J’ai peu parlé de ma nouvelle aventure professionnelle. J’ai fait un virage assez fort. J’ai tardé à en parler parce que je ne suis pas encore sorti du virage, et j’ai toujours un peu peur de la sortie de route.
J’ai intégré un poste de Lead Software Engineering dans un accélérateur à Sanofi.
Changement de contexte
Si je mets à part ma première année à faire le site web d’une chocolaterie locale, j’ai toujours baigné dans des entreprises tech avec un produit tech, où le développement logiciel était le cœur de l’entreprise.
Ici c’est différent.
Je ne travaille pas directement sur le cœur de l’activité. Le digital1 est au service du reste de l’activité. Le développement logiciel c’est une partie du digital, et pas forcément la plus importante.
C’est un pied dans l’inconnu. Je m’attends à une façon différente d’aborder la technique, les investissements et les décisions.
Les process de qualité sont déjà un enjeu majeur vu que je vais travailler dans la branche usine. C’est aussi plein de choses à apprendre et découvrir, et ça c’est enthousiasmant.
Accélérateur
Pendant longtemps j’ai entendu autour de moi des gens dire qu’il fallait être dans une boite tech, que c’est là que tout se faisait, que je ne trouverai pas d’équivalent ailleurs.
Je suis passé au-delà de l’image extérieure. Je ne veux pas abandonner ce que j’ai appris de positif dans les boites tech, dont le fait de bouger vite, la liberté d’action, l’autonomie, la confiance, l’exigence technique, etc.
L’accélérateur c’est justement ça : Faire des bureaux et une hiérarchie séparés, y récupérer une culture et des pratiques de boites tech, avec les moyens et soutiens qui vont avec de la part de la direction, puis insuffler ça par l’exemple dans le reste de l’entreprise.
J’espère y trouver le meilleur des deux mondes, ou au moins un compromis intéressant. En tout cas c’est le plan. De ce que j’en ai vu jusqu’à présent, le pari est plutôt réussi.
C’est un changement d’échelle
Si je mets de côté mon passage à Yahoo! et celui dans une ESN de moyenne importance, j’ai fait 20 ans dans des boites de 10 à 200 personnes, généralement moins de 200.
Ici c’est 80 à 90 000 employés.
Je vais être un rouage d’une grande machine, avec les process qui vont avec, une proximité humaine différente, probablement moins de flexibilité, et peu de capacité d’influencer les décisions stratégiques à l’échelle de l’entreprise.
Je ne sais pas encore trop ce que ça va impliquer, pas forcément du négatif, mais ça va être clairement différent.
Là aussi, cependant, peut-être ce changement d’échelle sera mitigé par le côté accélérateur, et le sentiment d’appartenance à un groupe plus raisonnable qui a une mission à part entière.
Une question de pérennité et stabilité
Je cherche un peu de stabilité et d’implication long terme que je n’ai pas réussi à trouver jusque là. Il y a certainement des causes intrinsèques à ma personne2, mais aussi d’autres liées à l’environnement que j’ai côtoyé jusque là.
Une start-up c’est quelques personnes, quelques dizaines. Je ne sais pas jusqu’où je peux parler de startup mais ça s’arrête certainement à quelques centaines.
L’idée c’est qu’on n’est pas censé rester entre 20 et 200 personnes. Soit ça croit, soit ça tombe. Si je n’ai fait que ça, que je ne sais faire que ça, je vais continuer à devoir passer d’une boite à l’autre.
L’intention est qu’ici ce soit différent.
Au-delà de tout ça, j’ai quand même aussi la petite musique de l’âge. À 45 ans3 je commence à me poser des questions sur l’avenir. Il y aura un âge où on ne m’embauchera plus, surtout dans le milieu big tech, encore plus dans l’environnement start-up & scale-up. Ça fait déjà des années que je fleure déjà le top 10 des plus âgés dans les entreprises que je rejoins.
Bref, il y a un moment où il faudra que je trouve une place ailleurs, une place qui soit pérenne. Peut-être est-ce tôt pour y penser, peut-être pas, mais ça fait partie de la réflexion en tâche de fond, de pourquoi c’est peut-être le bon moment pour moi d’essayer ce grand virage. En tout cas je ne me crois pas assez vieux pour avoir peur ou envie d’essayer, et ça c’est positif.
C’est un changement de rôle
Le vrai changement possible c’est le changement de rôle.
La hiérarchie est bien plus écrasée qu’on ne le pense mais, dans une structure de 80 ou 90 000 personnes, mon positionnement est forcément différent de mes précédents.
Je crois que c’est ce qui m’a fait le plus réfléchir.
J’ai besoin de liberté, d’impact, de fierté. Dès mes premières années, même en ESN, j’ai été électron libre, expert et pompier, puis consultant. Je suis sur des rôles de direction depuis quasiment 15 ans, avec la capacité et la liberté de prendre mes décisions.
Exécuter les instructions d’un autre sans être entendu m’use très rapidement les nerfs. La fin de mes aventures a d’ailleurs souvent été suite à une période de ce type.
Bref, je suis Lead, ce qui ne veut rien dire. En pratique j’ai la responsabilité des équipes logicielles de l’accélérateur lyonnais qui va s’occuper des usines, autant sur la technique que sur l’organisation. Mon directeur semble vouloir me laisser faire mes choix et prendre mes responsabilités, peut-être plus que je ne m’y attendais.
Il y a certaines choses où je serai très cadré mais dans l’ensemble j’ai l’impression que j’aurai une grande autonomie, ce qui me convient très bien. Il y a même des sujets où j’ai l’impression que je vais être plus libre ici que je ne l’ai en réalité été vis-a-vis de mes CEO en CTO ou VP Engineering de start-up/scale-up.
Un changement de titre
Je dis toujours que les titres ne sont pas l’important. Je le pense, vraiment. Avec le changement de rôle vient un changement de titre qui quand même imposé un vrai moment de réflexion, voire de doute.
Ce n’était pas une question de ce que je fais, c’était une question de ce que j’affiche. Avec le temps, je me suis rendu compte que la fierté joue un grand rôle pour moi. J’ai besoin d’être fier de ce que je fais, de ce que je suis, et le voir dans le regard d’autrui.
Je fais sur ce poste de Lead ce qu’on aurait appelé Directeur ou Head Of dans la plupart des entreprises de la tech mais je ne l’affiche pas. C’est peut-être un des éléments qui, inconsciemment, m’a fait retarder mon annonce.
Le chemin intellectuel n’est pas encore terminé. Il avance. Je vais trouver d’autres raisons d’être fier qu’un titre Linkedin. C’est probablement aussi bien.
Il y a aussi ce qui ne change pas
Le terme « entreprises à mission » me fait toujours un peu sourire mais, au moins, j’ai depuis longtemps essayé de choisir des entreprises que je trouvais utiles socialement, dont le produit avait du sens pour moi.
Je n’ai aucune envie d’être le CTO de la dernière brosse à dent connectée, ni de participer à je ne sais quelle spéculation autour du Web3 et des NFT. Je n’ai pas envie de travailler à la publicité ou au pistage de la population.
Sanofi fait de la santé. Le cœur c’est la R&D pharmaceutique et les vaccins, puis les usines pour produire. C’est utile à la société. Ça compte énormément pour moi.
Bref, j’ai tout changé
C’est un gros virage dans mon environnement pro.
Depuis trois semaines, même si je reste dans un environnement culturel très connu, je découvre un nouveau monde et j’apprends ce que sera mon terrain de jeu.
Grand groupe oblige, je ne peux ni ne veux en dire trop publiquement, mais si on se connait vous êtes les bienvenus à venir en parler avec moi en privé.