre chose, ou que j’ai manqué une image, une conno­ta­tion, une histoire, n’hé­si­tez pas à me le signa­ler en commen­taire, c’est en fait surtout pour ça que je publie ce billet.

  • Date dans les API : Préci­ser l’heure et le déca­lage horaire

    Date dans les API : Préci­ser l’heure et le déca­lage horaire

    – Cette méthode donne la date et l’heure de publi­ca­tion
    – L’heure dans quel réfé­ren­tiel ? c’est l’heure UTC ?
    – Non, nous avons des conte­nus français, c’est l’heure française
    – OK, je suppose qu’on parle de la métro­pole et de l’heure de Paris donc. Comment gérez-vous les chan­ge­ments d’heure légale ? Si je prends comme réfé­rence 2h30 du matin le 26 octobre 2014, je risque d’opé­rer certains trai­te­ments deux fois, ou dans le désordre.
    – Pas de problème, nous livrons en réalité à des heures program­mées et il n’y a norma­le­ment pas de livrai­son entre 1h et 3h du matin, donc le cas n’ar­ri­vera pas.

    Je brode un peu mais la conver­sa­tion a déjà eu lieu, plus d’une fois dans ma vie profes­sion­nelle. Je passe sur ceux qui ne compre­naient pas qu’une date devait être soumise aux fuseaux horaires, parce que c’est en réalité toujours une heure (minuit précises) et que le 26 octobre n’est pas le 26 octobre partout en même temps.

    Règle simple :
    Toujours préci­ser l’heure et le fuseau horaire quand on donne une date dans un échange infor­ma­tique.

    On peut argu­men­ter que trans­mettre toutes les heures en UTC pour­rait suffire, et que le fuseau horaire est super­flu. En pratique ce serait oublier une autre règle essen­tielle : « tout ce qui peut être mal inter­prété le sera ». Un jour, quelqu’un pren­dra votre date et l’uti­li­sera comme une date locale et pas une date UTC. Promis, garanti. OK, ça ne sera pas de votre faute, mais si vous voulez que ça fonc­tionne et pas simple­ment renvoyer les respon­sa­bi­li­tés, il va falloir préci­ser.

    Seule solu­tion : Préci­ser le fuseau horaire ou le déca­lage horaire. J’irai même plus loin : Le préci­ser direc­te­ment dans la date elle-même, pour qu’il ne puisse pas être ignoré à la lecture et qu’il ne puisse pas être un simple para­mètre par défaut à l’en­voi qu’on reco­pie sans y penser. La conven­tion de base sur les échanges Inter­net c’est la section 5.6 de la RFC 3339.

    Exemples simples :
    2014–10–26T02:30:59+01:00 et 2014–10–26T01:30:59Z

    L’avan­tage de cette syntaxe est qu’il existe des solu­tions pour la lire dans tous les langages de program­ma­tion, et que toutes ou presque sauront gérer le déca­lage horaire correc­te­ment. Il faut être sacré­ment tordu pour tenter de l’ana­ly­ser soi-même et donc risquer d’igno­rer la partie liée au déca­lage horaire.

    Même à l’écri­ture, préci­ser expli­ci­te­ment le déca­lage horaire va gran­de­ment limi­ter les erreurs d’inat­ten­tion ou d’in­com­pré­hen­sion liées aux ques­tions de fuseaux horaires.

    De toutes façons il faut utili­ser UTC

    Rien ne vous impose pour autant d’ac­cep­ter des heures avec n’im­porte quel déca­lage horaire. L’idée est unique­ment d’avoir une syntaxe expli­cite sur le réfé­ren­tiel utilisé.

    Si vous souhai­tez impo­ser des heures UTC, faites-le. Tout ce que je vous demande c’est d’uti­li­ser une syntaxe expli­cite à ce niveau, et de reje­ter en entrée les dates qui ne seraient pas elles aussi expli­cite quant au déca­lage horaire.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par John Britt

  • Faites passer la synthèse

    Faites passer la synthèse

    Je suis fati­gué par cette mode de plus en plus courante de vouloir juger sur la base de synthèses d’une demie page ou de réunions équi­va­lentes.

    Non, tout n’est pas résu­mable en quelques minutes, ou même en une heure. La synthèse permet de comprendre les conclu­sions, de savoir s’il y a lieu de s’y inté­res­ser. Elle ne remplace pas les travaux eux-même.

    Si vous souhai­tez contes­ter les conclu­sions ou ne pas les suivre, alors impliquez-vous suffi­sam­ment pour discu­ter du fond des choses : faites l’ef­forts de vous impliquer dans les travaux, de mener les recherches néces­saires, de consul­ter les docu­ments liés et de parler avec les gens concer­nés.

    Oui, ça prend du temps. Il n’y a aucune honte à faire l’im­passe, à condi­tion de s’abs­te­nir de juger le sujet et en s’in­ter­di­sant de se forger sa propre opinion en atten­dant, ou à défaut en suivant les recom­man­da­tions de ceux qui ont mené les travaux en profon­deur. Toute autre atti­tude est d’une préten­tion critique.

    Je n’ai jamais cru à la perti­nence du direc­teur qui se garde les déci­sions en délé­gant à des tiers des études dont il n’écou­tera au mieux que la synthèse.  Je ne crois pas plus à celle du citoyen qui vote ou forge ses idées poli­tiques sur des sujets complexes – ils le sont tous – à partir de vidéos de deux minutes, de flyers ou de meetings de campagne.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC à partir d’une photo de Vasile Hurghis

  • Nom et iden­tité

    Nom et iden­tité

    Qu’al­lez-vous faire de mon nom et de mon prénom ? Pourquoi me les deman­der ? Savoir qui je suis ? et pourquoi faire ?

    Mais… qui suis-je ?

    Qu’ap­por­tera de savoir si mes parents m’ont nommé Éric à la mairie à ma nais­sance plutôt que Ahmed ou John ? Ce que je dis est-il moins perti­nent ? mes réfé­rences moins utiles ? mon avis moins impor­tant ?

    Il y a déjà erreur dans l’énoncé. Vous ne voulez pas connaitre mon iden­tité : Vous voulez vous rassu­rer avec un nom civil vrai­sem­blable. Un faux Paul Bismuth sera pris avec bien moins de pincettes que ce qu’é­crira un vrai Paci­fique Noël.

    Ce qui est amusant, Paul Dupont, c’est que vous êtes peut être bien plus anonyme vous avec votre iden­tité civile que moi avec mon iden­tité tronquée ou mon pseu­do­nyme. Éton­nant, non ?

    Votre nom et votre prénom n’ap­portent rien pour vous connaitre, savoir qui vous êtes réel­le­ment. Vous êtes un nom parmi 70 millions d’autres, voire plus. Votre iden­tité civile n’ap­por­tera aucun élément perti­nent à quiconque, si ce n’est peut être des préju­gés liés à l’ori­gine de votre nom.

    Je n’ose penser que ce sont ces pré-jugés qui vous inté­ressent. Alors regar­dons. Même avec mon nom tronqué ou mon pseu­do­nyme, vous savez proba­ble­ment qui je suis, c’est à dire quelles sont mes prises de posi­tion et mes écrits passés. Vous pouvez me les attri­buer, me les repro­cher, m’iden­ti­fier à eux.

    Cette iden­tité qui vous parait anonyme est en fait bien plus « qui je suis » que n’im­porte quel nom qui aurait pu ou pas m’être attri­bué à la nais­sance : Un tour sur les moteurs de recherche pour­rait même vous en apprendre plus sur moi que vous n’en connais­sez sur le présen­ta­teur du jour­nal télé­visé à qui vous ne repro­che­riez jamais son anony­mat. Il y aura poten­tiel­le­ment mon iden­tité civile dans le lot, mais pas que, pas forcé­ment, et ce n’est pas ça qui vous appor­tera grand chose de toutes façons.

    En fait, il est même possible que vous puis­siez en savoir plus sur moi à partir de cette iden­tité que vous quali­fiez d’ano­nyme, que vos inter­lo­cu­teurs n’en sauront jamais sur vous à partir de votre « vrai nom ». N’y a-t-il pas là matière à réflé­chir ?

    Penser autre­ment

    Votre boulan­gère ne vous a proba­ble­ment jamais demandé votre carte d’iden­tité, peut être même pas votre prénom. Il est tout à fait possible que certains collègues de bureau ou amis proches n’ar­rivent même pas à épeler voire à se rappe­ler votre nom de famille sans regar­der leur carnet d’adresse.

    Le cais­sier ne connait pas votre prénom. Avez-vous l’im­pres­sion d’être anonyme pour autant ? Ne payez-vous pas pour­tant avec votre carte bancaire ? N’avez-vous pas une carte de fidé­lité qui vous iden­ti­fie plei­ne­ment ? Le vigile ne vous aurait-il pas reconnu si vous aviez fait du grabuge la dernière fois ?

    Force est de consta­ter que les ques­tions d’iden­tité sont complexes, et qu’in­diquer un état civil en regard d’un écrit web ne corres­pond aucu­ne­ment à une approche de solu­tion.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA par Thomas Leth-Olsen

  • Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    J’en­tends encore autour de moi les gens râler sur ces ensei­gnants trop payés, qui font toujours grève et qui sont toujours en vacances. Je rage parce que pas un n’ac­cep­te­rait les condi­tions de travail des profes­seurs des écoles.

    Sans salaire depuis la rentrée, des ensei­gnants reçoivent des bons alimen­taires

    Ce n’est que le titre de l’ar­ticle de presse, mais le contenu ne vient nulle­ment modé­rer le sens initial. Après deux mois sans salaire, on leur fait même l’in­sulte de leur donner des bons alimen­taires. Et encore, c’est au profes­seur de s’hu­mi­lier à quéman­der pour les obte­nir.

    Ils ont réussi le concours, sortent d’un diplôme BAC+5 – oui, il faut avoir un master pour ensei­gner désor­mais – souvent jeunes diplô­més donc sans le sou. Vous en connais­sez beau­coup qui dans ces condi­tions conti­nue­raient à travailler après plus de deux mois sans salaire sur un nouveau job ? Vous le feriez ?

    Même quand tout fonc­tionne, le salaire n’est jamais versé à plein le ou les premiers mois. C’est dans le proces­sus « normal » de l’édu­ca­tion natio­nal : Le profes­seur reçoit un simple acompte, et le solde au mieux fin octobre.

    Quant aux congés ou aux horaires soit-disant tranquilles, je vous laisse lire la petite histoire de septembre dernier – lisez-la, vrai­ment. Oh, et le sala­rié trop payé n’est en réalité payé que 2000 € bruts par mois (envi­ron 1550 € net), pour un BAC +5 une fois le concours en poche. Quant à la sécu­rité de l’em­ploi, 13 ans d’exer­cice avec une bonne nota­tion ne garan­tit pas une place de titu­laire.

    Pensez-y avant de vous moquer de la prochaine grève qui parle de mauvaises condi­tions de travail.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Jeyheich