Catégorie : Politique et société

  • Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    En pratique, si certaines miettes tombent en bas, les finances qu’on donne aux plus riches profitent d’abord aux plus riches. Formulé ainsi personne ne s’en étonne, mais la fable qui voudrait qu’en soute­nant les plus riches on relève toute la société a la vie dure. Elle ne s’ap­puie malheu­reu­se­ment sur rien de concret.

    Wealth doesn't trickle down. It trickles outwards - to tax havens.
    Wealth doesn’t trickle down. It trickles outwards – to tax havens.

    Le problème c’est qu’on semble inca­pable d’oser dire « stop » à la classe supé­rieure, qui demande de plus en plus.

    Aux États Unis, on se rend compte que des grands groupes payent plus en indem­ni­tés à leur PDG qu’à la commu­nauté via le fisc. Au niveau mondial ce sont 211 000 personnes qui détiennent 13% du capi­tal plané­taire, y compris les éner­gies fossiles, les loge­ments, les terres, les moyens de produc­tion… C’est 0,004% de la popu­la­tion et ce déséqui­libre va gran­dis­sant.

    Évolution du salaire moyen horaire hors inflation des salariés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.
    Évolu­tion du salaire moyen horaire hors infla­tion des sala­riés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.

    En France, les grands patrons ont obtenu des allè­ge­ments histo­riques de fisca­lité pour aider à leur compé­ti­ti­vité et compen­ser des bas salaires vrai­sem­bla­ble­ment trop chers. En paral­lèle pour­tant, la part des salaires dans le PIB ne fait que dimi­nuer depuis 40 ans, les salaires commencent à dimi­nuer aussi (à monnaie constante). Autant dire que non, ça ne permet pas d’amé­lio­rer l’em­ploi, ça permet surtout de conso­li­der des divi­dendes et la course à la capi­ta­li­sa­tion.

    Depuis 40 ans, la part du PIB reversée des salaires vers les dividendes représente 1,5x le PIB.
    Depuis 40 ans, la part du PIB rever­sée des salaires vers les divi­dendes repré­sente 1,5x le PIB.

    Les aides, baisses de fisca­lité et déré­gle­men­ta­tions ne font qu’a­li­men­ter le haut de la pyra­mide. Les divi­dendes explosent pendant que les PDG font la mine du chat de Shreck en mettant tout sur le dos de la crise. Ça ne s’ar­rête pas. Ils osent tout, jusqu’à vouloir dénon­cer l’obli­ga­tion de moti­ver les licen­cie­ments.

    Entre temps, rien ne s’ar­range. Les gens lais­sés sur le carreau sont de plus en plus nombreux : +44% de SDF en 10 ans. Le pire est peut être de se rendre compte que 25% d’entre eux ont pour­tant un emploi.

    Quant à la baisse des « charges » pour la compé­ti­ti­vité des entre­prises, c’est tout simple­ment une baisse des coti­sa­tions sociales, dont les caisses sont pour­tant déjà dans le rouge depuis des années. Il serait illu­soire de croire que cela ne va pas faire bais­ser le niveau de vie et se santé de ceux qui sont le plus dans le besoin.

    Les pauvres sont trop pauvres, mais ne les aidons pas avec nos impôts
    61% pour dire qu’il faut augmen­ter les minima sociaux, mais 58% pour refu­ser d’aug­men­ter les impôts à cette fin. Blocage idéo­lo­gique.

    Tout le monde est bien d’ac­cord sur le problème, mais dès qu’il s’agit de faire de la redis­tri­bu­tion autre­ment qu’en donnant plus de sous aux plus riches, il y a un blocage idéo­lo­gique. L’im­pôt c’est pour­tant la base d’un système que même les plus riches étran­gers nous envient (l’his­toire en lien me tire une larme à chaque lecture). Je crains que ça ne dure pas, parce que pour ça il faut le finan­cer et le consen­te­ment à l’im­pôt est au plus bas.

    Le travail de commu­ni­ca­tion des plus riches fonc­tionne, il obtient désor­mais le soutien même des plus pauvres : Au lieu de main­te­nir le niveau des recettes, on sabre dans les pres­ta­tions et dans la redis­tri­bu­tion. Pauvre monde, pauvre France. Nous décons­trui­sons en quelques années une dyna­mique qui a pris des dizaines d’an­nées à se former.

    La quan­tité de biens étant limi­tée, quand on allège les taxes, coti­sa­tions et impôts des plus riches, voire qu’on subven­tionne leurs acti­vi­tés, on ne fait que prendre aux plus pauvres pour cela. C’est tout bête mais bon à rappe­ler.

    Et si pour vous commen­ciez à voir d’un bon oeil tout ce qu’on vous demande de payer pour la collec­ti­vité ? La seule ques­tion est de savoir quel modèle social vous soute­nez, et si les trans­for­ma­tions en cours ont votre soutien.

    La lutte des classes existe, nous l’avons gagnée.
    — Warren Buffet

    Les « riches », eux, savent très bien où ils en sont. Je ne compte plus le nombre de fois où j’en entendu « tu devrais être pour, c’est posi­tif pour nous ». La phrase célèbre attri­buée à Warren Buffet n’a jamais été aussi vraie.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA Doctor Ho

  • Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain

    Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain

    Le prin­cipe de non-loca­tion du corps humain. Je ne sais pas d’où sort cette idée que l’on n’au­rait pas le droit de gagner de l’argent en mettant son corps à dispo­si­tion d’au­trui, mais il faudra en parler à l’en­semble des travailleurs manuels de ce pays, ça les inté­res­sera beau­coup. Surtout nos mili­taires qui sautent sur des mines en Afgha­nis­tan et nos 56000 ouvriers victimes de mala­dies profes­sion­nelles chaque année. En fait, l’ex­ploi­ta­tion de l’Homme par l’Homme, et notam­ment de son corps, c’est un peu la base du capi­ta­lisme et jusqu’à l’ar­ri­vée de […], ça ne semblait choquer personne, à l’ex­cep­tion peut-être des syndi­cats. Mais si pour inter­dire […] vous voulez pour rester cohé­rent inter­dire aussi le travail, ça me va, je signe.
    extrait de ad virgi­lium

    J’ai toujours eu du mal avec l’ar­gu­ment « c’est de l’ex­ploi­ta­tion de gens qui n’ont pas le choix » voire « de la loca­tion du corps humain ».

    Une partie impor­tante des travailleurs manuels ne font *que* se soumettre à une exploi­ta­tion physique parce qu’ils n’ont pas le choix pour vivre. Croyons-nous que travailler à la chaîne, dans des fours à plus de 40° ou avec des produits dange­reux se fait par envie ou par amour ?

    Nous louons souvent notre corps, parfois pour la partie physique, parfois pour la partie mentale, souvent au détri­ment de notre santé – si le travail c’est la santé, n’ou­blions pas qu’on nous achète notre travail, et donc notre santé

    Je ne suis pas cynique au point de dire que tout se vaut, donc qu’on doit accep­ter toute exploi­ta­tion humaine simple­ment parce que le prin­cipe est partout autour de nous. Le simple argu­ment ne me suffit par contre pas.

    La ques­tion est de savoir où on trace la limite. C’est bien plus diffi­cile qu’on ne le croit car on utilise au jour le jour plus d’un outil ou d’un service qui exploite autrui dans des condi­tions tota­le­ment inac­cep­tables.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA James Vaughan

  • Être un bon ministre de la Culture

    Être un bon ministre de la Culture

    Même si je n’ai pas toujours été tendre avec Fleur Pelle­rin, là, je dois dire que j’ap­puie le cap qu’elle trace. Il faut en finir avec un minis­tère de la Culture sans aucune ligne poli­tique, réduit à être un guichet à subven­tions publiques, desti­nés à des gens qui n’ont aucun sens de la bonne utili­sa­tion des deniers publics, et qui, bien souvent, se moquent éper­du­ment du « grand public ». Si certains veulent faire de l’art d’avant-garde, celui que seule une « élite éclai­rée » peut comprendre et appré­cier, qu’ils le fassent avec leur argent. Mais pas sur fonds publics. Le minis­tère de la culture doit être celui de la diffu­sion de la connais­sance, de la culture pour tous, à commen­cer par ceux qui en ont besoin. La Culture, ce n’est pas seule­ment les grands musées pari­siens et les happe­nings bran­chouille façon festi­val d’Avi­gnon. C’est aussi et surtout les biblio­thèques, les ateliers scolaires dans les musées ou les services d’ar­chives, l’édu­ca­tion artis­tique. Bref, ce qui s’adresse au grand public pour vulga­ri­ser, au sens noble du terme.

    Je ne suis pas d’ac­cord avec d’autres côtés, notam­ment le côté « ministre de l’in­dus­trie cultu­relle qui doit s’oc­cu­per davan­tage d’éco­no­mie que de créa­tion », mais le para­graphe cité est on ne peut plus bien­venu.

    Sans faire réduire tout au marché de masse et en faire l’apo­lo­gie, il est temps d’en finir avec la vue élitisme sous subven­tion de la culture.

    Le reste est chez Authueil.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA Ahmed

  • Rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises

    Rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises

    Un groupe de travail plan­chera pour rendre la péni­bi­lité suppor­table pour les entre­prises.
    Emma­nuel Macron, Radio Clas­sique, 02/12/2014

    Un peu d’hu­mour noir ferait remarquer que même au mieux des discus­sions, on a juste prévu de compen­ser légè­re­ment en fin de vie les travaux pénibles aux survi­vants, mais jamais de la rendre suppor­table pour les sala­riés. Ques­tion de valeurs et de prio­ri­tés.

    Quant à ceux qui trou­ve­ront le terme « survi­vant » exagéré (ne vous cachez pas, vous êtes nombreux), je vous propose de regar­der les espé­rances de vie de ces popu­la­tions. On a beau jeu de leur propo­ser une retraite un ou deux ans plus tôt : la plupart n’en profi­te­ront pas, et conti­nue­ront à coûter bien moins cher à la collec­ti­vité que les retraites de tous ces gens aux travaux non-pénibles.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA de Ulisse Albiati

  • L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    L’ex rédac­trice en chef du New York Times lance un nouveau média à 100 000 dollars l’ar­ticle

    Je vois vrai­ment la mort de la presse dans la direc­tion qu’elle prend, à ne faire que du format court, reprise des dépêches d’agences, news people et commu­niqués.

    On fait de la poubelle avec de la main d’oeuvre sous-payée, et en siphon­nant les fonds publics. Je ne vois pas comment la société pourra soute­nir long­temps une absence telle de valeur.

    Certains prennent le pas opposé, et si je n’ai pas envie de prendre de paris sur le modèle, c’est assez rafrai­chis­sant de voir que certains croient en l’in­for­ma­tion profonde, de qualité, et bien payée.

    Qualité ou quan­tité ? Visi­ble­ment, Jill Abram­son a fait son choix. Bruta­le­ment licen­ciée en mai après 17 ans passés au sein du pres­ti­gieux New York Times dont trois ans à sa tête, la jour­na­liste de 60 ans a décidé de recom­men­cer à zéro, sur Inter­net cette fois-ci. Son nouveau média, dont ni la date de lance­ment ni le nom ne sont pour le moment connus, ne publiera qu’un seul article par mois, rému­néré 100 000 dollars au jour­na­liste. A ce prix là, la rédac­trice en chef s’at­tend à ce que le pigiste se fende d’un long format d’en moyenne 120 000 signes, le double des plus longs papiers publiés par le célèbre New Yorker

    Photo d’en­tête sous licence CC BY à partir d’un travail de John Ragai

  • L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    L’ob­so­les­cence program­mée existe, je l’ai rencon­trée…

    Les écrits avec du recul sur l’ob­so­les­cence program­mée ne sont pas légion. Celui-ci en est un :

    Dès lors, ce serait une faute de concep­tion que de ne pas correc­te­ment ajus­ter les compo­sants puisque cela risque­rait d’oc­ca­sion­ner des retours coûteux au service après vente. C’est ainsi un impé­ra­tif ration­nel que de cali­brer l’en­semble des conden­sa­teurs en sorte qu’ils rendent l’âme le plus possible au même instant…

    […]

    Un tel écart de prix [choix de la durée de vie des compo­sants] était incom­pré­hen­sible pour le client à l’époque et il se trou­vait déjà des écono­mistes néo-libé­raux pour expliquer que le « diffé­ren­tiel » de prix était entiè­re­ment dû à l’écart de coût de main d’œu­vre…

    Au demeu­rant, on conçoit que l’in­dus­trie n’ait pas envie de commu­niquer sur ce para­mètre qui, moyen­nant un calcul actua­riel, permet­trait de compa­rer plus juste­ment les prix…

    En outre, le client est, pour des raisons épis­té­mo­lo­giques, inéluc­ta­ble­ment aveugle sur ce qu’il achète – n’en déplaise aux écono­mistes qui essaient de nous faire croire en la possi­bi­lité d’une trans­pa­rence des marchés. Il pour­rait se sentir « le dindon de la farce » s’il savait que le fabri­cant déter­mine préci­sé­ment la durée de vie espé­rée…

    Je me rappelle aussi cette histoire sur les impri­mantes qui recueillent un tout petit peu d’encre pendant les nettoyages des têtes à l’al­lu­mage. Il y a un bac avec une mousse pour ça, malheu­reu­se­ment non acces­sible. L’im­pri­mante tient un compte du nombre de nettoyages, et refuse le fonc­tion­ne­ment à partir d’un certain nombre prédé­ter­miné, pour éviter que le bac ne déborde.

    *

    Pas besoin de voir un complot des indus­triels. La durée de vie de l’im­pri­mante est connue, mais c’est plus une ques­tion d’éco­no­mie – le bac n’est pas acces­sible pour être vidé – que de volonté de faire raccour­cir le temps d’uti­li­sa­tion.

    Oui le construc­teur défi­nit la durée de vie probable du maté­riel, parce que cette durée de vie a un coût au niveau de la fabri­ca­tion et des compo­sants. Ce n’est pas que pour de l’élec­tro­nique. On peut parler du choix du textile et de son tissage pour les vête­ments.

    Le problème c’est que cette qualité et cette durée de vie sont invi­sibles de la part du client. Les deux critères de vente restent le prix et le marke­ting. Pas éton­nant donc qu’on tende vers des prix bas accom­pa­gnés d’un beau discours, quitte à avoir une qualité de concep­tion en baisse.

    * * *

    Que faire ? Étendre les garan­ties obli­ga­toires (elles sont désor­mais de deux ans). Impo­ser une commu­ni­ca­tion sur la dispo­ni­bi­lité de pièces déta­chées (bien­tôt effec­tif).

    J’ai plus simple, mais ça demande un courage poli­tique : Simple­ment impo­ser au construc­teur de commu­niquer offi­ciel­le­ment sur la durée de vie probable pour le maté­riel à sa connais­sance. Pas d’en­ga­ge­ment autre que la bonne foi, mais au moins on pourra se retour­ner si jamais il y a mauvaise foi.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA à partir d’un travail de Matt Shif­fler

  • Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    Cop Detains Black Man for « Walking With His Hands in His Pockets »

    L’ar­ticle vaut le détour, même si le titre décrit très bien l’in­té­gra­lité de l’his­toire.

    A Michi­gan man was stop­ped and ques­tio­ned by police last week after « nervous » passersby called 911 to report he was « walking with his hands in his pockets. »

    The cop, who also recor­ded the inci­dent, appa­rently stop­ped and ques­tio­ned the man about his hand place­ment around 4:30 p.m. on Thanks­gi­ving in Pontiac, MI.

    « You were walking by, you were making people nervous, » the cop explains in the video, which was origi­nally uploa­ded on Face­book. « They said you had your hands in your pockets. »

    Chaque situa­tion est diffé­rente, mais la France est loin d’être exclue de ce type de ségré­ga­tion.  C’est un peu moins vrai depuis que je suis à Lyon, mais à Paris je voyais quoti­dien­ne­ment des gens se faire arrê­ter pour des contrôles autour de moi : iden­tité, titre de trans­port et souvent la fouille – oui, tech­nique­ment c’est proba­ble­ment une palpa­tion de sécu­rité avec une demande insis­tante de vider les poches et ouvrir les sacs sous peine de finir en garde à vue pour appro­fon­dir le contrôle, mais ça revient un peu au même au final.

    Par une extra­or­di­naire coin­ci­dence, je n’ai jamais été ciblé. Plus préci­sé­ment je n’ai jamais fait l’objet de ma vie d’un contrôle indi­vi­duel pour mon iden­tité,et, quand j’ai été contrôlé pour mon titre de trans­port, c’est que tout le monde l’a été sans excep­tion.

    Je sais que je suis plutôt du genre passe-partout qui se tient correc­te­ment donc peu de raisons d’at­ti­rer un contrôle indi­vi­duel, mais il en va de même pour certains autres qui sont quand même contrô­lés.

    Ce doit être la même extra­or­di­naire coïn­ci­dence qui fait que c’étaient quasi­ment toujours des gens de couleur qui étaient arrê­tés  à la Garde du Nord dans la zone métro – rer. Ils devaient avoir les mains dans les poches. Il faut dire que moi ça m’ar­rive rare­ment.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC par Thomas Hawk

  • Dans des chaus­sures de grand

    Visi­ble­ment l’af­fiche du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil fait débat. On y verrait un reflet sexiste de mauvais gout.

    Je retrouve parfai­te­ment mon fils dans l’image du petit qui joue au grand, essayant et trai­nant les chausses de ses parents. Il a l’âge en ce moment, et si ça ne lui arrive pas tous les jours, ça reste plusieurs fois par semaine. Oh qu’il est fier quand il fait ça ! autant avec les chaus­sures de sa mère que de son père d’ailleurs.

    J’ai person­nel­le­ment pensé à ça en voyant l’af­fiche. J’ai souri, et trouvé l’image excel­lente pour un salon jeunesse qui a pour thème l’âge adulte.

    * * *

    Main­te­nant je suis forcé­ment un peu moins sensible au sexisme, n’en étant géné­ra­le­ment pas la cible. Parfois j’ai besoin qu’on m’ex­plique, qu’on me montre, avant de prendre conscience. Ici je sèche même avec les expli­ca­tions.

    Ce que je lis tourne autour du choix d’avoir mis des chaus­sures rouges à talon pour iden­ti­fier l’ave­nir de la petite fille et du fait que c’est très stéréo­typé, que ça contraint la petite fille à un rôle précon­di­tionné, sexua­lisé.

    Même en seconde lecture, j’avoue que j’ai beau­coup de mal à y lire ça.

    Pourquoi avoir utilisé des chaus­sures rouges à talon ? Aucune idée, il faudrait deman­der à l’au­teur.

    En pratique ça reste quand même une des formes les plus ingé­nieuses pour le thème. Non seule­ment l’angle permet plus faci­le­ment de voir la diffé­rence de taille entre le pied et la chaus­sure, mais on ajoute intel­li­gem­ment une montée en hauteur, ce qui illustre double­ment juste­ment le sujet : faire grand.

    Je ne prétends nulle­ment que ces deux réflexions étaient dans les réflexions de l’au­teur, mais je n’ai non plus aucun élément pour douter qu’a­près plusieurs essais il ou elle ait pu trou­ver cette illus­tra­tion comme la plus adéquate.

    Dans tous les cas je trouve qu’on va un peu vite en besogne quand on y voit forcé­ment la simple appli­ca­tion du stéréo­type sexiste « femme objet sexuel » comme avenir de la petite fille. Je le vois d’au­tant moins que mon fils se moque bien de savoir s’il essaye les chaus­sures de sa mère ou de son père.

    *

    Et pourquoi rouge ? Aucune idée, il faudrait deman­der à l’au­teur (si vous y voyez un bottage en touche, ce n’est pas par hasard : je n’ai simple­ment pas envie de présup­po­ser les raisons du choix de l’au­teur, qu’elles soient conscientes ou incons­cientes).

    Peut-être est-ce effec­ti­ve­ment parce que les talons sont stéréo­ty­pés avec une image de désir, donc asso­cié au rouge (même si dans les faits ils sont rare­ment de cette couleur).

    Peut-être est-ce aussi plus basique­ment la couleur la plus basique pour faire ressor­tir un élément dans un crayonné noir blanc et bleu. On voit d’ailleurs que plus que la couleur, ce qui diffé­ren­cie les chaus­sures est qu’il s’agit du seul élément « rempli » de couleur ; il y a donc bien une inten­tion de mise en avant forte.

    Bref, je n’en sais rien, et il y a proba­ble­ment des deux, mais je suis loin de sauter sur la conclu­sion de sexisme ou de sexua­li­sa­tion, même invo­lon­taire.

    * * *

    Ce qui me gêne c’est qu’à jouer les inter­prètes du pourquoi de ces choix, on aurait pu avoir la même conclu­sion avec tout à fait d’autres chaus­sures.

    • Des chaus­sures d’homme ? Mais pourquoi être grand serait-il forcé­ment une ques­tion d’homme, c’est infan­ti­li­ser les femmes
    • Des chaus­sures de chan­tier type Cater­pillar ? Malheu­reu­se­ment, même si elles sont mixtes, le rendu est proche de la cari­ca­ture de chaus­sure homme et aurait encore plus renforcé l’idée grand = homme qui travaille
    • Des chaus­sons ? Horreur, l’ave­nir de la petite fille est-il forcé­ment d’être mère au foyer avec des chaus­sures d’in­té­rieur ?
    • Des chaus­sures neutres et plates types tennis de toile ? Pourquoi lui nier la possi­bi­lité d’avoir des chaus­sures femme, nier son sexe ?

    Je cari­ca­ture bien évidem­ment, mais le pire c’est qu’en le faisant je me demande si je n’ai effec­ti­ve­ment pas déjà vécu ces réac­tions à d’autres occa­sions.

    * * *

    Est-ce à dire que l’af­fiche n’est pas sexiste ? Je n’en sais rien. Tout simple­ment. Je ne vois pas ce sexisme ici mais je veux aussi bien croire qu’il puisse exis­ter sans que je ne le vois ; le contexte et l’his­to­rique social ont forcé­ment un poids qu’il n’est pas toujours simple à éviter. Je trouve de toutes façons plutôt sain qu’on puisse avoir ce débat, que des personnes puissent aler­ter sur du sexisme qui leur appa­rait.

    C’est juste que j’en ai lu ici ne m’a pas convaincu. J’ai l’im­pres­sion qu’on sur-inter­prète les conno­ta­tions asso­ciées au choix des chaus­sures à talon quasi­ment autant qu’on sur-inter­pré­tait les impli­ca­tions et chaque mot ou tour­nure de phrase lors des analyses de texte en prévi­sion du BAC au lycée. L’au­teur doit avoir bien mal, ici comme au lycée.

    N’ou­blions pas : Quand on prête arbi­trai­re­ment des inten­tions à d’autres, et encore plus quand on prête des influences incons­cientes liées au cadre social, on peut prou­ver n’im­porte quelle thèse à partir de n’im­porte quel fait, ou de son contraire.

    Si quelqu’un y voit autre chose, ou que j’ai manqué une image, une conno­ta­tion, une histoire, n’hé­si­tez pas à me le signa­ler en commen­taire, c’est en fait surtout pour ça que je publie ce billet.

  • Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    J’en­tends encore autour de moi les gens râler sur ces ensei­gnants trop payés, qui font toujours grève et qui sont toujours en vacances. Je rage parce que pas un n’ac­cep­te­rait les condi­tions de travail des profes­seurs des écoles.

    Sans salaire depuis la rentrée, des ensei­gnants reçoivent des bons alimen­taires

    Ce n’est que le titre de l’ar­ticle de presse, mais le contenu ne vient nulle­ment modé­rer le sens initial. Après deux mois sans salaire, on leur fait même l’in­sulte de leur donner des bons alimen­taires. Et encore, c’est au profes­seur de s’hu­mi­lier à quéman­der pour les obte­nir.

    Ils ont réussi le concours, sortent d’un diplôme BAC+5 – oui, il faut avoir un master pour ensei­gner désor­mais – souvent jeunes diplô­més donc sans le sou. Vous en connais­sez beau­coup qui dans ces condi­tions conti­nue­raient à travailler après plus de deux mois sans salaire sur un nouveau job ? Vous le feriez ?

    Même quand tout fonc­tionne, le salaire n’est jamais versé à plein le ou les premiers mois. C’est dans le proces­sus « normal » de l’édu­ca­tion natio­nal : Le profes­seur reçoit un simple acompte, et le solde au mieux fin octobre.

    Quant aux congés ou aux horaires soit-disant tranquilles, je vous laisse lire la petite histoire de septembre dernier – lisez-la, vrai­ment. Oh, et le sala­rié trop payé n’est en réalité payé que 2000 € bruts par mois (envi­ron 1550 € net), pour un BAC +5 une fois le concours en poche. Quant à la sécu­rité de l’em­ploi, 13 ans d’exer­cice avec une bonne nota­tion ne garan­tit pas une place de titu­laire.

    Pensez-y avant de vous moquer de la prochaine grève qui parle de mauvaises condi­tions de travail.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Jeyheich

  • Raising capi­tal in the US vs EU: a biased compa­ra­tive study

    Raising capi­tal in the US vs EU: a biased compa­ra­tive study

    Si vous enten­dez de gros chiffres à propos de star­tup, sauf événe­ment excep­tion­nel, ça se passe ailleurs qu’en France, voire qu’en Europe.

    US funds invest in case your company succeeds, whereas in Europe, they invest because your company succee­ded.

    Another way to phrase this? The biggest fear for a US inves­tor is to miss out on a big hit. When Peter Thiel was asked what his worst invest­ment was, he replied “not (doing) the Series B round of Face­book”. See the diffe­rence? Instead of going over the many invest­ments he made that turned out to be failures, he’s blaming himself for a risk not taken.

    Et ça cadre très bien avec ce que j’ai pu voir. Ici on inves­tit à minima, pour alimen­ter un busi­ness qui a déjà prouvé son fonc­tion­ne­ment, ou pas loin, avec des busi­ness plan à 3 ans. Là bas ils analysent plutôt la capa­cité de l’équipe à créer quelque chose, et la soli­dité du projet.

    At the seed stage, US inves­tors know that spen­ding weeks analy­zing the ‘total addres­sable market’ (or TAM) is a waste of time. The most inter­es­ting compa­nies are those that expand their TAM as they go. For example, before Google came along, the market for PPC SERP ads was non-existent; today it’s a multi-billion dollar market with a clear leader.

    But that doesn’t deter Euro­pean inves­tors from reques­ting a full deck, inclu­ding a three-year busi­ness plan as a prerequi­site to any form of conver­sa­tion. If your path to profi­ta­bi­lity is not already proven, you will have a hard time getting as much as a phone call.

    Diffé­rence de culture, mais pas que. Le reste du billet vaut aussi la lecture.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA à partir d’un travail de Marc Thur­man