Catégorie : Politique et société

  • Culture, entre propriété indi­vi­duelle et bien commun

    Je lis Niel Jomunsi abor­der avec brio la ques­tion de la diffu­sion de ses oeuvres, de la copie et de son impact. Je n’ai limite rien à ajou­ter telle­ment c’est bien pensé et bien expliqué. Je ne saurai trop vous recom­man­der la lecture.

    Thierry Crou­zet répond, en parlant d’al­go­rithmes.  Je ne comprends pas cette vision et ce voca­bu­laire tech­nique.

    On copie. Pas d’al­go­rithme ou de magie à l’oeuvre du point de vue utili­sa­teur. Copier on le fait déjà avec des images, avec du texte, avec de la musique. On l’a toujours fait.

    On avait peur de l’im­pri­me­rie quand elle est arri­vée. Plus tard on a eu peur de la radio, avec des conte­nus gratuits ça serait la mort de la produc­tion phono­gra­phique. Puis on a eu peur des cassettes audio, puis des mêmes en vidéo, du photo­co­pieur, du graveur de CD, du rattra­page TV.

    Non, ce qui arrive n’est pas l’ef­fet de bord de la révo­lu­tion numé­rique. Ce qui arrive est l’évo­lu­tion natu­relle de notre société, conti­nue depuis des siècles. Le fait qu’on travaille avec du numé­rique n’est pas plus struc­tu­rant que le fait qu’on ait travaillé avec des photo­co­pieurs il y a 50 ans ou avec du plomb il y a 100 ans.

    Je ne dis pas que le partage numé­rique à grande échelle ne va rien chan­ger – au contraire – mais d’une part il faut arrê­ter de croire que la présence de conte­nus gratuits va dimi­nuer d’au­tant le budget cultu­rel – le passé a prouvé plusieurs fois que ce n’était pas le cas – d’autre part affir­mer que la rému­né­ra­tion à la copie est indis­pen­sable est forte­ment mécon­naitre notre histoire : Ce modèle actuel de rému­né­ra­tion à la copie est tout récent, la part la plus impor­tante de notre culture s’est forgée dans d’autres modèles.

     

    Pour la suite, désolé, mais je ne comprends pas l’ar­gu­men­ta­tion qui veut amal­ga­mer les caisses auto­ma­tiques, le trading haute fréquence et le droit de parta­ger un livre numé­rique à son voisin. Je ne dis pas que ce sujet est inin­té­res­sant, mais ça n’a un peu rien à voir à mon humble avis.

    Quand on parle de copie de conte­nus cultu­rels on ne parle pas d’au­to­ma­ti­sa­tion d’un travail manuel, on parle d’équi­libre entre l’in­té­rêt indi­vi­duel de l’au­teur (et de la chaîne d’édi­tion/produc­tion) et entre l’in­té­rêt collec­tif de la société. C’est un sujet qui n’est pas léger, mais ce n’est « que » ça : un équi­libre à trou­ver.

    Inter­dire les copies ? C’est chan­ger l’équi­libre pour se rappro­cher de l’in­té­rêt indi­vi­duel (puisque des copies et des prêts on en a toujours eu même avant le numé­rique).
    Lais­ser faire les copies ? C’est lais­ser l’équi­libre déri­ver vers le collec­tif. C’est une direc­tion qui est prise depuis des dizaines ou des centaines d’an­nées, bien avant le numé­rique, mais qui fait un bon inima­gi­nable aujourd’­hui.

    La ques­tion est juste là. Où se situe l’équi­libre entre l’in­di­vi­duel et le collec­tif ? Celui qui croit avoir une réponse simple a proba­ble­ment mal compris la problé­ma­tique.

  • Travail et auto­ma­ti­sa­tion : la fin du travail ne touche pas que les emplois les moins quali­fiés

    Pour les cher­cheurs, l’in­for­ma­ti­sa­tion devrait surtout porter sur des emplois peu quali­fiés. Ils n’ont réalisé aucune esti­ma­tion pour évaluer le nombre d’em­plois touchés par l’au­to­ma­ti­sa­tion dans les années à venir, mais ils concluent leur prédic­tion en expliquant que les employés peu quali­fiés et les profes­sions à bas salaires qui devraient être les plus touchées devront être réaf­fec­tés à des tâches qui ne sont pas sensibles à l’in­for­ma­ti­sa­tion, comme celles néces­si­tant de l’in­tel­li­gence créa­tive et sociale

    L’au­to­ma­ti­sa­tion des tâches et l’avan­ce­ment des tech­no­lo­gies fait dispa­raitre les travaux les moins quali­fiés au profits de travaux plus quali­fiés mais plus rares ?

    Fumis­te­rie.

    Si dans les 20 dernières années du XXe siècle nous avons connu un exode des emplois les moins quali­fiés vers des emplois quali­fiés et très quali­fiés, la perte d’em­ploi se fait désor­mais dans tous les domaines de compé­tences.

    Et même quand ce n’est pas le cas, ce n’est pas forcé­ment une bonne nouvelle

    Si l’au­to­ma­ti­sa­tion peut amélio­rer le travail, le rendre plus stimu­lant et inté­res­sant, une machine trop sophis­tiquée peut aussi géné­rer de la déqua­li­fi­ca­tion, trans­for­mant un arti­san compé­tent en opéra­teur de machine modé­ré­ment quali­fié.

    Mais surtout on a de moins en moins besoin de réflé­chir. D’une part grâce à l’aide de l’in­for­ma­ti­sa­tion, d’autre part parce que la réflexion se concentre aux mains de quelques uns.

    Les travailleurs de la connais­sance sont eux-mêmes en train de se déqua­li­fier, ressem­blant de plus en plus à des opéra­teurs infor­ma­tiques, estime Carr.

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    On peut faci­le­ment mettre ça en rela­tion avec la concen­tra­tion des richesses et du capi­ta­lisme forcené. Moins de très riches, qui contrôlent et exploitent le travail des autres. Ceux qui restent deviennent opéra­teurs de systèmes auto­ma­ti­sés ou sur des tâches manuelles trop complexes à auto­ma­ti­sées (par des ouvriers loca­li­sées dans des pays à très bas coûts).

    Le graphique est éclai­rant. On a de moins en moins d’em­plois qui néces­sitent de réflé­chir, et on chute à un niveau excep­tion­nel­le­ment bas.

    Le pire c’est que nos poli­tiques conti­nuent à faire perdu­rer le mythe des avan­cées tech­no­lo­giques qui poussent vers des postes plus quali­fiés, alors qu’en réalité on réduit surtout le nombre d’em­ploi, en les écra­sant tous plus ou moins vers de l’exé­cu­tion intel­lec­tuelle, du contrôle de proces­sus.

    En fait, depuis les années 2000, la concur­rence dans les emplois manuels peu quali­fiés s’est accrue et les travailleurs plus quali­fiés ont pris la place des moins quali­fiés pour des emplois eux-mêmes moins quali­fiés.

    La poli­tique du « avec un meilleur diplôme vous aurez un emploi » ne fait que repor­ter le problème. L’im­por­tant est juste d’avoir un meilleur diplôme que les autres, même si la haute compé­tence est inutile. On en est à deman­der le bac ou des études supé­rieures pour tout, du person­nel de ménage jusqu’au jardi­nier en passant par l’ou­vrier à la chaîne. Le pire c’est qu’en plus on spécia­lise forte­ment les diplôme, rendant les gens très diffi­cile à redé­ployer sur d’autres missions.

    Je n’ai pas de solu­tion au problème de déqua­li­fi­ca­tion des emplois. Si ce n’est arrê­ter de s’y soumettre, profi­ter du besoin moindre pour réali­ser tu travail libre, sur des tâches qui sont et plus valo­ri­sante et plus utiles à la société. Pour ça le revenu de base est une piste.

    La pour­suite du tout emploi n’amène de toutes façons à rien, sauf le bonheur des 0,1% qui concentrent capi­tal comme capa­cité de déci­sion.

  • Comment la France veut contrer Netflix

    On note déjà par le titre que la France n’a pas pour objec­tif de four­nir un service meilleur ou aussi bon, ni de profi­ter d’une acti­vité écono­mique nouvelle, mais unique­ment de contrer et empê­cher quelque chose de neuf, et d’amé­ri­cain.

    Déjà ça part mal, et quand on aura dépassé ce stade, alors peut être qu’on pourra parler de French Tech, d’in­no­va­tion et de muta­tion numé­rique.

    Il [le CNC, centre natio­nal du cinéma, organe géré par le gouver­ne­ment] préco­nise des rappro­che­ments pour abou­tir à des offres visant l’au­dience la plus large possible ou un public plus restreint, dites offres de niche, afin de redy­na­mi­ser le secteur. Objec­tif : éviter que Netflix ne prenne une avance trop forte par rapport aux acteurs français.

    […]

    La première option des pouvoirs publics était la plus évidente : favo­ri­ser un rappro­che­ment, dans ce domaine, entre Orange et Canal+, deux des trois prin­ci­paux acteurs de la VoD en France (avec TF1). Cette option pouvait même appor­ter une solu­tion au cas Daily­mo­tion. Mais les négo­cia­tions ont échoué (lire ci-dessous). Le CNC a donc iden­ti­fié plusieurs entre­prises qui pour­raient servir de tête de pont face à Netflix. AlloCiné figure en tête.

    Bref, ça se confirme, et la méthode prévue c’est créer un masto­donte orga­ni­sa­tion­nel. La seule chose qu’on est capable de voir dans Netflix c’est la taille. Parler d’ex­pé­rience utili­sa­teur, de cible diffé­rente, d’ap­proche client ? Certai­ne­ment pas. On va juste créer une entité qui rapproche quelques énormes entre­prises et croire que d’un coup ça va appor­ter une solu­tion. Comme si c’était le problè­me…

    Quand c’est qu’on met des gens qui réflé­chissent à la tête des subven­tions gérées par l’État ?

  • Jour­na­listes, arrê­tez de parler de méta­don­nées

    D’abord c’est quoi une méta­don­née ? Le préfixe « méta » est utilisé pour dési­gner une réflexion. La méta­don­née c’est une donnée sur la donnée.

    La donnée d’une conver­sa­tion télé­pho­nique c’est la conver­sa­tion. La méta­don­nées c’est qui télé­phone à qui, combien de temps ça dure, dans quelle langue, par quel opéra­teur, à quelle heure, etc.

    Le point impor­tant c’est que tout ça est ques­tion de contexte. La « donnée sur la donnée » est une donnée à part entière. Si vous vous inté­res­sez à qui télé­phone à qui, ce que vous récu­pé­rez c’est de la donnée, pas de la « méta­don­née ».

    Ce qui pouvait être un simple terme tech­nique devient un élément de langage pour amoin­drir l’im­por­tance du viol de nos vies privées.

    Les États ne récu­pèrent pas des méta­don­nées, ils récu­pèrent nos données, tout simple­ment. Pas toutes les données, par exemple peut être pas le contenu des conver­sa­tion télé­pho­nique, ou pas tout le temps, mais des données tout de même, et pas des moindres.

    En conti­nuant à parler de méta­don­nées vous sortez de la descrip­tion objec­tive de ce qu’il se passe et vous oubliez votre rôle d’ana­lyste de l’in­for­ma­tion : Vous retrans­met­tez les éléments de langages de tiers qui ont pour but de façon­ner le ressenti de vos lecteurs. En cela vous trom­pez et vous vous compro­met­tez.

    Petit exemple pratique ? Quand on titre « Voda­fone confirme que six pays ont un accès direct à ses méta­don­nées » on trompe le lecteur en le distançant de ce qu’il se passe. Non seule­ment ce sont des données, mais ce sont les données de ses clients, pas celles de Voda­fone (même s’il en a le dépôt).

    Titrez « Voda­fone confirme que six pays ont accès à une partie des données de ses clients » et vous verrez une prise de conscience bien diffé­rente. Ce sera en tout cas bien plus proche de ce qu’il se passe.

  • Comp­ta­bi­lité « un peu artis­tique »

    Selon lui, son épouse tenait une comp­ta­bi­lité « un peu artis­tique », et « n’avait déclaré aucun revenu pour 2011 », suite à quoi le fisc « a réta­bli des reve­nus chif­frés à 181.122 euros ».

    Oui, on peut gagner 180 000 euros et en décla­rer zéro, juste parce qu’on ne tient pas tout à fait bien ses comptes. C’est presque pareil il faut dire.

    Le PDG d’EDF Henri Proglio, objet d’une enquête préli­mi­naire pour « trafic d’in­fluence », a indiqué lundi avoir remboursé 60.000 euros versés à son épouse par une asso­cia­tion soute­nue par EDF, tout en assu­rant n’avoir jamais fait pres­sion pour que l’en­tre­prise ou ses four­nis­seurs financent ses spec­tacles.

    Parce que finan­cer 60 000 euros sur fond asso­cia­tif à un artiste qui en gagne déjà 180 000 par an, ça n’a rien d’ex­cep­tion­nel.

    On ne doit pas vivre dans les mêmes mondes.

  • Une France qui sacri­fie sa jeunesse

    Fran­che­ment le graphique est éclai­rant quand on compare avec l’Al­le­magne ou le Royaume Uni. On savait que la géné­ra­tion de 1950 était dorée, mais pas qu’elle handi­ca­pait à ce point les géné­ra­tions suivantes. Image et contenu sur un article du Monde.

    4434487_6_7771_les-inegalites-entre-les-generations-en_2337ca0403ae2df266903a78594922ceNous voyons surtout la baisse des salaires nets subie par les nouveaux entrants, dont l’an­cien­neté future ne permet­tra jamais de remé­dier au choc initial. L’ex­pan­sion des niveaux de diplômes a créé une géné­ra­tion iden­ti­fiée à la classe moyenne supé­rieure, mais dont le revenu glisse sous celui des classes moyennes infé­rieures de la géné­ra­tion de ses parents. Cette nouvelle géné­ra­tion vit une tendance montante de déclas­se­ment écono­mique.

    […]

    La compa­rai­son montre aussi l’ef­fet de cica­trice au bout duquel le chômage et la préca­rité des ving­te­naires se trans­forment en bas salaires à vie, en retraites plom­bées au-delà. La société française, comme les autres socié­tés médi­ter­ra­néennes, ne se contente pas de sauver le confort des seniors d’aujourd’­hui au prix de diffi­cul­tés d’in­té­gra­tion de sa jeunesse, elle l’or­ga­nise de telle sorte que les ressources perdues à l’en­trée dans la vie adulte ne se rattrapent pas.

  • L’ab­sence de trans­pa­rence sur le patri­moine des parle­men­taires

    Comment rendre (volon­tai­re­ment) inex­ploi­table l’exer­cice de trans­pa­rence voulu par la popu­la­tion suite au scan­dale Cahu­zac.

    Les décla­ra­tions de patri­moine ne pour­ront être ni repro­duites, ni copiées, et seuls les élec­teurs pour­ront les consul­ter en présence d’un agent. Photos ou prise de notes seraient ainsi inter­dites, empê­chant toute analyse globale.

    En clair, pour connaître le patri­moine d’un élu, il faudra être élec­teur de sa circons­crip­tion, puis prendre rendez-vous en préfec­ture. Une fois sur place, on pourra le consul­ter quelques instants, en étant accom­pa­gné, et sans pouvoir prendre la moindre note ou photo­gra­phie. Rappe­lons aussi que la presse n’a pas le droit de mention­ner le fameux patri­moine, sous peine d’une amende.

    Oh comme nous sommes loin des pays nordiques où n’im­porte qui peut deman­der commu­ni­ca­tion de n’im­porte quel docu­ment, de la note de frais d’un élu au CV d’un candi­dat à un poste public…

    Je note aussi la détes­table déviance qui voudrait que le député ne soit rede­vable que devant sa circons­crip­tion. On oublie que si le vote est local, le mandat est natio­nal. Je n’ai pas « un » député, j’en ai 577. Ils me repré­sentent tous, et j’ai moti­va­tion à me sentir concerné par chacun. De manière plus réaliste, c’est juste une solu­tion pour empê­cher toute compa­rai­son et toute statis­tique.

    Il est vrai­ment temps de mettre un coup de pied dans la four­mi­lière et d’avoir des mesures radi­cales sur le fonc­tion­ne­ment de la vie publique. Aucun repré­sen­tant n’y a inté­rêt, malgré les belles décla­ra­tions. C’est à nous de l’im­po­ser.

  • Pourquoi la France ne sera jamais acces­sible

    Oui, ça parle d’ac­ces­si­bi­lité des maga­sins aux personnes handi­ca­pées. Ne fuyez pas, c’est percu­tant et abso­lu­ment pas donneur de leçons. Ça en dit plus sur notre façon de penser nos lois et règle­ments que sur le handi­cap.

    Je crois que si j’étais commerçante, je lâche­rai l’af­faire, ça me dépri­me­rait.

    Alors je voudrais deman­der pardon, pardon à tous les commerçants qui doivent nous haïr à l’idée de faire des travaux galères, mais je vous jure, c’est pas de notre faute. Moi je suis prête à vous offrir des planches gratos et à deve­nir vendeuse ambu­lante. Mais même ça, ça serait trop simple.

     

    Le pire c’est que tout ça a de bonnes raisons d’être : La rampe qui dépasse sur le trot­toir empiète sur l’es­pace public. Il ne faut pas que ce soit la solu­tion de faci­lité, d’au­tant que si elle reste à demeure elle fera chuter des passants dans la rue (ça serait con de créer plus de handi­ca­pés, il faut bien avouer).

    Je comprends aussi qu’une rampe mal posée à la va vite par quelqu’un qui n’y a pas réflé­chi ça peut se casser la gueule, poten­tiel­le­ment abîmer un fauteuil (rappel : ça peut couter le prix d’une belle voiture ces trucs là). Deux heures d’ex­pli­ca­tions seront peut être super­flues pour quasi­ment tout le monde mais si c’est celui qui vend la rampe qui dispense la chose, ça ne sera peut être pas inutile.

    Main­te­nant il y a comme un truc qui ne fonc­tionne pas. À vouloir faire parfait on ne fait pas, et on met bien entendu les commerçants sur le dos des handi­ca­pés.

    Allez lire.

  • Sous la dette publique, l’ar­naque néoli­bé­rale

    C’est un article Media­part, donc payant, mais la source est d’ac­cès public.

    On véri­fie aisé­ment que les dépenses (même y compris les inté­rêts) ne présentent pas de tendance à la hausse. Certes, on observe deux pics en 1993 et 2010, qui corres­pondent aux réces­sions. Mais sur moyen terme, les dépenses de l’État ont au contraire baissé, passant d’en­vi­ron 24 % du PIB jusqu’en 1990 à 21 % en 2008. Tout le problème vient du fait que les recettes ont, elles aussi, baissé, parti­cu­liè­re­ment au cours de deux périodes : entre 1987 et 1994, puis à partir de 2000.

    En *pan* pour la croyance popu­laire qui voudrait que l’État prélève et dépense de plus en plus. Non seule­ment la part des dépenses dans le PIB a tendance à bais­ser, mais en plus ses recettes (donc les impôts et taxes) baissent encore plus. Elles baissent assez vite pour que ce soit juste­ment le facteur de créa­tion de dette.

    G3

    « Au total, de 2000 à la mi-2012, les mesures de baisse d’im­pôts ont repré­senté 4,3 %  du PIB. Elles ont souvent favo­risé les plus riches (baisse de l’im­pôt sur le revenu, de l’ISF, des droits de succes­sion), les grandes entre­prises (niche Copé, Crédit impôt recherche) et certains lobbys (baisse de la TVA dans la restau­ra­tion). Signa­lons en parti­cu­lier que le taux margi­nal supé­rieur de l’im­pôt sur le revenu qui était de 65 % entre 1982 et 1985, avait baissé à 54 % en 1999. Il a été abaissé à 49,6 % en 2002, 48 % en 2003 et 40 % en 2006.

    Comme les baisses d’im­pôts béné­fi­cient forcé­ment aux plus riches (pour rappel, la moitié de la popu­la­tion ne paye pas d’im­pôt sur le revenu, et la TVA a elle tendance à augmen­ter derniè­re­ment), nous créons de la dette au profit des plus riches.

    la France, malgré la crise, aurait presque encore été à l’époque en confor­mité avec les sacro-saints critères de Maas­tricht si ces baisses d’im­pôts n’étaient pas inter­ve­nues, et notam­ment le critère euro­péen qui fait obli­ga­tion à ce que la dette d’un État ne dépasse pas 60 % de sa richesse natio­nale. Concrè­te­ment, sans ces baisses d’im­pôts, la France aurait certes crevé ce plafond, mais dans des propor­tions raison­nables. Juste un chouïa…

    Bien entendu on ne peut pas se conten­ter de réflé­chir ainsi, les baissent d’im­pôts ayant proba­ble­ment eu des effets macro-écono­miques posi­tifs par ailleurs qui ont pu (ou pas) compen­ser en partie, mais ça fait réflé­chir.

    Ils y ajoutent un effet boule de neige, à cause du mode de finan­ce­ment de la dette et ses inté­rêts anor­ma­le­ment élevés. Ces derniers relèvent d’un choix poli­tique pur et simple : Les banques empruntent à la BCE à coût quasi nul, puis prêtent à l’État à des coûts non négli­geables. Les inté­rêts supplé­men­taires vont gros­sir la dette qui à leur tour vont faire gros­sir les inté­rêt et ainsi de suite : faire un joli effet boule de neige unique­ment dû à un choix poli­tique de finan­ce­ment.

    Sans ce cumul d’ef­fet, voilà ce que nous aurions :

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    Comme le disent les auteurs du rapport, la dette publique a donc été le prétexte au cours de ces dernières années d’un formi­dable mouve­ment de « redis­tri­bu­tion à l’en­vers », ou si l’on préfère d’un immense mouve­ment de trans­ferts de reve­nus puisque si les hauts reve­nus sont double­ment gagnants, les bas reve­nus, eux, sont perdants, étant conviés en bout de course à suppor­ter le poids du plan d’aus­té­rité pris pour conte­nir l’ex­plo­sion de la dette. En résumé, ce que les hauts reve­nus gagnent au travers des baisses d’im­pôt ou de la poli­tique de l’argent cher, ce sont les reve­nus modestes qui le financent au travers de la poli­tique d’aus­té­rité.

    Double effet kiss-cool, comme ce sont aussi les plus riches qui ont de l’épargne dans les banques, voire des parts dans les banques qui récu­pèrent les inté­rêts de la dette, ils en profitent double­ment.

    Illé­gi­time la dette ? C’est une autre ques­tion. Mais elle relève clai­re­ment de choix poli­tiques que nous avons pris, et qui sont loin d’être neutres dans la répar­ti­tion.

  • Vote élec­tro­nique

    J’en vois encore qui pour­suivent le mythe du vote élec­tro­nique plus simple qui débloquera la démo­cra­tie. Y compris des ingé­nieurs qui travaillent dans les réseaux.

    Sauf que rempla­cer le papier est loin d’être évident. Le système papier est simple, diffi­cile à corrompre, et diffi­cile à tracer. Ça fait beau­coup. Mais surtout tout le proces­sus est trans­pa­rent ainsi que véri­fiable par le citoyen, ce qui est un pré-requis essen­tiel.

    Pour le vote élec­tro­nique il faut garan­tir :

    1. Que le logi­ciel fait ce qu’on attend de lui (sans défaut)
    2. Que le maté­riel fait ce qu’on attend de lui (sans défaut)
    3. Que le logi­ciel n’est pas mali­cieux ou corrompu
    4. Que le maté­riel (micro­codes inclus) n’est pas mali­cieux ou corrompu
    5. Que le logi­ciel exécuté soit celui prévu, que le maté­riel prenne bien en compte le logi­ciel demandé, que personne n’a été capable d’injec­ter un autre logi­ciel, que personne n’a pu modi­fier le logi­ciel avant ou pendant le vote
    6. Que le maté­riel utilisé (micro­codes inclus) soit celui prévu, que personne n’a été capable de le modi­fier avant ou pendant le vote
    7. Que les données de vote résul­tat sont celles produites par le logi­ciel et le maté­riel prévus
    8. Que personne n’est capable de tracer les votes pour les rendre nomi­na­tifs
    9. Que s’il y a une quel­conque anoma­lie, elle puisse être détec­tée et/ou limi­tée dans son effet

    Aucun de ces points n’est réel­le­ment véri­fiable par le citoyen moyen.

    À vrai dire même les profes­sion­nels ne se risque­raient pas à donner une quel­conque garan­tie. En réalité on ne va même pas jusque là. Au mieux, ce qu’ils font aujourd’­hui c’est certi­fier qu’ils n’ont pas iden­ti­fié de problème majeur, ce qui est nette­ment diffé­rent.

    Si on y met vrai­ment les moyens, les points 1 et 3 peuvent être véri­fiés avec un niveau de confiance pas si décon­nant mais ça n’aura de toutes façons aucune utilité tant qu’ont est tota­le­ment à poil devant les risques 4 et 5 et qu’on doit faire une confiance aveugle à ceux qui certi­fient les diffé­rentes parties de la chaîne.

    Même le point 6, sécu­ri­ser plus de 150 000 machines depuis leur concep­tion jusqu’à leur répar­ti­tion dans près de 70 000 empla­ce­ments diffé­rents en France et à l’autre bout du monde, est loin d’être évident. Si tant est qu’il soit possible de le faire en se proté­geant contre des orga­ni­sa­tions de la taille d’États, c’est typique­ment invé­ri­fiable par le citoyen moyen et demande de faire confiance à une entité qui contrô­lera tout ça (aie, qui ? pas le gouver­ne­ment en place j’es­père).

    Dit autre­ment : Vous n’avez aucune garan­tie que le résul­tat du vote tel que publié corres­ponde aux inten­tions de vote des élec­teurs, ou que les opéra­tions de vote aient été anonymes. Aucune.

    Personne n’a à ce jour et à ma connais­sance trouvé une solu­tion à ce problème dans le cadre d’un vote élec­tro­nique. Si c’était le cas ça aurait déjà fait grand bruit rien que par le nombre de personnes qui se seraient atte­lées à véri­fier le système et par le nombre d’études et papiers de recherche le confir­mant.

    Gênant, quand même.

    Et si vous pensez avoir la solu­tion, après avoir avec humi­lité consi­déré que si ça vous semble simple c’est proba­ble­ment que vous vous trom­pez quelque part vu le nombre de personnes très intel­li­gentes qui sont déjà passées sur le sujet, je vous invite à faire une grande commu­ni­ca­tion publique dans la presse avec le détail de mise en œuvre que tout le monde pourra véri­fier pour confir­mer.

    Vous voulez des exemples ?

    Les machines utili­sées ces dernières années étaient très mal sécu­ri­sées. Si vous cher­chez sur Inter­net vous trou­ve­rez une univer­sité qui a réussi à faire chan­ter un hymne natio­nal à une machine de vote, de nombreuses personnes qui montrent comment modi­fier la machine dans l’iso­loir du bureau de vote, des machines à voter qui donnent plus de votes que d’élec­teurs ou même qui élisent des gens qui n’étaient pas dans les candi­dats, des résul­tats illi­sibles, des machines qui conte­naient déjà des votes avant le début de l’élec­tion, des résul­tats objec­ti­ve­ment faux (genre « tous les votes pour un candi­dat qui fait quelques pour­cents ailleurs »), et je passe de meilleures histoires encore.

    Le pire c’est que tout ce qu’on a vu sur ces ordi­na­teurs de vote est assez gros­sier, souvent résul­tat de défauts de concep­tion ou d’or­ga­ni­sa­tion tout aussi gros­siers.

    En réalité le problème n’est pas un manque de moyen, c’est que le système est objec­ti­ve­ment quasi­ment impos­sible à garan­tir et à sécu­ri­ser. Je serai très heureux que vous trou­viez une solu­tion mais des gens meilleurs que nous s’y sont cassés les dents plus d’une fois.

    Toutes les solu­tions entre­vues jusqu’à présent soit mettent à mal le secret du vote, soit ne sont qu’une auto­ma­ti­sa­tion mineure et peu perti­nente du système papier actuel.

    Et surtout, pourquoi ?

    Parce que fina­le­ment, le coût des élec­tions papier est énorme, mais les machines à voter ont coûté encore plus cher.

    Le seul défaut théo­rique du papier tient dans la lenteur pour obte­nir des résul­tats, c’est à dire quelques heures. Est-on prêt à mettre en danger nos élec­tions pour ne plus attendre quelques heures une fois par an en moyenne ?