Quand on parle de justice privée à propos de la Hadopi ou des lois que tentent de mettre en œuvre les états contre la contrefaçon, nous n’envisagions pas que ce soit si explicite que ce qu’il se passe depuis un bon mois.
Les producteurs et distributeurs de contenus se croient libres d’agir au mieux de leurs intérêts. Le mois dernier c’est Warner Bross qui faisait retirer de Hotfile (un service d’hébergement-téléchargement de fichiers) un programme qu’il considérait permettre le téléchargement illégal mais qui n’était en lui même pas illégal et sur lequel Warner ne détenait aucun droit. Plus récemment c’est un site espagnol, qui avait passé avec succès l’épreuve des tribunaux espagnols, qui a été coupé au niveau DNS par les États Unis (qui contrôlent indirectement le registre .com). Depuis que les États Unis ont déployé l’arsenal contre wikileaks, les producteurs ne se sentent aucune limite dans leurs demandes. Régulièrement les producteurs abusent de leur interface de modération de Youtube pour faire retirer des vidéos tout à fait légales ; certaines par erreur, mais certaines consciemment, parce qu’elles les gênent.
Depuis une dizaine de jours c’est un débat entre MegaUpload (un autre service d’hébergement-téléchargement de fichiers) et Univeral Music qui a lieu. Pour une fois les choses sont dites explicitement, à haute voix, et on peut juger de la légitimité ou de l’honnêteté de chacun.
MegaUpload a lancé une vidéo promotionnelle où plusieurs artistes connus chantent leur attachement au service. Peu de temps après, cette vidéo est supprimé des serveurs Youtube sur demande d’Universal Music.
Ce seul fait est déjà franchement difficile à avaler. Voir des artistes chanter « MegaUpload » en vidéo, on peut difficilement considérer que c’est une contrefaçon d’une œuvre Universal Music. La suppression ne peut être ici que de mauvaise foi.
Mais plus sympathique : Une demande vient de l’avocat de l’artiste Will.i.am, bien que ce dernier ait affirmé par la suite publiquement n’avoir autorisé aucune demande de ce type en son nom. Mieux : Une seconde demande, faite par Universal Music, est au nom de Gin Wigmore, qui n’apparaît même pas dans la vidéo.
Si on voit clairement la mauvaise foi et l’abus des outils de lutte contre la contrefaçon, l’aspect mirifique n’est pas là. Dans les dernières communications, Universal Music affirme que rien ne peut lui être reproché vu qu’il s’agissait d’un échange avec Youtube et pas d’une requête légale de retrait. Bref, que quand bien même ils auraient fait volontairement retirer des contenus tiers qui les gênaient, personne n’a rien à y redire.
Côté liberté d’expression et contrôle de l’espace public ça fait peur. Maintenant, pour Hotfile comme pour MegaUpload, il est probable que les abus se retournent vite contre les producteurs de contenus. À force d’abus trop visibles, ils risquent de casser leurs jouets et de se retrouver du mauvais côté de la balance de la justice.
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