Catégorie : Politique et société

  • La trajec­toire d’un élu poli­tique en France répond à deux lois simples

    La trajec­toire d’un élu poli­tique en France répond à deux lois simples : on se présente à une fonc­tion pour prépa­rer sa candi­da­ture à la fonc­tion suivante ; lorsqu’on est élu à la fonc­tion supé­rieure, on conserve la fonc­tion anté­rieure de manière à éviter qu’un « intri­guant » ne vienne repro­duire à vos dépens le parcours que vous venez de réus­sir. D’où l’ob­ses­sion de cumu­ler les mandats.

    — Valé­rie Giscard d’Es­taing, Les Français : réflexions sur le destin d’un peuple

  • Total income control­led by top 1%

    Rien ne vaut une info­gra­phie bien faite.

    Ce que l’in­fo­gra­phie ne dit pas, c’est que si avant on parlait des 1%, en réalité main­te­nant c’est plutôt 0,1% qui contrôlent tout.

  • Saper l’Etat de droit au motif de le défendre

    [La CNDH recom­mande aux pouvoirs publics] de ne pas prendre, au nom de la lutte contre le terro­risme, n’im­porte quelle mesure jugée par eux appro­priée, dès lors qu’elle condui­rait à fragi­li­ser voire saper l’Etat de droit au motif de le défendre

    On ne saurait mieux dire. Mais aujourd’­hui où certains ont fait du terme « droit de l’Homme » un terme dépré­cia­tif voire une insulte, je doute que nos dépu­tés entendent le message.

  • Why CEOs are wildly over­paid, in one chart

    Une étude récente mise en avant par Busi­ness Insi­der indique que pour la plupart des gens le ratio entre les bas salaires et les hauts salaires serait idéa­le­ment entre 4 et 5, 6 tout au plus – et ce qu’ils se quali­fient de droite comme de gauche, qu’ils soient dans une couche socio-écono­mique élevée ou non, qu’ils soient jeunes ou vieux, et pour tous niveaux d’édu­ca­tion : c’est même étran­ge­ment stable.

    Rien de nouveau, il y a un siècle et demi, la Commune de Paris prenait des mesures pour réduire ce ratio à 5.

    Calculé à partir des grands chefs d’en­tre­prise, ce ratio serait en réalité au delà de 110 en France, 155 en Alle­magne, 130 en Espagne, 150 en Suisse, et même proche de 350 pour les États Unis. Bien que toujours sans rapport avec le ratio idéal, il est de moins de 90 au Royaume Uni,  et moins de 40 en Autriche comme en Pologne.

    Bien qu’a­vec un ratio tota­le­ment décon­necté de l’idéal des gens, la France a échoué a impo­ser un taux margi­nal d’im­pôt sur le revenu à 75%. La Suisse n’a pas plus réussi à défi­nir une limite maxi­mal aux hauts salaires en novembre dernier. Étran­ge­ment, c’est en Autriche et aux Pays Bas qu’ils ont tout de même réussi à ajou­ter une impo­si­tion plus forte sur les para­chutes dorés et avan­tages au delà de 500 000 €.

    Le gros problème pour agir n’est pas au niveau de la volonté, mais de la percep­tion des gens :

    D’après l’étude, les gens estiment à tort le ratio réel actuel entre 7 et 12. Que se passe­rait-il s’ils avaient conscience de la réalité où il faut ajou­ter un zéro de plus ?

    Ventu­re­beat a une superbe illus­tra­tion – en gris le réel, en rouge l’es­timé, en bleu l’idéal selon les mêmes personnes :

     

    Ce qui est inté­res­sant c’est qu’il y a une oppor­tu­nité. Si on propose de limi­ter les reve­nus à un ratio 1:20, c’est bien au-delà de ce que les gens estiment comme réel, donc ils ne perce­vront pas ça comme une limi­ta­tion catas­tro­phique, alors que ça va provoquer un chan­ge­ment radi­cal dans la réalité.

    La limi­ta­tion n’a pas à être radi­cale, il suffi­rait d’avoir un taux de taxa­tion progres­sif très signi­fi­ca­tif à partir de là.

  • Et vous devriez vous en réjouir

    Le FN entre au Sénat. Et vous devriez vous en réjouir. Oui, même si le FN vous fait horreur.

    Il y a un non-événe­ment, et un vrai événe­ment.

    Le non-événe­ment c’est la montée du FN. Le FN repré­sente de manière stable 10 à 20% de la popu­la­tion depuis presque des dizaines d’an­nées.

    Ils ont 2 dépu­tés, et ont déjà été 35 à l’As­sem­blée Natio­nale (1986). Ils ont fait 18% à la prési­den­tielle de 2002 et ont même fait le meilleur score devant le PS et l’UMP aux dernières euro­péennes avec 24 dépu­tés sur 74. Dire que le résul­tat d’aujourd’­hui est syno­nyme d’une montée du FN est large­ment discu­table. Si on devait faire une bête compa­rai­son, le FN a même plutôt un très mauvais score au Sénat.

    C’est d’au­tant moins une « montée du FN » que l’élec­tion qui a eu lieu ce week-end est indi­recte. Les résul­tats ne repré­sentent pas le score du FN parmi la popu­la­tion mais acte sa repré­sen­ta­tion parmi des gens déjà élus (donc rien de neuf). Le FN serait aujourd’­hui soutenu par 1% de la popu­la­tion ou par 99%, il aurait pu faire le même score.

    Bref, pas de quoi faire même un entre­fi­let si ce n’est pour faire peur aux gens ou vendre des jour­naux (main­te­nant ça explique pourquoi ceux qui vivent de ces deux acti­vi­tés parlent encore d’une montée soudaine du FN).

    Le vrai événe­ment c’est qu’un parti qui repré­sente dura­ble­ment 10 à 20% de la popu­la­tion a pu enfin entrer au Sénat sans faire d’al­liance avec les deux gros partis histo­riques. Et ça, c’est forcé­ment bien pour la démo­cra­tie. C’est le contraire qui aurait été un scan­dale. Dans l’idéal il faudrait même qu’il ait nette­ment plus d’élus au sein des deux chambres natio­nales (vous pouvez multi­plier par 10 leurs repré­sen­tants actuels que vous seriez encore large­ment en dessous).

    Tout notre système est fait pour créer un bipar­tisme, faire peur avec les extrêmes mais empê­cher tout tiers de venir trou­bler la fête sans qu’il ne courbe l’échine en s’as­sujet­tis­sant à un des deux gros partis. Rien n’a changé à ce niveau, mais le système reste un peu perméable quand même, et ça c’est une sacré­ment bonne nouvelle.

    Si vous voulez râler, faites le contre les idées du FN, contre la popu­la­tion qui soutient le FN, mais certai­ne­ment pas dans le fait qu’ils soient repré­sen­tés dans nos insti­tu­tions. Ce, peu importe ce que vous pensez du FN : c’est hors sujet.

  • Élec­tions et démo­cra­tie

    Démo­cra­tie, litté­ra­le­ment, « le pouvoir détenu par le peuple ».

    Quel pouvoir avez-vous (collec­ti­ve­ment) ? Si votre seul pouvoir est d’élire quelqu’un, ou de vous faire tirer au sort, alors vous n’êtes proba­ble­ment pas en démo­cra­tie.

    L’élec­tion ou le tirage au sort ne sont en rien exclus. Ils ne sont toute­fois que des outils, ce qui compte est tout le système qui va autour.

    Jamais le fait d’avoir des élec­tions – ou un tirage au sort- ne doit suffire à vous sentir en démo­cra­tie. Mal employée, l’élec­tion est même un superbe outil de confis­ca­tion du pouvoir.

    Véri­fi­ca­tion en trois critères :

    1– Quand bien même elle aurait été prépa­rée et négo­ciée par le repré­sen­tant, la déci­sion est-elle prise,  confir­mée ou vali­dée direc­te­ment par vous (collec­ti­ve­ment) ?

    2– À défaut, avez-vous (collec­ti­ve­ment) moyen de bloquer la déci­sion du repré­sen­tant , de vous y oppo­ser ou de reve­nir en arrière ?

    3– À défaut, et à condi­tion de garder un contrôle sur le repré­sen­tant (renou­vel­le­ment très court du mandat, ou capa­cité de révo­ca­tion, ou possi­bi­lité de reve­nir excep­tion­nel­le­ment à un des deux points précé­dents en cas de besoin, etc.), la déci­sion relève-t-elle d’un choix réalisé (collec­ti­ve­ment) lors de la dési­gna­tion de ce repré­sen­tant ? soit que la déci­sion à prendre ait fait expli­ci­te­ment partie du choix, soit qu’elle est direc­te­ment issue d’une posi­tion ou de valeurs géné­rales assez claires qui faisaient partie de ce choix.

    Si vous ne répon­dez-pas « oui » à au moins un de ces trois scéna­rios, en pratique la déci­sion prise n’est pas démo­cra­tique.

    Mais ça ne s’ar­rête pas là.  Il y a deux condi­tions supplé­men­taires, à cumu­ler aux précé­dentes :

    A- Vous êtes (collec­ti­ve­ment) en pleine capa­cité de réali­ser des choix libres et éclai­rés. Ceci implique entre autres d’être plei­ne­ment infor­més de l’en­semble des contextes utiles concer­nant les choix passés et futurs, ou en capa­cité raison­nable d’ob­te­nir une telle infor­ma­tion si vous le souhai­tez.

    B- L’en­semble des déci­sions et choix d’im­por­tance vous concer­nant (collec­ti­ve­ment) sont pris suivant un procédé démo­cra­tique.

    #16ans m’an­nonce qu’il a été élu délé­gué de classe dans sa termi­nale. #démo­cra­tie

    Petite illus­tra­tion à partir d’une phrase lue aujourd’­hui, sur un sujet volon­tai­re­ment léger.

    • Les rares inter­ven­tions prises par le délé­gué sont prises unila­té­ra­le­ment par ce dernier, sans vali­da­tion ou confir­ma­tion de l’en­semble de la classe. Sauf excep­tion, elles sont de toutes façons prises sur l’ins­tant, sans prépa­ra­tion préa­lable.
    • De même, des déci­sions rela­ti­ve­ment défi­ni­tives sont prises suite à ces inter­ven­tions. La classe n’a aucun moyen de s’op­po­ser, ni même de desti­tuer son délé­gué (c’est à l’unique appré­cia­tion d’une auto­rité tierce, le profes­seur, basée sur un juge­ment pure­ment person­nel et arbi­traire).
    • Enfin, les ques­tions qui seront abor­dées par le délé­gué ne sont géné­ra­le­ment pas connues à l’avance. Il s’agit d’ailleurs géné­ra­le­ment de ques­tions person­nelles qui ne sont pas de nature à rele­ver d’une posi­tion poli­tique géné­rale. Il n’y a de toutes façons aucun moyen de contrôle d’un repré­sen­tant qui n’agi­rait pas comme initia­le­ment prévu.

    En tout état de cause, la classe n’a géné­ra­le­ment aucune infor­ma­tion sur les sujets réel­le­ment abor­dés par le repré­sen­tant au conseil de classe (et heureu­se­ment, ce sont des ques­tions de personnes).

    Pire, le délé­gué lui-même n’a quasi­ment aucun pouvoir. Il parti­cipe à des instances dans lesquelles il est partie extrê­me­ment mino­ri­taire, au milieu de tiers qui ont tous une forte auto­rité sur lui, parfois très directe. Il n’a lui-même que peu de recul sur les enjeux des déci­sions qui sont prises ni de capa­cité à les comprendre. Il est au mieux un porte-parole ou un indi­ca­teur du senti­ment de la classe, certai­ne­ment pas un déten­teur de pouvoir.

    Démo­cra­tie ? certai­ne­ment pas.

    Le pire c’est qu’ici l’élec­tion est plus de nature à disso­cier les élèves du pouvoir en leur donnant un os à ronger. On enseigne direc­te­ment à la géné­ra­tion future que la démo­cra­tie c’est la capa­cité à se plier aux déci­sions de tiers pour peu qu’on puisse envoyer quelqu’un aux instances de déci­sion.

    Ce n’est pas un appren­tis­sage de la démo­cra­tie, c’est un appren­tis­sage du renon­ce­ment par l’illu­sion démo­cra­tique.

    Ce qui m’inquiète n’est pas l’ab­sence de démo­cra­tie dans le fonc­tion­ne­ment de la classe, mais que les citoyens adultes que nous sommes puissent confondre une simple élec­tion de repré­sen­tant avec un système démo­cra­tique – bien entendu, l’exemple ici n’est qu’une illus­tra­tion, pas l’objet du débat.

  • Ivres de la jungle

    Ivres de la jungle

    Auteur (un peu) connu ; chro­niqueur humo­ris­tique, en rupture du monde de l’édi­tion qui ne m’ac­corde pas de crédit malgré mon lecto­rat passé, et encore actuel, depuis quelques années (http://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Fran­cis_Mizio), je lance cette nouvelle forme de ce que jadis on appe­lait une sous­crip­tion.
    Ivres de la jungle, sur Ulule

    Dans tous les systèmes écono­miques alter­na­tifs pour la produc­tion cultu­relle, le finan­ce­ment parti­ci­pa­tif est un de ceux que j’ap­pré­cie le plus.

    C’est encore bancal car hors des usages, mais ça répon­dra à une partie des problé­ma­tiques bien mieux que les licences globales, rede­vances de copie privée, contri­bu­tion créa­tives et autres systèmes déri­vés d’une gestion collec­tive.

    Voyez ça comme un système de micro-mécé­nat, qui est juste le système qui a financé la culture sur quasi­ment toute l’his­toire humaine. La préva­lence du droit d’au­teur patri­mo­nial est un événe­ment assez récent qui n’a jamais été stable ou tota­le­ment satis­fai­sant.

    Ici ça prend de plus la forme d’une précom­mande, ce qui assure le créa­teur de sa rému­né­ra­tion mini­mum avant même la réali­sa­tion.

    On ne finan­cera pas tout par le parti­ci­pa­tif, il ne s’agit pas de faire mourir le droit d’au­teur pour autant, mais si vous voulez parti­ci­per à la liberté des auteurs et à la construc­tion d’un autre écosys­tème, c’est entre autres par là que ça se passe. Et c’est sacré­ment bien adapté à la problé­ma­tique du livre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Mario Mancuso

  • De la majo­rité de la majo­rité

    De la majo­rité de la majo­rité

    Je sais comment nous en sommes arri­vés là, mais je me résous à ne plus me consi­dé­rer en démo­cra­tie.

    Le mot est fort, mais à force de peur d’inef­fi­ca­cité et peur des extrêmes, nous avons aban­donné toute repré­sen­ta­ti­vité natio­nale.

    S’il ne fallait qu’un seul symp­tôme : Une sensi­bi­lité qui regroupe près de 20% de la popu­la­tion n’a qu’à peine plus de 0,3% de la repré­sen­ta­tion à l’As­sem­blée.

    On dit que la démo­cra­tie peut être la dicta­ture de la majo­rité. Le problème c’est que ça se voit un peu quand on muselle les voix diver­gentes. On a trouvé pour ça un système magique : On fonc­tionne par repré­sen­ta­tion.

    Prenez 10 personnes pour le rouge, 8 pour le bleu, 4 pour le vert, 4 pour le noir. Faites un scru­tin pour élire des repré­sen­tants. Il y aura une alliance, mettons rouge et vert. Résul­tat de l’élec­tion : 2 rouges 1 vert. Faites désor­mais voter les déci­sions par les repré­sen­tants : Les rouges déci­de­ront de tout, et les verts ne seront que rare­ment diver­gents (au risque de ne plus faire partie de l’al­liance et de ne plus avoir du tout d’in­fluence). On aura l’im­pres­sion d’un consen­sus. 

    Si c’est moins binaire que ça, il suffit d’em­pi­ler les repré­sen­ta­tions. À la fin les voix diver­gentes n’au­ront quasi­ment plus aucun pouvoir de nuisance, le tout avec un joli verni démo­cra­tique vu qu’on aura utilisé des élec­tions.

    Majo­rité de majo­rité

    À l’As­sem­blée natio­nale, on ne prend que le candi­dat majo­ri­taire de chaque petite circons­crip­tion. Le système est quasi­ment fait pour que le parti prin­ci­pal rafle tout, ou qu’à la limite deux partis à force égales se battent entre eux. Les autres ne doivent leur présence qu’à des jeux d’al­liance ou des anoma­lies géogra­phiques.

    Au Sénat c’est encore plus simple. On prend les gagnants des élec­tions pour choi­sir la repré­sen­ta­tion. Une voix non majo­ri­taire n’a quasi­ment aucune chance d’être visible.

    Dans un cas comme dans l’autre, c’est un système qui fait fonc­tion­ner la majo­rité de la majo­rité. Autant dire que les voix mino­ri­taires sont muse­lés par le prin­cipe même.

    Majo­rité de majo­rité de majo­rité

    Pour renfor­cer encore ce système, on y siège par groupes qui votent quasi­ment en bloc (le « quasi­ment » est même de trop au Sénat où le chef de groupe vote pour tout le monde).

    Au niveau des partis, les petits doivent se soumettre ou perdre des droits ou du finan­ce­ment public : Ces derniers sont atta­chés à la consti­tu­tion d’un « groupe », c’est à dire déjà vingts élus. Bien évidem­ment, les deux repré­sen­tants du FN à l’As­sem­blée natio­nale n’ont pas de groupe. Les 20% du peuples se sont trans­for­més en 0,3% des repré­sen­tants, et ces derniers n’ont même pas autant de pouvoir ou de finan­ce­ment que les autres.

    Au niveau des indi­vi­dus ce n’est pas mieux. Comme rien ne peut exis­ter hors des partis majo­ri­taires, chacun doit se soumettre au groupe, voter avec le groupe s’il veut pouvoir concou­rir aux prochaines élec­tions. Ce n’est pas aussi binaire, mais ça revient bien à ça.

    Qui décide pour le groupe ? dans le meilleur des cas la majo­rité. On en était à la majo­rité de la majo­rité, on passe donc à la majo­rité de la majo­rité de la majo­rité (ouf).

    Majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité

    Mais ne nous arrê­tons pas là. Si le groupe a une certaine auto­no­mie, le parti reste quand même essen­tiel. C’est lui qui a les finan­ce­ments pour les prochaines élec­tions, lui qui décide qui portera l’étiquette (c’est à dire dans une majo­rité des cas, qui est éligible).

    Un noyau dur décide d’à peu près tout, surtout quand le gouver­ne­ment, le président et l’As­sem­blée sont du même bord.

    C’est ce noyau au niveau du parti qui a une énorme influence voire pres­sion sur le groupe parle­men­taire, lui-même qui décide de ce que sera le vote à l’As­sem­blée, élue sur la base des majo­ri­tés locales. Ouf, on a donc une majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité. Déli­re…

    Qui dirige la majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité ?

    On pour­rait aller plus loin et voir, quand il y a un président fort, ou un premier ministre charis­ma­tique ou un leader impor­tant, que ces derniers dirigent quasi­ment le noyau dur du parti.

    Fran­che­ment, que ce soit à ce niveau ou au précé­dent, on a un tout petit groupe de quelques indi­vi­dus qui décident de tout. Bien évidem­ment le groupe parle­men­taire peut se rebel­ler, les parle­men­taires peuvent faire séces­sion, et la popu­la­tion peut tout à fait voter en masse d’un coup pour un nouveau parti.

    En théo­rie. Au niveau du groupe ou des parle­men­taires c’est un peu l’arme atomique donc ça reste géné­ra­le­ment au niveau des menaces ou du bras de fer.

    Au niveau de la popu­la­tion en raison des finan­ce­ments publics et de la peur des extrêmes ou du « vote utile », c’est diffi­cile. Ce serait du même ordre d’im­por­tance qu’une révo­lu­tion. Une révo­lu­tion non violente, mais une révo­lu­tion quand même, qui détruit le système pour en construire un autre.

    Démo­cra­tie ? foutaises

    Ce n’est pas pour rien qu’on met désor­mais en avant le terme de répu­blique : La struc­ture se protège derrière ce terme en faisant croire que les démo­cra­tie et répu­blique vont ensemble.

    Oh, nous n’en sommes pas à une méchante-dicta­ture. On trou­vera des exemples pour faire peur et pour dire « nous ne sommes pas comme eux ». Mais en pratique le peuple n’a plus le pouvoir au quoti­dien depuis long­temps. Il n’a plus que le pouvoir de se rebel­ler. Pas de pouvoir au peuple, pas de démo­cra­tie ; c’est aussi simple que ça.

    J’ai encore espoir qu’on puisse se réveiller et faire cette révo­lu­tion non violente des insti­tu­tions pour recom­men­cer du bon pied.

     

    Je ne sous-estime tout de même pas la résis­tance du système à sa propre évolu­tion. Cette révo­lu­tion ne pourra pas venir de ceux qui sont déjà dans la logique actuelle, elle se fera même proba­ble­ment contre eux, même quand ils sont de bonne volonté.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par Clint McMa­hon

  • Modèle social en temps de crise

    Modèle social en temps de crise

    le capi­ta­lisme est un “régime de pays pauvre”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays pauvres ; et que le socia­lisme est un “régime de pays riche”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays confor­ta­ble­ment riches

    […]

    pour résis­ter aux crises, pendant lesquelles un pays est tempo­rai­re­ment plus pauvre, il est plutôt logique qu’un “régime de pays pauvre” soit plus adapté ; alors qu’un “régime de pays riche” appliqué à un pays qui s’ap­pau­vrit fait entrer dans une spirale dont il est diffi­cile d’ima­gi­ner la fin autre­ment qu’une remise en ques­tion totale de ce régime cultu­rel et écono­mique.

    Le second para­graphe résume très bien la diffé­rence d’ap­proche entre le modèle français et le modèle améri­cain, bien plus que l’op­po­si­tion socia­lisme / libé­ra­lisme. On pour­rait d’ailleurs sans mal dire que l’his­toire a donné tort à cette cita­tion ces dernières années (et on peut aussi dire que l’his­toire a donné raison, tout dépend du point de vue pris).

    Partir sur du libé­ra­lisme en cas de crise, c’est consi­dé­rer que si l’éco­no­mie repart, tout le monde en profi­tera, quitte à devoir faire des sacri­fices tempo­rai­re­ment.

    Partir sur du socia­lisme en cas de crise, c’est consi­dé­rer que l’hu­main est le plus impor­tant et qu’il faut spéci­fique­ment le proté­ger en cas de crise, et que le pays se remon­tera d’au­tant mieux que tout le monde peut parti­ci­per à l’ef­fort, quitte à le faire plus lente­ment.

    Qu’est-ce qui est plus impor­tant : l’éco­no­mie ou l’hu­main ? et est-on prêts à avoir des dégâts humains tempo­raires pour un embel­lie plus rapide plus tard ? Les deux suites logiques peuvent fonc­tion­ner. Les deux ont des exemples de succès ou d’échec dans l’his­toire. C’est donc clai­re­ment une ques­tion de choix de société.

    Les États-Unis ont une culture proba­ble­ment plus indi­vi­dua­liste, avec l’idée que tout le monde peut s’en sortir en travaillant dur. Logique plutôt libé­rale. Étran­ge­ment en temps de crise, c’est juste­ment là qu’O­bama tente de mettre l’ac­cès à la santé pour tous, vision plutôt socia­liste.

    La France a plutôt une histoire de soli­da­rité et de répar­ti­tion des richesses, avec l’idée que l’État doit contri­buer à l’éga­lité des chances et permettre à tous une vie digne. Étran­ge­ment en temps de crise, c’est juste­ment là qu’on décons­truit beau­coup de filets sociaux, répar­ti­tion de richesses et de services publics, vision plutôt libé­ra­liste.

    Aucun des deux n’est infé­rieur à long terme. Chacun essaye des recettes diffé­rentes de son penchant habi­tuel quand ça va mal. Tout au plus aurais-je tendance à dire qu’il y a un vrai débat sur le modèle social en France, alors que les échos qu’on a des États-Unis laissent penser que ce débat est bien diffi­cile là bas.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Xavier Donat

  • Haine des États-Unis ?

    Haine des États-Unis ?

    Après avoir migré aux États-Unis, Rudy se rend compte que nos compa­triotes sont parfois haineux vis à vis de son pays d’adop­tion.

    Bruit de fond

    Pour plein de raisons, il se trouve que les commen­taires des sites de presse français ressemblent beau­coup à une poubelle. Les modé­rés y sont sous-repré­sen­tés, les extré­mistes et haines du dimanche y sont légion.

    Bref, ce que voit Rudy de loin sur les sites de presse n’est pas forcé­ment repré­sen­ta­tif. C’est une première expli­ca­tion au ressenti qu’il peut avoir : Ce qui a changé ce ne sont pas les français mais peut être ses propres habi­tudes de lecture : un article sur les États-Unis sur un média français devient d’un coup plus atti­rant qu’a­vant, jusqu’à lire ces zones poubelle qu’il ne lisait peut être pas avant.

    Ce discours de haine des États-Unis tel que décrit ne me semble pas repré­sen­ta­tif. On ne peut cepen­dant pas nier qu’il existe.

    De la montée du natio­na­lisme

    Mais s’il existe, je ne suis pas convaincu que ce compor­te­ment soit spéci­fique aux États-Unis. Il y a une montée du natio­na­lisme un peu partout en occi­dent ces quinze dernières années.

    La courbe est diffé­rente suivant les pays. En France la poli­tique a encou­ragé forte­ment la haine de l’autre depuis un peu moins de dix ans. De bouc émis­saire en bouc émis­saire, je ne suis pas très étonné de voir des « bien fait pour eux » quand on raconte le malheur de tiers.

    Ce natio­na­lisme est encore mino­ri­taire, mais s’ex­prime sans honte, presque devenu respec­table. Quand nos ministres, nos dépu­tés et même un président font étalage de natio­na­lisme et d’une haine de certains étran­gers, il n’est plus honteux de faire de même et ça se retrouve plus faci­le­ment en ligne.

    Proba­ble­ment que si Rudy était allé en Alle­magne, au Maroc, en Rouma­nie, en Russie, en Chine ou à peu près partout ailleurs, il aurait vécu la même histoire. Tout juste, pour les pays très proches comme l’Al­le­magne, le discours est moins radi­cal.

    Seuls quelques pays sont cultu­rel­le­ment « gentils » chez nous : Suède, Norvège, Canada, Japon et quelques rares autres. Une ques­tion cultu­relle proba­ble­ment.

    Quid des États-Unis ?

    Est-ce quand même plus fort pour les États-Unis que pour d’autres ? peut être, mais à la marge.

    Il y a certai­ne­ment une défiance de fond, présence au moins depuis la guerre et depuis De Gaule. Je l’in­ter­prète comme l’ha­bi­tude de la France d’ai­mer jouer le David contre Goliath. La France est petite et fière, les États-Unis dominent et ont un côté un peu impé­ria­liste par moment. Un peu comme le ressen­ti­ment du cadet par rapport au frère aîné.

    Je crois quand même qu’il s’est passé une chose suite au 11 septembre et à la guerre en Irak. La France a eu des discours qui ont flatté l’égo et la posi­tion morale des Français. D’ici on a eu l’im­pres­sion d’un déver­se­ment de haine de la part de la presse améri­caine (et je parle bien de la presse, pas forcé­ment des améri­cains). J’exa­gère à peine si je dis avoir lu un peu partout les Français être trai­tés de singes lâches et fainéants mangeurs de grenouilles.

    Les choses se sont calmées mais je m’étonne encore quand je trouve un discours posi­tif sur la France dans la presse améri­caine. La dernière fois c’était dans le New York Times, un article de Paul Krug­man. La chose m’a semblé si rare et éton­nante que je m’en rappelle spéci­fique­ment à cause de ça.

    Je ne dis certai­ne­ment pas que l’ex­pli­ca­tion se tient là, ou même que l’at­ti­tude française y trouve une quel­conque justi­fi­ca­tion, mais peut être que ça joue un peu quand même : L’image un peu dorée qu’on pu avoir les USA a été cassée à ce moment là. Chaque fois que les États-Unis semblent agir en domi­nant ou en donneur de leçons dans le monde, il y a peut être du coup un peu plus de réac­tion en France qu’ailleurs (même si côté donneurs de leçon, la France est loin de lais­ser sa part).

    C’est peut être encore plus vrai quand on parle de modèle écono­mique, et on « redé­couvre » régu­liè­re­ment dans la presse française que le modèle libé­ral-social améri­cain n’est peut être pas si idéal que ça pour les gens qui y vivent. Tout en crachant allè­gre­ment sur son État, ses services publics, ses fonc­tion­naires, ses « assis­tés », le français reste très atta­ché à son modèle social et réagit assez verte­ment à toute poten­tielle remise en cause.

    Voilà ce qui peut permettre une parole un peu plus « libre » vis à vis des États Unis, mais je reste à penser que si Rudy avait été dans un autre pays, il aurait eu le même ressenti vis à vis de ce pays là.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Timo­thy Vogel