Catégorie : Vie professionnelle

  • Story points

    Points de complexité, points d’ef­fort, tailles de tshirt… J’ai vu des équipes travailler avec des comp­tages allant d’une mesure en heures de travail à des mesures au simple nombre de tickets.

    Je n’ai pas trouvé de réelle corré­la­tion entre la réus­site des équipes et leur façon d’es­ti­mer, ou même avec l’exis­tence ou non d’es­ti­ma­tions.

    Si je devais trou­ver un critère commun à la majo­rité des équipes que j’ai vu bien fonc­tion­ner, le voilà :

    Les esti­ma­tions de tâches indi­vi­duelles sont réali­sées au lance­ment du travail. Elles ne sont pas utili­sées au-delà de la courte période de travail concer­née pour laquelle elles étaient prévues. Elles ne sont pas utili­sées en dehors de l’équipe ou de son fonc­tion­ne­ment interne.


    Déci­der. On estime les epic, ces gros blocs qui recoupent géné­ra­le­ment plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ces epic servent à faire des choix, déci­der de l’op­por­tu­nité de réali­ser, confron­ter les prio­ri­tés, savoir s’il est réaliste d’at­teindre l’objec­tif avant un événe­ment parti­cu­lier. Dans tous les cas on parle de stra­té­gie et de tactique.

    Les points de complexité n’ont aucun sens à ce niveau. On a juste besoin d’un ordre de gran­deur. Les esti­ma­tions se font au doigt mouillé et c’est très bien comme ça. 30% de marge d’er­reur c’est presque de la surqua­lité.

    Ces esti­ma­tions n’ont aucune valeur en dehors de la prise de déci­sion. Le péri­mètre n’est pas vrai­ment défini, la tech­nique en est à l’étude de faisa­bi­lité et aux pistes tech­niques crédibles ou non.


    Réagir. Et puis à partir de là on passe éven­tuel­le­ment en réali­sa­tion. Mesu­rer l’avan­ce­ment permet de ne pas se perdre, d’iden­ti­fier les blocages, de se rendre compte quand on patauge. C’est ce qui permet éven­tuel­le­ment de dire « on a un problème, il faut chan­ger quelque chose » ou « l’ordre de gran­deur qui a mené à la déci­sion de réali­sa­tion se révèle faux, est-ce qu’on conti­nue ou pas ? ».

    On peut mesu­rer en fonc­tion d’es­ti­ma­tions de travail ou en fonc­tion de ce qui est livré à la sortie. Les deux ont du sens et je vous invite à faire les deux. Côté scrum on parle de la burn-down qui trace le travail, limité à une itéra­tion ou à une date butoir, et la burn-up qui trace la valeur produite sur du plus long terme.

    Ces esti­ma­tions ne servent qu’à ça, iden­ti­fier d’éven­tuels problèmes pour agir en fonc­tion. Elles ne servent pas à savoir si l’équipe travaille bien ou pas. Ce sont de sacré­ment mauvais indi­ca­teurs pour ça.


    Et donc les problèmes arrivent quand on croise les deux.

    Les esti­ma­tions et les plans ne sont pas faits pour mesu­rer le succès et le travail d’une équipe. Il sont faits pour déci­der et réagir. Rien de plus.

    Un plan long terme ne se construit pas en jouant au puzzle à agen­cer plein de petits blocs ensemble pour les caser dans l’agenda. Ça ne fonc­tionne déjà pas pour les tâches de pure exécu­tion, parce que 18 tâches de 10 minutes ne prennent pas le même temps qu’une tâche de 180 minutes.

    Ça fonc­tionne encore moins dès qu’il y a une acti­vité de réflexion, de créa­tion, ou simple­ment l’in­ven­tion de quelque chose qui n’existe pas. On ne connait pas tout à l’avance, le puzzle sera explosé avant d’avoir atteint le premier quart. C’est vrai autant d’un point de vue fonc­tion­nel que tech­nique.

    Mais surtout, le plan est fait pour être changé. Mesu­rer la réalité par rapport au plan c’est dire que le chan­ge­ment et l’im­prévu doivent être vali­dés en amont, qu’ils sont anor­maux, qu’en que si la réalité ne corres­pond pas au plan c’est la réalité qui a tort et que le problème se situe donc au niveau de ceux qui suivent le plan.

    Malheu­reu­se­ment essayer de tordre ou de contes­ter la réalité ne fonc­tionne que à ma connais­sance que dans les livres et les films de science-fiction (et encore : même là, en géné­ral, on a les problèmes qui nous sautent au visage dès qu’on essaie).

    Par­fois il y a aussi des problèmes au niveau de ceux qui suivent le plan, mais savoir si la réalité est conforme au plan est tout sauf le bon indi­ca­teur pour ça.

  • [Liens] Éthique et travail

    I funda­men­tally believe that my time at Reddit made the world a worse place. That sucks. It sucks to have to say that about myself.

    An Apology for the Inter­net, McCo­mas

    I wonder which propor­tion of deve­lo­pers is sharing that feeling. Knowing to work for the (dark) grey guys out there, imple­men­ting addic­tive algo­rithms, dark patterns, profi­ling and so on. Whate­ver the reasons, that should be hard to live with. Is there some­thing exis­ting like ethi­cal burn out?

    Worse Place, David

    Il est possible de penser à l’éthique person­nelle versus l’éthique de l’en­tre­prise. Il est néces­saire d’ex­plo­rer ce que nous appe­lons profes­sio­na­lisme et ses consé­quences. Qu’est-ce que signi­fie « bien faire son travail » ?

    Éthique, Karl

    Merci Karl et David, je trouve toujours de l’écho chez moi dans vos liens et propos.

  • Du temps de pape­rasse

    On m’avait dit « ne sous-estimes pas le temps admi­nis­tra­tif ».

    Fran­che­ment je n’ai quasi­ment rien. J’ai un seul client, qui me paye dans les 30 jours sans que j’ai besoin de le relan­cer. Pas de commer­cial à faire.

    J’ai un comp­table qui s’oc­cupe de toutes les décla­ra­tions. Il me propose un logi­ciel bien fait où je peux quali­fier chaque dépense profes­sion­nelle et enre­gis­trer chaque frais person­nel que je veux me faire rembour­ser.

    Sur ce même logi­ciel je peux anno­ter les quelques entrées / sorties de mon compte en banque pour véri­fier ce qu’il se passe. Je vois en même temps mes factures être payées.

    Et bien avec ce scéna­rio idéal, je passe une demi-jour­née par mois sur l’ad­mi­nis­tra­tif, rien que pour la gestion courante.

    * * *

    Une facture c’est comp­ter mon temps, éditer un gaba­rit pour créer le docu­ment, véri­fier le résul­tat, contre-véri­fier (oui, je sais), puis l’en­voyer, véri­fier qu’elle est payée… et avec le bon montant.

    Une bête note de restau­rant ou de ticket de trans­port c’est penser à la garder dans le porte­feuille, une fois par mois toutes les sortir, les clas­ser. Sur chacune saisir la date, le montant, la tva et sa raison d’être — et parfois déco­der un ticket à moitié effacé prend un petit moment. Puis on scanne, parce que juste­ment ça a tendance à s’ef­fa­cer tout seul assez rapi­de­ment, on agrafe et on classe. Même chose avec les factures en ligne. Pas besoin de scan mais il faut aller cher­cher la facture, parfois pas immé­dia­te­ment dispo­nible. Dans les deux cas le fichier numé­rique doit ensuite être nommé avec une nomen­cla­ture qu’on retrou­vera, puis archivé.

    Une fois par mois il faut poin­ter les entrées-sorties bancaires, asso­cier les justi­fi­ca­tifs aux dépenses ou aux recettes.

    Et puis il y a tout l’ac­ces­soire : La mutuelle, les décla­ra­tions faites par le comp­table, la banque, etc.

    Tout ça n’est pas grand chose mais on y passe bien une demie-jour­née par mois. Si vous avez du commer­cial ou plusieurs clients à gérer en paral­lèle, des relances à faire pour les paie­ments, beau­coup de frais, des décla­ra­tions légales à faire vous-même, un logi­ciel par pratique, comp­tez faci­le­ment le double.

    Si je dois ajou­ter l’ad­mi­nis­tra­tif pour étudier et choi­sir les statuts de l’en­tre­prise, les rendez-vous avec le comp­table pour la créa­tion, les rendez-vous à la banque pour créer le compte, étudier et choi­sir la mutuelle puis y sous­cri­re… j’ai peut-être passé deux semaines rien que sur l’ex­cep­tion­nel.

  • Combien coûte un déve­lop­peur en interne ?

    J’ai eu plein de réponses éton­nées quand j’ai dit qu’il valait mieux payer 1500 € de pres­ta­tion que 5 jours perdus en interne. Alors voilà, ça coûte combien une jour­née de déve­lop­peur en interne ?

    TL;DR : Dans les 400 € la jour­née en moyenne aux salaires pari­siens, proba­ble­ment pas moins de 300 € même hors Paris.


    On peut discu­ter de chaque chiffre indi­vi­duel­le­ment. Si vous êtes sur Paris vous aurez peut-être un loyer plus cher mais moins de dépla­ce­ment. Si vous êtes en province vous n’au­rez peut-être pas de ticket resto mais le moindre dépla­ce­ment pari­sien coûtera beau­coup plus cher. On ne vous paie peut-être pas de confé­rence mais peut-être êtes-vous dans une petite boite où vous prenez bien plus de temps à la struc­ture, ou dans une grande boite où vous avez un gros CE et d’autres avan­tages. Bref,  l’idée c’est de faire un ordre de gran­deur réaliste.

    Je pars du salaire brut. J’ajoute 1,5% pour la prévoyance et 42% pour les coti­sa­tions sociales patro­nales.

    Là dessus il faut ajou­ter les frais : Je compte 6 m² à 180 € / an le m² loyer + communs asso­ciés + entre­tien ; un amor­tis­se­ment d’en­vi­ron 500 € par an d’équi­pe­ment infor­ma­tique, entre­tien et assu­rance inclus ; 100 € divers en amor­tis­se­ment mobi­lier, communs inclus ; 100 € de four­ni­tures et consom­mables, travaux d’im­pres­sions inclus ; 1 000 € de coûts de support (service de paie, DSI, RH, etc.), oui ça semble beau­coup mais ça ne repré­sente fina­le­ment que quelques jours annuels ; une moyenne annuelle de 500 € de confé­rences ou forma­tion, frais de dépla­ce­ment, restau­ra­tion et loge­ment inclus ; 200 € de licences et services, dont tous les github, trel­los, jira, slack, google docs, asana & co ainsi que les éven­tuelles licences webs­torm/phps­torm ; 500 € de mutuelle payée par l’em­ployeur ; 25 € mensuels d’abon­ne­ment trans­port remboursé par l’em­ployeur ; et des tickets resto avec 4 € de part employeur. J’ai quasi­ment 5 500 € unique­ment avec ce qui est listé.

    J’ajoute aussi l’oc­cu­pa­tion à 5% du temps de son mana­ger ou direc­teur, en consi­dé­rant arbi­trai­re­ment que ce dernier coûte 20% de plus que lui.

    Déve­lop­peur cadre syntec, on part sur 218 jours forfai­taires par an. J’en­lève la jour­née de soli­da­rité, 2 jours par an de all hands / sémi­naire, 5 jours de forma­tion ou auto-forma­tion, 1/2 jour­née de réunion hors projets par mois (les démo, les réunion d’équipe, les suivis mana­ger, etc.), 1 jour par an de RH et admi­nis­tra­tif, 2 jours de confé­rence, un arbi­traire de 3 jours « non produc­tif mais présent quand même » genre l’em­ployé malade qui n’a pas pris son congé mala­die ou quand vous le faites partir une demie-jour­née plus tôt parce qu’il est crevé ou qu’on est la veille de Noël. Bref, 198 jours effec­tifs par an (et ça me parait large­ment sur-évalué).

    Le résul­tat c’est qu’un déve­lop­peur à 35 000 € bruts annuels — primes, avan­tages et inté­res­se­ment compris — coûte déjà au mini­mum 300 € par jour. À Paris on commence à embau­cher les jeunes diplô­més plus chers que ça.

    J’ai tendance à être moins opti­miste sur les jours de travail effec­tifs et à arri­ver à une moyenne de 400 € par jour pour une équipe d’ex­pé­rience mixte au salaire pari­sien, donc plutôt 500 € par jour si je parle de lead ou de seniors. Si les SSII et free­lance facturent faci­le­ment 500 € ou plus, ce n’est pas que parce qu’ils s’en mettent plein les poches, c’est aussi qu’il y a un vrai coût derrière.

    Si on compte les risques et les inves­tis­se­ments néces­saires, j’échange assez faci­le­ment jusqu’à 500 € pour éviter une jour­née gâchée dont je ne retire rien.

    Hors Paris on peut proba­ble­ment reti­rer 25% à mes chiffres finaux. Atten­tion toute­fois, si vous êtes larges sur les dépla­ce­ments vers des bureaux ou des confé­rences hors de votre ville, ça compense assez vite une partie de ce que vous gagnez sur le salaire et les locaux.


    Et comme on me l’a demandé, en comp­tant au plus juste pour un travailleur smic sans aucun avan­tage, on arrive quand même déjà à 105 € par jour :

    On a un coût employeur de 1750 € mensuels coti­sa­tions sociales incluses, soit 21 000 € annuels, 22 250 € avec l’en­ca­dre­ment, auxquels on ajoute 1 000 euros de frais divers, dont mini­mum la moitié en mutuelle et rembour­se­ment d’abon­ne­ment de trans­port. 227 jours travaillés hors jour­née de soli­da­rité pour quelqu’un sans RTT, auxquels on retire une demie jour­née par mois entre les réunions, forma­tions, et présence non effi­cace.

    En étant plus réaliste sur les coûts, on passe faci­le­ment à un coût employeur tout compris proche des 120 € par jour de travail.

  • La base de travail pour 2018

    Une progres­sive web app prévue d’abord pour mobile, fonc­tion­nant tota­le­ment hors ligne avec une synchro à la prochaine recon­nexion et des données chif­frées côté client.

    Oui, votre besoin a peut-être des usages ou des contraintes qui ne cadrent pas avec ce stéréo­type mais ça mérite proba­ble­ment d’y réflé­chir deux fois avant d’écar­ter un des éléments.

    Quand je vois nombre de projets sans chif­fre­ment des données ou quasi­ment inutiles une fois hors ligne, j’ai l’im­pres­sion de retrou­ver les projets d’il y a quelques années qui consi­dé­raient le mobile comme acces­soire.

  • Déve­lop­peur senior

    Un déve­lop­peur senior ne va pas forcé­ment plus vite. Parfois il va même moins vite.

    Par contre il pourra s’at­taquer à des problèmes plus complexes, il pourra éviter de refaire des erreurs déjà faites ailleurs, il pourra prendre en compte des enjeux autres que la produc­tion de code elle-même, et/ou il pourra penser un coup plus loin.

     

  • Petit retour sur le télé­tra­vail

    Je fais du télé­tra­vail depuis presque trois mois désor­mais. Il est peut-être temps pour un retour sur expé­rience, non ?

    Spoi­ler pour les pres­sés : Je suis mitigé.

    J’y ai gagné

    Un vrai bureau assez profond, pas de circu­la­tion autour de moi, personne pour voir mon écran, de la lumière natu­relle et un agen­ce­ment pour qu’elle ne m’éblouisse pas, un chauf­fage suffi­sant que je peux régler loca­le­ment…

    Ça devrait être un mini­mum partout mais ça ne l’est pas. Le faible inves­tis­se­ment dans les espaces de travail de la plupart des boites que j’ai croisé fait que c’est le premier point posi­tif qui me vient à l’es­prit.

    La fin des temps de trajet. Bien entendu, comparé à mes trajets Paris-Lyon le gain est énorme mais diffi­cile de consi­dé­rer que c’est lié au télé­tra­vail. Comparé à mon précé­dent boulot sur Lyon disons que j’y gagne peut-être 30 minutes par jour. C’est moins fantas­ma­go­rique que sur le papier parce que je mutua­li­sais mes trajets avec l’ac­com­pa­gne­ment du petit à l’école ou les courses du soir. Là je dois sortir exprès pour.

    C’est aussi diffi­cile

    Bosser de chez soi c’est avoir un bureau chez soi. J’y ai perdu la chambre d’ami et je ne m’y atten­dais pas. Rien n’a changé, il y a toujours eu un bureau encom­bré, et on dépliait le canapé-lit au besoin. Sauf que désor­mais je dois dire aux amis de me lais­ser la pièce avant 9h le matin et de ne pas y reve­nir avant 19h le soir, et de ne pas lais­ser trai­ner leurs affaires person­nelles entre les deux parce que j’oc­cu­pe­rai la pièce. Pas glop.

    Ok, j’y ai gagné en temps de trajet mais pendant ce temps je lisais, je regar­dais des séries, parfois j’avais la tête encore au boulot ou au contraire j’an­ti­ci­pais sur le programme de la maison, parfois je me repo­sais simple­ment la tête. Aujourd’­hui je passe du travail à la famille sans tran­si­tion et c’est inten­sif. Il me manque cruel­le­ment de ce sas de décom­pres­sion qu’é­tait le temps de trajet.  Limite si faire une marche dehors de dix minutes avant et après le travail rien que pour ça n’au­rait pas du sens.

    Les inter­ac­tions de travail sont aussi toutes plus complexes. Beau­coup passe à l’écrit et la visio pose beau­coup moins de diffi­cul­tés qu’an­ti­cipé. Tant que les gens ont un casque audio pour éviter l’écho et que tout le monde est à distance, ça va. Pour les réunions où une part signi­fi­ca­tive des colla­bo­ra­teurs sont dans une même salle de réunion locale, là par contre c’est très diffi­cile de se main­te­nir.

    Si la visio se passe bien, il faut toute­fois penser à la lancer et c’est là que ça pêche. Dans un même bureau on passe faci­le­ment voire l’autre pour discu­ter ou s’iso­ler dans une salle de réunion. Sans face à face on a tendance à rester plus long­temps à l’écrit avant de lancer la visio.

    On perd aussi la faci­lité de comprendre si le collègue est dispo­nible ou pas, s’il est d’hu­meur, quand est le bon moment pour parler. C’est au point ou si la personne n’est pas connec­tée je ne sais pas toujours si elle est en dehors de ses heures, si elle est concen­trée sur le projet, ou si elle est en congés et que ce n’est pas indiqué sur le calen­drier.

    La vraie diffé­rence, enfin, c’est surtout qu’on ne voit pas l’hu­meur des gens, qu’on n’a pas les discus­sions de machine à café, qu’on ne ressent pas la même chose. Le lien social est absent, ou presque.

    J’avais pensé que l’isole­ment social me pèse­rait moins qu’à d’autres. Je suis assez intro­verti, je parti­cipe peu à la machine à café (d’au­tant que je ne bois pas de café, je ne fume pas, je ne bois pas d’al­cool… mine de rien ça limite les prétextes). Et pour­tant… ne pas avoir parfois un délire dans le bureau entre deux collègues, une discus­sion passion­née à midi, un espace infor­mel le soir… ça manque beau­coup.

    La force de l’écrit et de la visio font qu’on y réserve le produc­tif. Il y a 8 ou 9 jour­nées d’équipes avec tout le monde sur Paris dans l’an­née pour créer du lien. C’est bien, c’est utile, mais ça ne remplace pas tout.

    Et le reste ?

    Et bien le reste ne change pas vrai­ment. Les infor­ma­ti­ciens sont déjà assez isolés. Je ne vois pas de pair program­ming mais j’ima­gine qu’on doit pouvoir monter des choses en ce sens. Il y a juste d’autres choses à faire avant.

    Idem pour les meetup et autres réunions de veille tech­nique. Ça devra prendre une forme diffé­rente, je ne peux pas vous dire laquelle aujourd’­hui mais je ne vois pas pourquoi on ne pour­rait pas trou­ver une forme adap­tée.

    Et les horai­res… Tout le monde fantasme sur les horaires et la liberté qui va avec. En réalité ça ne change pas grand chose là non plus. Si l’em­ployeur est à cheval sur les horaires au bureau il le sera sur la présence en ligne. S’il est plus cool il pourra l’être dans la même mesure pour du télé­tra­vail, pas forcé­ment beau­coup plus. Dans tous les cas on inter­agit avec des tiers, ce qui impose d’être connecté aux mêmes heures. Rien que le daily du matin cadre bien la jour­née.

  • 120 € la jour­née

    Je vais peut-être jouer le trouble fête et je vais peut-être me faire huer, mais 120€ pour un junior je trouve cela correct. Entre 0 et 2 ans, les gens sortent de l'école (Et quand je parle d'école, c'est soit des écoles d'informatiques, de design, soit des écoles via des MOOC genre OpenClassrooms en 1 an, avec au final peu de compétences dans chaque matières, je sais de quoi je parle, j'ai été mentor pour eux.). Du coup 120€ je trouve ça suffisant pour ce type de profil ! Personnellement, je vis à Québec depuis bientôt 7 mois, et j'ai commencé à faire des piges (freelance). On est payés pour des contrats à genre 25$ de l'heure, voire 35$, et j'ai 5 ans d'expérience. (En gros ça fait un taux journalier compris entre 175 et 245$). On a le même taux d'imposition (environ 25%) et on vit pourtant très bien ! Bref tout ça pour dire que personnellement je trouve les tarifs corrects. Voir un junior avec un tarif journalier à 300€ serait tellement ridicule. C'est comme si l'expérience de la personne n'avait aucune valeur, et que finalement bah "tu es développeur (ou autre), tu dois avoir un salaire élevé". #YO-LO.

    Ça revient sur le tapis trop souvent alors on va la refaire. Les plus pres­sés peuvent passer direc­te­ment à la conclu­sion.


    Mettons qu’on parte sur 217 jours de travail poten­tiels, ce qui est plus ou moins la norme Syntec. Là dessus on peut comp­ter 10% du temps en admi­nis­tra­tif, commer­cial et avant-vente.

    Mettons aussi 5% de temps non facturé, pour compen­ser une erreur, une jour­née pas effi­cace, une jour­née à vide parce qu’on attend un docu­ment ou une vali­da­tion du client…

    On arrive à 184 jours factu­rés. Bien entendu un déve­lop­peur free­lance sans aucune expé­rience et donc sans réseau n’a aucune chance de factu­rer 184 jours sa première année (même ensuite on est dans le haut de la four­chette, et il ne sera plus sans expé­rience) mais imagi­nons tout de même, pour la beauté de l’exer­cice.

    184 jours x 120 € HT = 22 080 € factu­rés par la plate­forme.

    Là dessus il faut reti­rer les frais. On part sur un auto-entre­pre­neur (les autres statuts coûte­ront plus cher). Les coti­sa­tions sociales sont de 22,2% à préle­ver sur le chiffre d’af­faire. Il reste donc 17 178 € avant les frais.

    Dans les frais il y a déjà les 12% de la plate­forme, soit 2 650 € annuels.

    À ça j’ajoute au mini­mum : 300 € de respon­sa­bi­lité civile profes­sion­nelle, 50 € de compte bancaire dédié avec moyen de paie­ment, 500 € d’amor­tis­se­ment maté­riel moyen, 100 € de consom­mables et pape­te­rie, 300 € de CFE, 200 € de licences et saas. Parce que c’est essen­tiel je compte aussi 1 000 € de mutuelle.

    Ça parait beau­coup mais c’est large­ment sous-évalué. On compte en TTC, l’auto-entre­pre­neur ne se fait pas rembour­ser la TVA.

    Comp­tons aussi que pour travailler il occupe 6 m² dédiés chez lui (une demie-pièce) qu’on peut évaluer à 13 € mensuels le m² charges comprises (oui, c’est arbi­traire, mettons qu’il a un appar­te­ment pas cher dans une grande ville) soit envi­ron 1 000 €.

    17 178 – 2 650 – 2 450 – 1 000 = 11 078 € nets annuels.


    Un free­lance à 120 € par jour c’est moins de 80% d’un SMIC (13 845 € nets).

    J’ai pris le cas vrai­ment idéal, des frais réduits et quasi­ment aucun jour non facturé. En pratique ça sera beau­coup moins.

    Bien entendu pour ça il n’a aucune garan­tie de travail, aucune assu­rance chômage, impos­si­bi­lité sérieuse d’ac­cès au crédit, une galère pour trou­ver un loge­ment à cause de tout ce qui précède, et des indem­ni­tés symbo­liques en cas d’ar­rêt de travail pour raison de santé.

    Donc non un quart de moins que le SMIC ce n’est pas « correct » pour un plein temps avec une quali­fi­ca­tion très tech­nique. C’est même assez honteux de le suggé­rer.

  • Il parait qu’on nous apprend à apprendre

    Qu’a­vez-vous appris dans vos études supé­rieures qui vous serve encore aujourd’­hui ? Moi pas grand chose, et je pense qu’il en va de même pour la plupart des infor­ma­ti­ciens qui sont passés par le circuit des écoles d’in­gé­nieur clas­siques. Pour les autres il y a proba­ble­ment plus de concret mais on regarde bien vite au-delà des acquis de la forma­tion initiale.

    Il parait qu’on nous apprend à apprendre, à réflé­chir, à trou­ver des solu­tions à des problèmes nouveaux, que c’est le cœur de notre métier.

    C’est peut-être vrai mais à ce moment là c’est ensuite que ça dérape.

    Ensuite on ne parle plus de forma­tion ni d’ap­pren­tis­sage. Même le stage de fin d’étude n’est qu’une auto­ri­sa­tion à être un peu moins produc­tif ou à passer quelques jours à lire des docu­men­ta­tions.

    « Tu es déjà bien assez cher, on ne peut pas se permettre de te former à ce que tu ne connais pas. Si tu ne sais pas c’est que tu n’es pas la personne qu’il nous faut. Nous on veut quelqu’un qui puisse nous appor­ter de l’ex­pé­rience. »

    Plus on avance, plus on exige que l’in­for­ma­ti­cien sache. Il doit savoir tout faire, tout esti­mer, faire les bons choix du premier coup, imagi­ner l’ar­chi­tec­ture pour les 2 ans à venir d’un produit dont on n’a pas encore décidé à quoi il ressem­blera le mois prochain, comme s’il avait la science infuse.

    Dans le meilleur des cas on déclen­chera une pres­ta­tion d’ac­com­pa­gne­ment dans l’an­née sur un sujet haute­ment tech­nique ou une forma­tion excep­tion­nelle de deux jours sur une techno super récente, un peu comme si le savoir pouvait s’ache­ter sur étalage.

    Ne marchons-nous pas un peu sur la tête ?

    En plus d’être inef­fi­cace, cette façon de faire rend les colla­bo­ra­teurs soit mal dans leur peau (via la pres­sion, le senti­ment de ne pas y arri­ver) soit désim­pliqués (quand ils finissent par perdre confiance ou lâcher l’en­vie d’y arri­ver). Bien entendu le donneur d’ordre finit par raffer­mir ses attentes et son contrôle, alimen­tant la pompe pour un joli cercle vicieux dont il est diffi­cile de sortir.

    * * *

    Et c’est de pire en pire au fur et à mesure des respon­sa­bi­li­tés. Quand on parle de lead, je crois que je ne connais quasi­ment personne qu’on ait formé à ce poste et aux enjeux. Tu l’es ou tu ne l’es pas. Ça s’ar­rête là. Tu coûte déjà trop cher et personne n’est là pour prendre du temps à ça.

    Quand on commence à parler de mana­ge­ment ça devient déli­rant. Personne n’ex­plique, comme si avoir été enca­dré (pour ceux qui l’ont vrai­ment été) suffi­sait à savoir répondre aux besoins d’une équipe.

    Pas très éton­nant qu’on tombe faci­le­ment dans le culte du cargo au niveau des méthodes et des croyances.

  • Faire plus de réunions

    Je vois souvent des gens mili­ter contre les réunions. Mon expé­rience est oppo­sée. Faites des réunions, souvent, autant que néces­saire.

    Faites les courtes, avec un ordre du jour précis commu­niqué à l’avance et avec un livrable en sortie : déci­sion prise, infor­ma­tion parta­gée, docu­ment édité en commun ou assi­gna­tion de tâches.


    Se réunir c’est commu­niquer et colla­bo­rer. Je suis étonné que beau­coup ne se rendent pas encore compte que c’est le cœur du travail en entre­prise.

    Je n’ai encore jamais croisé d’or­ga­ni­sa­tion malade d’un trop plein de réunions bien menées. L’op­posé est par contre assez facile à trou­ver.

    Géné­ra­le­ment ces réunions sont néces­saires.

    Le problème n’est pas dans l’exis­tence de la réunion mais dans l’ab­sence de travail réalisé avant (prépa­ra­tion, ordre du jour, envoi des docu­ments utiles pour que chacun ait le contexte et puisse l’étu­dier au préa­lable), pendant (pas de cadrage, pas de livrable, pas de fil conduc­teur, pas de suivi de l’ordre du jour, personnes qui parlent sans savoir ou qui lancent des discus­sions hors sujet, voire non construc­tives) ou après (pas de suivi, actions à faire non assi­gnées à des respon­sables, pas de commu­ni­ca­tion au reste de l’en­tre­prise, pas de prise en compte des déci­sions).

    Du coup les réunions sont longues, semblent ne servir à rien (et souvent ne servent à rien). Les suppri­mer fait dispa­raitre l’ano­ma­lie visible mais ne répond pas du tout au besoin initial. On met juste la pous­sière sous le tapis en espé­rant que ça va bien se passer. C’est rempla­cer un mauvais fonc­tion­ne­ment par un autre.


    Atten­tion toute­fois : Ne rédui­sez pas les réunions à la partie effi­cace. Quand vos réunions seront courtes et centrées sur les besoins opéra­tion­nels, quand vous aurez éliminé les temps morts et les échanges hors sujet… l’en­tre­prise va en souf­frir.

    Il y a aussi besoin de respi­ra­tion. Il y a besoin du lien social où on demande à son voisin s’il a passé de bonnes vacances. Il y a besoin que la personne en face répète une énième fois la stra­té­gie ou le problème qu’il a, parce que tout n’est pas entendu la première fois. Il y a besoin que la personne à l’autre bout de la table parte parfois en hors sujet pour faire germer une idée ou remarque plutôt que de l’ou­blier l’ins­tant d’après.

    Ceci n’est pas un plai­doyer pour un joyeux bordel, mais les temps morts et les déra­pages sont dans une certaine mesure essen­tiels à l’en­tre­prise et à son bon fonc­tion­ne­ment.

    Une façon de voir c’est que les gens soient bien à l’heure, donc souvent cinq minutes en avance là où on se dit bonjour et où on créé le lien, et que les cinq à dix minutes suivant la réunion ne soient pas occu­pées, pour permettre aux gens d’échan­ger en mode « devant la machine à café ». Vous gardez la réunion effi­cace sans pour autant confondre les colla­bo­ra­teurs avec des robots.