Après avoir migré aux États-Unis, Rudy se rend compte que nos compatriotes sont parfois haineux vis à vis de son pays d’adoption.
Bruit de fond
Pour plein de raisons, il se trouve que les commentaires des sites de presse français ressemblent beaucoup à une poubelle. Les modérés y sont sous-représentés, les extrémistes et haines du dimanche y sont légion.
Bref, ce que voit Rudy de loin sur les sites de presse n’est pas forcément représentatif. C’est une première explication au ressenti qu’il peut avoir : Ce qui a changé ce ne sont pas les français mais peut être ses propres habitudes de lecture : un article sur les États-Unis sur un média français devient d’un coup plus attirant qu’avant, jusqu’à lire ces zones poubelle qu’il ne lisait peut être pas avant.
Ce discours de haine des États-Unis tel que décrit ne me semble pas représentatif. On ne peut cependant pas nier qu’il existe.
De la montée du nationalisme
Mais s’il existe, je ne suis pas convaincu que ce comportement soit spécifique aux États-Unis. Il y a une montée du nationalisme un peu partout en occident ces quinze dernières années.
La courbe est différente suivant les pays. En France la politique a encouragé fortement la haine de l’autre depuis un peu moins de dix ans. De bouc émissaire en bouc émissaire, je ne suis pas très étonné de voir des « bien fait pour eux » quand on raconte le malheur de tiers.
Ce nationalisme est encore minoritaire, mais s’exprime sans honte, presque devenu respectable. Quand nos ministres, nos députés et même un président font étalage de nationalisme et d’une haine de certains étrangers, il n’est plus honteux de faire de même et ça se retrouve plus facilement en ligne.
Probablement que si Rudy était allé en Allemagne, au Maroc, en Roumanie, en Russie, en Chine ou à peu près partout ailleurs, il aurait vécu la même histoire. Tout juste, pour les pays très proches comme l’Allemagne, le discours est moins radical.
Seuls quelques pays sont culturellement « gentils » chez nous : Suède, Norvège, Canada, Japon et quelques rares autres. Une question culturelle probablement.
Quid des États-Unis ?
Est-ce quand même plus fort pour les États-Unis que pour d’autres ? peut être, mais à la marge.
Il y a certainement une défiance de fond, présence au moins depuis la guerre et depuis De Gaule. Je l’interprète comme l’habitude de la France d’aimer jouer le David contre Goliath. La France est petite et fière, les États-Unis dominent et ont un côté un peu impérialiste par moment. Un peu comme le ressentiment du cadet par rapport au frère aîné.
Je crois quand même qu’il s’est passé une chose suite au 11 septembre et à la guerre en Irak. La France a eu des discours qui ont flatté l’égo et la position morale des Français. D’ici on a eu l’impression d’un déversement de haine de la part de la presse américaine (et je parle bien de la presse, pas forcément des américains). J’exagère à peine si je dis avoir lu un peu partout les Français être traités de singes lâches et fainéants mangeurs de grenouilles.
Les choses se sont calmées mais je m’étonne encore quand je trouve un discours positif sur la France dans la presse américaine. La dernière fois c’était dans le New York Times, un article de Paul Krugman. La chose m’a semblé si rare et étonnante que je m’en rappelle spécifiquement à cause de ça.
Je ne dis certainement pas que l’explication se tient là, ou même que l’attitude française y trouve une quelconque justification, mais peut être que ça joue un peu quand même : L’image un peu dorée qu’on pu avoir les USA a été cassée à ce moment là. Chaque fois que les États-Unis semblent agir en dominant ou en donneur de leçons dans le monde, il y a peut être du coup un peu plus de réaction en France qu’ailleurs (même si côté donneurs de leçon, la France est loin de laisser sa part).
C’est peut être encore plus vrai quand on parle de modèle économique, et on « redécouvre » régulièrement dans la presse française que le modèle libéral-social américain n’est peut être pas si idéal que ça pour les gens qui y vivent. Tout en crachant allègrement sur son État, ses services publics, ses fonctionnaires, ses « assistés », le français reste très attaché à son modèle social et réagit assez vertement à toute potentielle remise en cause.
Voilà ce qui peut permettre une parole un peu plus « libre » vis à vis des États Unis, mais je reste à penser que si Rudy avait été dans un autre pays, il aurait eu le même ressenti vis à vis de ce pays là.
3 réponses à “Haine des États-Unis ?”
C’est honnêtement très possible ; d’ailleurs je ne lis la presse que de ces deux pays-là (et un peu peut-être la presse canadienne), donc je ne peux que comparer les tonalités que je connais.
Il y a eu une époque anti-française aux US, quand la France a refusé de suivre les US au Moyen-Orient. Puis, les véritables motivations de cette guerre ont été exposées, les Américains se sont sentis cons de s’être laissés berner par leur classe politique, et au contraire, la France en est ressortie « grandie » dans l’imaginaire américain, puisqu’elle avait raison dès le début. Les Américains se sont sentis tomber de leur pedestal à cette période-là, et même à l’époque, je disais déjà que c’est exactement ce dont ils avaient besoin. Cette haine anti-française de l’époque, comme toute haine, est inexcusable ; mais elle a le mérite d’être « explicable » par ces événements historiques.
D’où ma réflexion, qui partait d’une tentative d’expliquer la haine française anti-américaine.
Si je suis ton raisonnement, les Français (et peut-être même d’autres pays) pratiquent leur nationalisme via la haine de l’autre. C’est vraiment dommage… Le nationalisme américain se caractérise plus par une fierté locale dans laquelle « l’autre » n’est même pas vraiment considère. D’ailleurs, c’est certainement cette indifférence totale de l’autre lorsqu’il traite de leur nationalisme qui offense certains. Je trouve ça quand même plus sain, moins de haine, et après tout, la relation d’un Américain avec son nationalisme ne regarde pas la France, ni en bien ni en mal.
Je trouve que la relation David-Goliath est une incompréhension culturelle, parce que je doute que les US se considèrent comme un Goliath face à la France. C’était très certainement le cas avant les années 2000 ; mais aujourd’hui, la presse américaine fait ressortir que les gens se savent dominants sur certains sujets, et dominés sur d’autres. Les Américains, dans la presse ou ailleurs, ne se prenne plus vraiment pour les maîtres du monde, et après une période pessimiste, sont maintenant simplement plus réalistes (et c’est tant mieux).
J’espère que ce que tu dis est vrai, et que la presse en ligne catalyse la haine d’une minorité. Je pense que c’est très possible, et auquel cas, je suis dépité, parce que ça reste mon seul lien pour me faire une opinion d’ensemble du pays où j’ai grandi… :\
Oui, de l’extérieur le nationalisme américain semble très particulier. Plus du patriotisme exacerbé avec un peu de peur des cultures différentes, et un gros dédain pour le reste.
Ici c’est beaucoup plus une peur de l’autre, une confrontation, et donc un rejet parfois par la haine ou la détestation. La France joue dans cette cour, mais de ce que je vois elle est loin d’être la seule, et pas même dans le peloton de tête.
Rudy,
pour le prochain article sur la « haine de la presse française » à propos des États-Unis, tu pourrais citer des articles. Parce-que j’aimerais comprendre ce que tu appelles haine :)