Auteur/autrice : Éric

  • Écri­ture digi­tale

    Écri­ture digi­tale

    Ça gonfle, ça enfle, et ça commence à dire n’im­porte quoi dans la presse.

    Non, on ne va pas arrê­ter l’en­sei­gne­ment de l’écri­ture à nos chéru­bins pour leur impo­ser d’uti­li­ser un clavier dès le primaire. Ni en France, ni aux États Unis, ni en Finlande.

    Ce dont on parle dans ces deux derniers pays c’est d’ar­rê­ter l’en­sei­gne­ment obli­ga­toire dans le tronc commun de la calli­gra­phie cursive – les écri­tures dites liées ou atta­chées. En paral­lèle on parle aussi d’in­tro­duire les claviers dans les ensei­gne­ments, mais dans aucun des cas il n’a été ques­tion de rempla­cer l’un par l’autre : On conti­nuera l’en­sei­gne­ment de l’écri­ture à la main. Ce sera juste poten­tiel­le­ment du script – carac­tères d’im­pri­me­rie, lettres bâtons.

    En fait c’est même déjà le cas en Finlande, ma femme ayant vu arri­ver dans sa classe une petite fille nordique qui n’avait jusqu’a­lors appris que le script – et qui donc était tota­le­ment inca­pable au début de relire ce qui était écrit en cursif au tableau, dont juste­ment l’en­sei­gne­ment est obli­ga­toire en France. Il semble qu’au États Unis le niveau fédé­ral auto­rise désor­mais les États internes à prendre le même chemin s’ils le souhaitent.

    Dans tous les cas on parle de ne plus rendre obli­ga­toire, pas d’in­ter­dire. Mieux : Dans le cas des États-Unis on parle de permettre de ne plus rendre obli­ga­toire. Plus souple tu meurs.

    * * *

    Quelques images pour se convaincre, s’il le fallait encore, que l’écri­ture cursive n’est rien d’autre qu’une commo­dité pour soi, un frein à la commu­ni­ca­tion et un moyen de sélec­tion pour l’école. S’il est bien préfé­rable d’écrire encore en script, il est aussi indis­pen­sable de commen­cer à apprendre à écrire avec un clavier, réel ou virtuel, et de se prépa­rer pour de bon à d’autres modes de saisie, y compris oraux. Histoire de mieux s’at­ta­cher enfin au fond de ce que l’on écrit et aux enjeux de la publi­ca­tion…
    — Michel Guillou, « qui se plain­dra de la fin de l’écri­ture cursive ?« 

    Il faut dire qu’on lit – et écrit – désor­mais très majo­ri­tai­re­ment de l’im­primé papier ou l’élec­tro­nique. Les mots échan­gés avec une belles calli­gra­phie liée se font plus rares. Les cartes postales, les mots sur le frigo et les ordon­nances médi­cales sont peut être aujourd’­hui les usages majo­ri­taires restants.

    Même pour les formu­laires ou pour les post-its, je vois fréquem­ment des écri­tures scriptes pour éviter des ennuis de relec­ture – quasi­ment à chaque fois sur des noms de personne, de ville ou de rue – ou simple­ment par honte du style de calli­gra­phie cursive. Même ceux qui conti­nuent à écrire en cursif y importent géné­ra­le­ment les majus­cules d’im­pri­me­ries, parfois même certaines minus­cules comme le v.

    Qu’en sera-t-il dans 20 ans quand nos enfants seront à notre place ?

    Est-ce donc vrai­ment perti­nent main­te­nir l’ap­pren­tis­sage de deux calli­gra­phies distinctes, si la cursive est à la fois peu fréquente, complexe à écrire et diffi­cile à relire ? Il y a l’avan­tage de la vitesse d’écri­ture face à l’écri­ture manuelle scripte, mais si les textes longs finissent de toutes façons sur clavier…

    Ça me rappelle l’usage des stylos plumes en primaire, avec les doigts et cahiers plein d’encre et les cartouches vides. Il y aura toujours des gens qui leur trou­ve­ront mille avan­tages pour l’ap­pren­tis­sage de l’écri­ture, mais je me rappelle encore mon père me deman­der « pourquoi tu utilises encore un stylo plume ? nous on a utilisé des stylos à billes dès qu’on a pu » comme si l’évo­lu­tion avait subi une régres­sion incom­pré­hen­sible.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par i k o

  • Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    En pratique, si certaines miettes tombent en bas, les finances qu’on donne aux plus riches profitent d’abord aux plus riches. Formulé ainsi personne ne s’en étonne, mais la fable qui voudrait qu’en soute­nant les plus riches on relève toute la société a la vie dure. Elle ne s’ap­puie malheu­reu­se­ment sur rien de concret.

    Wealth doesn't trickle down. It trickles outwards - to tax havens.
    Wealth doesn’t trickle down. It trickles outwards – to tax havens.

    Le problème c’est qu’on semble inca­pable d’oser dire « stop » à la classe supé­rieure, qui demande de plus en plus.

    Aux États Unis, on se rend compte que des grands groupes payent plus en indem­ni­tés à leur PDG qu’à la commu­nauté via le fisc. Au niveau mondial ce sont 211 000 personnes qui détiennent 13% du capi­tal plané­taire, y compris les éner­gies fossiles, les loge­ments, les terres, les moyens de produc­tion… C’est 0,004% de la popu­la­tion et ce déséqui­libre va gran­dis­sant.

    Évolution du salaire moyen horaire hors inflation des salariés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.
    Évolu­tion du salaire moyen horaire hors infla­tion des sala­riés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.

    En France, les grands patrons ont obtenu des allè­ge­ments histo­riques de fisca­lité pour aider à leur compé­ti­ti­vité et compen­ser des bas salaires vrai­sem­bla­ble­ment trop chers. En paral­lèle pour­tant, la part des salaires dans le PIB ne fait que dimi­nuer depuis 40 ans, les salaires commencent à dimi­nuer aussi (à monnaie constante). Autant dire que non, ça ne permet pas d’amé­lio­rer l’em­ploi, ça permet surtout de conso­li­der des divi­dendes et la course à la capi­ta­li­sa­tion.

    Depuis 40 ans, la part du PIB reversée des salaires vers les dividendes représente 1,5x le PIB.
    Depuis 40 ans, la part du PIB rever­sée des salaires vers les divi­dendes repré­sente 1,5x le PIB.

    Les aides, baisses de fisca­lité et déré­gle­men­ta­tions ne font qu’a­li­men­ter le haut de la pyra­mide. Les divi­dendes explosent pendant que les PDG font la mine du chat de Shreck en mettant tout sur le dos de la crise. Ça ne s’ar­rête pas. Ils osent tout, jusqu’à vouloir dénon­cer l’obli­ga­tion de moti­ver les licen­cie­ments.

    Entre temps, rien ne s’ar­range. Les gens lais­sés sur le carreau sont de plus en plus nombreux : +44% de SDF en 10 ans. Le pire est peut être de se rendre compte que 25% d’entre eux ont pour­tant un emploi.

    Quant à la baisse des « charges » pour la compé­ti­ti­vité des entre­prises, c’est tout simple­ment une baisse des coti­sa­tions sociales, dont les caisses sont pour­tant déjà dans le rouge depuis des années. Il serait illu­soire de croire que cela ne va pas faire bais­ser le niveau de vie et se santé de ceux qui sont le plus dans le besoin.

    Les pauvres sont trop pauvres, mais ne les aidons pas avec nos impôts
    61% pour dire qu’il faut augmen­ter les minima sociaux, mais 58% pour refu­ser d’aug­men­ter les impôts à cette fin. Blocage idéo­lo­gique.

    Tout le monde est bien d’ac­cord sur le problème, mais dès qu’il s’agit de faire de la redis­tri­bu­tion autre­ment qu’en donnant plus de sous aux plus riches, il y a un blocage idéo­lo­gique. L’im­pôt c’est pour­tant la base d’un système que même les plus riches étran­gers nous envient (l’his­toire en lien me tire une larme à chaque lecture). Je crains que ça ne dure pas, parce que pour ça il faut le finan­cer et le consen­te­ment à l’im­pôt est au plus bas.

    Le travail de commu­ni­ca­tion des plus riches fonc­tionne, il obtient désor­mais le soutien même des plus pauvres : Au lieu de main­te­nir le niveau des recettes, on sabre dans les pres­ta­tions et dans la redis­tri­bu­tion. Pauvre monde, pauvre France. Nous décons­trui­sons en quelques années une dyna­mique qui a pris des dizaines d’an­nées à se former.

    La quan­tité de biens étant limi­tée, quand on allège les taxes, coti­sa­tions et impôts des plus riches, voire qu’on subven­tionne leurs acti­vi­tés, on ne fait que prendre aux plus pauvres pour cela. C’est tout bête mais bon à rappe­ler.

    Et si pour vous commen­ciez à voir d’un bon oeil tout ce qu’on vous demande de payer pour la collec­ti­vité ? La seule ques­tion est de savoir quel modèle social vous soute­nez, et si les trans­for­ma­tions en cours ont votre soutien.

    La lutte des classes existe, nous l’avons gagnée.
    — Warren Buffet

    Les « riches », eux, savent très bien où ils en sont. Je ne compte plus le nombre de fois où j’en entendu « tu devrais être pour, c’est posi­tif pour nous ». La phrase célèbre attri­buée à Warren Buffet n’a jamais été aussi vraie.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA Doctor Ho

  • Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain

    Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain

    Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain. Je ne sais pas d’où sort cette idée que l’on n’au­rait pas le droit de gagner de l’argent en mettant son corps à dispo­si­tion d’au­trui, mais il faudra en parler à l’en­semble des travailleurs manuels de ce pays, ça les inté­res­sera beau­coup. Surtout nos mili­taires qui sautent sur des mines en Afgha­nis­tan et nos 56000 ouvriers victimes de mala­dies profes­sion­nelles chaque année. En fait, l’ex­ploi­ta­tion de l’Homme par l’Homme, et notam­ment de son corps, c’est un peu la base du capi­ta­lisme et jusqu’à l’ar­ri­vée de […], ça ne semblait choquer personne, à l’ex­cep­tion peut-être des syndi­cats. Mais si pour inter­dire […] vous voulez pour rester cohé­rent inter­dire aussi le travail, ça me va, je signe.
    extrait de ad virgi­lium

    J’ai toujours eu du mal avec l’ar­gu­ment « c’est de l’ex­ploi­ta­tion de gens qui n’ont pas le choix » voire « de la loca­tion du corps humain ».

    Une partie impor­tante des travailleurs manuels ne font *que* se soumettre à une exploi­ta­tion physique parce qu’ils n’ont pas le choix pour vivre. Croyons-nous que travailler à la chaîne, dans des fours à plus de 40° ou avec des produits dange­reux se fait par envie ou par amour ?

    Nous louons souvent notre corps, parfois pour la partie physique, parfois pour la partie mentale, souvent au détri­ment de notre santé – si le travail c’est la santé, n’ou­blions pas qu’on nous achète notre travail, et donc notre santé

    Je ne suis pas cynique au point de dire que tout se vaut, donc qu’on doit accep­ter toute exploi­ta­tion humaine simple­ment parce que le prin­cipe est partout autour de nous. Le simple argu­ment ne me suffit par contre pas.

    La ques­tion est de savoir où on trace la limite. C’est bien plus diffi­cile qu’on ne le croit car on utilise au jour le jour plus d’un outil ou d’un service qui exploite autrui dans des condi­tions tota­le­ment inac­cep­tables.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA James Vaughan

  • Être un bon ministre de la Culture

    Être un bon ministre de la Culture

    Même si je n’ai pas toujours été tendre avec Fleur Pelle­rin, là, je dois dire que j’ap­puie le cap qu’elle trace. Il faut en finir avec un minis­tère de la Culture sans aucune ligne poli­tique, réduit à être un guichet à subven­tions publiques, desti­nés à des gens qui n’ont aucun sens de la bonne utili­sa­tion des deniers publics, et qui, bien souvent, se moquent éper­du­ment du « grand public ». Si certains veulent faire de l’art d’avant-garde, celui que seule une « élite éclai­rée » peut comprendre et appré­cier, qu’ils le fassent avec leur argent. Mais pas sur fonds publics. Le minis­tère de la culture doit être celui de la diffu­sion de la connais­sance, de la culture pour tous, à commen­cer par ceux qui en ont besoin. La Culture, ce n’est pas seule­ment les grands musées pari­siens et les happe­nings bran­chouille façon festi­val d’Avi­gnon. C’est aussi et surtout les biblio­thèques, les ateliers scolaires dans les musées ou les services d’ar­chives, l’édu­ca­tion artis­tique. Bref, ce qui s’adresse au grand public pour vulga­ri­ser, au sens noble du terme.

    Je ne suis pas d’ac­cord avec d’autres côtés, notam­ment le côté « ministre de l’in­dus­trie cultu­relle qui doit s’oc­cu­per davan­tage d’éco­no­mie que de créa­tion », mais le para­graphe cité est on ne peut plus bien­venu.

    Sans faire réduire tout au marché de masse et en faire l’apo­lo­gie, il est temps d’en finir avec la vue élitisme sous subven­tion de la culture.

    Le reste est chez Authueil.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA Ahmed

  • Rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises

    Rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises

    Un groupe de travail plan­chera pour rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises.
    Emma­nuel Macron, Radio Clas­sique, 02/12/2014

    Un peu d’hu­mour noir ferait remarquer que même au mieux des discus­sions, on a juste prévu de compen­ser légè­re­ment en fin de vie les travaux pénibles aux survi­vants, mais jamais de la rendre suppor­table pour les sala­riés. Ques­tion de valeurs et de prio­ri­tés.

    Quant à ceux qui trou­ve­ront le terme « survi­vant » exagéré (ne vous cachez pas, vous êtes nombreux), je vous propose de regar­der les espé­rances de vie de ces popu­la­tions. On a beau jeu de leur propo­ser une retraite un ou deux ans plus tôt : la plupart n’en profi­te­ront pas, et conti­nue­ront à coûter bien moins cher à la collec­ti­vité que les retraites de tous ces gens aux travaux non-pénibles.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA de Ulisse Albiati

  • L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    Je vois vrai­ment la mort de la presse dans la direc­tion qu’elle prend, à ne faire que du format court, reprise des dépêches d’agences, news people et commu­niqués.

    On fait de la poubelle avec de la main d’oeuvre sous-payée, et en siphon­nant les fonds publics. Je ne vois pas comment la société pourra soute­nir long­temps une absence telle de valeur.

    Certains prennent le pas opposé, et si je n’ai pas envie de prendre de paris sur le modèle, c’est assez rafrai­chis­sant de voir que certains croient en l’in­for­ma­tion profonde, de qualité, et bien payée.

    Qualité ou quan­tité ? Visi­ble­ment, Jill Abram­son a fait son choix. Bruta­le­ment licen­ciée en mai après 17 ans passés au sein du pres­ti­gieux New York Times dont trois ans à sa tête, la jour­na­liste de 60 ans a décidé de recom­men­cer à zéro, sur Inter­net cette fois-ci. Son nouveau média, dont ni la date de lance­ment ni le nom ne sont pour le moment connus, ne publiera qu’un seul article par mois, rému­néré 100 000 dollars au jour­na­liste. A ce prix là, la rédac­trice en chef s’at­tend à ce que le pigiste se fende d’un long format d’en moyenne 120 000 signes, le double des plus longs papiers publiés par le célèbre New Yorker

    Photo d’en­tête sous licence CC BY à partir d’un travail de John Ragai

  • L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    Les écrits avec du recul sur l’ob­so­les­cence program­mée ne sont pas légion. Celui-ci en est un :

    Dès lors, ce serait une faute de concep­tion que de ne pas correc­te­ment ajus­ter les compo­sants puisque cela risque­rait d’oc­ca­sion­ner des retours coûteux au service après vente. C’est ainsi un impé­ra­tif ration­nel que de cali­brer l’en­semble des conden­sa­teurs en sorte qu’ils rendent l’âme le plus possible au même instant…

    […]

    Un tel écart de prix [choix de la durée de vie des compo­sants] était incom­pré­hen­sible pour le client à l’époque et il se trou­vait déjà des écono­mistes néo-libé­raux pour expliquer que le « diffé­ren­tiel » de prix était entiè­re­ment dû à l’écart de coût de main d’œu­vre…

    Au demeu­rant, on conçoit que l’in­dus­trie n’ait pas envie de commu­niquer sur ce para­mètre qui, moyen­nant un calcul actua­riel, permet­trait de compa­rer plus juste­ment les prix…

    En outre, le client est, pour des raisons épis­té­mo­lo­giques, inéluc­ta­ble­ment aveugle sur ce qu’il achète – n’en déplaise aux écono­mistes qui essaient de nous faire croire en la possi­bi­lité d’une trans­pa­rence des marchés. Il pour­rait se sentir « le dindon de la farce » s’il savait que le fabri­cant déter­mine préci­sé­ment la durée de vie espé­rée…

    Je me rappelle aussi cette histoire sur les impri­mantes qui recueillent un tout petit peu d’encre pendant les nettoyages des têtes à l’al­lu­mage. Il y a un bac avec une mousse pour ça, malheu­reu­se­ment non acces­sible. L’im­pri­mante tient un compte du nombre de nettoyages, et refuse le fonc­tion­ne­ment à partir d’un certain nombre prédé­ter­miné, pour éviter que le bac ne déborde.

    *

    Pas besoin de voir un complot des indus­triels. La durée de vie de l’im­pri­mante est connue, mais c’est plus une ques­tion d’éco­no­mie – le bac n’est pas acces­sible pour être vidé – que de volonté de faire raccour­cir le temps d’uti­li­sa­tion.

    Oui le construc­teur défi­nit la durée de vie probable du maté­riel, parce que cette durée de vie a un coût au niveau de la fabri­ca­tion et des compo­sants. Ce n’est pas que pour de l’élec­tro­nique. On peut parler du choix du textile et de son tissage pour les vête­ments.

    Le problème c’est que cette qualité et cette durée de vie sont invi­sibles de la part du client. Les deux critères de vente restent le prix et le marke­ting. Pas éton­nant donc qu’on tende vers des prix bas accom­pa­gnés d’un beau discours, quitte à avoir une qualité de concep­tion en baisse.

    * * *

    Que faire ? Étendre les garan­ties obli­ga­toires (elles sont désor­mais de deux ans). Impo­ser une commu­ni­ca­tion sur la dispo­ni­bi­lité de pièces déta­chées (bien­tôt effec­tif).

    J’ai plus simple, mais ça demande un courage poli­tique : Simple­ment impo­ser au construc­teur de commu­niquer offi­ciel­le­ment sur la durée de vie probable pour le maté­riel à sa connais­sance. Pas d’en­ga­ge­ment autre que la bonne foi, mais au moins on pourra se retour­ner si jamais il y a mauvaise foi.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA à partir d’un travail de Matt Shif­fler

  • Jugez un ebook sur son rendu,

    Jugez un ebook sur son rendu,

    Fran­che­ment, je me moque du code source. Faites des livres numé­riques avec du code horrible, ce qui m’im­porte c’est qu’il soit utili­sable partout, au mieux.


    Je prends donc le contre-pied total de Jiminy :

    Jugez un ebook sur son rendu,
    c’est unique­ment pour cela qu’il existe.

    Le rendu c’est l’as­pect graphique, la typo­gra­phie, l’adap­ta­tion à diffé­rents écrans, l’ac­ces­si­bi­lité, les extrac­tions textes, la compa­ti­bi­lité avec les outils divers et variés…

    L’exemple parfait nous vient du PDF. Il y a des PDF très bien faits, acces­sibles, utili­sables, compa­tibles. Personne n’ira regar­der à l’in­té­rieur, et cet inté­rieur est très fréquem­ment effec­ti­ve­ment une soupe infâme géné­rée par un logi­ciel d’édi­tion. Je n’ai aucun problème à ce que l’EPUB prenne le même chemin.

    * * *

    L’ar­ti­san expert a un atta­che­ment émotion­nel fort avec ses outils, et peut conti­nuer à les chérir et les utili­ser quand bien même ils ne seraient pas indis­pen­sable. Il reste que ces outils ne sont qu’un moyen de parve­nir à une fina­lité, pas la fina­lité elle-même. Le code interne n’est qu’un outil, rien de plus.

    Faut-il promou­voir un code simple et « propre » dans les EPUB ? La ques­tion est pure­ment tech­nique et ne devrait inté­res­ser que les concep­teurs. Hors atta­che­ment émotion­nel, la ques­tion est simple­ment de savoir ci ce code simple et propre est néces­saire.

    *

    Nous avons eu le débat il y a envi­ron 10 ans dans le milieu du déve­lop­pe­ment web, pour les mêmes tech­no­lo­gies. Aujourd’­hui faire du code simple et propre est devenu une bonne pratique incon­tour­nable. Les Dream­wea­ver et autres GO Live ont disparu. Si l’es­sen­tiel du code reste du code généré par des outils, il sera jugé en fonc­tion de sa ressem­blance avec du code déve­loppé main par un arti­san. À l’époque la compa­ti­bi­lité, l’évo­lu­ti­vité, la perfor­mance et le coût de main­te­nance nous ont entrai­nés dans cette direc­tion.

    Doit-il en être de même pour l’EPUB ? Je n’en sais rien, ce d’au­tant plus que la concep­tion d’EPUB n’est pas direc­te­ment mon métier.

    Je ne suis par contre pas convaincu que les argu­ments qu’on avait pour les pages web il y a 10 ans valent pour les EPUB aujourd’­hui : Les livres sont peu modi­fiés une fois publiés. On s’ap­proche plus d’un format final d’ex­port comme le PDF qu’un docu­ment en évolu­tion perma­nente comme le gaba­rit d’un site web.

    Le débat s’ouvre d’ailleurs de nouveau aujourd’­hui pour les sites web. Avec certains frame­works Javas­cript, le format de travail tend à s’éloi­gner gran­de­ment du code tech­nique rendu par les navi­ga­teurs. Pourquoi faudrait-il appliquer les mêmes bonnes pratiques à ce dernier alors que les contraintes et avan­tages y sont diffé­rents ?

    *

    J’ai un passé d’ar­ti­san du web. J’étais moi-même mili­tant de cette vision à l’époque. J’ai donc forcé­ment tendance à encou­ra­ger les arti­sans du livre numé­rique, ceux qui aiment le code bien fait, qui en prennent soin, qui font atten­tion aux détails.

    En prenant du recul, toute­fois, main­te­nant que je ne suis plus partie prenante, je me moque du code tech­nique interne. C’est un débat de tech­ni­ciens. Si un jour on me montre des EPUB avec un code infâme mais dont le rendu – au sens large – est bon, je n’au­rai aucun mal à le prendre en exemple.

    Nous sommes malheu­reu­se­ment en réalité encore loin de ce débat. Ceux qui génèrent du code mal fait sont aujourd’­hui très loin de géné­rer un bon rendu. Typo­gra­phie, compa­ti­bi­lité et acces­si­bi­lité sont rare­ment au rendez-vous.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Vicky Hughes­ton

  • Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    L’ar­ticle vaut le détour, même si le titre décrit très bien l’in­té­gra­lité de l’his­toire.

    A Michi­gan man was stop­ped and ques­tio­ned by police last week after « nervous » passersby called 911 to report he was « walking with his hands in his pockets. »

    The cop, who also recor­ded the inci­dent, appa­rently stop­ped and ques­tio­ned the man about his hand place­ment around 4:30 p.m. on Thanks­gi­ving in Pontiac, MI.

    « You were walking by, you were making people nervous, » the cop explains in the video, which was origi­nally uploa­ded on Face­book. « They said you had your hands in your pockets. »

    Chaque situa­tion est diffé­rente, mais la France est loin d’être exclue de ce type de ségré­ga­tion.  C’est un peu moins vrai depuis que je suis à Lyon, mais à Paris je voyais quoti­dien­ne­ment des gens se faire arrê­ter pour des contrôles autour de moi : iden­tité, titre de trans­port et souvent la fouille – oui, tech­nique­ment c’est proba­ble­ment une palpa­tion de sécu­rité avec une demande insis­tante de vider les poches et ouvrir les sacs sous peine de finir en garde à vue pour appro­fon­dir le contrôle, mais ça revient un peu au même au final.

    Par une extra­or­di­naire coin­ci­dence, je n’ai jamais été ciblé. Plus préci­sé­ment je n’ai jamais fait l’objet de ma vie d’un contrôle indi­vi­duel pour mon iden­tité,et, quand j’ai été contrôlé pour mon titre de trans­port, c’est que tout le monde l’a été sans excep­tion.

    Je sais que je suis plutôt du genre passe-partout qui se tient correc­te­ment donc peu de raisons d’at­ti­rer un contrôle indi­vi­duel, mais il en va de même pour certains autres qui sont quand même contrô­lés.

    Ce doit être la même extra­or­di­naire coïn­ci­dence qui fait que c’étaient quasi­ment toujours des gens de couleur qui étaient arrê­tés  à la Garde du Nord dans la zone métro – rer. Ils devaient avoir les mains dans les poches. Il faut dire que moi ça m’ar­rive rare­ment.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Thomas Hawk

  • Working with desi­gners

    Working with desi­gners

    J’ai lu récem­ment le Working with desi­gners, et ça me donne l’oc­ca­sion de publier une réflexion qui me trotte dans la tête depuis long­temps :

    Vous avez besoin d’un graphiste dans votre équipe.
    En interne, à demeure.

    Oui, on peut très bien faire un peu tout sans graphisme, et trou­ver un pres­ta­taire quand il s’agit quelques fois dans l’an­née de faire une charte, un design ou une illus­tra­tion. Vous manquez juste 80% de la valeur ajou­tée.

    En fait c’est plus large que ça. On peut tech­nique­ment avoir juste un CEO, qui achète des pres­ta­tions de déve­lop­pe­ment infor­ma­tique à une SSII, délègue le cahier des charges à un cabi­net d’as­sis­tance MOA, fait distri­buer la solu­tion par des vendeurs multi­cartes.

    Ça peut même fonc­tion­ner, dans de rares cas. Vous manquez juste la valeur qui est de réflé­chir au produit, de faire des évolu­tions perma­nentes et progres­sives, de lais­ser les gens s’ex­pri­mer, colla­bo­rer, avoir des initia­tives, appor­ter de la valeur, de l’ému­la­tion… On ne parle pas que de produc­tion sur le projet, mais de parti­ci­per et enri­chir la vie de l’en­tre­prise à tous les niveaux.

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    En régime de croi­sière, pour une boite techno web, vous aurez besoin d’un déve­lop­peur back, d’un déve­lop­peur front, d’un expert produit/métier, d’un graphiste, d’un commer­cial/marke­ting, d’une personne pour le support client, et d’une personne pour gérer l’ad­mi­nis­tra­tif.

    On peut bien entendu parler aussi d’un direc­teur des opéra­tions ou d’un sys admin, mais ils ne font pas autant parti du même coeur mini­mum pour moi.

    Chacune de ces sept personnes vous appor­tera quelque chose dans l’en­tre­prise,mettra de l’huile dans les rouages, même en dehors du projet lui-même.

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    Au départ il n’y a pas le choix, il faut porter plusieurs casquettes et faire quelques impasses. Par la suite vous avez tout inté­rêt à ce que les rôles soient poreux, que chacun soit incité à travaillé sur plus que sa petite case.

    Si par contre vous êtes une dizaine et que vous n’avez pas une personne diffé­rente qui joue le guide pour chacun des rôles, vous ne faites pas une écono­mie, vous vous ampu­tez d’une grosse valeur ajou­tée.

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    Votre boite n’est pas une boite techno web ? Dans ce cas vous pouvez peut être éviter d’avoir deux déve­lop­peurs distincts, mais il faudra au mini­mum les rempla­cer par un bidouilleur infor­ma­tique à tout faire (au sens noble, si vous croi­sez le terme anglais hacker, c’est de ça qu’on parle), qui devien­dra vite indis­pen­sable.

    Dans ce cadre, j’aime beau­coup la notion « hacker in resi­dence » et « desi­gner in resi­dence » de eFoun­ders. C’est la compré­hen­sion que même parta­gés entre plusieurs projets, pour faire émer­ger de la valeur il faut des gens impliqués à demeure, au milieu des équipes.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA par Axel Hart­mann