Rien ne vaut une infographie bien faite.
Ce que l’infographie ne dit pas, c’est que si avant on parlait des 1%, en réalité maintenant c’est plutôt 0,1% qui contrôlent tout.
[La CNDH recommande aux pouvoirs publics] de ne pas prendre, au nom de la lutte contre le terrorisme, n’importe quelle mesure jugée par eux appropriée, dès lors qu’elle conduirait à fragiliser voire saper l’Etat de droit au motif de le défendre
On ne saurait mieux dire. Mais aujourd’hui où certains ont fait du terme « droit de l’Homme » un terme dépréciatif voire une insulte, je doute que nos députés entendent le message.
Une étude récente mise en avant par Business Insider indique que pour la plupart des gens le ratio entre les bas salaires et les hauts salaires serait idéalement entre 4 et 5, 6 tout au plus – et ce qu’ils se qualifient de droite comme de gauche, qu’ils soient dans une couche socio-économique élevée ou non, qu’ils soient jeunes ou vieux, et pour tous niveaux d’éducation : c’est même étrangement stable.
Rien de nouveau, il y a un siècle et demi, la Commune de Paris prenait des mesures pour réduire ce ratio à 5.
Calculé à partir des grands chefs d’entreprise, ce ratio serait en réalité au delà de 110 en France, 155 en Allemagne, 130 en Espagne, 150 en Suisse, et même proche de 350 pour les États Unis. Bien que toujours sans rapport avec le ratio idéal, il est de moins de 90 au Royaume Uni, et moins de 40 en Autriche comme en Pologne.
Bien qu’avec un ratio totalement déconnecté de l’idéal des gens, la France a échoué a imposer un taux marginal d’impôt sur le revenu à 75%. La Suisse n’a pas plus réussi à définir une limite maximal aux hauts salaires en novembre dernier. Étrangement, c’est en Autriche et aux Pays Bas qu’ils ont tout de même réussi à ajouter une imposition plus forte sur les parachutes dorés et avantages au delà de 500 000 €.
Le gros problème pour agir n’est pas au niveau de la volonté, mais de la perception des gens :
D’après l’étude, les gens estiment à tort le ratio réel actuel entre 7 et 12. Que se passerait-il s’ils avaient conscience de la réalité où il faut ajouter un zéro de plus ?
Venturebeat a une superbe illustration – en gris le réel, en rouge l’estimé, en bleu l’idéal selon les mêmes personnes :
Ce qui est intéressant c’est qu’il y a une opportunité. Si on propose de limiter les revenus à un ratio 1:20, c’est bien au-delà de ce que les gens estiment comme réel, donc ils ne percevront pas ça comme une limitation catastrophique, alors que ça va provoquer un changement radical dans la réalité.
La limitation n’a pas à être radicale, il suffirait d’avoir un taux de taxation progressif très significatif à partir de là.
Le FN entre au Sénat. Et vous devriez vous en réjouir. Oui, même si le FN vous fait horreur.
Il y a un non-événement, et un vrai événement.
Le non-événement c’est la montée du FN. Le FN représente de manière stable 10 à 20% de la population depuis presque des dizaines d’années.
Ils ont 2 députés, et ont déjà été 35 à l’Assemblée Nationale (1986). Ils ont fait 18% à la présidentielle de 2002 et ont même fait le meilleur score devant le PS et l’UMP aux dernières européennes avec 24 députés sur 74. Dire que le résultat d’aujourd’hui est synonyme d’une montée du FN est largement discutable. Si on devait faire une bête comparaison, le FN a même plutôt un très mauvais score au Sénat.
C’est d’autant moins une « montée du FN » que l’élection qui a eu lieu ce week-end est indirecte. Les résultats ne représentent pas le score du FN parmi la population mais acte sa représentation parmi des gens déjà élus (donc rien de neuf). Le FN serait aujourd’hui soutenu par 1% de la population ou par 99%, il aurait pu faire le même score.
Bref, pas de quoi faire même un entrefilet si ce n’est pour faire peur aux gens ou vendre des journaux (maintenant ça explique pourquoi ceux qui vivent de ces deux activités parlent encore d’une montée soudaine du FN).
Le vrai événement c’est qu’un parti qui représente durablement 10 à 20% de la population a pu enfin entrer au Sénat sans faire d’alliance avec les deux gros partis historiques. Et ça, c’est forcément bien pour la démocratie. C’est le contraire qui aurait été un scandale. Dans l’idéal il faudrait même qu’il ait nettement plus d’élus au sein des deux chambres nationales (vous pouvez multiplier par 10 leurs représentants actuels que vous seriez encore largement en dessous).
Tout notre système est fait pour créer un bipartisme, faire peur avec les extrêmes mais empêcher tout tiers de venir troubler la fête sans qu’il ne courbe l’échine en s’assujettissant à un des deux gros partis. Rien n’a changé à ce niveau, mais le système reste un peu perméable quand même, et ça c’est une sacrément bonne nouvelle.
Si vous voulez râler, faites le contre les idées du FN, contre la population qui soutient le FN, mais certainement pas dans le fait qu’ils soient représentés dans nos institutions. Ce, peu importe ce que vous pensez du FN : c’est hors sujet.
Démocratie, littéralement, « le pouvoir détenu par le peuple ».
Quel pouvoir avez-vous (collectivement) ? Si votre seul pouvoir est d’élire quelqu’un, ou de vous faire tirer au sort, alors vous n’êtes probablement pas en démocratie.
L’élection ou le tirage au sort ne sont en rien exclus. Ils ne sont toutefois que des outils, ce qui compte est tout le système qui va autour.
Jamais le fait d’avoir des élections – ou un tirage au sort- ne doit suffire à vous sentir en démocratie. Mal employée, l’élection est même un superbe outil de confiscation du pouvoir.
Vérification en trois critères :
1– Quand bien même elle aurait été préparée et négociée par le représentant, la décision est-elle prise, confirmée ou validée directement par vous (collectivement) ?
2– À défaut, avez-vous (collectivement) moyen de bloquer la décision du représentant , de vous y opposer ou de revenir en arrière ?
3– À défaut, et à condition de garder un contrôle sur le représentant (renouvellement très court du mandat, ou capacité de révocation, ou possibilité de revenir exceptionnellement à un des deux points précédents en cas de besoin, etc.), la décision relève-t-elle d’un choix réalisé (collectivement) lors de la désignation de ce représentant ? soit que la décision à prendre ait fait explicitement partie du choix, soit qu’elle est directement issue d’une position ou de valeurs générales assez claires qui faisaient partie de ce choix.
Si vous ne répondez-pas « oui » à au moins un de ces trois scénarios, en pratique la décision prise n’est pas démocratique.
Mais ça ne s’arrête pas là. Il y a deux conditions supplémentaires, à cumuler aux précédentes :
A- Vous êtes (collectivement) en pleine capacité de réaliser des choix libres et éclairés. Ceci implique entre autres d’être pleinement informés de l’ensemble des contextes utiles concernant les choix passés et futurs, ou en capacité raisonnable d’obtenir une telle information si vous le souhaitez.
B- L’ensemble des décisions et choix d’importance vous concernant (collectivement) sont pris suivant un procédé démocratique.
#16ans m’annonce qu’il a été élu délégué de classe dans sa terminale. #démocratie
Petite illustration à partir d’une phrase lue aujourd’hui, sur un sujet volontairement léger.
En tout état de cause, la classe n’a généralement aucune information sur les sujets réellement abordés par le représentant au conseil de classe (et heureusement, ce sont des questions de personnes).
Pire, le délégué lui-même n’a quasiment aucun pouvoir. Il participe à des instances dans lesquelles il est partie extrêmement minoritaire, au milieu de tiers qui ont tous une forte autorité sur lui, parfois très directe. Il n’a lui-même que peu de recul sur les enjeux des décisions qui sont prises ni de capacité à les comprendre. Il est au mieux un porte-parole ou un indicateur du sentiment de la classe, certainement pas un détenteur de pouvoir.
Démocratie ? certainement pas.
Le pire c’est qu’ici l’élection est plus de nature à dissocier les élèves du pouvoir en leur donnant un os à ronger. On enseigne directement à la génération future que la démocratie c’est la capacité à se plier aux décisions de tiers pour peu qu’on puisse envoyer quelqu’un aux instances de décision.
Ce n’est pas un apprentissage de la démocratie, c’est un apprentissage du renoncement par l’illusion démocratique.
Ce qui m’inquiète n’est pas l’absence de démocratie dans le fonctionnement de la classe, mais que les citoyens adultes que nous sommes puissent confondre une simple élection de représentant avec un système démocratique – bien entendu, l’exemple ici n’est qu’une illustration, pas l’objet du débat.
Auteur (un peu) connu ; chroniqueur humoristique, en rupture du monde de l’édition qui ne m’accorde pas de crédit malgré mon lectorat passé, et encore actuel, depuis quelques années (http://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Mizio), je lance cette nouvelle forme de ce que jadis on appelait une souscription.
— Ivres de la jungle, sur Ulule
Dans tous les systèmes économiques alternatifs pour la production culturelle, le financement participatif est un de ceux que j’apprécie le plus.
C’est encore bancal car hors des usages, mais ça répondra à une partie des problématiques bien mieux que les licences globales, redevances de copie privée, contribution créatives et autres systèmes dérivés d’une gestion collective.
Voyez ça comme un système de micro-mécénat, qui est juste le système qui a financé la culture sur quasiment toute l’histoire humaine. La prévalence du droit d’auteur patrimonial est un événement assez récent qui n’a jamais été stable ou totalement satisfaisant.
Ici ça prend de plus la forme d’une précommande, ce qui assure le créateur de sa rémunération minimum avant même la réalisation.
On ne financera pas tout par le participatif, il ne s’agit pas de faire mourir le droit d’auteur pour autant, mais si vous voulez participer à la liberté des auteurs et à la construction d’un autre écosystème, c’est entre autres par là que ça se passe. Et c’est sacrément bien adapté à la problématique du livre.
Je sais comment nous en sommes arrivés là, mais je me résous à ne plus me considérer en démocratie.
Le mot est fort, mais à force de peur d’inefficacité et peur des extrêmes, nous avons abandonné toute représentativité nationale.
S’il ne fallait qu’un seul symptôme : Une sensibilité qui regroupe près de 20% de la population n’a qu’à peine plus de 0,3% de la représentation à l’Assemblée.
On dit que la démocratie peut être la dictature de la majorité. Le problème c’est que ça se voit un peu quand on muselle les voix divergentes. On a trouvé pour ça un système magique : On fonctionne par représentation.
Prenez 10 personnes pour le rouge, 8 pour le bleu, 4 pour le vert, 4 pour le noir. Faites un scrutin pour élire des représentants. Il y aura une alliance, mettons rouge et vert. Résultat de l’élection : 2 rouges 1 vert. Faites désormais voter les décisions par les représentants : Les rouges décideront de tout, et les verts ne seront que rarement divergents (au risque de ne plus faire partie de l’alliance et de ne plus avoir du tout d’influence). On aura l’impression d’un consensus.
Si c’est moins binaire que ça, il suffit d’empiler les représentations. À la fin les voix divergentes n’auront quasiment plus aucun pouvoir de nuisance, le tout avec un joli verni démocratique vu qu’on aura utilisé des élections.
À l’Assemblée nationale, on ne prend que le candidat majoritaire de chaque petite circonscription. Le système est quasiment fait pour que le parti principal rafle tout, ou qu’à la limite deux partis à force égales se battent entre eux. Les autres ne doivent leur présence qu’à des jeux d’alliance ou des anomalies géographiques.
Au Sénat c’est encore plus simple. On prend les gagnants des élections pour choisir la représentation. Une voix non majoritaire n’a quasiment aucune chance d’être visible.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est un système qui fait fonctionner la majorité de la majorité. Autant dire que les voix minoritaires sont muselés par le principe même.
Pour renforcer encore ce système, on y siège par groupes qui votent quasiment en bloc (le « quasiment » est même de trop au Sénat où le chef de groupe vote pour tout le monde).
Au niveau des partis, les petits doivent se soumettre ou perdre des droits ou du financement public : Ces derniers sont attachés à la constitution d’un « groupe », c’est à dire déjà vingts élus. Bien évidemment, les deux représentants du FN à l’Assemblée nationale n’ont pas de groupe. Les 20% du peuples se sont transformés en 0,3% des représentants, et ces derniers n’ont même pas autant de pouvoir ou de financement que les autres.
Au niveau des individus ce n’est pas mieux. Comme rien ne peut exister hors des partis majoritaires, chacun doit se soumettre au groupe, voter avec le groupe s’il veut pouvoir concourir aux prochaines élections. Ce n’est pas aussi binaire, mais ça revient bien à ça.
Qui décide pour le groupe ? dans le meilleur des cas la majorité. On en était à la majorité de la majorité, on passe donc à la majorité de la majorité de la majorité (ouf).
Mais ne nous arrêtons pas là. Si le groupe a une certaine autonomie, le parti reste quand même essentiel. C’est lui qui a les financements pour les prochaines élections, lui qui décide qui portera l’étiquette (c’est à dire dans une majorité des cas, qui est éligible).
Un noyau dur décide d’à peu près tout, surtout quand le gouvernement, le président et l’Assemblée sont du même bord.
C’est ce noyau au niveau du parti qui a une énorme influence voire pression sur le groupe parlementaire, lui-même qui décide de ce que sera le vote à l’Assemblée, élue sur la base des majorités locales. Ouf, on a donc une majorité de majorité de majorité de majorité. Délire…
On pourrait aller plus loin et voir, quand il y a un président fort, ou un premier ministre charismatique ou un leader important, que ces derniers dirigent quasiment le noyau dur du parti.
Franchement, que ce soit à ce niveau ou au précédent, on a un tout petit groupe de quelques individus qui décident de tout. Bien évidemment le groupe parlementaire peut se rebeller, les parlementaires peuvent faire sécession, et la population peut tout à fait voter en masse d’un coup pour un nouveau parti.
En théorie. Au niveau du groupe ou des parlementaires c’est un peu l’arme atomique donc ça reste généralement au niveau des menaces ou du bras de fer.
Au niveau de la population en raison des financements publics et de la peur des extrêmes ou du « vote utile », c’est difficile. Ce serait du même ordre d’importance qu’une révolution. Une révolution non violente, mais une révolution quand même, qui détruit le système pour en construire un autre.
Ce n’est pas pour rien qu’on met désormais en avant le terme de république : La structure se protège derrière ce terme en faisant croire que les démocratie et république vont ensemble.
Oh, nous n’en sommes pas à une méchante-dictature. On trouvera des exemples pour faire peur et pour dire « nous ne sommes pas comme eux ». Mais en pratique le peuple n’a plus le pouvoir au quotidien depuis longtemps. Il n’a plus que le pouvoir de se rebeller. Pas de pouvoir au peuple, pas de démocratie ; c’est aussi simple que ça.
J’ai encore espoir qu’on puisse se réveiller et faire cette révolution non violente des institutions pour recommencer du bon pied.
Je ne sous-estime tout de même pas la résistance du système à sa propre évolution. Cette révolution ne pourra pas venir de ceux qui sont déjà dans la logique actuelle, elle se fera même probablement contre eux, même quand ils sont de bonne volonté.
le capitalisme est un “régime de pays pauvre”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays pauvres ; et que le socialisme est un “régime de pays riche”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays confortablement riches
[…]
pour résister aux crises, pendant lesquelles un pays est temporairement plus pauvre, il est plutôt logique qu’un “régime de pays pauvre” soit plus adapté ; alors qu’un “régime de pays riche” appliqué à un pays qui s’appauvrit fait entrer dans une spirale dont il est difficile d’imaginer la fin autrement qu’une remise en question totale de ce régime culturel et économique.
Le second paragraphe résume très bien la différence d’approche entre le modèle français et le modèle américain, bien plus que l’opposition socialisme / libéralisme. On pourrait d’ailleurs sans mal dire que l’histoire a donné tort à cette citation ces dernières années (et on peut aussi dire que l’histoire a donné raison, tout dépend du point de vue pris).
Partir sur du libéralisme en cas de crise, c’est considérer que si l’économie repart, tout le monde en profitera, quitte à devoir faire des sacrifices temporairement.
Partir sur du socialisme en cas de crise, c’est considérer que l’humain est le plus important et qu’il faut spécifiquement le protéger en cas de crise, et que le pays se remontera d’autant mieux que tout le monde peut participer à l’effort, quitte à le faire plus lentement.
Qu’est-ce qui est plus important : l’économie ou l’humain ? et est-on prêts à avoir des dégâts humains temporaires pour un embellie plus rapide plus tard ? Les deux suites logiques peuvent fonctionner. Les deux ont des exemples de succès ou d’échec dans l’histoire. C’est donc clairement une question de choix de société.
Les États-Unis ont une culture probablement plus individualiste, avec l’idée que tout le monde peut s’en sortir en travaillant dur. Logique plutôt libérale. Étrangement en temps de crise, c’est justement là qu’Obama tente de mettre l’accès à la santé pour tous, vision plutôt socialiste.
La France a plutôt une histoire de solidarité et de répartition des richesses, avec l’idée que l’État doit contribuer à l’égalité des chances et permettre à tous une vie digne. Étrangement en temps de crise, c’est justement là qu’on déconstruit beaucoup de filets sociaux, répartition de richesses et de services publics, vision plutôt libéraliste.
Aucun des deux n’est inférieur à long terme. Chacun essaye des recettes différentes de son penchant habituel quand ça va mal. Tout au plus aurais-je tendance à dire qu’il y a un vrai débat sur le modèle social en France, alors que les échos qu’on a des États-Unis laissent penser que ce débat est bien difficile là bas.
Après avoir migré aux États-Unis, Rudy se rend compte que nos compatriotes sont parfois haineux vis à vis de son pays d’adoption.
Pour plein de raisons, il se trouve que les commentaires des sites de presse français ressemblent beaucoup à une poubelle. Les modérés y sont sous-représentés, les extrémistes et haines du dimanche y sont légion.
Bref, ce que voit Rudy de loin sur les sites de presse n’est pas forcément représentatif. C’est une première explication au ressenti qu’il peut avoir : Ce qui a changé ce ne sont pas les français mais peut être ses propres habitudes de lecture : un article sur les États-Unis sur un média français devient d’un coup plus attirant qu’avant, jusqu’à lire ces zones poubelle qu’il ne lisait peut être pas avant.
Ce discours de haine des États-Unis tel que décrit ne me semble pas représentatif. On ne peut cependant pas nier qu’il existe.
Mais s’il existe, je ne suis pas convaincu que ce comportement soit spécifique aux États-Unis. Il y a une montée du nationalisme un peu partout en occident ces quinze dernières années.
La courbe est différente suivant les pays. En France la politique a encouragé fortement la haine de l’autre depuis un peu moins de dix ans. De bouc émissaire en bouc émissaire, je ne suis pas très étonné de voir des « bien fait pour eux » quand on raconte le malheur de tiers.
Ce nationalisme est encore minoritaire, mais s’exprime sans honte, presque devenu respectable. Quand nos ministres, nos députés et même un président font étalage de nationalisme et d’une haine de certains étrangers, il n’est plus honteux de faire de même et ça se retrouve plus facilement en ligne.
Probablement que si Rudy était allé en Allemagne, au Maroc, en Roumanie, en Russie, en Chine ou à peu près partout ailleurs, il aurait vécu la même histoire. Tout juste, pour les pays très proches comme l’Allemagne, le discours est moins radical.
Seuls quelques pays sont culturellement « gentils » chez nous : Suède, Norvège, Canada, Japon et quelques rares autres. Une question culturelle probablement.
Est-ce quand même plus fort pour les États-Unis que pour d’autres ? peut être, mais à la marge.
Il y a certainement une défiance de fond, présence au moins depuis la guerre et depuis De Gaule. Je l’interprète comme l’habitude de la France d’aimer jouer le David contre Goliath. La France est petite et fière, les États-Unis dominent et ont un côté un peu impérialiste par moment. Un peu comme le ressentiment du cadet par rapport au frère aîné.
Je crois quand même qu’il s’est passé une chose suite au 11 septembre et à la guerre en Irak. La France a eu des discours qui ont flatté l’égo et la position morale des Français. D’ici on a eu l’impression d’un déversement de haine de la part de la presse américaine (et je parle bien de la presse, pas forcément des américains). J’exagère à peine si je dis avoir lu un peu partout les Français être traités de singes lâches et fainéants mangeurs de grenouilles.
Les choses se sont calmées mais je m’étonne encore quand je trouve un discours positif sur la France dans la presse américaine. La dernière fois c’était dans le New York Times, un article de Paul Krugman. La chose m’a semblé si rare et étonnante que je m’en rappelle spécifiquement à cause de ça.
Je ne dis certainement pas que l’explication se tient là, ou même que l’attitude française y trouve une quelconque justification, mais peut être que ça joue un peu quand même : L’image un peu dorée qu’on pu avoir les USA a été cassée à ce moment là. Chaque fois que les États-Unis semblent agir en dominant ou en donneur de leçons dans le monde, il y a peut être du coup un peu plus de réaction en France qu’ailleurs (même si côté donneurs de leçon, la France est loin de laisser sa part).
C’est peut être encore plus vrai quand on parle de modèle économique, et on « redécouvre » régulièrement dans la presse française que le modèle libéral-social américain n’est peut être pas si idéal que ça pour les gens qui y vivent. Tout en crachant allègrement sur son État, ses services publics, ses fonctionnaires, ses « assistés », le français reste très attaché à son modèle social et réagit assez vertement à toute potentielle remise en cause.
Voilà ce qui peut permettre une parole un peu plus « libre » vis à vis des États Unis, mais je reste à penser que si Rudy avait été dans un autre pays, il aurait eu le même ressenti vis à vis de ce pays là.
Et c’est très bien comme ça. Chaque commerce fait ses propres choix, construit son offre, son marketing. Mon libraire n’est pas un supermarché qui vend n’importe quoi (cela étant dit, même les supermarchés font ce genre de choix).
Et en conséquence, Non, un libraire n’a aucune obligation de vendre quoi que ce soit, pas plus qu’un autre commerce (sauf à avoir pris un engagement contractuel particulier en ce sens, mais c’est une autre histoire).
Non, que le libraire refuse de vendre le livre X ou Y n’est pas un refus de vente, c’est un choix dans son offre. La notion de refus de vente est là pour protéger le client d’un arbitraire :
Rien n’oblige un commerçant à proposer à la vente un quelconque bien ou service mais s’il le fait, il ne pourra pas vous en refuser la vente. Vis à vis de la loi, un libraire est un commerçant comme un autre, qui peut donc tout à fait ne pas proposer certains livres à la vente.
Est-ce de la censure alors ? Tout dépend de la définition que vous y apportez. En général quand c’est un choix volontaire sans pression on parle de choix éditorial, la censure étant une activité sous contrainte extérieure.
Il faudrait aussi regarder pourquoi le livre est exclu de la vente. Si c’est pour des questions commerciales ou pour des questions de qualité littéraires, il est difficile de parler de censure. La question ne reste que si c’est réellement pour exclure une idée ou une parole.
Et même là, chaque libraire garde heureusement son choix de ce qu’il cautionne et de son marketing. Le problème ne commence que quand ce libraire a un poids tel que l’exclusion d’un livre en limite significativement l’accessibilité. En gros on parle d’Amazon, d’Apple (pour le numérique), de la Fnac, et c’est peut être tout. Étonnamment, si ça râle sur les libraires qui ne veulent pas vendre le livre de V. Trierweiler, on entend moins les gens sur Amazon qui refuse de vendre les livres critiques sur lui-même, ou Apple qui refuse l’érotique.
Cela dit, concernant ce livre de Valérie Trierweiler, les libraires sont surtout très hypocrites quand ils annoncent ne pas vouloir le vendre.
Photo d’entête sous licence CC BY-NC-ND par Caitlin ‘Caity’ Tobias