Auteur/autrice : Éric

  • Fête du travail, ou pas

    La fête du travail c’est la célé­bra­tion de la rébel­lion sociale et syndi­cale contre l’ex­ploi­ta­tion ouvrière. Aux États-Unis comme en France c’est à la fois sur la base de la réduc­tion du temps de travail légal et sur des mani­fes­ta­tions d’op­po­si­tion et de grèves qui ont eu lieu à cette date et qui se sont soldées dans le sang.

    Voilà que Nico­las Sarkozy nous annonce « orga­ni­ser la fête du travail, mais la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur ». Face à la presse il semble qu’il ait ajouté « de ceux qui sont expo­sés, qui souffrent, et qui ne veulent plus que quand on ne travaille pas on puisse gagner plus que quand on travaille ». Bref, célé­brer le travail, le fait de travailler, et de vouloir travailler (plus) pour gagner plus : l’exact opposé de l’his­toire de cette jour­née.

    Je ne peux m’em­pê­cher de trou­ver ça indé­cent vis à vis de l’his­toire, un peu comme si on fêtait la guerre contre l’Irak lors de la célé­bra­tion de l’ar­mis­tice du 11 novembre.

    Mais pire, ce qui me choque c’est que ce soit celui qui occupe la fonc­tion de Président de la Répu­blique qui ose ainsi détour­ner les insti­tu­tions et les célé­bra­tions pour de simples visées élec­to­ra­listes à court terme.

  • Pas de vote élec­tro­nique à ma prési­den­tielle (ni ailleurs)

    N’ou­bliez pas le danger pour la démo­cra­tie que son les ordi­na­teurs de vote. Si les villes françaises semblent s’être calmées, ce n’est que partie remise. Tôt ou tard des poli­tiques voudront montrer combien ils sont modernes et à la page, et les machines à voter diverses refleu­ri­ront.

    La première action c’est de rendre ces machines inutiles et de renfor­cer l’as­pect citoyen des élec­tions : parti­ci­pez au dépouille­ment ! Ça prend une à deux heures mais c’est un exer­cice que tout le monde devrait vivre pour mieux comprendre le prin­cipe de trans­pa­rence de l’élec­tion. Si le dépouille­ment rede­vient un moment fort ou qu’au moins on arrête de manquer cruel­le­ment de personnes, c’est une des justi­fi­ca­tions du vote élec­tro­nique qui dispa­raît.

    La deuxième action, si votre bureau de vote est enta­ché par cette igno­mi­nie, c’est de faire noter au procès verbal sur place tout ce qui est anor­mal : scellé manquant, machine qui fait des bip sans raison, asses­seur qui accom­pagne un élec­teur dans l’iso­loir au moment du vote pour l’ai­der à voter (y compris pour des « bonnes » raison comme la présence d’un non voyant ou d’une personne âgée), inter­ven­tions tech­niques sur la machine ou rempla­ce­ment de l’équi­pe­ment en cours de vote (quelle qu’en soit la raison), heure ou date non inco­hé­rence, machine ouverte, qui ferme mal ou qui n’est pas verrouillée, impos­si­bi­lité de voter blanc/nul, refus de vous lais­ser assis­ter au dépouille­ment (véri­fi­ca­tion des tickets de sortie), affi­chage inco­hé­rent sur la machine, nombre votes et d’émar­ge­ments diffé­rents lors du dépouille­ment, etc.

    Pour les asses­seurs on peut ajou­ter d’autres anoma­lies poten­tielles : vote déjà ouvert à l’ou­ver­ture du bureau de vote, numéro de série ou de version inco­hé­rent avec les numé­ros atten­dus ou certi­fiés (ou impos­si­bi­lité de le véri­fier), urne non vide au démar­rage (ou impos­si­bi­lité de le véri­fier), codes confi­den­tiels non secrets, décompte ou procé­dures non fonc­tion­nels, ou globa­le­ment inca­pa­cité à réali­ser les opéra­tions prévues au code élec­to­ral pour garan­tir le bon dérou­le­ment de l’élec­tion.

    Il manque cepen­dant cruel­le­ment un docu­ment fait par quelqu’un qui connaît bien les textes et qui liste les points perti­nents à surveiller et à faire noter au procès verbal, avec quelles réfé­rences et quel forma­lisme. Les docu­ments qui trainent sur Inter­net sont soit trop vieux soit rédi­gés par des non-juristes (et ça se voit).

    Qui s’en charge ? ordi­na­teurs de vote semble mort et diffi­cile à utili­ser.

  • Release early, release often

    Si j’ai retenu quelques choses de ceux qui réus­sissent, c’est qu’il faut arri­ver à avan­cer dans l’ordre, un pas à la fois. Mieux : Il faut sortir les projets le plus tôt possible, ne surtout pas attendre qu’ils soient finis.

    On se confronte plus rapi­de­ment au monde réel, à ses contraintes, aux clients, aux four­nis­seurs. On peut aussi mieux adap­ter la suite en gérant les prio­ri­tés telles qu’elles doivent l’être et non telles qu’on se les était imagi­nées. Le plus souvent cela permet même d’aban­don­ner des idées pour en mettre d’autres à la place, avant qu’il ne soit trop tard.

    Sortir tôt c’est aussi accep­ter de faire des compro­mis avec ses attentes et ses souhaits : On livre un produit ou un service qui sera en deçà de la cible qu’on cherche à atteindre, en deçà des services déjà exis­tants sur plusieurs points, et même pourquoi pas en deçà de ce qu’on consi­dère comme le mini­mum essen­tiel. Le tout est de prendre conscience que ce n’est qu’une étape, qu’on commence tous au début, et de s’en­ga­ger à bouger rapi­de­ment et fréquem­ment vers les objec­tifs fixés.

    Ce fonc­tion­ne­ment est main­te­nant un lieu commun dans les star­tup techno, mais c’est encore frus­trant pour tout le monde et une source d’in­com­pré­hen­sion pour beau­coup de tiers.

    La diffi­culté tient à commu­niquer sur la cible, montrer ce qu’on souhaite faire, tout en ména­geant les attentes car les premières versions ne seront que des premières versions, et que tout ne vient pas immé­dia­te­ment.

    Là où les encou­ra­ge­ments et l’écho posi­tif des tiers devraient être un encou­ra­ge­ment et une source de moti­va­tion, l’at­tente ou les premières versions incom­plètes peuvent très vite se retour­ner en juge­ments néga­tifs et en stress pour le projet. L’équi­libre est diffi­cile à trou­ver, je n’y suis pas encore. Notre objec­tif et notre travail conti­nuent en atten­dant.

  • L’ex­pé­rience 100 livres à 99 centimes

    J’ai parlé de l’offre de Brage­lonne, mais fina­le­ment peu de mon expé­rience ou des livres eux-mêmes, alors voilà un ressenti à chaud :

    Des fiches produit bien pauvres

    Il est diffi­cile de juger des livres sur un bref résumé. Les fiches produits ont encore peu de nota­tions et de commen­taires lecteurs mais c’est peu éton­nant. Je ne me vois pas reve­nir sur la librai­rie pour noter un livre. J’irai sur un site social pour ça et à mon humble avis les librai­ries qui ont cher­ché à travailler seules sans inté­grer un site social tiers ont pris un mauvais chemin.

    L’édi­teur aussi doit faire son travail pour enri­chir le résumé avec des liens ou des critiques. Souvent il n’y a même pas de bio de l’au­teur ou mention de ses autres livres remarquables.

    Je me suis retrouvé à devoir juger sur le titre, la couver­ture, et un résumé souvent cari­ca­tu­ral (surtout pour le genre fantasy). Je pense que je me suis beau­coup plus fié à la couver­ture que je n’au­rai du. Sérieu­se­ment, ceux qui croient que l’ac­ti­vité du libraire est morte feraient bien d’ache­ter un livre en librai­rie puis un livre via Inter­net pour voir la diffé­rence. Il est temps d’avoir de vraies librai­ries sur le web.

    Des offres encore peu adap­tées

    J’étais parti à fond dans l’es­prit décou­verte, mais j’ai vite déchanté. Je ne crois pas qu’un libraire numé­rique ait réel­le­ment fait des mises en avant sélec­tives ou des coups de cœurs spéci­fiques à l’offre. Même à la fin de la jour­née, il semblait y avoir à peine un ou deux sites faisant état de conseils d’achat.

    Avec des fiches produit très pauvres, ça a été un peu le hasard. Je m’étais fixé entre 20 et 50 euros comme budget. Si j’ai certai­ne­ment eu un panier bien plus impor­tant que la moyenne, je suis fina­le­ment resté dans le bas de ma four­chette, à cause de ça.

    Ce n’est pas faute de l’avoir suggéré : J’at­ten­dais des packs. Peu importe qu’ils viennent du libraire ou de l’édi­teur, mais des offres « 20 livres qui parlent de dragons », « 5 livres qui font réflé­chir », « 15 livres qui abordent la magie diffé­rem­ment » auraient été une superbe expé­rience d’achat. Non seule­ment j’au­rai été incité à ache­ter plus, mais ça aurait aussi contri­bué à éviter le risque du lecteur qui ne profite que d’une baisse de prix sans augmen­ter son volume d’achat.

    À vrai dire, si j’avais eu un « 100 livres à décou­vrir » avec un achat simple, j’au­rai proba­ble­ment cédé. Vu le prix j’au­rai accepté d’avoir plein de livres hors de ma zone d’in­té­rêt (et pourquoi pas me lais­ser tenter à décou­vrir) mais je n’al­lais pas les ajou­ter moi-même au panier, surtout pas 100 ajouts indi­vi­duels. Occa­sion manquée.

    Des méta­don­nées encore plus pauvres

    Passer au numé­rique ce n’est pas qu’en­ro­ber le contenu. Il ne vien­drait pas à l’es­prit de publier un livre papier qui a une zone « résumé » en quatrième de couver­ture et de la lais­ser vide. C’est ça qui me fait sortir un livre ou un autre de mon étagère suivant le moment.

    Pourquoi donc en numé­rique laisse-t-on les résu­més des livres vides dans les méta­don­nées ? C’est impar­don­nable : Aucun des livres ache­tés ne semble avoir de résumé embarqué dans le fichier. Comment vais-je choi­sir lequel lire dans ma biblio­thèque person­nelle ?

    Brage­lonne : Il faut *abso­lu­ment* faire quelque chose là dessus.

    Côté clas­si­fi­ca­tion ce n’est pas mieux. La moitié des livres ont « fr » comme étiquette là où j’at­tends au moins « science-fiction », « poli­cier », « fantas­tique » et quelques autres genres de premier niveau.  L’autre moitié n’a rien. Je paye un verre à celui qui convain­cra Brage­lonne de non seule­ment mettre des genres de premier niveau, mais aussi une clas­si­fi­ca­tion complète et précise.

    Là dessus je n’avais quasi­ment aucun espoir, mais quand le livre fait partie d’une série, la méta­don­née corres­pon­dante n’est elle non plus rensei­gnée. Fran­che­ment dommage.

    Si vous voulez atti­rer des passion­nés ou prétendre faire de la qualité, les méta­don­nées sont un enjeu stra­té­gique, vrai­ment. Ils l’ont compris dans la musique, mais peut être un peu tard. Voulons-nous vrai­ment repro­duire toutes leurs bêtises et nous retrou­ver dans la même situa­tion ?

  • Brage­lonne : 100 livres, 99 centimes l’un

    100 livres, 99 centimes l’un, c’est l’offre des éditions Brage­lonne de ce premier avril. Même si on est à des années lumières de certaines autres maisons, ce n’était pas un pois­son d’avril. Et pour répondre rapi­de­ment : non, ce n’étaient pas des nouvelles, des livres autoé­di­tés sans filtrage ou des rebus. On parle de romans on ne peut plus clas­siques, dont quelques uns que je connais­sais déjà. Oh, et c’était sans DRM bien entendu.

    J’ai­me­rai bien savoir sous quel angle Brage­lonne a fait cette opéra­tion (si vous passez, n’hé­si­tez pas à commen­ter) mais je n’y vois pas une simple opéra­tion commer­ciale. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ePagine a tenu à étique­ter ça « vente flash ». Ça donne l’im­pres­sion d’une vente au bara­tin pour un baril de lessive dans un super­mar­ché.

    Pour moi le moteur de cette offre, c’est surtout l’as­pect décou­verte. On le voit d’ailleurs au fait que pour les livres en série, parfois seul le ou les premiers tomes font partie de l’opé­ra­tion.

    Décou­vrir

    À 99 centimes je n’ai quasi­ment aucun risque. Je peux m’ache­ter deux poches à 8 euros ou un grand format à 16 euro, mais ça risque de ne pas me plaire, malgré les conseils du libraire. Au mieux j’achè­te­rai l’éven­tuelle suite, mais ça s’ar­rête là.

    Ici pour le même prix je vais « essayer ». Je peux prendre 16 livres au même prix, et risquer que seuls deux me plaisent, ça sera toujours mieux que la situa­tion précé­dente. Au pire j’en ai une douzaine qui me plaisent, je tombe amou­reux de Brage­lonne et j’achète toutes les suites.

    Person­nel­le­ment j’ai doublé ce montant. Je sais qu’a­vec 32 livres, certains fini­ront sans être ouverts, parce que je ne me suis jamais trouvé dans l’hu­meur adéquate. D’autres je les refer­me­rai rapi­de­ment parce qu’ils ne m’au­ront pas plus, là où je me serai peut être forcé à finir un grand format payé au prix fort. Mais sur 32 j’en lirai jusqu’au bout certains que je n’au­rai pas tenté de moi-même.

    J’au­rai décou­vert plus loin que mon univers habi­tuel, des livres que je n’au­rai pas acheté ou lu sinon. Seule la biblio­thèque m’of­frait cette possi­bi­lité jusqu’à présent, mais sans rien en numé­rique.

    Oppor­tu­nité contre manque à gagner

    C’est là que se situe à mon humble avis le déca­lage entre les éditeurs ayant compris le numé­rique et les autres. Les premiers ont inté­gré le fait que faire ache­ter à 99 centimes un livre qui n’au­rait pas été vendu sinon sera toujours une oppor­tu­nité posi­tive. Les autres n’y verront qu’un manque à gagner.

    Ce déca­lage se voit aussi sur la DRM. Vaut-il mieux perdre des ventes ou s’in­ter­dire d’en gagner en mettant une DRM, ou risquer que le livre soit lu par des gens qui ne payent pas ? Je ne dis pas que la ques­tion est simple pour un éditeur, mais elle montre des approches très diffé­rentes de la rela­tion au lecteur et de la gestion des droits.

    En réalité, eu importe que j’aie eu accès à 35 livres pour le prix de 3 ou 4. L’im­por­tant est qu’au final j’ai acheté pour autant ou plus que je ne l’au­rai fait sinon, et que je suis incité à reve­nir.

    Hadrien de Feed­books a donné une première réponse en révé­lant que beau­coup d’ache­teurs sur cette offre étaient des nouveaux venus dans sa librai­rie numé­rique. Rien que cette donnée montre que l’offre était une bonne idée. La grande ques­tion sera de voir si ces lecteurs reviennent mais, au pire, comme ces gens ne seraient pas venus sinon : Brage­lonne et ses auteurs n’au­ront rien perdu.

    Un autre indi­ca­teur à surveiller est le panier moyen. J’ai­me­rai bien savoir si les anciens clients sont venus ache­ter juste un ou deux livres – ce qui tendrait à penser qu’ils ont remplacé un achat stan­dard – ou s’ils ont eu un panier de montant équi­valent ou supé­rieur à leurs habi­tudes – ce qui tendrait à penser qu’ils sont en décou­verte et que l’offre n’aura proba­ble­ment pas créé de véri­table manque à gagner. Si quelqu’un a des infor­ma­tions là dessus …

  • De l’ap­pren­tis­sage et de l’uti­li­sa­tion du numé­rique

    Fran­che­ment je suis plus que mitigé sur l’ex­pé­rience de ce profes­seur qui a mis sur Inter­net de fausses infor­ma­tions pour prou­ver à ses élèves qu’ils repre­naient n’im­porte quoi sans analyse critique voire sans comprendre.

    J’avais fais une première réponse très néga­tive, avec cita­tions commen­tées, puis je me suis rendu compte que je risquais de passer tout autant à côté du sujet que l’au­teur initial.

    Les numé­rique, le numé­rique, tu sais ce qu’il te dit le numé­rique ?

    Les élèves ont de tout temps repris des infor­ma­tions ou des analyses toutes faites sans filtre person­nel voire sans les comprendre. Avant on les prenait de la sacro-sainte ency­clo­pé­die papier au lieu de wiki­pe­dia, des livres en biblio­thèques au lieu des sites web, des copains et anciens plutôt que des forums et des sites de partages de disser­ta­tion, et on ache­tait des petits livres « fiche de lecture » à 3€ en librai­rie au lieu de faire la même chose sur Inter­net. Si j’osais : même les analyses des profes­seurs sont reprises telles quelles sans compré­hen­sion ni analyse critique.

    Le numé­rique n’a rien changé de ce côté là, sinon faci­li­ter l’ac­cès et le démo­cra­ti­ser (je me rappelle la diffé­rence entre ceux qui ne pouvaient pas ache­ter ces fameuses fiches de lecture ou des livres réfé­rences, et les autres).

    Comme le dit déjà un commen­taire, la même expé­rience aurait été faite en dissé­mi­nant des fausses infor­ma­tions en biblio­thèque et en faisant passer des fausses disser­ta­tions aux anciens et copains des autres classes, on aurait obtenu stric­te­ment le même résul­tat sur la géné­ra­tion précé­dente.

    Accu­ser le numé­rique c’est se trom­per de combat.

    Chan­ger les attentes de forma­tion

    N’ou­blions pas, ces élèves ne sont pas idiots. S’ils ont pris l’ha­bi­tude de copier des analyses toutes faites, c’est parce que c’est ce qui fonc­tionne. Pire, c’est souvent ce qu’on leur demande : Combien j’ai vu de cama­rades en écono­mie apprendre tout par cœur sans rien comprendre, défi­ni­tions et analyses ? Combien j’ai vu de cama­rades à l’oral du bac rabâ­cher et apprendre par cœur l’ana­lyse du cours disant que le héros fait là son parcours initia­tique en pensant à sa condi­tion humaine tout en expri­mant le passé de l’au­teur lors de la guerre et la mort de sa grand mère (et blabla­bla) ?

    Ne vous y trom­pez pas, ce sont ceux qui ont réussi à ressor­tir parfai­te­ment les plans appris en cours qui s’en sont sortis avec les meilleures notes au lycée et au bac.

    Aujourd’­hui l’in­for­ma­tion est partout. Nous n’avons plus des biblio­thèques sacrées et centra­li­sées, remplies et gérées par des doctes. Cet appren­tis­sage basé sur la retrans­mis­sion verba­tim d’un ensei­gnant n’a plus lieu d’être. Désor­mais il faut apprendre à analy­ser, trier, et savoir réflé­chir sur la base de docu­ments et d’in­for­ma­tions courantes.

    Former à l’uti­li­sa­tion du numé­rique plutôt qu’à s’en défier

    Je comprends le profes­seur qui souhaite les voir réflé­chir par eux-même, et donc leur reti­rer les sources de copie poten­tielles pour les forcer à faire un travail person­nel. Je n’adhère pas du tout à la dernière phrase « on ne profite vrai­ment du numé­rique que quand on a formé son esprit sans lui ». On pour­rait l’ap­pliquer pour les livres, ou même les cours du profes­seur. En fait peu importe qu’il ait raison ou tort sur ce point : C’est déjà trop tard. Le numé­rique est là et il ne partira pas.

    Les jeunes utili­se­ront le web et le numé­rique. On peut trou­ver ça bien ou mal, souhai­table ou non, mais c’est une évolu­tion sur laquelle même cet exer­cice n’aura aucune prise. Je n’ai même pas envie de faire un vrai paral­lèle avec le papier parce que les géné­ra­tions précé­dentes avaient encore une rela­tion de distance et de respect pour le papier. Ici le numé­rique ils baignent dedans, c’est leur façon de vivre.

    Plutôt que de cher­cher à leur dire qu’il ne faut pas l’uti­li­ser parce que les sources ne sont pas fiables et leurs esprits pas assez mûrs, il faudrait plutôt les accom­pa­gner pour les aider à faire le tri. Un accom­pa­gne­ment pour exer­cer une acti­vité critique, pour sélec­tion­ner les sources, véri­fier les infor­ma­tions… c’est ça qu’il manque. Où est cette forma­tion ?

    Encou­ra­ger les docu­ments

    Ce qui doit être frap­pant chez les jeunes c’est la croyance des anciennes géné­ra­tions en tout ce qui est dit à la télé­vi­sion ou écrit dans les livres. Ils ont déjà un recul sur tout ça, mais au lieu de les y encou­ra­ger et de former ce recul, l’école à tendance à leur ensei­gner à apprendre par cœur, à répé­ter l’ana­lyse qu’a docte­ment professé l’en­sei­gnant.

    Oui, certes, tous les profes­seurs disent vouloir de l’ana­lyse person­nelle, mais combien sont prêts à accep­ter que l’élève ait une opinion diffé­rente – et de son niveau de matu­rité intel­lec­tuelle – lors des analyses ? Combien auto­risent et incitent à l’uti­li­sa­tion de toutes les sources dispo­nibles pour travailler au lieu d’in­ter­dire tout docu­ment ? Combien sont prêts à dire « non, ce ton ne vient pas de la perte de sa femme qui a effec­ti­ve­ment eu lieu l’an­née précé­dente, mais c’est vrai que ça aurait pu, en fait ça s’ins­pire de … » et valo­ri­ser posi­ti­ve­ment la réponse au moment de la correc­tion ?

    L’élève qui a reco­pié en travaux sur table un site inter­net à partir de son smart­phone, s’il n’avait pas eu à se cacher et si c’était valo­risé, n’au­rait-il pas pu consul­ter cette source, l’ana­ly­ser et en tirer quelque chose de valeur ? d’une valeur proba­ble­ment meilleure que s’il avait réflé­chi seul ? N’est-ce pas ce qu’on attend de lui dans tout le reste de sa vie ? N’est-ce pas même ainsi qu’on fait progres­ser la connais­sance et le savoir, en réuti­li­sant et en ajou­tant plutôt qu’en recréant dans son coin avec des œillères ?

    Chan­ger les menta­li­tés

    L’école a un sacré problème, mais ce n’est ni le numé­rique ni les élèves. D’autres ont commencé : Le Dane­mark auto­rise l’uti­li­sa­tion d’In­ter­net lors d’exa­mens. Où en sommes nous ? La conclu­sion du profes­seur ici semble au contraire être de tenir les élèves éloi­gnés le plus long­temps possible du numé­rique. Il y a comme un déca­la­ge…

    Il est simple­ment temps de passer d’une école qui enseigne le savoir à une école qui enseigne le « savoir savoir ». Et ensei­gner cela sans accé­lé­rer et propa­ger l’ac­cès à toutes les sources de savoir, bonnes ou mauvaises, ça ne fonc­tion­nera pas.

  • La protec­tion du droit d’au­teur, fossoyeur de la liberté d’ex­pres­sion ?

    Pour la deuxième année consé­cu­tive, la France est le seul pays d’Eu­rope, le seul pays occi­den­tal (avec l’Aus­tra­lie), où RSF consi­dère qu’il y a de graves problèmes de liberté sur Inter­net.

    La carte est éclai­rante. Si elle ne vous fait pas hurler, je ne peux plus rien faire.

    La protec­tion du droit d’au­teur, fossoyeur de la liberté d’ex­pres­sion ?

  • Amazon menace la liberté intel­lec­tuelle

    La conclu­sion de l’ar­ticle Amazon menace la liberté intel­lec­tuelle est magni­fique :

    Au final, Apple, Kobo, Barne’s & Noble vont dans la même direc­tion. Ils produisent le maté­riel néces­saire à la lecture, et controlent la diffu­sion des conte­nus dessus. Et le plus drôle, c’est qu’un livre Amazon n’est pas compa­tible iBooks, ou Kobo, etc etc… Le tout grâce aux DRM que les éditeurs aiment tant. L’aveu­gle­ment et la peur font que les éditeurs s’em­pressent de proté­ger leurs œuvres, et de facto, renforcent la posi­tion des géants. S’ils pous­saient pour de l’epub sans DRM, non seule­ment ils faci­li­te­raient la vie des lecteurs nomades numé­riques, mais en plus ils complique­raient celle des fabriquant de liseuses.

    Mais chut, ne leur dites pas, ils pour­raient s’en rendre compte ;)

  • Écosys­tème fermé, un piège de plus qui se referme

    Apple ? 30%

    Apple taxe 30% sur tout ce qui se vend sur iPhone et iPad. Ok, on le sait. D’un côté on peut juger que c’est légi­time et qu’ils font ce qu’ils veulent sur leur plate­forme. D’un autre côté, quand on devient domi­nant, ça devient une vraie taxe para­site et forcée pour tous les acteurs.

    Sauf que voilà, l’éco­sys­tème App Store cherche à s’étendre sur les micro-ordi­na­teurs. La prochaine version de Mac OS X aura une option de confi­gu­ra­tion pour restreindre les appli­ca­tions passant par l’éco­sys­tème contrôlé (et donc la taxe Apple de 30%). Probable que ce ne soit qu’une seule option au début, certain que cette option sera acti­vée par défaut un jour proche.

    Google ? vous entrez, vous ne sorti­rez pas

    Côté Google l’op­tion existe déjà sur les télé­phones et tablettes Android, acti­vée par défaut. Ça semble un peu plus libre mais fina­le­ment pour toucher le grand public, en France on se retrouve à Google Play (ex Android Market) ou rien, ou presque, avec toujours une taxe de 30%, mais chez Google cette fois.

    Google a toute­fois été un peu vu comme le libé­ra­teur car on pouvait soumettre des appli­ca­tions gratuites ou peu chères, et vendre du contenu, des exten­sions ou des versions premium par un paie­ment hors de l’éco­sys­tème Google.

    They are not evil, mais ils ne sont pas des anges non plus. C’est même plus insi­dieux car il s’agit de lais­ser faire jusqu’à captu­rer les parts de marché et le public, puis ressé­rer le jeu : On commence à faire pres­sion sur des déve­lop­peurs pour faire appliquer une règle que tout le monde pensait absente ou non appli­cable. Désor­mais il faudra passer par les paie­ments Google Wallet, et la taxe Google de 30%.

    Amazon ? pas mieux

    Dans les deux cas il s’agit unique­ment de construire une posi­tion domi­nante et d’en profi­ter pour taxer toute l’in­dus­trie. Impos­sible de voir autre chose qu’un abus de posi­tion domi­nante et qu’un para­si­tage.

    Lorgnez, les domaines sont diffé­rents mais se ressemblent, Amazon semble réus­sir à construire la même chose dans le domaine du livre. N’ou­bliez-pas, ceci se repro­duira, à chaque fois que nous entre­rons dans un écosys­tème fermé. À chaque fois les gens tombent dans le panneau en croyant à la bonne volonté de ces géants, et à chaque fois ils déchantent.

    Dans tous ces cas il est facile de se lais­ser happer. Une fois le contenu acheté, vous avez le choix de partir et tout perdre ou de rester et de perdre encore plus mais plus tard.

    Mozilla ?

    La seule solu­tion : ne pas entrer dans ces écosys­tèmes fermés et dans une société qui n’a pas un enga­ge­ment de valeur clair. « we are not evil » ne suffit pas, c’est encore trop flou.

    Boot2Ge­cko et le Mozilla market place arrivent, mais c’est encore loin, trop loin. Les gens sont déjà coin­cés avec leur iPad et leur jouet à 500€, ils ne chan­ge­ront pas faci­le­ment, pas rapi­de­ment.

    Il n’est jamais trop tard, mais entre temps nous aurons perdu.

  • Mira­dor de Patrick Delper­dange avec les Éditions ONLIT

    Les éditions ONLIT se sont lancées dans l’édi­tion de livres élec­tro­niques il y a moins d’un mois. J’ap­pré­cie beau­coup l’ar­ri­vée de petits éditeurs purs numé­riques.

    Par leur taille de cata­logue ils peuvent oser faire des choses. On parle de gens qui font géné­ra­le­ment à produire de la qualité sur le texte lui-même mais aussi sur l’offre et le conte­nant. Je pense par exemple à des offres d’abon­ne­ment en télé­char­ge­ment, des prix adap­tés, des contrats respec­tueux des auteurs, à une volonté de diffu­sion large sans exigence déli­rante, et des prises de posi­tion tran­chées anti-DRM.

    ONLIT m’a genti­ment donné accès à Mira­dor, un petit polar d’une centaine de pages de Patrick Delper­dange. Afin d’être trans­pa­rent, ONLIT m’a donné accès après que j’ai signalé que la liberté de ton est essen­tielle pour moi. On ne peut pas en dire autant partout.

    Le texte

    Ça commence direc­te­ment. Il ne faut pas plus de trois pages pour être dans l’his­toire. L’air de rien, c’est peut être que je lis trop de pavés dans les genres SFF, mais ça fait long­temps que je n’étais pas dans un livre aussi rapi­de­ment et faci­le­ment.

    Peu de person­nages, dont on comprend immé­dia­te­ment le posi­tion­ne­ment, mais une richesse qui fait qu’on explore les ambi­guï­tés et les inter­ro­ga­tions du héros jusqu’au bout.

    L’his­toire ? On reste du polar dans sa plus simple expres­sion : une intrigue, une enquête qui donne en même temps l’im­pres­sion de comprendre de mieux en mieux et de moins en moins à chaque page, et un dénoue­ment qui permet d’ex­pliquer tout en surpre­nant.

    Avec cent pages et un style sans détours ni  descrip­tions longues, ça se lit en une traite. Le rythme n’est pas rapide en soi, il est simple­ment continu et suffi­sant pour exclure tota­le­ment l’idée de faire une pause avant la fin.

    Il y a un moment aux deux tiers où j’ai eu un peu d’im­pa­tience, avec des ajouts à l’in­trigue qui ne faisaient pas avan­cer. Avec le recul je me dis que c’était peut être juste ce qu’il fallait pour ralen­tir un peu sans géné­rer l’en­nui. Mon seul vrai point moins posi­tif se fait sur le dénoue­ment, sec et légè­re­ment déce­vant même s’il ne se laisse pas devi­ner à l’avance. Mais bon, le plai­sir de la lecture se juge plus au parcours qu’à la dernière page. J’ai pris du plai­sir, et pas qu’un peu, c’est la seule chose que je retiens.

    Le maître mot que je retiens le plus dans le style : simple, dans sa conno­ta­tion posi­tive. Ni rapide ni lent, ni complexe ni simpliste. On se laisse trans­por­ter l’air de rien.

    Le livre

    Le texte est une chose, mais je n’ai pas la préten­tion d’avoir un avis averti sur le sujet. Je ne suis pas un critique litté­raire mais un simple lecteur. Par contre je vais peut-être aller plus loin sur d’autres sujets.

    Tout d’abord la longueur. Je la trouve parfaite pour la lecture numé­rique. C’est assez inha­bi­tuel pour un roman papier, mais très agréable ici. Ça se lit le temps d’un trajet en train, ou en quelques trajets quoti­diens en bus. J’avais déjà croisé un format simi­laire – mais un peu plus court – avec Le Waldgän­ger, mais ce dernier était très sec et haché, plus adapté au smart­phone. Ici c’est parfait pour votre liseuse à encre élec­tro­nique.

    Par contre ce format inha­bi­tuel impose un devoir : Celui d’in­for­mer le lecteur. À 5 € si j’étais tombé sur la fiche du libraire, venant d’un nouvel éditeur numé­rique je me serai attendu à un roman de taille plus clas­sique. La décep­tion voire l’in­di­gna­tion risque d’être au rendez-vous pour ceux qui ne sont pas passés par une recom­man­da­tion.

    Ce peut être en nombre de pages équi­valent papier, ou en temps de lecture, mais la longueur néces­site d’être indiquée sur la fiche du livre et sur l’ex­trait dispo­nible en ligne.

    D’ailleurs, à ce propos, ce sont les 11 premières pages qui sont en lecture libre, soit 10 % du livre. Il ne m’en a pas fallu plus pour m’in­ci­ter à ne pas m’ar­rê­ter. Ça c’est une sacré­ment bonne idée. Si je devais être éter­nel insa­tis­fait j’in­ci­te­rai à propo­ser cet extrait aussi au format ePub. Je n’ai aucune envie de lire en PDF, vrai­ment.

    Les détails

    Quitte à être un éter­nel insa­tis­fait je ferai deux demandes supplé­men­taires sur les détails : La couver­ture est très agréable en couleurs, mais diffi­ci­le­ment lisible une fois passée sur une liseuse noir et blanc. L’encre élec­tro­nique en niveaux de gris repré­sente encore une grande partie du marché et c’est un point à prendre en compte lors de la concep­tion de la couver­ture, ça ne l’a pas été suffi­sam­ment. Oui, c’est du détail, j’avais prévenu.

    Second détail : Il me manque des liens. J’ai un premier lien vers le site de l’au­teur en fin du livre. J’ap­pré­cie. Sur la page d’après, réser­vée à l’édi­teur, on me recom­mande quatre autres livres. C’est assez léger pour ne pas faire trop pub, mais c’est aussi très frus­trant parce que je n’ai pas de lien vers ces epub. C’est tout de même dommage là aussi. Quitte à faire du détail de détail, une vignette des couver­tures pour­rait aussi être sympa­thique.

    TL;DR

    Sur le texte je n’ai aucune décep­tion. C’est simple et effi­cace, ça ne se lâche pas, et ça laisse un très bon moment. Longueur et complexité rendent la lecture on ne peut plus adap­tée aux usages mobiles du numé­rique : C’est jack­pot.

    Sur l’en­vi­ron­ne­ment je conti­nue à pous­ser une recom­man­da­tion assez géné­rale pour le livre numé­rique : Il nous faut des indi­ca­tions de longueur, c’est essen­tiel. Ici ça l’est encore plus à cause du format court et d’un prix qui ne rend pas évidente cette faible longueur.

    Je le laisse sur les livres que je recom­man­de­rai faci­le­ment à ceux qui veulent tenter l’aven­ture du numé­rique. S’il n’était pas plus facile de recom­man­der des libres de droits comme les Maurice Leblanc, je crois même que c’est un des titres qui serait en tête de liste.

    Message person­nel à ONLIT : des comme celui là, vous pouvez m’en envoyer quand vous voulez :-)