Catégorie : Droit d’auteur

  • Source licite de la copie privée : Ne lais­sons pas faire

    J’ai longue­ment repro­ché à ceux qui soute­naient l’ini­tia­tive copie­pri­vee.org que contrai­re­ment à leur commu­ni­ca­tion, ils ne se battaient pas pour la copie privée mais pour la rému­né­ra­tion liée à la copie privée. Si dans notre loi l’un ne va pas sans l’autre, le soutien n’est pas tran­si­tif. Mieux : Il existe d’autres modèles.

    La diffé­rence se voit en ce que toute la commu­ni­ca­tion et toutes les actions sont bien liées à la justi­fi­ca­tion et à la péren­nité de la rému­né­ra­tion pour copie privée. Rien n’est fait pour la copie privée elle-même. Pour­tant il y a matière : La profu­sion des systèmes de strea­ming, les verrous numé­riques et autres DRM viennent tous les jours restreindre l’exer­cice de ce droit qu’est la copie privée. Les réac­tions des auto­ri­tés sont molles, voient dans le mauvais sens.

    Licité de la source

    Alors voilà, La Quadra­ture se bat contre un cava­lier, l’inser­tion de l’ori­gine licite de la source (en gras dans la cita­tion) dans l’ex­cep­tion pour copie privée :

    Lorsque l’œuvre a été divul­guée, l’au­teur ne peut inter­dire (…) les copies ou repro­duc­tions stric­te­ment réali­sées à partir d’une source licite et réser­vées à l’usage privé du copiste et non desti­nées à une utili­sa­tion collec­tive

    Enten­dons-nous bien. Il est légi­time d’im­po­ser que la source soit licite. On ne peut pas envi­sa­ger une sorte de blan­chis­se­ment des contre­façons à coup de copie privée. La cour de cassa­tion avait d’ailleurs déjà éclairci ce point en impo­sant exac­te­ment cela. (Mise à jour: visi­ble­ment c’est même moins clair que cela)

    Comment la prou­ver ?

    Je ne vois pas comme La Quadra­ture, le danger dans le fait que l’uti­li­sa­teur ait ou pas à prou­ver la licité de la source, même si ça reste effec­ti­ve­ment un problème sérieux.

    Mon problème c’est que c’est au copiste de se récla­mer de l’ex­cep­tion pour copie privée et de prou­ver qu’il y répond.

    Plus que de prou­ver l’ori­gine de la source, une telle démarche m’im­po­se­rait surtout de tenir un cahier de toutes les copies pour en expli­ci­ter la source, et m’as­su­rer de trou­ver à chaque fois des éléments pour plus tard pour au moins prou­ver ma bonne foi au cas où la source dispa­raît à l’ave­nir (ce qui arrive très régu­liè­re­ment). C’est à ce prix que je pour­rai appor­ter au moins un élément sur la licité de la source.

    Je ne veux pas tout noter

    Or, sérieu­se­ment, je ne veux pas avoir à ajou­ter un commen­taire en face de chaque conver­sion en mp3 pour noter le numéro de série de chaque CD voire une photo pour prou­ver que je l’ai bien eu en main, au cas où on m’ac­cu­se­rait de contre­façon quelques années plus tard. Je ne veux pas noter dans un cahier la date et heure de chaque émis­sion que j’en­re­gistre pour être certain de pouvoir dire « sisi, ce dessin animé je l’ai bien copié à partir d’une source licite vu que je l’ai enre­gis­tré à partir de la télé­vi­sion il y a cinq ans ».

    Ce n’est pas sur cet équi­libre que la société s’est enga­gée, et tenter de l’im­po­ser ferait courir un vrai risque à long terme à la copie privée.

    De la diffé­rence entre ceux qui défendent la copie et ceux qui défendent la rému­né­ra­tion

    Le projet de loi d’un côté sécu­rise les rému­né­ra­tions passées jugées illé­gales par le Conseil d’État (c’est à dire évite d’avoir à les rembour­ser bien qu’elles soient illé­gi­times), de l’autre fait porter un gros risque sur l’exer­cice de la copie privée à l’ave­nir tout en restant muet sur toutes les dérives tendant à rendre impos­sible la mise en œuvre de cette excep­tion.

    Devi­nez ce que soutient copie­pri­vee.org, le site qui se réclame défen­seur de la copie privée… Indice : il est majo­ri­tai­re­ment soutenu par des socié­tés d’ayant droits.

    Devi­nez ce que soutient La Quadra­ture, qui se réclame aussi défen­seur de l’ex­cep­tion à la copie privée mais qui n’a pas pour objec­tif réel de défendre la rému­né­ra­tion… Pas d’in­dice, vous n’en avez pas besoin.

    Et vous ?

  • Et si on sucrait la compen­sa­tion pour copie privée ?

    On est en train de se faire avoir.

    Pourquoi la copie privée ?

    La copie privée c’est une idée géniale. C’est l’idée que je peux photo­co­pier un livre. Il ne s’agit pas de faire payer à chaque type d’uti­li­sa­tion (en voiture, sur le canapé, dans le lit) mais d’uti­li­ser le prin­cipe d’un paie­ment pour un objet physique.

    La copie privée c’était aussi pouvoir enre­gis­trer une émis­sion de radio ou de tv, donc quelque chose qu’on n’a pas acheté mais auquel on a accès légi­ti­me­ment, pour regar­der en différé.

    Dans les deux cas nous sommes loin d’un nouvel achat et le « manque à gagner » de la part des ayants droits n’est pas énorme. Que je regarde le film en différé avec mon magné­to­scope ou en direct avec ma TV n’im­plique pas vrai­ment de justi­fi­ca­tion à repayer le film. Même chose si je tire une photo­co­pie d’un livre pour faire des anno­ta­tions tranquille. On se situe vrai­ment dans une rému­né­ra­tion annexe.

    Ce n’était pas prévu pour ça

    On nous a toujours dit « le droit d’au­teur et la copie privée ne prévoyait pas des usages numé­riques et des partages à grande échelle ». J’ai­me­rai bien retour­ner l’ar­gu­ment.

    Jamais il n’était envi­sagé de faire payer de nouveau l’ache­teur parce qu’il écoute son vinyle sur deux tournes disques de marques diffé­rentes. Pour­tant c’est bel et bien ce qu’on essaye de nous faire avaler avec la compen­sa­tion pour copie privée liée aux disques et cartes mémoires.

    J’ai acheté mon mp3 mais il faudrait que je repaye pour le télé­char­ger via mon disque dur (copie privée), puis une nouvelle fois pour le dépo­ser sur mon bala­deur audio (copie privée) puis une nouvelle fois pour le graver à desti­na­tion de mon auto-radio (copie privée) puis .. Il n’y a là rien qui justi­fie un quel­conque empiè­te­ment sur les droits de l’au­teur ou une rému­né­ra­tion supplé­men­taire.

    Il n’y a rien à rému­né­rer

    J’ose­rai même dire que sans cette possi­bi­lité, le mp3 de départ serait pure­ment virtuel car je n’au­rai même pas la possi­bi­lité de le télé­char­ger initia­le­ment. Je suis en train d’être taxé pour avoir le droit d’ache­ter le contenu.

    On parle d’équi­libre et de paie­ment d’un droit. Les commu­nity mana­ger des lobbies de la propriété intel­lec­tuelle sont en train, sur twit­ter et sur le webn de nous expliquer que sans cette compen­sa­tion il nous faudrait repayer le mp3 pour chaque appa­reil.

    Est-ce vrai­ment ce modèle qui était prévu avant la copie privée ? Est-ce ce modèle de droit d’au­teur que nous souhai­tons ?

    Il y a d’autres modèles que le « tu payes pour chaque appa­reil » et le « tu compenses pour chaque appa­reil ». Il y a un modèle où on peut juger que les copies privées ne sont pas domma­geables aux auteurs et ne réalisent aucun manque à gagner justi­fiant une rému­né­ra­tion. Le « fair use » anglo-saxon est en ce sens, même s’il est lui-même impar­fait. Et fina­le­ment, copier un mp3 acheté sur PC vers son bala­deur n’est-il pas « fair » ?

    D’au­tant que la copie privée telle qu’en­ten­due initia­le­ment, il n’y en a plus

    C’est d’au­tant plus vrai quand de l’autre côté on nous verrouille de DRM et de protec­tions pour empê­cher la dite copie. Je ne peux pas copier mon DVD ou mon Bluray pour le mettre sur un autre support. Les disques sont chif­frés par des DRM, le câble entre mon écran et mon lecteur utilise une commu­ni­ca­tion chif­frée pour que je ne puisse pas sortir la vidéo dans un montage person­nel. Mieux, certaines chaînes inter­disent pure­ment et simple­ment aux « box » des opéra­teurs qu’on puisse récu­pé­rer les enre­gis­tre­ments faits à partir de leurs émis­sions.

    Pour­tant la copie privée c’était bien ça au départ. On m’a coupé et « inter­dit » tous les usages qui justi­fiaient la copie privée. Bon, pas inter­dit, ils n’en ont pas le droit d’après la loi, mais ils l’ont rendu impos­sible et ont inter­dit le contour­ne­ment des obstacles, ce qui revient bien au même.

    Je paye pour quoi alors ?

    À l’in­verse on me fait payer pour tous les usages qui n’étaient pas prévus au départ, et dont la compen­sa­tion est fran­che­ment illé­gi­time. Alors, fina­le­ment on paye pourquoi ?

    Quand en plus le projet de loi cherche à éviter de faire rembour­ser tous les paie­ments qui ont été jugés illé­gaux par la justice, il devient de moins en moins justi­fiable de défendre cette rému­né­ra­tion et le système qu’il y a derrière.

    Je paye pour mes clefs usb qui servent à des conte­nus que j’ai person­nel­le­ment créé, pour des GPS, pour mes disques et CD de sauve­gardes, pour les cartes mémoires où je stocke mes propres photos… Pourquoi ?

    Il est temps d’ar­rê­ter le délire de la copie privée qui devient une rente de situa­tion sur le dos des fabri­cants d’élec­tro­nique. Je paye pour mes conte­nus, si vous conti­nuez c’est même ça que je vais remettre au cause.

     

  • Finan­ce­ment FTTH

    Je propose de faire la FTTH avec une taxe sur la produc­tion cultu­relle, musique et vidéo, parce que fina­le­ment ce sont eux qui l’uti­li­se­ront le plus.

    Ce serait un juste retour des choses non ?

  • Projet de loi copie privée : le député dési­gné rappor­teur est…

    Ce n’est pas la première fois que j’ai un problème avec la vision de leur rôle par certains élus, et parti­cu­liè­re­ment les dépu­tés. Dans la nomi­na­tion de Marie-Hélène Thora­val comme rappor­teur sur un projet de loi rapport à la copie privée, on sent bien qu’on cherche quelqu’un qui exécu­tera le projet et pas quelqu’un qui pensera la loi ou qui soupè­sera les enjeux.

    C’est toute­fois la dépu­tée elle-même en l’af­firme le mieux avec cette phrase à garder en mémoire : « C’est un honneur d’être choi­sie par ses collègues pour leur appor­ter un éclai­rage sur un projet de loi présenté par le Gouver­ne­ment, surtout pour moi qui suis là depuis moins d’un an. Les prochaines semaines promettent d’être parti­cu­liè­re­ment char­gées, mais le rôle du parle­men­taire est de faire voter la loi donc j’en­dosse cette respon­sa­bi­lité avec beau­coup d’en­thou­siasme et de sérieux  »

    Alors non, le rôle du parle­men­taire n’est pas de faire voter la loi, mais au contraire de déci­der ou non s’il y a lieu de voter un projet de loi, et de le discu­ter avant. Exprimé ainsi, et je n’ai aucun doute que ce soit bien l’état d’es­prit de la dépu­tée, on voit bien que pour certains le député est au service du gouver­ne­ment pour faire appliquer ce que le gouver­ne­ment a décidé.

    C’est d’au­tant plus étrange que, bien que le gouver­ne­ment soit à l’ori­gine des projets de loi, c’est au gouver­ne­ment de faire exécu­ter les lois discu­tées et votées par le parle­ment, et non au parle­ment d’en­re­gis­trer et acter les lois déci­dées par le gouver­ne­ment.

    Je sais que tout ce délire découle du système des partis, mais il serait plus que temps que nos godillots se réveillent et se rendent compte du rôle primor­dial qu’ils ont dans notre répu­blique. Ce qui arrive n’est pas la faute du gouver­ne­ment qui négo­cie les projets de loi et qui les enchaîne en urgence, mais bien la faute des dépu­tés qui n’as­sument pas leur rôle et font une simple chambre d’en­re­gis­tre­ment.

  • Digi­tal no rights : 2Fast 2Furious

    Rien de neuf sous le soleil, les DRM sont une plaie pour les honnêtes gens, et n’ont toujours pas montrés une effi­ca­cité contre la contre­façon. Mais plus que ces évidences, l’anec­dote de Jean-Michel Planche montre à quel point plus que d’être inutiles et agaçants, ces DRM sont une inci­ta­tion au télé­char­ge­ment hors circuit légal.

    Le problème c’est que des anec­dotes du genre j’en ai entendu plus d’une, et j’en ai vécu moi-même. Même sans parler DRM, la poli­tique stupide de bande annonce et d’aver­tis­se­ments légaux des DVD monte défi­ni­ti­ve­ment le public contre les produc­teurs et éditeurs. Il sera diffi­cile de répa­rer ça.

    Et puis … emmer­der les honnêtes gens avec des protec­tions que n’uti­li­se­ront juste­ment pas les télé­char­geurs, qui donc a eu cette idée géniale ?

     

  • Filmer au cinéma

    Je me suis toujours inter­rogé sur les inter­dic­tions de photo­gra­phier ou filmer et leur fonde­ment juri­dique. C’est vrai dans les spec­tacles, les ciné­mas ou les musées.

    J’ai croisé beau­coup de billets qui expliquent pourquoi c’est mal, pourquoi c’est bien, pourquoi ça fait mourir les artistes ou au contraire pourquoi ça les aide­rait à vivre, mais tous jouent sur des argu­ments de légi­ti­mité morale.

    Ce qui m’in­té­resse ce n’est pas savoir si c’est normal ou souhai­table, mais c’est si c’est légal : « Ai-je le droit ? » et « A-t-on le droit de me l’in­ter­dire ? ».

    Fonde­ments juri­diques

    Concer­nant le droit d’au­teur, l’ex­cep­tion de copie privée empêche l’au­teur de m’in­ter­dire la copie (et donc l’en­re­gis­tre­ment). Affir­mer que tech­nique­ment je pour­rai en faire une diffu­sion illé­gale ne peut justi­fier léga­le­ment qu’on m’in­ter­dise la copie privée elle-même.

    Restent donc les règle­ments inté­rieurs et les condi­tions géné­rales de vente ou d’uti­li­sa­tion des lieux ou services donnant accès aux œuvres.

    Je n’ai pas la connais­sance juri­dique pour tran­cher mais cela m’a toujours semblé un argu­ment bancale. S’il suffit de condi­tions géné­rales pour empê­cher la copie, alors ça revient à dire que l’ex­cep­tion de copie n’a aucune valeur : Tous les exploi­tants vont mettre une inter­dic­tion à ce niveau. Ils le font d’ailleurs déjà.

    En fait quand je lis les condi­tions d’un DVD j’ai même l’im­pres­sion de ne pas avoir le droit d’in­vi­ter un ami pour le regar­der. Heureu­se­ment je ne suis pas tenu d’ap­pliquer ce que léga­le­ment ils ne peuvent m’im­po­ser.

    Bref, en atten­dant j’ai consi­déré que l’ex­ploi­tant d’un lieu ou d’un service pouvait restreindre à peu près ce qu’il voulait (donc la copie), mais pour moi la ques­tion restait encore ouverte.

    Photo­gra­phier dans les musées

    Aujourd’­hui je tombe juste­ment sur un article qui parle de la ques­tion concer­nant les musées. L’au­teure est juriste en droit des affaires et droit d’au­teur, a publié plusieurs guides juri­diques chez Dalloz, et enseigne le droit d’au­teur en univer­sité. Son avis peut donc proba­ble­ment être consi­déré comme rensei­gné.

    Je retire de cette lecture que juste­ment, rien ne permet à un musée d’in­ter­dire de prendre des photo­gra­phies si cela ne pose pas de trouble anor­mal comme abîmer les œuvres ou bloquer le musée. Anne-Laure Sterin rappelle que le droit de propriété de l’ex­ploi­tant n’est pas absolu et selon elle il ne peut être invoqué pour empê­cher la prise de vue. Bref, il ne suffit pas de gérer le lieu pour avoir le droit d’ajou­ter l’in­ter­dic­tion, il faut en plus la légi­ti­mer.

    Et dans les cinéma ?

    Si un musée ne peut le faire, qu’est-ce qui permet à un cinéma ou un spec­tacle d’agir diffé­rem­ment tant qu’on ne trouble pas la repré­sen­ta­tion ?

    Je ne vois pas de réponse légale, mais comme juste­ment ce n’est pas mon domaine d’ex­per­tise, vous êtes bien­ve­nus à éclair­cir ce point. En l’at­tente, j’au­rai tendance à consi­dé­rer qu’il n’y a pas de base légale à ses inter­dic­tions, et qu’elles n’en­gagent donc que ceux qui souhaitent les respec­ter.

    N’ou­bliez pas : On ne cherche pas une loi qui auto­ri­se­rait la copie ou l’en­re­gis­tre­ment. Tout ce qui n’est pas expli­ci­te­ment inter­dit est auto­risé. C’est un texte légis­la­tif ou régle­men­taire qui inter­dit (ou permet à quelqu’un d’in­ter­dire) que je recherche.


    Comme il s’agit d’un sujet passion­nel, je rappelle qu’il s’agit d’une ques­tion théo­rique. Droit ou pas, il est probable que celui qui cherche à filmer dans un cinéma se fasse expul­ser manu mili­tari et passe une mauvaise soirée, en plus de gêner tout le monde s’il tente de résis­ter ou argu­men­ter sur place. Ce n’est donc aucu­ne­ment un encou­ra­ge­ment à enre­gis­trer, quand bien même ce serait légal.

    De même ce n’est pas non plus un soutien à la diffu­sion illé­gale de conte­nus sous droits d’au­teur. Même si la copie privée peut être auto­ri­sée, ce n’im­plique pas un droit de diffu­sion. Il s’agit simple­ment de curio­sité intel­lec­tuelle et je n’ai pas l’en­vie de d’avoir un débat sur les ques­tions de P2P, de révo­lu­tion numé­rique, de modèle écono­mique ou de morale. Tout ce qui part en ce sens passera à la trappe sans aver­tis­se­ment.

  • Ache­ter de la musique déma­té­ria­li­sée, j’ai testé

    Non mais vous rigo­lez ?

    J’écoute person­nel­le­ment peu de musique. Les débats radi­caux sur la contre­façon musi­cale m’étaient un peu étran­gers et je ne regar­dais la ques­tion que sous l’angle des effets de bord induits par la lutte anti-pira­ta­ge… jusqu’à main­te­nant.

    Aujourd’­hui nous avons voulu ache­ter un vieil album de musique plus à la mode. Avec un léger doute en nous connec­tant nous l’avons tout de même trouvé rapi­de­ment. Voilà le résul­tat de notre expé­rience. Ceci n’est pas une fiction.

    C’est le bordel

    FNAC. C’est là que nous sommes allés en premier. Quand on recherche on trouve plusieurs fois l’al­bum. Le prix est diffé­rent, l’un est aussi acces­sible en mp3 l’autre non. Le prix varie du simple au triple. Je comprends l’idée d’agré­ger plusieurs commerçants sur la même plate­forme mais là c’est fran­che­ment malvenu comme résul­tat. Ne propo­ser qu’une fois l’al­bum avec ensuite la liste de marchands serait plus natu­rel.

    Bon, on clique sur le seul acces­sible en mp3. C’est le lien « offi­ciel », celui vendu par la FNAC elle-même. Sur la page de l’al­bum on nous propose le disque physique ou la version télé­char­geable. Très bien.

    Ça coute moins cher mais vous l’ache­tez plus cher

    Ah non, pas très bien en fait ! Ils nous font une bonne blague. La version déma­té­ria­li­sée, qui ne demande pas de stock et de trans­port, elle n’est pas au prix initia­le­ment affi­ché. On voit dans la page de l’al­bum qu’elle est un tiers plus cher. Oui, vous avez bien lu, le déma­té­ria­lisé coute quand même un tiers de plus que le support physique.

    De qui se moque-t-on ? Indé­pen­dam­ment du prix lui-même, impos­sible de caution­ner un délire pareil. Nous partons ailleurs.

    C’est *vrai­ment* le bordel

    Amazon. On recom­mence là bas. Recherche de l’al­bum. Là ce n’est pas deux ou trois résul­tats mais plus d’une tren­taine, pour le même album (même pochette). Et je prends lequel moi ? Là aussi ça doit venir de plusieurs commerçants mais le nom du commerçant n’est pas expli­cité donc c’est vrai­ment du clic au hasard.

    On ne peut même pas dire qu’on va prendre le moins cher, les prix sont stan­dar­di­sés. Sauf excep­tion c’est 0,99 € le titre et 9,99 € l’al­bum. La concur­rence n’existe pas, il y a visi­ble­ment un accord de groupe.

    Seul le premier item, acces­sible avec et sans support physique, est un peu moins chère. Il se révèle que c’est l’item d’Ama­zon lui-même, les autres sont des parte­naires là juste pour la forme (et perdre le client).

    Quand il y en a moins ça coute plus cher

    En filtrant seule­ment ceux acces­sibles en mp3 on se rend compte, magie de l’in­ter­net que la version avec des pistes bonus est moins chère que la version nue. Je crois qu’on va prendre la version enri­chie de bonus alors. Bon, en même temps les bonus ne sont que deux remix. S’il faut se les farcir pour payer moins cher, j’ef­fa­ce­rai moi-même les deux fichiers mp3 ensuite.

    Cette version avec bonus est au même prix que l’al­bum physique, qui elle a toujours eu les soit-disants « bonus » même si ce n’est pas indiqué. Comprendre : la version nue mp3 est plus chère parce qu’ils ont retiré des pistes présentes dans l’al­bum initial. C’est magique Inter­net non ?

    Ça coute moins cher, alors on va quand même le faire payer plus

    Soyons rede­vables à Amazon. Eux, à contenu égal, ne facturent pas plus cher pour la version sans support physique.

    Pour­tant à y regar­der de plus près on peut quand même si dire qu’on paye encore plus cher le mp3 que le disque, alors que ce dernier a un stock et un objet à produire.

    Amazon offre en effet gratui­te­ment la livrai­son express en moins de 24h quand on prend le CD physique. Hors Amazon Premium c’est un service qu’ils vendent entre 8 et 10 €. Au final on achète surtout la livrai­son. Le prix réel du CD est très faible, proba­ble­ment à peine la moitié de ce qui est affi­ché.

    Sur la version déma­té­ria­li­sée il y a aussi un coût de mise en télé­char­ge­ment mais ce coût pour à peine 100 Mo est ridi­cule par rapport à un coût de livrai­son express.

    Le résul­tat, c’est que si met de côté la livrai­son qui est un service inutile lors du mp3, on paye la musique bien moins chère sur CD que sur mp3, quasi­ment moitié moins.

    Avez-vous le logi­ciel super indis­pen­sable mais inutile ?

    Soyons fous, on va payer le même prix qu’a­vec support physique. On aura le support physique en moins, des fichiers de moins bonne qualité que ce qu’on aurait extrait nous, mais au moins ça va être simple et rapide. On est dimanche, le confort se monnaye, on achète.

    Aie, Amazon impose le télé­char­ge­ment d’un logi­ciel Windows pour télé­char­ger la douzaine de fichiers mp3. C’est quand même étrange qu’ils ne soient pas capables de nous les propo­ser direc­te­ment dans le navi­ga­teur ou via une simple archive zip.

    On télé­charge, ça remet le panier à zéro, on ne sait pas pourquoi. C’est juste agaçant. On ajoute de nouveau au panier, on n’a pas fait tout ce chemin juste pour rien quand même. On achète, soyons fous.

    Oui, mais au moins c’est plus rapide et plus pratique avecle logi­ciel (ben tiens…)

    Le logi­ciel est-il vrai­ment fait pour nous simpli­fier la vie ? À l’achat le navi­ga­teur télé­charge auto­ma­tique­ment un petit fichier avec une exten­sion bizarre et voilà. Oui, nous travaillons ou avons travaillé tous les deux dans le web mais il a fallu véri­fié dans nos mails et reve­nir lire la page de confir­ma­tion du site d’Ama­zon pour nous rendre compte qu’il avait télé­chargé ce petit fichier et qu’il fallait le lancer à l’aide du super outil de télé­char­ge­ment installé aupa­ra­vant. C’est peut être que c’est dimanche, mais je ne peux pas croire qu’on vient de simpli­fier la vie du client.

    Télé­char­geons alors. Au bout de 35 minutes le télé­char­ge­ment en est à un tiers. Aux deux tiers le logi­ciel semblait bloqué, il a fallu lui dire d’ar­rê­ter puis reprendre les télé­char­ge­ments pour qu’il veuille bien conti­nuer. J’ai télé­chargé des DVD complets de distri­bu­tion linux plus vite que ça. Voilà pour les côtés pratiques et rapides.

    Factuel­le­ment j’au­rai plus vite fait de faire 30 minutes de métro pour aller à la FNAC des Champs Élysées ouverte le dimanche, cher­cher le CD, faire la queue pour payer, reve­nir et extraire les pistes audio en mp3. Je ne parle même pas de l’idée d’al­ler trou­ver une version pira­tée sur Inter­net.

    Oui, mais au moins c’est mieux fait qu’à la maison

    Il faut quand même poin­ter le posi­tif. Cette fois ci on a des fichiers globa­le­ment de bonne qualité, avec l’illus­tra­tion inté­grée dans les pistes, et les méta-données prin­ci­pales déjà rensei­gnées.

    Pas de quoi pavoi­ser tout de même : Pour des versions four­nies par la maison de disque ils auraient pu faire l’ef­fort de mettre la date de la piste et non la date de l’al­bum, de rensei­gner aussi le compo­si­teur et les autres méta-données de détail, mais c’est déjà ça.

    Ouvrir une offre légale

    Nous sommes dans la mauvaise blague depuis le début. Il a fallu presque deux heures, une expé­rience désas­treuse et un prix injus­ti­fié pour télé­char­ger un pauvre album léga­le­ment.

    Sérieu­se­ment, ce qui pose problème ce n’est pas tant la dispo­ni­bi­lité de l’offre légale ou la volonté de payer, c’est vrai­ment la façon dont toute l’in­dus­trie musi­cale aborde le déma­té­ria­lisé.

    Devoir subit un parcours du combat­tant, utili­ser un logi­ciel spécial, payer plus cher qu’un CD et mettre plus d’une heure trente pour télé­char­ger un pauvre album, je n’en reviens pas. Dire qu’on subven­tionne de façon déli­rante tous les acteurs de ce cirque qui osent après consi­dé­rer que c’est la faute des méchants pirates si leur offre légale fonc­tionne mal…