J’ai eu plein de réponses étonnées quand j’ai dit qu’il valait mieux payer 1500 € de prestation que 5 jours perdus en interne. Alors voilà, ça coûte combien une journée de développeur en interne ?
TL;DR : Dans les 400 € la journée en moyenne aux salaires parisiens, probablement pas moins de 300 € même hors Paris.
On peut discuter de chaque chiffre individuellement. Si vous êtes sur Paris vous aurez peut-être un loyer plus cher mais moins de déplacement. Si vous êtes en province vous n’aurez peut-être pas de ticket resto mais le moindre déplacement parisien coûtera beaucoup plus cher. On ne vous paie peut-être pas de conférence mais peut-être êtes-vous dans une petite boite où vous prenez bien plus de temps à la structure, ou dans une grande boite où vous avez un gros CE et d’autres avantages. Bref, l’idée c’est de faire un ordre de grandeur réaliste.
Je pars du salaire brut. J’ajoute 1,5% pour la prévoyance et 42% pour les cotisations sociales patronales.
Là dessus il faut ajouter les frais : Je compte 6 m² à 180 € / an le m² loyer + communs associés + entretien ; un amortissement d’environ 500 € par an d’équipement informatique, entretien et assurance inclus ; 100 € divers en amortissement mobilier, communs inclus ; 100 € de fournitures et consommables, travaux d’impressions inclus ; 1 000 € de coûts de support (service de paie, DSI, RH, etc.), oui ça semble beaucoup mais ça ne représente finalement que quelques jours annuels ; une moyenne annuelle de 500 € de conférences ou formation, frais de déplacement, restauration et logement inclus ; 200 € de licences et services, dont tous les github, trellos, jira, slack, google docs, asana & co ainsi que les éventuelles licences webstorm/phpstorm ; 500 € de mutuelle payée par l’employeur ; 25 € mensuels d’abonnement transport remboursé par l’employeur ; et des tickets resto avec 4 € de part employeur. J’ai quasiment 5 500 € uniquement avec ce qui est listé.
J’ajoute aussi l’occupation à 5% du temps de son manager ou directeur, en considérant arbitrairement que ce dernier coûte 20% de plus que lui.
Développeur cadre syntec, on part sur 218 jours forfaitaires par an. J’enlève la journée de solidarité, 2 jours par an de all hands / séminaire, 5 jours de formation ou auto-formation, 1/2 journée de réunion hors projets par mois (les démo, les réunion d’équipe, les suivis manager, etc.), 1 jour par an de RH et administratif, 2 jours de conférence, un arbitraire de 3 jours « non productif mais présent quand même » genre l’employé malade qui n’a pas pris son congé maladie ou quand vous le faites partir une demie-journée plus tôt parce qu’il est crevé ou qu’on est la veille de Noël. Bref, 198 jours effectifs par an (et ça me parait largement sur-évalué).
Le résultat c’est qu’un développeur à 35 000 € bruts annuels — primes, avantages et intéressement compris — coûte déjà au minimum 300 € par jour. À Paris on commence à embaucher les jeunes diplômés plus chers que ça.
J’ai tendance à être moins optimiste sur les jours de travail effectifs et à arriver à une moyenne de 400 € par jour pour une équipe d’expérience mixte au salaire parisien, donc plutôt 500 € par jour si je parle de lead ou de seniors. Si les SSII et freelance facturent facilement 500 € ou plus, ce n’est pas que parce qu’ils s’en mettent plein les poches, c’est aussi qu’il y a un vrai coût derrière.
Si on compte les risques et les investissements nécessaires, j’échange assez facilement jusqu’à 500 € pour éviter une journée gâchée dont je ne retire rien.
Hors Paris on peut probablement retirer 25% à mes chiffres finaux. Attention toutefois, si vous êtes larges sur les déplacements vers des bureaux ou des conférences hors de votre ville, ça compense assez vite une partie de ce que vous gagnez sur le salaire et les locaux.
Et comme on me l’a demandé, en comptant au plus juste pour un travailleur smic sans aucun avantage, on arrive quand même déjà à 105 € par jour :
On a un coût employeur de 1750 € mensuels cotisations sociales incluses, soit 21 000 € annuels, 22 250 € avec l’encadrement, auxquels on ajoute 1 000 euros de frais divers, dont minimum la moitié en mutuelle et remboursement d’abonnement de transport. 227 jours travaillés hors journée de solidarité pour quelqu’un sans RTT, auxquels on retire une demie journée par mois entre les réunions, formations, et présence non efficace.
En étant plus réaliste sur les coûts, on passe facilement à un coût employeur tout compris proche des 120 € par jour de travail.
4 réponses à “Combien coûte un développeur en interne ?”
Corolaire : Quand vous avez une politique interne qui fait renoncer des abonnements à 30 ou 50 € mensuels pour des services en ligne qui font gagner au moins un jour dans l’année, vous vous tirez une balle dans le pied.
Pour rendre efficace vos équipes, attribuez leur un budget et la liberté d’acheter ce qui leur est rentable et stratégique de prendre en externe, sans avoir à batailler et argumenter chaque euro dépensé, sans avoir à entendre que tout est trop cher. Le pire c’est quand mener l’étude et la défendre en réunion finit par coûter plus cher en temps et en frustration que ce qu’aurait coûté le service à la base.
Donnez même directement une carte bancaire à cet usage au responsable de chaque équipe. Le temps de discuter avec la direction pour chaque achat, l’occupation du temps du directeur pour cela, on dépasse très largement le coût annuel d’une carte bleue.
Tu compares les coûts, mais tu ne compares pas à production égale. Si je te rejoins parfaitement sur le paiement de services externes où il n’y a pas de valeur ajoutée sur le cœur de métier de l’entreprise, et où on peut effectivement comparer les coûts assez simplement, je suis clairement dubitatif quant à comparer un prestataire de service et un employé de l’entreprise sur des projets qui sont intimement liés au cœur de métier de l’entreprise.
Ces projets demandent du temps de formation, une adaptation à la culture tant de l’entreprise que du domaine métier. Il n’est pas possible de capitaliser sur la connaissance d’un prestataire, qui doit nécessairement partir (ou être embauché).
Si on peut se permettre de payer un service externe quand on peut tout ramener aux coûts, je pense qu’il faut faire très attention ne pas sous-estimer les bénéfices dans l’équation.
Tout dépend de quoi on parle.
Oui il y a plein de paramètres en jeu. Et pour être plus explicite, même sans parler de capitalisation, tu n’externalises pas le cœur de ton entreprise. Jamais. Même si ça te coûte moins cher. Stratégiquement tu prends un risque énorme et tu perds aussi totalement le contrôle.
Mais justement, quand les équipes pourraient passer du temps sur quelque chose de plus utile et cœur à ta société, leur faire gâcher des jours quand on peut utiliser des services tiers ou des aides ponctuelles, c’est souvent un mauvais calcul. Genre refuser de payer un service tiers d’intégration continue pour développer et maintenir tes propres machines, c’est tout ça en moins de focus sur ton propre produit. Même chose pour l’IT interne. De même, refuser de l’aide quand tu buttes ou quand tu prends un choix sans expérience, c’est gâcher inutilement du temps (mais dans ce cas je parle d’aide et pas de remplacer les gens internes).
Pour faire suite à une discussion Twitter : Oui, ce n’est qu’une calculette et qu’un aspect dans les décisions. Il y a d’autres enjeux et tout ne se réduit pas à ça.
De façon générale, je refuse toute externalisation sur le produit, la R&D et le cœur de la société. Même des prestataires en régie me gênent à ce niveau.
Par contre, même sur les activités cœur, je considère important de savoir se faire épauler et accompagner pour de l’expertise, pour confirmer des choix, pour résoudre des problèmes sur lesquels on a l’impression de ne pas savoir. Il s’agit cependant d’aide et d’accompagnement, pas de remplacer le travail interne. J’avoue humblement que je tarde personnellement encore trop à déclencher ou à oser lancer ce type de prestation.
Inversement, sur tout ce qui est annexe, jetable ou ponctuel, j’ai tendance à considérer que la calculette est l’essentiel de la question, voire à externaliser même si ça coûte un peu plus cher, histoire de garder le focus interne sur l’important. Je considère facilement les services IT comme de l’annexe, les déclinaisons client comme du jetable ou ponctuel.
La grande question est toujours de savoir ce qui est cœur. Je considère habituellement le SAV comme cœur chez un éditeur produit, je sais que beaucoup de gens considèrent ça comme une charge annexe à externaliser.
Tout n’est pas non plus blanc ou noir, et là ça s’évalue. Maintenant, dans tous les cas, si vous ne savez pas combien vous coûtent vos journées, vous pilotez à l’aveugle et ça ce n’est jamais bon.