Catégorie : Droit d’auteur

  • La veille, ce tableau était encore dans le domaine public

    Pour complé­ter le lien précé­dent sur l’af­fai­blis­se­ment du domaine public, entrons encore plus dans un monde formi­dable :

    La veille, ce tableau était encore dans le domaine public [aujourd’­hui il ne l’est plus]

    Alors certes, on peut juger qu’il y a eu un travail d’au­teur et donc qu’il mérite d’être protégé en tant que tel (même si pour moi la restau­ra­tion c’est une exécu­tion qui peut être excep­tion­nelle dans le travail et la réali­sa­tion, mais qui par prin­cipe n’est pas origi­nale et donc ne devrait pas être soumise au droit d’au­teur).

    Main­te­nant, si toute réuti­li­sa­tion implique de refaire courir un droit d’au­teur, fina­le­ment le domaine public devient figé et empri­sonné. Tout ce qui en est fait va le limi­ter encore plus, mettre des barrières quant aux utili­sa­tions qui pour­raient en être faites par les suivants, et inter­dire toute élabo­ra­tion d’une culture commune.

    Culture figée dans notre passé, est-ce cela notre futur ?

    C’est valable pour un tableau restauré mais on en parle aussi sur des livres qui ne sont plus sous mono­pole d’au­teur mais dont la numé­ri­sa­tion ou la repu­bli­ca­tion tente de refaire courir des droits. Pour pouvoir réuti­li­ser l’œuvre il faut alors retrou­ver une édition origi­nale car toute repu­bli­ca­tion implique de nouveaux droits et une inter­dic­tion par défaut. On peut aussi proté­ger les inter­pré­ta­tions musi­cales, et si un passage est accen­tué sur une inter­pré­ta­tion d’une vieille musique, plus personne n’a le droit de le rejouer avec cette même accen­tua­tion.

    Plus français, on en vient à inter­dire la photo­gra­phie de certains monu­ments en ce qu’ils ont été repeints ou éclai­rés, et que ce travail tombe­rait sous droit d’au­teur. Sauf à ne pas photo­gra­phier de nuit ou enle­ver subrep­ti­ce­ment toute pein­ture, le monu­ment vient de simple­ment être mono­po­lisé une seconde fois.

    Tout ce qui est suscep­tible d’être mani­pulé ou travaillé est en fait sensible à ce système de renou­vel­le­ment des droits d’au­teur. C’est sans quand il y a un travail origi­nal en lui même, mais plus que dange­reux dans notre capa­cité à profi­ter publique­ment et cultu­rel­le­ment ce cette éléva­tion de l’œuvre hors du mono­pole de l’au­teur.

    Plus qu’une culture figée, c’est la réap­pro­pria­tion privée d’un bien public.

    Il est vrai­ment temps de faire du ménage dans le droit d’au­teur et le copy­right pour mieux proté­ger l’œuvre et l’au­teur dans ce qu’ils ont d’ori­gi­nal et afin de permettre le finan­ce­ment de la créa­tion, mais aussi pour mieux proté­ger le domaine public et auto­ri­ser tous les usages qui ne mettent pas en péril les auteurs et les créa­tions d’ori­gine. Nous ne pouvons pas conti­nuer ainsi.

  • L’af­fai­blis­se­ment progres­sif du domaine public, en un schéma

    Le droit d’au­teur est étendu année après année. On peut voir ça en posi­tif, mais ça implique aussi l’af­fai­blis­se­ment progres­sif du domaine public. En un schéma, Nume­rama montre clai­re­ment l’ex­cès dans lequel nous sommes arri­vés.

    Sérieu­se­ment, un droit patri­mo­nial 70 ans après la mort de l’au­teur ? Cela fait un monde. Pour une œuvre faite dans la première moitié de notre vie, cela veut dire près ou plus d’un siècle avant qu’elle arrive dans le domaine public.

    Dire qu’au départ la société parlait d’une protec­tion de 10 ou 20 ans après la publi­ca­tion… Main­te­nant nous parlons dans certains milieux de peut être étendre encore de 20 ans – pour arri­ver à 90 ans après la mort de l’au­teur – à cause de certaines œuvres encore commer­cia­le­ment exploi­tables qui tombent peu à peu hors du mono­pole des ayants droits.

    N’ou­blions pas, le mono­pole de l’au­teur est une excep­tion tempo­raire accor­dée à l’au­teur. La règle est bien la libre circu­la­tion de l’œuvre. La capa­cité d’ex­ploi­ter commer­cia­le­ment une œuvre n’est pas un motif pour étendre la durée des droits patri­mo­niaux, au contraire : Ce qu’on nomme domaine public n’est pas là que pour récol­ter les œuvres dont plus personne ne veut. Le domaine public est là pour le bien commun, ce n’est pas une poubelle ou une oubliette.

    Combien de comp­tines ou de fables qui sont de fait dans notre culture au jour le jour ont moins de 100 ou 130 ans ? Où est la légi­ti­mité du mono­pole et donc de la restric­tion de diffu­sion opérée par l’hé­ri­tage du droit patri­mo­nial par le fils du neveu de l’au­teur ?  Que lais­sons nous comme monde à nos enfants ou à nous-même ?

  • Avec quoi « protège » t-on les conte­nus numé­riques ?

    Dans le grand monde de la lutte contre la contre­façon numé­rique nous croi­sons trois mesures bien distinctes : les DRM, les verrous d’ac­ti­va­tion, le tatouage numé­rique, et la notice d’in­for­ma­tion.

    Ceux qui connaissent un petit peu le monde numé­rique ne décou­vri­ront proba­ble­ment rien, mais ça me permet­tra de poin­ter plus tard vers cette page dans des discus­sions ou de futurs billets.

    Une note tout de même avant la suite : Malgré le titre, ces mesures ne protègent pas les conte­nus, elles protègent les inté­rêts des ayants droits. Les conte­nus ne risquent rien, merci pour eux. C’est évident mais ça méri­tait d’être dit, parce que les formu­la­tions ont un impact sur la manière dont nous perce­vons les choses.

    Les DRM

    Les DRM, pour digi­tal right mana­ge­ment (gestion des droits numé­riques) permet au logi­ciel de lecture de prendre connais­sance des limi­ta­tions choi­sies par le distri­bu­teur du contenu et de les respec­ter stric­te­ment. Il peut s’agir par exemple d’une date d’ex­pi­ra­tion, d’un nombre de copies, de la taille d’éven­tuels extraits copiés, d’un nombre de lecture ou d’un nombre d’ins­tal­la­tion.

    Les DRM sont toujours accom­pa­gnés d’un verrou qui empêche la lecture sur des logi­ciels non auto­ri­sés, et parfois sur du maté­riel non auto­risé. L’objec­tif est bien entendu qu’on ne puisse pas utili­ser un logi­ciel ou un maté­riel qui permet­trait de ne pas respec­ter les limi­ta­tions deman­dées.

    Le DRM, s’il est effi­cace, tend à brider l’uti­li­sa­tion du contenu par le lecteur. Parce qu’il limite les logi­ciels ou maté­riels de lecture auto­ri­sés, il pose de plus des problèmes sérieux de péren­nité et d’in­te­ro­pé­ra­bi­lité. Ce problème d’in­te­ro­pé­ra­bi­lité est renforcé quand l’édi­teur du contenu en profite pour impo­ser un circuit fermé entre son maté­riel, ses logi­ciels, et ses conte­nus. Enfin, il est fréquent pour le lecteur de perdre l’ac­cès aux conte­nus ache­tés, parce qu’il perd les certi­fi­cats d’ori­gine lors d’un chan­ge­ment de machine, ou que les serveurs de contrôle du DRM sont simple­ment éteints après quelques années.

    Les DRM utili­sés par le grand public sont finissent toujours par être cassés et finissent donc par être inef­fi­caces pour brider la contre­façon volon­taire. Ils conti­nuent toute­fois de brider les utili­sa­teurs honnêtes.

    Exemples : DVD, Blu-ray (qui demandent des mises à jour régu­lières par Inter­net), livres numé­riques sous format Adobe

    Les verrous d’ac­ti­va­tion

    Les verrous d’ac­ti­va­tion viennent du monde logi­ciel. Il s’agit alors souvent d’un numéro de licence qu’on saisit à l’ins­tal­la­tion pour débloquer le logi­ciel. Un numéro unique et person­nel est alors trans­mis à tous les béné­fi­ciaires. La péren­nité du contenu est alors dépen­dante de la capa­cité à garder ce numéro unique. Pour un contenu repris plusieurs mois ou plusieurs années après l’achat, cela peut poser des diffi­cul­tés. La véri­fi­ca­tion du numéro est aussi dépen­dante d’un logi­ciel exécu­table, prévu pour certaines versions d’un système d’ex­ploi­ta­tion parti­cu­lier, qui pour­rait ne plus être d’ac­tua­lité ou même ne plus être supporté par les maté­riels récents plusieurs années plus tard.

    Les verrous d’ac­ti­va­tion ont évolué et demandent souvent une connexion à Inter­net pour véri­fier la cohé­rence du numéro de licence avec un serveur central. Ils véri­fient aussi que ce numéro n’est pas utilisé plusieurs fois, ou que le contenu numé­rique n’a pas été modi­fié. L’uti­li­sa­tion de ces serveurs distants rend dépen­dant de la connexion Inter­net et de la bonne volonté de l’édi­teur pour lais­ser actifs ces serveurs plusieurs années après la vente des conte­nus (ou après l’ar­rêt de la vente).

    Parfois c’est un iden­ti­fiant utili­sa­teur accom­pa­gné d’un mot de passe qui est demandé en lieu et place du numéro d’ac­ti­va­tion. Dans ce cas il devient diffi­cile ou impos­sible de parta­ger le contenu avec un tiers, même dans la même famille, ou de fusion­ner sur la même machine ou le même logi­ciel les conte­nus de deux comptes distincts.

    Exemples : Certains conte­nus annexes de Blu-Ray, les livres sous format Adobe (pour télé­char­ger le contenu réel), la plupart des logi­ciels commer­ciaux, les jeux vidéos

    Les tatouages numé­riques

    Le tatouage numé­rique, aussi appelé water­mar­king, a pour objec­tif de marquer le fichier pour en repé­rer le desti­na­taire licite. Il existe deux types de tatouages, le tatouage visible et le tatouage invi­sible.

    Le tatouage visible passe par l’in­ser­tion d’un code, d’une marque ou d’in­for­ma­tions person­nelles dans le contenu numé­rique. Pour un livre c’est par exemple un code barre et les noms et coor­don­nées de l’ache­teur du livre. L’objec­tif est double : faire comprendre au lecteur que son contenu est person­nel, et l’in­ci­ter à ne pas diffu­ser ce contenu à des tiers.

    Le tatouage invi­sible passe par l’in­ser­tion d’un code dans le contenu de telle façon qu’il ne puisse être visible que s’il est cher­ché expli­ci­te­ment. On s’en sert pour trou­ver la source d’un contenu contre­fait et agir s’il y a contre­façon de masse ou contre­façon volon­taire.

    Certains tatouages sont tota­le­ment invi­sibles et ne gênent en rien l’ex­ploi­ta­tion du contenu. Même visibles, ils peuvent être insé­rés à un endroit discret et sans impact sur l’œuvre elle-même. À l’in­verse, d’autres peuvent dégra­der l’œuvre, casser sa compa­ti­bi­lité, ou être pénible pour le lecteur. Malheu­reu­se­ment, les tatouages les plus résis­tants à la contre­façon sont aussi les plus intru­sifs et ceux qui apportent le plus de risques de dégra­da­tion ou d’in­com­pa­ti­bi­lité.

    Exemples : Fichiers musi­caux (MP3), certains livres numé­riques, les images ou photo­gra­phies

    Les notices d’in­for­ma­tion

    Les notices d’in­for­ma­tion sont des textes, vidéos, bandes son, images ou tout autre procédé permet­tant d’in­for­mer le déten­teur de l’œuvre des droits et limites d’ex­ploi­ta­tion.

    Ces notices sont toute­fois souvent intru­sives, répé­ti­tives, et souvent une source impor­tante de mauvaise expé­rience utili­sa­teur quand elles sont impo­sée au lecteur par une DRM ou un verrou d’ac­ti­va­tion. Elles sont de plus parfois inin­tel­li­gibles (texte légal) ou tendent à la propa­gande (texte promo­tion­nel sur un point de vue unique).

    Exemples : DVD et Blu-Ray, contrats de licence des logi­ciels

  • Une presse sans copy­right : utopie, dysto­pie… slovaquie ?

    Le droit d’au­teur s’ap­plique-t-il aux articles de presse ? aux dépêches des agences de presse ? Peut-on proté­ger un fait divers ? sa forma­li­sa­tion dans un texte ? Où se situe la limite ?

    La ques­tion en est fait loin d’être évidente. Elle me fait d’ailleurs penser à une étude que j’ai vu sur les photo­gra­phies qui abor­dait la même ques­tion : Une oeuvre banale qui ne fait que repré­sen­ter le point de vue « stan­dard » sans travail élaboré, a-t-elle l’ori­gi­na­lité requise pour être proté­gée ? Dans l’étude, la plupart de vos photos de vacance sont présen­tées comme n’étant pas vrai­ment couvertes par le droit d’au­teur, et donc comme pouvant être réuti­li­sées par tout un chacun sans limites.

    La Slovaquie a visi­ble­ment pris une posi­tion nette­ment plus avant-gardiste (ou rétro­grade, suivant le point de vue) que la plupart des autres pays. Une presse sans copy­right : utopie, dysto­pie… slovaquie ?

    Et vous, où tracez-vous la limite entre l’œuvre origi­nale à proté­ger et l’idée, l’in­for­ma­tion ou la réalité brute qui doit être de libre accès ?

  • Éléva­tion au domaine public

    Merci à Karl, je ne sais plus si c’est de lui ou s’il n’a fait que trans­mettre la pensée, mais j’adhère à la formu­la­tion :

    Une œuvre ne tombe pas dans le domaine public, elle s’y élève.

    Parfois le choix des termes a de fortes conno­ta­tions. C’est ainsi qu’on fait passer des idées.

  • Hervé Gaymard et le coup de l’épou­van­tail

    Lionel Maurel nous fait un rappel de bon sens : Au moins en France, le domaine public est le régime géné­ral, et le mono­pole du droit d’au­teur en est une excep­tion concé­dée tempo­rai­re­ment. Ceux qui voient dans le domaine public une excep­tion du droit d’au­teur – ou pire, une néga­tion du droit d’au­teur – s’ou­blient lour­de­ment.

    Hervé Gaymard et le coup de l’épou­van­tail, c’est faire croire qu’u­ti­li­ser gratui­te­ment des conte­nus orphe­lins dont personne n’a pu retrou­ver les ayants droits après 10 ans de recherche serait une néga­tion du droit d’au­teur.

    En même temps, quand on ne sait retrou­ver les ayants droits, c’est peut être aussi l’au­teur qu’on ne sait pas retrou­ver. Dans ce cas, comment gérer le droit d’au­teur et la limite du « vie de l’au­teur + 70 ans » ? Une gestion pour pouvoir décré­ter l’usage d’une œuvre orphe­line comme gratuite au bout d’un certain temps est indis­pen­sable. La seule alter­na­tive serait d’ac­cep­ter un mono­pole d’au­teur impres­crip­tible, et la fin du domaine public pour certaines œuvres.

    Dans les textes légis­la­tifs à venir il y a du bon et du moins bon. Dans le moins bon, il y a un droit d’au­teur qui se trans­forme tout douce­ment en droit de l’édi­teur, en donnant aux éditeurs un droit d’ex­ploi­ta­tion qu’ils n’avaient pas, et en préju­geant l’ac­cep­ta­tion de l’au­teur. On arrive même à deman­der à l’au­teur de prou­ver que l’édi­teur ne détient aucun droit numé­rique s’il souhaite sortir du système. Je met au défi mon public de choi­sir au hasard un éditeur et que cet éditeur n’a aucun droit numé­rique sur leur dernier commen­taire fait sur le web. Bonne chance.

  • Censure sur inté­rêts privés, Univer­sal Music

    Quand on parle de justice privée à propos de la Hadopi ou des lois que tentent de mettre en œuvre les états contre la contre­façon, nous n’en­vi­sa­gions pas que ce soit si expli­cite que ce qu’il se passe depuis un bon mois.

    Les produc­teurs et distri­bu­teurs de conte­nus se croient libres d’agir au mieux de leurs inté­rêts. Le mois dernier c’est Warner Bross qui faisait reti­rer de Hotfile (un service d’hé­ber­ge­ment-télé­char­ge­ment de fichiers) un programme qu’il consi­dé­rait permettre le télé­char­ge­ment illé­gal mais qui n’était en lui même pas illé­gal et sur lequel Warner ne déte­nait aucun droit. Plus récem­ment c’est un site espa­gnol, qui avait passé avec succès l’épreuve des tribu­naux espa­gnols, qui a été coupé au niveau DNS par les États Unis (qui contrôlent indi­rec­te­ment le registre .com). Depuis que les États Unis ont déployé l’ar­se­nal contre wiki­leaks, les produc­teurs ne se sentent aucune limite dans leurs demandes. Régu­liè­re­ment les produc­teurs abusent de leur inter­face de modé­ra­tion de Youtube pour faire reti­rer des vidéos tout à fait légales ; certaines par erreur, mais certaines consciem­ment, parce qu’elles les gênent.

    Depuis une dizaine de jours c’est un débat entre MegaU­pload (un autre service d’hé­ber­ge­ment-télé­char­ge­ment de fichiers) et Unive­ral Music qui a lieu. Pour une fois les choses sont dites expli­ci­te­ment, à haute voix, et on peut juger de la légi­ti­mité ou de l’hon­nê­teté de chacun.

    MegaU­pload a lancé une vidéo promo­tion­nelle où plusieurs artistes connus chantent leur atta­che­ment au service. Peu de temps après, cette vidéo est supprimé des serveurs Youtube sur demande d’Uni­ver­sal Music.

    Ce seul fait est déjà fran­che­ment diffi­cile à avaler. Voir des artistes chan­ter « MegaU­pload » en vidéo, on peut diffi­ci­le­ment consi­dé­rer que c’est une contre­façon d’une œuvre Univer­sal Music. La suppres­sion ne peut être ici que de mauvaise foi.

    Mais plus sympa­thique : Une demande vient de l’avo­cat de l’ar­tiste Will.i.am, bien que ce dernier ait affirmé par la suite publique­ment n’avoir auto­risé aucune demande de ce type en son nom. Mieux : Une seconde demande, faite par Univer­sal Music, est au nom de Gin Wigmore, qui n’ap­pa­raît même pas dans la vidéo.

    Si on voit clai­re­ment la mauvaise foi et l’abus des outils de lutte contre la contre­façon, l’as­pect miri­fique n’est pas là. Dans les dernières commu­ni­ca­tions, Univer­sal Music affirme que rien ne peut lui être repro­ché vu qu’il s’agis­sait d’un échange avec Youtube et pas d’une requête légale de retrait. Bref, que quand bien même ils auraient fait volon­tai­re­ment reti­rer des conte­nus tiers qui les gênaient, personne n’a rien à y redire.

    Côté liberté d’ex­pres­sion et contrôle de l’es­pace public ça fait peur. Main­te­nant, pour Hotfile comme pour MegaU­pload, il est probable que les abus se retournent vite contre les produc­teurs de conte­nus. À force d’abus trop visibles, ils risquent de casser leurs jouets et de se retrou­ver du mauvais côté de la balance de la justice.

  • HADOPI : la gadge­to­phrase de l’Ely­sée qui fait tâche

    Des fois il y a des croi­se­ments amusants.

    Premier acte, le gouver­ne­ment tente d’agir contre la contre­façon en prenant des moyens détour­nés qui lui évitent d’avoir à prou­ver quoi que ce soit : Si votre adresse IP est repé­rée sur des serveurs de télé­char­ge­ment et liée à des conte­nus proba­ble­ment illi­cites, vous voilà aver­tis puis inter­dit de connexion Inter­net. Le prétexte offi­ciel c’est le défaut de sécu­ri­sa­tion de la connexion. L’ar­gu­ment offi­ciel c’est que votre adresse IP suffit à vous attri­buer la faute.

    Second acte, un petit malin monte un site qui tente de lister les télé­char­ge­ments P2P faits à partir de votre adresse IP. Là on peut tenter des adresses de l’Ély­sée et rire d’y trou­ver des conte­nus contre­faits. Il est diffi­cile de savoir si l’adresse IP a été injec­tée dans les serveurs P2P par un petit malin ou si réel­le­ment quelqu’un a télé­chargé des conte­nus illi­cites à partir de l’Ély­sée. Les deux hypo­thèses semblent peu crédibles et nous ne saurons jamais laquelle est la bonne.

    C’est le troi­sième acte qui est amusant avec une décla­ra­tion de l’Ély­sée. HADOPI, la gadge­to­phrase de l’Ely­sée qui fait tâche :

    « les adresses IP ne sont pas fiables car elles peuvent être pira­tées. »

    C’est le fonde­ment même de toute la poli­tique du gouver­ne­ment via la Hadopi qui est pour­tant basé sur la soli­dité des repé­rages par adresse IP. Bref, ça fonc­tionne pour les autres, mais pas pour eux.

    Bien évidem­ment, nous sommes dans la réalité et il ne faut pas cher­cher de la cohé­rence. Cela ne remet bien entendu pas du tout en cause le côté répres­sif de la Hadopi qui fonc­tionne sur ce prin­cipe, ou les millions d’eu­ros qui y sont dédiés. Faudrait pas rigo­ler trop long­temps.

  • Lutte contre le pira­tage et la contre­façon – Award de la pub la plus pour­rie de l’an­née

    La contre­façon c’est le mal. On n’ar­rête pas de nous le dire, même si on persiste à nous parler de pira­tage et de vol pour mieux marquer les esprits.

    Dans la lutte contre le pira­tage et la contre­façon, l’award de la pub la plus pour­rie de l’an­née a été trouvé par Korben. Alors voilà, quand vous avez un DVD piraté vous encou­ra­gez le trafic de drogue, la violence des gang, le travail des enfants dans les ateliers clan­des­tins, et je suis certain que je n’ai pas tout dit.

    Ce genre de vidéos de propa­gande dégou­line de mauvaise foi. Non seule­ment c’est telle­ment gros­sier qu’à mon sens ça fait contre-usage, mais en plus : Un des argu­ments contre la contre­façon est le respect de la loi, l’hon­nê­teté, l’éthique. Quand c’est ce qui vous motive, hors de ques­tion de prendre le parti de ceux qui font ce type d’as­si­mi­la­tion et de discours. Ces gens là on m’a entraîné toute ma vie à les fuir.

    Le plus désas­treux c’est qu’ils font ça avec les sous de l’État. Bon, cette fois ce n’est pas notre état, mais notre tour vient déjà assez souvent.

  • L’étude affli­geante d’Ernst & Young sur la propriété intel­lec­tuelle

    Bon, des études sur la propriété intel­lec­tuelle il y en a pour tous les gouts. Il est habi­tuel de voir simple­ment un agré­gat de posi­tions choi­sies par avance par le comman­di­taire ou par le contexte. L’étude affli­geante d’Ernst & Young sur le propriété intel­lec­tuelle a l’air de celles là.

    Je ne peux me rete­nir de vous donner la meilleure cita­tion de l’an­née :

    les entre­prises dans l’in­ca­pa­cité de vendre un même contenu aux consom­ma­teurs plusieurs fois (pour diffé­rents supports, plate­formes) risquent d’ac­cu­ser des pertes de chiffres d’af­faires

    Où on voit que les offres « dans les nuages » sont un danger parce qu’ils empêchent les gentils distri­bu­teurs de vendre plusieurs fois le même contenu au même utili­sa­teur, afin qu’il puisse le lire sur ses diffé­rents appa­reil. Que je puisse lire ma vidéo et sur pc et sur télé­phone et sur tv c’est, pour E&Y, une perte de chiffre d’af­faire. C’est certain qu’en voyant les choses sous cet angle, la contre­façon n’est pas prête de s’ar­rê­ter.

    Le plus navrant c’est que ce rapport arrive au moment où on redis­cute de la rému­né­ra­tion liée à la copie privée. Nous payons depuis main­te­nant des années une taxe rela­ti­ve­ment lourde sur tous les stockages numé­riques, de la clef USB à la carte mémoire de votre appa­reil photo en passant par votre GPS. Cette taxe est à desti­na­tion des socié­tés de collecte des droits d’au­teurs, pour compen­ser *jus­te­ment* le droit de copier un contenu d’un appa­reil vers un autre. Nous payons ce droit exagé­ré­ment cher, souvent sans possi­bi­lité de le mettre en oeuvre à cause des DRM, et voilà que de l’autre côté on nous dit que l’im­pos­si­bi­lité de nous vendre plusieurs fois le contenu pour cela serait une perte gênante de chiffre d’af­faire.

    Tous ces gens se tirent une balle dans le pied. L’Al­le­magne commence à faire gros­sir son parti pirate qui a désor­mais des dépu­tés aux assem­blées régio­nales. S’il est diffi­cile de trans­po­ser cela en France, il est clair qu’un mouve­ment finira forcé­ment par écla­ter ici aussi. À force d’ex­cès, le retour de bâton sera violent et c’est tout le droit d’au­teur qui risque d’être secoué voire mis à terre. Tant va la cruche à l’eau qu’à un moment …