Catégorie : Politique et société

  • Élec­tions et démo­cra­tie

    Démo­cra­tie, litté­ra­le­ment, « le pouvoir détenu par le peuple ».

    Quel pouvoir avez-vous (collec­ti­ve­ment) ? Si votre seul pouvoir est d’élire quelqu’un, ou de vous faire tirer au sort, alors vous n’êtes proba­ble­ment pas en démo­cra­tie.

    L’élec­tion ou le tirage au sort ne sont en rien exclus. Ils ne sont toute­fois que des outils, ce qui compte est tout le système qui va autour.

    Jamais le fait d’avoir des élec­tions – ou un tirage au sort- ne doit suffire à vous sentir en démo­cra­tie. Mal employée, l’élec­tion est même un superbe outil de confis­ca­tion du pouvoir.

    Véri­fi­ca­tion en trois critères :

    1– Quand bien même elle aurait été prépa­rée et négo­ciée par le repré­sen­tant, la déci­sion est-elle prise,  confir­mée ou vali­dée direc­te­ment par vous (collec­ti­ve­ment) ?

    2– À défaut, avez-vous (collec­ti­ve­ment) moyen de bloquer la déci­sion du repré­sen­tant , de vous y oppo­ser ou de reve­nir en arrière ?

    3– À défaut, et à condi­tion de garder un contrôle sur le repré­sen­tant (renou­vel­le­ment très court du mandat, ou capa­cité de révo­ca­tion, ou possi­bi­lité de reve­nir excep­tion­nel­le­ment à un des deux points précé­dents en cas de besoin, etc.), la déci­sion relève-t-elle d’un choix réalisé (collec­ti­ve­ment) lors de la dési­gna­tion de ce repré­sen­tant ? soit que la déci­sion à prendre ait fait expli­ci­te­ment partie du choix, soit qu’elle est direc­te­ment issue d’une posi­tion ou de valeurs géné­rales assez claires qui faisaient partie de ce choix.

    Si vous ne répon­dez-pas « oui » à au moins un de ces trois scéna­rios, en pratique la déci­sion prise n’est pas démo­cra­tique.

    Mais ça ne s’ar­rête pas là.  Il y a deux condi­tions supplé­men­taires, à cumu­ler aux précé­dentes :

    A- Vous êtes (collec­ti­ve­ment) en pleine capa­cité de réali­ser des choix libres et éclai­rés. Ceci implique entre autres d’être plei­ne­ment infor­més de l’en­semble des contextes utiles concer­nant les choix passés et futurs, ou en capa­cité raison­nable d’ob­te­nir une telle infor­ma­tion si vous le souhai­tez.

    B- L’en­semble des déci­sions et choix d’im­por­tance vous concer­nant (collec­ti­ve­ment) sont pris suivant un procédé démo­cra­tique.

    #16ans m’an­nonce qu’il a été élu délé­gué de classe dans sa termi­nale. #démo­cra­tie

    Petite illus­tra­tion à partir d’une phrase lue aujourd’­hui, sur un sujet volon­tai­re­ment léger.

    • Les rares inter­ven­tions prises par le délé­gué sont prises unila­té­ra­le­ment par ce dernier, sans vali­da­tion ou confir­ma­tion de l’en­semble de la classe. Sauf excep­tion, elles sont de toutes façons prises sur l’ins­tant, sans prépa­ra­tion préa­lable.
    • De même, des déci­sions rela­ti­ve­ment défi­ni­tives sont prises suite à ces inter­ven­tions. La classe n’a aucun moyen de s’op­po­ser, ni même de desti­tuer son délé­gué (c’est à l’unique appré­cia­tion d’une auto­rité tierce, le profes­seur, basée sur un juge­ment pure­ment person­nel et arbi­traire).
    • Enfin, les ques­tions qui seront abor­dées par le délé­gué ne sont géné­ra­le­ment pas connues à l’avance. Il s’agit d’ailleurs géné­ra­le­ment de ques­tions person­nelles qui ne sont pas de nature à rele­ver d’une posi­tion poli­tique géné­rale. Il n’y a de toutes façons aucun moyen de contrôle d’un repré­sen­tant qui n’agi­rait pas comme initia­le­ment prévu.

    En tout état de cause, la classe n’a géné­ra­le­ment aucune infor­ma­tion sur les sujets réel­le­ment abor­dés par le repré­sen­tant au conseil de classe (et heureu­se­ment, ce sont des ques­tions de personnes).

    Pire, le délé­gué lui-même n’a quasi­ment aucun pouvoir. Il parti­cipe à des instances dans lesquelles il est partie extrê­me­ment mino­ri­taire, au milieu de tiers qui ont tous une forte auto­rité sur lui, parfois très directe. Il n’a lui-même que peu de recul sur les enjeux des déci­sions qui sont prises ni de capa­cité à les comprendre. Il est au mieux un porte-parole ou un indi­ca­teur du senti­ment de la classe, certai­ne­ment pas un déten­teur de pouvoir.

    Démo­cra­tie ? certai­ne­ment pas.

    Le pire c’est qu’ici l’élec­tion est plus de nature à disso­cier les élèves du pouvoir en leur donnant un os à ronger. On enseigne direc­te­ment à la géné­ra­tion future que la démo­cra­tie c’est la capa­cité à se plier aux déci­sions de tiers pour peu qu’on puisse envoyer quelqu’un aux instances de déci­sion.

    Ce n’est pas un appren­tis­sage de la démo­cra­tie, c’est un appren­tis­sage du renon­ce­ment par l’illu­sion démo­cra­tique.

    Ce qui m’inquiète n’est pas l’ab­sence de démo­cra­tie dans le fonc­tion­ne­ment de la classe, mais que les citoyens adultes que nous sommes puissent confondre une simple élec­tion de repré­sen­tant avec un système démo­cra­tique – bien entendu, l’exemple ici n’est qu’une illus­tra­tion, pas l’objet du débat.

  • Ivres de la jungle

    Ivres de la jungle

    Auteur (un peu) connu ; chro­niqueur humo­ris­tique, en rupture du monde de l’édi­tion qui ne m’ac­corde pas de crédit malgré mon lecto­rat passé, et encore actuel, depuis quelques années (http://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Fran­cis_Mizio), je lance cette nouvelle forme de ce que jadis on appe­lait une sous­crip­tion.
    Ivres de la jungle, sur Ulule

    Dans tous les systèmes écono­miques alter­na­tifs pour la produc­tion cultu­relle, le finan­ce­ment parti­ci­pa­tif est un de ceux que j’ap­pré­cie le plus.

    C’est encore bancal car hors des usages, mais ça répon­dra à une partie des problé­ma­tiques bien mieux que les licences globales, rede­vances de copie privée, contri­bu­tion créa­tives et autres systèmes déri­vés d’une gestion collec­tive.

    Voyez ça comme un système de micro-mécé­nat, qui est juste le système qui a financé la culture sur quasi­ment toute l’his­toire humaine. La préva­lence du droit d’au­teur patri­mo­nial est un événe­ment assez récent qui n’a jamais été stable ou tota­le­ment satis­fai­sant.

    Ici ça prend de plus la forme d’une précom­mande, ce qui assure le créa­teur de sa rému­né­ra­tion mini­mum avant même la réali­sa­tion.

    On ne finan­cera pas tout par le parti­ci­pa­tif, il ne s’agit pas de faire mourir le droit d’au­teur pour autant, mais si vous voulez parti­ci­per à la liberté des auteurs et à la construc­tion d’un autre écosys­tème, c’est entre autres par là que ça se passe. Et c’est sacré­ment bien adapté à la problé­ma­tique du livre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Mario Mancuso

  • De la majo­rité de la majo­rité

    De la majo­rité de la majo­rité

    Je sais comment nous en sommes arri­vés là, mais je me résous à ne plus me consi­dé­rer en démo­cra­tie.

    Le mot est fort, mais à force de peur d’inef­fi­ca­cité et peur des extrêmes, nous avons aban­donné toute repré­sen­ta­ti­vité natio­nale.

    S’il ne fallait qu’un seul symp­tôme : Une sensi­bi­lité qui regroupe près de 20% de la popu­la­tion n’a qu’à peine plus de 0,3% de la repré­sen­ta­tion à l’As­sem­blée.

    On dit que la démo­cra­tie peut être la dicta­ture de la majo­rité. Le problème c’est que ça se voit un peu quand on muselle les voix diver­gentes. On a trouvé pour ça un système magique : On fonc­tionne par repré­sen­ta­tion.

    Prenez 10 personnes pour le rouge, 8 pour le bleu, 4 pour le vert, 4 pour le noir. Faites un scru­tin pour élire des repré­sen­tants. Il y aura une alliance, mettons rouge et vert. Résul­tat de l’élec­tion : 2 rouges 1 vert. Faites désor­mais voter les déci­sions par les repré­sen­tants : Les rouges déci­de­ront de tout, et les verts ne seront que rare­ment diver­gents (au risque de ne plus faire partie de l’al­liance et de ne plus avoir du tout d’in­fluence). On aura l’im­pres­sion d’un consen­sus. 

    Si c’est moins binaire que ça, il suffit d’em­pi­ler les repré­sen­ta­tions. À la fin les voix diver­gentes n’au­ront quasi­ment plus aucun pouvoir de nuisance, le tout avec un joli verni démo­cra­tique vu qu’on aura utilisé des élec­tions.

    Majo­rité de majo­rité

    À l’As­sem­blée natio­nale, on ne prend que le candi­dat majo­ri­taire de chaque petite circons­crip­tion. Le système est quasi­ment fait pour que le parti prin­ci­pal rafle tout, ou qu’à la limite deux partis à force égales se battent entre eux. Les autres ne doivent leur présence qu’à des jeux d’al­liance ou des anoma­lies géogra­phiques.

    Au Sénat c’est encore plus simple. On prend les gagnants des élec­tions pour choi­sir la repré­sen­ta­tion. Une voix non majo­ri­taire n’a quasi­ment aucune chance d’être visible.

    Dans un cas comme dans l’autre, c’est un système qui fait fonc­tion­ner la majo­rité de la majo­rité. Autant dire que les voix mino­ri­taires sont muse­lés par le prin­cipe même.

    Majo­rité de majo­rité de majo­rité

    Pour renfor­cer encore ce système, on y siège par groupes qui votent quasi­ment en bloc (le « quasi­ment » est même de trop au Sénat où le chef de groupe vote pour tout le monde).

    Au niveau des partis, les petits doivent se soumettre ou perdre des droits ou du finan­ce­ment public : Ces derniers sont atta­chés à la consti­tu­tion d’un « groupe », c’est à dire déjà vingts élus. Bien évidem­ment, les deux repré­sen­tants du FN à l’As­sem­blée natio­nale n’ont pas de groupe. Les 20% du peuples se sont trans­for­més en 0,3% des repré­sen­tants, et ces derniers n’ont même pas autant de pouvoir ou de finan­ce­ment que les autres.

    Au niveau des indi­vi­dus ce n’est pas mieux. Comme rien ne peut exis­ter hors des partis majo­ri­taires, chacun doit se soumettre au groupe, voter avec le groupe s’il veut pouvoir concou­rir aux prochaines élec­tions. Ce n’est pas aussi binaire, mais ça revient bien à ça.

    Qui décide pour le groupe ? dans le meilleur des cas la majo­rité. On en était à la majo­rité de la majo­rité, on passe donc à la majo­rité de la majo­rité de la majo­rité (ouf).

    Majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité

    Mais ne nous arrê­tons pas là. Si le groupe a une certaine auto­no­mie, le parti reste quand même essen­tiel. C’est lui qui a les finan­ce­ments pour les prochaines élec­tions, lui qui décide qui portera l’étiquette (c’est à dire dans une majo­rité des cas, qui est éligible).

    Un noyau dur décide d’à peu près tout, surtout quand le gouver­ne­ment, le président et l’As­sem­blée sont du même bord.

    C’est ce noyau au niveau du parti qui a une énorme influence voire pres­sion sur le groupe parle­men­taire, lui-même qui décide de ce que sera le vote à l’As­sem­blée, élue sur la base des majo­ri­tés locales. Ouf, on a donc une majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité. Déli­re…

    Qui dirige la majo­rité de majo­rité de majo­rité de majo­rité ?

    On pour­rait aller plus loin et voir, quand il y a un président fort, ou un premier ministre charis­ma­tique ou un leader impor­tant, que ces derniers dirigent quasi­ment le noyau dur du parti.

    Fran­che­ment, que ce soit à ce niveau ou au précé­dent, on a un tout petit groupe de quelques indi­vi­dus qui décident de tout. Bien évidem­ment le groupe parle­men­taire peut se rebel­ler, les parle­men­taires peuvent faire séces­sion, et la popu­la­tion peut tout à fait voter en masse d’un coup pour un nouveau parti.

    En théo­rie. Au niveau du groupe ou des parle­men­taires c’est un peu l’arme atomique donc ça reste géné­ra­le­ment au niveau des menaces ou du bras de fer.

    Au niveau de la popu­la­tion en raison des finan­ce­ments publics et de la peur des extrêmes ou du « vote utile », c’est diffi­cile. Ce serait du même ordre d’im­por­tance qu’une révo­lu­tion. Une révo­lu­tion non violente, mais une révo­lu­tion quand même, qui détruit le système pour en construire un autre.

    Démo­cra­tie ? foutaises

    Ce n’est pas pour rien qu’on met désor­mais en avant le terme de répu­blique : La struc­ture se protège derrière ce terme en faisant croire que les démo­cra­tie et répu­blique vont ensemble.

    Oh, nous n’en sommes pas à une méchante-dicta­ture. On trou­vera des exemples pour faire peur et pour dire « nous ne sommes pas comme eux ». Mais en pratique le peuple n’a plus le pouvoir au quoti­dien depuis long­temps. Il n’a plus que le pouvoir de se rebel­ler. Pas de pouvoir au peuple, pas de démo­cra­tie ; c’est aussi simple que ça.

    J’ai encore espoir qu’on puisse se réveiller et faire cette révo­lu­tion non violente des insti­tu­tions pour recom­men­cer du bon pied.

     

    Je ne sous-estime tout de même pas la résis­tance du système à sa propre évolu­tion. Cette révo­lu­tion ne pourra pas venir de ceux qui sont déjà dans la logique actuelle, elle se fera même proba­ble­ment contre eux, même quand ils sont de bonne volonté.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par Clint McMa­hon

  • Modèle social en temps de crise

    Modèle social en temps de crise

    le capi­ta­lisme est un “régime de pays pauvre”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays pauvres ; et que le socia­lisme est un “régime de pays riche”, alors que ni les US ni la France ne sont des pays confor­ta­ble­ment riches

    […]

    pour résis­ter aux crises, pendant lesquelles un pays est tempo­rai­re­ment plus pauvre, il est plutôt logique qu’un “régime de pays pauvre” soit plus adapté ; alors qu’un “régime de pays riche” appliqué à un pays qui s’ap­pau­vrit fait entrer dans une spirale dont il est diffi­cile d’ima­gi­ner la fin autre­ment qu’une remise en ques­tion totale de ce régime cultu­rel et écono­mique.

    Le second para­graphe résume très bien la diffé­rence d’ap­proche entre le modèle français et le modèle améri­cain, bien plus que l’op­po­si­tion socia­lisme / libé­ra­lisme. On pour­rait d’ailleurs sans mal dire que l’his­toire a donné tort à cette cita­tion ces dernières années (et on peut aussi dire que l’his­toire a donné raison, tout dépend du point de vue pris).

    Partir sur du libé­ra­lisme en cas de crise, c’est consi­dé­rer que si l’éco­no­mie repart, tout le monde en profi­tera, quitte à devoir faire des sacri­fices tempo­rai­re­ment.

    Partir sur du socia­lisme en cas de crise, c’est consi­dé­rer que l’hu­main est le plus impor­tant et qu’il faut spéci­fique­ment le proté­ger en cas de crise, et que le pays se remon­tera d’au­tant mieux que tout le monde peut parti­ci­per à l’ef­fort, quitte à le faire plus lente­ment.

    Qu’est-ce qui est plus impor­tant : l’éco­no­mie ou l’hu­main ? et est-on prêts à avoir des dégâts humains tempo­raires pour un embel­lie plus rapide plus tard ? Les deux suites logiques peuvent fonc­tion­ner. Les deux ont des exemples de succès ou d’échec dans l’his­toire. C’est donc clai­re­ment une ques­tion de choix de société.

    Les États-Unis ont une culture proba­ble­ment plus indi­vi­dua­liste, avec l’idée que tout le monde peut s’en sortir en travaillant dur. Logique plutôt libé­rale. Étran­ge­ment en temps de crise, c’est juste­ment là qu’O­bama tente de mettre l’ac­cès à la santé pour tous, vision plutôt socia­liste.

    La France a plutôt une histoire de soli­da­rité et de répar­ti­tion des richesses, avec l’idée que l’État doit contri­buer à l’éga­lité des chances et permettre à tous une vie digne. Étran­ge­ment en temps de crise, c’est juste­ment là qu’on décons­truit beau­coup de filets sociaux, répar­ti­tion de richesses et de services publics, vision plutôt libé­ra­liste.

    Aucun des deux n’est infé­rieur à long terme. Chacun essaye des recettes diffé­rentes de son penchant habi­tuel quand ça va mal. Tout au plus aurais-je tendance à dire qu’il y a un vrai débat sur le modèle social en France, alors que les échos qu’on a des États-Unis laissent penser que ce débat est bien diffi­cile là bas.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Xavier Donat

  • Haine des États-Unis ?

    Haine des États-Unis ?

    Après avoir migré aux États-Unis, Rudy se rend compte que nos compa­triotes sont parfois haineux vis à vis de son pays d’adop­tion.

    Bruit de fond

    Pour plein de raisons, il se trouve que les commen­taires des sites de presse français ressemblent beau­coup à une poubelle. Les modé­rés y sont sous-repré­sen­tés, les extré­mistes et haines du dimanche y sont légion.

    Bref, ce que voit Rudy de loin sur les sites de presse n’est pas forcé­ment repré­sen­ta­tif. C’est une première expli­ca­tion au ressenti qu’il peut avoir : Ce qui a changé ce ne sont pas les français mais peut être ses propres habi­tudes de lecture : un article sur les États-Unis sur un média français devient d’un coup plus atti­rant qu’a­vant, jusqu’à lire ces zones poubelle qu’il ne lisait peut être pas avant.

    Ce discours de haine des États-Unis tel que décrit ne me semble pas repré­sen­ta­tif. On ne peut cepen­dant pas nier qu’il existe.

    De la montée du natio­na­lisme

    Mais s’il existe, je ne suis pas convaincu que ce compor­te­ment soit spéci­fique aux États-Unis. Il y a une montée du natio­na­lisme un peu partout en occi­dent ces quinze dernières années.

    La courbe est diffé­rente suivant les pays. En France la poli­tique a encou­ragé forte­ment la haine de l’autre depuis un peu moins de dix ans. De bouc émis­saire en bouc émis­saire, je ne suis pas très étonné de voir des « bien fait pour eux » quand on raconte le malheur de tiers.

    Ce natio­na­lisme est encore mino­ri­taire, mais s’ex­prime sans honte, presque devenu respec­table. Quand nos ministres, nos dépu­tés et même un président font étalage de natio­na­lisme et d’une haine de certains étran­gers, il n’est plus honteux de faire de même et ça se retrouve plus faci­le­ment en ligne.

    Proba­ble­ment que si Rudy était allé en Alle­magne, au Maroc, en Rouma­nie, en Russie, en Chine ou à peu près partout ailleurs, il aurait vécu la même histoire. Tout juste, pour les pays très proches comme l’Al­le­magne, le discours est moins radi­cal.

    Seuls quelques pays sont cultu­rel­le­ment « gentils » chez nous : Suède, Norvège, Canada, Japon et quelques rares autres. Une ques­tion cultu­relle proba­ble­ment.

    Quid des États-Unis ?

    Est-ce quand même plus fort pour les États-Unis que pour d’autres ? peut être, mais à la marge.

    Il y a certai­ne­ment une défiance de fond, présence au moins depuis la guerre et depuis De Gaule. Je l’in­ter­prète comme l’ha­bi­tude de la France d’ai­mer jouer le David contre Goliath. La France est petite et fière, les États-Unis dominent et ont un côté un peu impé­ria­liste par moment. Un peu comme le ressen­ti­ment du cadet par rapport au frère aîné.

    Je crois quand même qu’il s’est passé une chose suite au 11 septembre et à la guerre en Irak. La France a eu des discours qui ont flatté l’égo et la posi­tion morale des Français. D’ici on a eu l’im­pres­sion d’un déver­se­ment de haine de la part de la presse améri­caine (et je parle bien de la presse, pas forcé­ment des améri­cains). J’exa­gère à peine si je dis avoir lu un peu partout les Français être trai­tés de singes lâches et fainéants mangeurs de grenouilles.

    Les choses se sont calmées mais je m’étonne encore quand je trouve un discours posi­tif sur la France dans la presse améri­caine. La dernière fois c’était dans le New York Times, un article de Paul Krug­man. La chose m’a semblé si rare et éton­nante que je m’en rappelle spéci­fique­ment à cause de ça.

    Je ne dis certai­ne­ment pas que l’ex­pli­ca­tion se tient là, ou même que l’at­ti­tude française y trouve une quel­conque justi­fi­ca­tion, mais peut être que ça joue un peu quand même : L’image un peu dorée qu’on pu avoir les USA a été cassée à ce moment là. Chaque fois que les États-Unis semblent agir en domi­nant ou en donneur de leçons dans le monde, il y a peut être du coup un peu plus de réac­tion en France qu’ailleurs (même si côté donneurs de leçon, la France est loin de lais­ser sa part).

    C’est peut être encore plus vrai quand on parle de modèle écono­mique, et on « redé­couvre » régu­liè­re­ment dans la presse française que le modèle libé­ral-social améri­cain n’est peut être pas si idéal que ça pour les gens qui y vivent. Tout en crachant allè­gre­ment sur son État, ses services publics, ses fonc­tion­naires, ses « assis­tés », le français reste très atta­ché à son modèle social et réagit assez verte­ment à toute poten­tielle remise en cause.

    Voilà ce qui peut permettre une parole un peu plus « libre » vis à vis des États Unis, mais je reste à penser que si Rudy avait été dans un autre pays, il aurait eu le même ressenti vis à vis de ce pays là.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Timo­thy Vogel

  • Mon libraire n’est pas un super­mar­ché

    Mon libraire n’est pas un super­mar­ché

    • Il y a des librai­ries de bandes dessi­nées, qui font le choix de ne pas vendre de romans.
    • Il y a des librai­ries de romans, qui font le choix de ne pas vendre d’es­sais poli­tiques.
    • Il y a des librai­ries de polars, qui font le choix de ne pas vendre de science-fiction.
    • Il y a aussi des librai­rie qui font le choix de ne pas avoir d’éro­tique, ou de reli­gieux, ou d’édi­teurs avec des mauvaises condi­tions commer­ciales, ou…

    Et c’est très bien comme ça. Chaque commerce fait ses propres choix, construit son offre, son marke­ting. Mon libraire n’est pas un super­mar­ché qui vend n’im­porte quoi (cela étant dit, même les super­mar­chés font ce genre de choix).

    Non ce n’est pas un refus de vente

    Et en consé­quence, Non, un libraire n’a aucune obli­ga­tion de vendre quoi que ce soit, pas plus qu’un autre commerce (sauf à avoir pris un enga­ge­ment contrac­tuel parti­cu­lier en ce sens, mais c’est une autre histoire).

    Non, que le libraire refuse de vendre le livre X ou Y n’est pas un refus de vente, c’est un choix dans son offre. La notion de refus de vente est là pour proté­ger le client d’un arbi­traire :

    Rien n’oblige un commerçant à propo­ser à la vente un quel­conque bien ou service mais s’il le fait, il ne pourra pas vous en refu­ser la vente. Vis à vis de la loi, un libraire est un commerçant comme un autre, qui peut donc tout à fait ne pas propo­ser certains livres à la vente.

    Non ce n’est pas de la censure

    Est-ce de la censure alors ? Tout dépend de la défi­ni­tion que vous y appor­tez. En géné­ral quand c’est un choix volon­taire sans pres­sion on parle de choix édito­rial, la censure étant une acti­vité sous contrainte exté­rieure.

    Il faudrait aussi regar­der pourquoi le livre est exclu de la vente. Si c’est pour des ques­tions commer­ciales ou pour des ques­tions de qualité litté­raires, il est diffi­cile de parler de censure. La ques­tion ne reste que si c’est réel­le­ment pour exclure une idée ou une parole.

    Et même là, chaque libraire garde heureu­se­ment son choix de ce qu’il cautionne et de son marke­ting. Le problème ne commence que quand ce libraire a un poids tel que l’ex­clu­sion d’un livre en limite signi­fi­ca­ti­ve­ment l’ac­ces­si­bi­lité. En gros on parle d’Ama­zon, d’Apple (pour le numé­rique), de la Fnac, et c’est peut être tout. Éton­nam­ment, si ça râle sur les libraires qui ne veulent pas vendre le livre de V. Trier­wei­ler, on entend moins les gens sur Amazon qui refuse de vendre les livres critiques sur lui-même, ou Apple qui refuse l’éro­tique.

    Cela dit, concer­nant ce livre de Valé­rie Trier­wei­ler, les libraires sont surtout très hypo­crites quand ils annoncent ne pas vouloir le vendre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Cait­lin ‘Cai­ty’ Tobias

  • Ne pas vouloir ou ne pas pouvoir ?

    Ne pas vouloir ou ne pas pouvoir ?

    J’ai vu passer des photos d’af­fiches mises par les libraires à propos du livre de Valé­rie Trier­wei­ler. Ça va de « La librai­rie n’a pas voca­tion à laver le linge sale de Madame Trier­wei­ler » à « Nous sommes libraires. Nous avons 1001 livres. Nous n’avons pas voca­tion à être la poubelle de Trier­wei­ler et Hollande. ‘Merci pour ce moment’ de compré­hen­sion. »

    Il y a peu de jours j’ap­prends aussi que parfois les sorties de titres à scan­dale sont sous embargo. Le libraire doit consti­tuer son stock sans connaitre ni le contenu ni même le titre ou l’au­teur. Ça se fait unique­ment dans la confiance dans les esti­ma­tions de l’édi­teur (c’est à dire dans la non-confiance de l’édi­teur envers ses libraires). Ce fut très proba­ble­ment le cas pour le livre de Valé­rie Trier­wei­ler.

    Bref, très proba­ble­ment les libraires ont pris le risque (ou pas) de comman­der avant de savoir ce que c’était. Quand le livre a fait « boom », il a été épuisé en quelques jours et il était trop tard pour y palier de toutes façons.

    La jolie histoire du libraire qui fait le choix de ne pas distri­buer un livre un peu revan­chard, elle s’éclaire d’une tout autre lumière désor­mais.

    Je ne dis pas que pour certains ce puisse être un vrai choix de déga­ger de la litté­ra­ture orien­tée romans et non des brûlots poli­tiques, mais dans l’en­semble, ça ressemble surtout à une habile manière hypo­crite d’ex­pliquer qu’ils n’en ont pas en stock et que malheu­reu­se­ment le livre est épuisé, qu’ils en ont marre qu’on leur demande ce qu’ils ne +p+euvent pas vendre.

    Une réim­pres­sion est relan­cée mais l’his­toire va se répé­ter. Pour l’ins­tant c’est encore les premiers jours, quasi­ment personne ne l’a lu. Les gens l’achètent parce qu’on en parle, sans savoir. Rien ne dit que l’in­té­rêt subsis­tera dans quinze jours quand l’ac­tua­lité sera passée à autre chose et que le bouche à oreille commen­cera à parler du contenu réel. Il serait normal que les libraires indé­pen­dants hésitent à comman­der du stock sur la réim­pres­sion à venir, quitte à rejouer le même scéna­rio.

    Entre temps… il est dispo­nible en numé­rique, chez tous ceux qui font du numé­rique (éton­nam­ment, là où la vente est possible, personne ne colle d’af­fiche comme quoi ils ne veulent pas le faire).

    D’un autre côté, notez que OUI, le libraire choi­sit les ouvrages qu’il commande, et c’est bien normal. Le stock coûte cher, les inven­dus aussi, la place est limi­tée. Bref, même s’il voulait faire autre­ment, le libraire choi­sit ce qu’il a en maga­sin (et donc ce qu’il vend). Mis à part Amazon (et encore), même les très gros libraires en ligne avec de gros entre­pôts ont cette problé­ma­tique de choix. Il y a une alchi­mie entre prévoir ce qui se vendra, déga­ger une couleur édito­riale, et mettre en avant des coups de coeur.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par JOSE VICENTE JIMENEZ RIBAS

  • Bulle immo­bi­lière

    Bulle immo­bi­lière

    Le coût monte à une vitesse folle d’un coup. Ce ne peut pas être qu’une consé­quence de la rareté ou de la diffi­culté de produc­tion, pas avec une telle pente.

    Imagi­ner que des aides à la construc­tion, à la loca­tion ou à l’achat règle­ront quoi que ce soit est un rêve dange­reux. Pour que ça arrive il faudrait augmen­ter d’un coup de manière extrê­me­ment forte le nombre de loge­ment dispo­nible. Comme le coût n’est pas le seul critère, même en défis­ca­li­sant complè­te­ment, ça n’ar­ri­vera pas.

    Entre temps on ne fait que finan­cer la bulle sur des fonds publics, à la plus grande joie des inves­tis­seurs exis­tants.

    Pire : En défis­ca­li­sant la construc­tion, en four­nis­sant des aides diverses et variées, on finance l’in­ves­tis­se­ment des plus riches, sur des fonds publics, sous prétexte que ces riches permet­tront ensuite aux pauvres de louer ce capi­tal créé. Ça peut avoir un symp­tôme posi­tif à très court terme, mais les dégâts seront impor­tants.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Shawn Harquail

  • Renfor­cer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi

    Renfor­cer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi

    Je demande à @pole_emploi de renfor­cer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi
    François Rebsa­men

    Nouveau gouver­ne­ment. Chômage impor­tant. Première action et commu­ni­ca­tion.

    Parce qu’é­vi­dem­ment la cause majeure du chômage ce sont bien les chômeurs qui ne cherchent pas du travail (ou pas). Sinon tout serait résolu (ou pas). Il est urgent d’y répondre, il n’y avait rien de plus impor­tant à faire comme action pour le ministre du chômage.

    Le pire c’est que non seule­ment le Pôle Emploi ne fait déjà plus que ça (pape­ras­se­rie admi­nis­tra­tive, enre­gis­tre­ment et contrôles ; se rappe­ler du temps qu’ils ont pour chaque chômeur) mais en plus on renforce ici l’idée que ceux qui sont chômeurs ne sont que de vils profi­teurs.

    La stig­ma­ti­sa­tion c’est aussi ce qui rend plus diffi­cile de retrou­ver un emploi. L’idée (fausse) que la France est un pays d’as­sis­tés c’est ce qui dimi­nue la proba­bi­lité d’in­ves­tis­se­ment.

    Bref, c’était clai­re­ment le plus impor­tant à faire pour la relance du gouver­ne­ment et la confiance de la base socia­liste en ceux qu’elle a élu.

    Elle se voit suffi­sam­ment l’iro­nie là ?

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Kevin Sr.

  • Des congés d’ins­tit

    Des congés d’ins­tit

    Je m’étais promis de faire ce billet un jour mais avec la rentrée je vois à chaque fois ma femme se faire bouillir quand elle entend « oh, les instits ils font la rentrée mais ils ne travaillent pas beau­coup quand même » (ou autres variantes simi­laires).

    Alors je sais que chacun est diffé­rent mais je vais prendre un exemple que je connais bien :

    L’an­née dernière elle était la plupart des jours à l’école avant 7h. Là, même si elle n’em­bauche qu’à 8h45, elle prépare ses cours du jour, fait des correc­tions, gère l’em­mer­de­ment quoti­dien admi­nis­tra­tif ou tech­nique, arrange les plan­nings, etc.

    Le soir elle partait un peu avant 18h. Entre la fin des cours et le départ ce n’est pas de la garde­rie mais des correc­tions, le range­ment de la salle, et… la discus­sion avec les parents ou sa collègue (elle fait deux mi-temps, donc il y a une collègue avec qui se synchro­ni­ser pour les deux classes).

    Le midi… vous avez compris : En gros ça bosse aussi une majeure partie du temps, au moins pour faire la police et gérer les bobos des élèves (parce que même si on n’est pas de garde, on ne laisse pas les enfants pleu­rer dans un coin en disant « je suis perché »).

    Le week-end ou le soir à la maison, devi­nez quoi : Le travail est loin d’être rare, pour prépa­rer les acti­vi­tés ou adap­ter un cours. Il faut dire que l’ex­cep­tion­nel est régu­lier. Ça tourne entre les réunions parent-instit trimes­trielles (non seule­ment ça prend du temps, mais en plus ça se prépare en amont), les livrets en fin de trimestre, et les diverses fêtes d’école, sorties et anima­tion. Parfois elle avait moins de temps libre que moi qui suis cadre de direc­tion sans horaires.

    Vous allez me dire qu’il reste les vacances ? et bien non. Parce qu’un cours ça se prépare, ça se créé. On ne se contente pas de prendre le livre et de le suivre. Quand il s’agit de nouveaux niveaux et qu’on fait les choses biens, on peut passer faci­le­ment 1h de concep­tion pour pour 2h de cours. Là elle avait deux mi-temps, dont un avec un double niveau. Bref, trois niveaux à prépa­rer. Cet été elle n’a pas eu plus de congés « ne rien faire » que moi.

    Bien entendu tout ça n’est pas décompté en heures supplé­men­taires, c’est « inclus dans le forfait ».

    Oui, tout dépend de chacun, et un vieil instit qui a ses cours faits depuis des années épargne proba­ble­ment du temps, un instit qui salope son travail et se moque des élèves aussi (heureu­se­ment ils sont proba­ble­ment plus rares qu’on ne veut bien le dire), mais la plupart des gens qui crachent sur les vacances des instit font proba­ble­ment bien moins d’heures de travail à l’an­née. Pensez-y la prochaine fois.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Jeyheich