Auteur/autrice : Éric

  • 4 – D’une écono­mie de la rareté à une écono­mie de l’abon­dance

    En préa­lable à ce billet :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel
    3. Le livre cet objet rare

    Ce qui diffé­ren­cie les points de vue du second billet est plus fonda­men­tal qu’il n’y paraît. N’ayons pas peur des mots, ce sont deux modèles de société qui s’op­posent (l’écoute de la vidéo est indis­pen­sable, croyez moi, et je ne me risque­rai pas à la para­phra­ser ici) : celui d’une écono­mie de la rareté et celui d’une écono­mie de l’abon­dance.

    Nous vivons cette muta­tion depuis des années dans la musique, la vidéo et la presse. Le livre n’est fina­le­ment qu’un nouveau venu dans cette bataille mais c’est aussi celui avec l’his­toire la plus stable et la plus ancrée dans la rareté. La réac­tion de rejet est donc encore plus forte, au point de feindre de ne pas connaitre l’is­sue. Là où musique vidéo et presse cherchent un modèle, le livre agit expli­ci­te­ment pour péren­ni­ser sont modèle de rareté.

    Vous n’y croyez pas ?

    Au Salon du livre il y a un mois, un repré­sen­tant des éditeurs affi­chait expli­ci­te­ment son inten­tion de main­te­nir la rareté du livre dans les offres numé­riques aux biblio­thèques publiques, pour éviter de concur­ren­cer le modèle de vente d’aujourd’­hui. La loi récente qui va gérer le cas des œuvres indis­po­nibles du XXème siècle et permettre leur numé­ri­sa­tion semble en partie avoir été conçue pour éviter d’autres alter­na­tives à diffu­sion plus large, comme entre autres la loi euro­péenne sur les œuvres orphe­lines. Et le président de la BNF dont la mission est de donner accès au plus grand nombre, de décla­rer qu’il faut éviter de donner accès gratui­te­ment au domaine public afin de sauve­gar­der les librai­ries. On pour­rait aussi parler de DRM ou d’ab­sence d’offre d’abon­ne­ment.

    Il semble que dans le livre numé­rique seuls Amazon et quelques star­tups consi­dèrent qu’il faut plani­fier l’iné­luc­table plutôt que de tenter l’ar­rê­ter. Ce n’est pas pour rien qu’A­ma­zon propose via son offre premium un noyau de ce que peut être une offre d’abon­ne­ment. Le jour où ce sera perti­nent, ils seront prêts. Entre temps ils « achètent » des auteurs pour consti­tuer un cata­logue le plus large possible dont ils contrôlent l’offre et les condi­tions, pour dépendre le moins possible d’édi­teurs tiers qui pour­raient les empê­cher de suivre un nouveau modèle.

    Si vous contrô­lez les conte­nus, vous contrô­lez l’offre. Si vous contrô­lez l’offre, vous pouvez choi­sir votre modèle écono­mique.


    Dans la même série :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel
    3. Le livre cet objet rare
    4. D’une écono­mie de la rareté à une écono­mie de l’abon­dance (ce billet)
    5. Inéluc­table écono­mie de l’abon­dance
    6. Penser l’éco­no­mie de l’abon­dance
  • Comment lire

    Je l’ai promis à Pascale, alors je tente de décrire la façon dont je lis. Atten­tion c’est long.

    J’ai à l’es­prit ce héros qui lit les livres en photo­gra­phiant menta­le­ment chaque page qu’il tourne à vitesse rapide. Je suis certain que vous en avez un en tête, qu’il soit person­nage de livre ou de série télé­vi­sée.

    Survo­ler les pages

    Je ne sais pas le faire, et c’est bien dommage, mais je garde une sorte de lecture photo­gra­phique, ce qui me permet de faire semblant de me croire dans la même caté­go­rie que le héros plus haut.

    Je crois que je n’ai jamais lu en suivant les lignes comme ont semblé le faire mes cama­rades au moins jusqu’aux études supé­rieures. Je me rappelle même mon primaire où après une première lecture à ma façon je me mettais à bouger les lèvres ou à bouger les yeux de gauche à droite en atten­dant que ça passe pour faire comme les autres et éviter de me faire remarquer.

    Lecture verti­cale

    Pour la fiction, format poche, mes yeux parcourent une ligne qui va de haut en bas, assez rapi­de­ment. Plus la lecture demande de l’at­ten­tion (dialogues, person­nages multiples), plus cette ligne se rapproche du quart gauche du texte, verti­cale. Plus la lecture est simple plus on se rapproche du milieu voire du tiers droit du texte, et prend un angle vers la diago­nale.

    Avec ma propre fatigue, un besoin d’at­ten­tion ou de la lumière, je finis aussi par mélan­ger le suivi de cette ligne avec quelques points de foca­li­sa­tion à droite : Suivi de la ligne à gauche, un point à droite un peu plus bas, puis on reprend la ligne un peu plus bas à gauche, faisant une sorte de zig zag. Plus la fatigue monte, plus je fais de points à droite. Disons entre trois et six sur un format poche. Quand je commence à en faire plus j’aban­donne assez rapi­de­ment la lecture.

    Lecture en diago­nale

    Pour les autres textes je commence géné­ra­le­ment ma ligne direc­trice en haut du tiers droit du texte et descend en diago­nale vers le bas du tiers gauche avant de glis­ser hori­zon­ta­le­ment de nouveau à droite. Si ma compré­hen­sion n’est pas suffi­sante je remonte par l’autre diago­nale (oui, à l’en­vers), puis commence par éven­tuel­le­ment cher­cher des points encore peu couverts (dans l’ordre : milieu du tiers droit, en bas au centre, milieu du tiers gauche, en haut au centre, …). Si je ne comprends toujours pas alors je reprends du haut avec un système en zig zag comme pour la fiction, mais je pense que j’aban­donne souvent avant d’en arri­ver là.

    On peut dire que dans la non-fiction je scanne plus que je ne lis, et c’est un peu vrai, mais quand je fais vrai­ment une lecture en diago­nale ou une recherche, je pars quasi­ment toujours du bas à droite pour remon­ter au haut à gauche. Je suis convaincu que c’est une procé­dure d’évi­te­ment incons­ciente pour me forcer à ne pas lire juste­ment.

    Compré­hen­sion et ressenti du texte

    Comprendre

    Vous pour­riez me dire que c’est une lecture en diago­nale et que je ne lis pas le texte mais vous vous trom­pe­riez. Je perçois au contraire très bien le texte, avec la préten­tion d’une compré­hen­sion de texte plutôt au dessus de la moyenne.

    Le résul­tat c’est que je lis vite, avec une compré­hen­sion globale très bonne. Je suis aussi très sensible au style d’un bon auteur. Une écri­ture hachée, sèche et ponc­tuée aura un impact direct sur mon ressenti. Certains auteurs jouent très bien avec ça et me trans­portent tota­le­ment.

    Détail ou image globale

    La lecture de gauche à droite m’est réel­le­ment pénible. Elle me fatigue, et elle m’agace. L’aban­don n’est jamais loin derrière et la compré­hen­sion est loin d’être meilleure. Elle ne me permet pas d’em­bras­ser le texte ou d’en­trer dans l’his­toire. C’est pour moi comme regar­der une pein­ture en regar­dant chaque centi­mètre carré séquen­tiel­le­ment sans jamais recu­ler pour voir l’en­semble.

    En échange je perds certains détails, y compris des détails majeurs. Un détail majeur c’est quand le héros assiste à un enter­re­ment mais que le mort lui-même ne prend pas réel­le­ment place dans l’in­trigue. Je lis le contexte, le ressens, comprends les émotions, les impli­ca­tions, mais je peux tota­le­ment passer à côté du fait qu’il y a eu un enter­re­ment. C’est un détail, majeur vu qu’on y passe deux chapitres, mais un détail quand même qui n’est pas l’objet du déroulé de l’his­toire, ou en tout cas dans mon vécu de l’his­toire. Ce « détail » est tout de même lu donc s’il devient impor­tant par la suite je l’au­rai en tête à ce moment là, et au pire rebrous­se­rai chemin cinq chapitres en arrière pour relire les trois pages concer­nées avant de reve­nir à ma page en cours.

    Me relire, moi ?

    Cette lecture globale de la page me rend très diffi­cile les relec­tures. Je sais que se relire est une épreuve pour tous mais j’ai vrai­ment l’im­pres­sion que j’ai une diffi­culté supplé­men­taire : Comme je ne lis pas phrase à phrase mais que je perçois le texte, non seule­ment je perçois ce que j’ai voulu écrire et non ce que j’ai écrit, mais en plus je peux lais­ser des demies-phrases sans queue ni tête sans que ça ne me choque un seul instant – l’ordre des mots ou l’ab­sence de la moitié d’une phrase n’est fina­le­ment qu’un détail dans la vue d’en­semble.

    Dis, comment il s’ap­pelle le héros ?

    Pour reve­nir à la méthode de lecture elle-même, si vous suivez l’or­don­nan­ce­ment de mes sens de lecture, tout ça implique que je porte bien plus d’at­ten­tion aux lectures de fiction (bien plus proches de la droite de la page et d’une lecture en diago­nale) qu’aux lecture de non-fiction (plus proche de la gauche et d’une lecture en zig zag).

    La lecture de mes romans de fantasy habi­tuels me demande effec­ti­ve­ment beau­coup plus d’at­ten­tion que des docu­ments tech­niques. C’est à relier à un symp­tôme très clair : Je suis inca­pable de vous dire comment s’ap­pelle le héros de l’his­toire que je suis en train de lire. Mais alors tota­le­ment inca­pable.

    Méthode globale

    Je repère le nom du héros dans le texte et au bout d’un moment je l’in­tègre et le fais mien. Je suis toujours tota­le­ment inca­pable de savoir le pronon­cer, et je ne suis même pas certain de le recon­naitre si vous l’ora­li­sez, mais je sais que ce mot là c’est le héros. Je tique­rai par contre immé­dia­te­ment si vous l’écri­vez avec une faute, même si le nom est une succes­sion impro­bable et impro­nonçable de consonnes ; surtout dans ce cas là d’ailleurs.

    Je lis par recon­nais­sance de mots, voire de groupes de mots. J’ai même tendance à croire que dans des lectures rapides je perçois des ensembles de mots et y asso­cie un sens global, sans suivre les phrases elles-mêmes.

    Il y a quelques années on parlait de méthode sylla­bique et de méthode globale aux JT, je suis clai­re­ment du second côté. Je sais qu’on m’a ensei­gné le b-a-ba mais je ne me rappelle pas me l’être vrai­ment appro­prié comme méthode.

    Euh, c’est qui lui ?

    Le défaut de la méthode globale c’est la recon­nais­sance des mots nouveaux. C’est d’au­tant plus vrai que je lis la page elle-même globa­le­ment et non phrase à phrase. Un mot inconnu est donc tota­le­ment ignoré, comme s’il n’était pas là. Le plus souvent le sens reste compris mais si ce mot inverse le sens complet du texte, je risque défi­ni­ti­ve­ment de ne rien comprendre. Expé­rience rare mais vécue, malheu­reu­se­ment.

    Cette non recon­nais­sance des mots incon­nus c’est aussi une diffi­culté accrue pour inté­grer des person­nages ou des termes tech­niques à l’his­toire. Les allers-retours avec les premiers chapitres sont donc assez fréquents, même passé la moitié du livre.

    Conti­nuer à lire beau­coup de fantasy avec des noms tota­le­ment inven­tés pour les objets, les concepts et les personnes doit rele­ver chez moi du maso­chisme le plus primaire. C’est encore pire quand le héros est parfois nommé par un prénom et parfois par un nom car alors je vais mettre un bon moment pour recol­ler les deux dans mon esprit.

    Et vous ?

    J’ai tenté un peu d’in­tros­pec­tion, en essayant d’évi­ter de trop faire coller mes obser­va­tions avec ce que j’ai­me­rai obser­ver. Toute obser­va­tion modi­fie l’objet mesuré, et celle ci ne fait pas excep­tion. Je ne prétends pas être objec­tif mais j’ai toujours eu l’im­pres­sion de lire réel­le­ment diffé­rem­ment des autres, la vitesse de lecture n’étant qu’une consé­quence de la méthode de lecture.

    Qu’en est-il réel­le­ment ? Et vous, vous lisez comment ?

  • 3 – Le livre, cet objet rare

    Préa­la­ble­ment à ce billet :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel

    J’ai beau jeu de provoquer un peu dans le premier billet de cette série, mais avant de passer à la suite il est bon de poser les bases.

    La rareté et la valeur d’un livre (les deux sont liées) sont à tel point enra­ci­nées dans nos usages qu’il en est presque sacré : Rien qu’en corner les pages ou en user la tranche provoquera des réac­tions épider­miques chez certains déten­teurs. C’est en même temps un des rares objets qui passe de main en main même en dehors du cercle fami­lial alors que pour tout le reste on a tendance jeter et ache­ter du neuf. Trop impor­tant, trop rare. Même dans les films catas­trophe on brûle jusqu’au plan­cher avant d’en­vi­sa­ger, oh héré­sie, de se chauf­fer avec des livres.

    Mieux : Le livre on l’ex­pose. C’est d’ailleurs tout l’objet des collec­tions comme La Pléiade et je mets au défi quelqu’un de venir m’af­fir­mer que la valeur de ces objets tient dans l’er­go­no­mie de lecture. C’est dire à quel point on consi­dère l’objet comme rare malgré sa démo­cra­ti­sa­tion et la faci­lité de repu­bli­ca­tion.

    Dans ce contexte, effec­ti­ve­ment, ache­ter un livre sans le lire c’est mépri­ser le livre, son auteur ; une preuve d’ir­res­pect frôlant le sacri­lège envers la Culture et la Litté­ra­ture. Toute la chaîne de valeur, de l’au­teur jusqu’au lecteur, est basée sur cette rareté imagi­naire à la limite de la sacra­li­sa­tion. Le numé­rique joue les trou­blions mais visi­ble­ment pas au point de chan­ger l’angle de vue des diffé­rents acteurs.


    Dans la même série :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel
    3. Le livre cet objet rare (ce billet)
    4. D’une écono­mie de la rareté à une écono­mie de l’abon­dance
    5. Inéluc­table écono­mie de l’abon­dance
    6. Penser l’éco­no­mie de l’abon­dance
  • 2 – Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel

    En préa­lable à ce billet :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus

    Imagi­nons que je lise envi­ron deux livres par mois, pour un montant entre dix et vingt euros.

    Dans le fonc­tion­ne­ment actuel on me vend deux livres, que je me force­rai donc le plus souvent à lire jusqu’au bout. On m’ap­por­tera de la valeur ajou­tée en m’as­su­rant que je ne gâche­rai pas mon achat mensuel. On voit là l’in­té­rêt des livres en grand format à 15 € qui, quitte à ce que j’en achète un seul, m’as­surent de la qualité de l’objet mais surtout d’at­teindre le dernier texte de l’édi­teur, de la collec­tion ou de l’au­teur que j’ai déjà aimé la dernière fois. À défaut, j’au­rai tendance à tester les clas­siques ou les meilleures ventes, dans les collec­tions connues.

    En réflé­chis­sant par ce prisme, il est peu éton­nant que certains s’at­tardent à critiquer des achats en masse, sans choix préa­lable fort, et ce surtout si c’est pour en lais­ser sur l’éta­gère une bonne partie. Ce qui n’est pas lu dimi­nue la valeur de tout le marché du livre, et repré­sente une sorte de gâchis.

    Avec le numé­rique nous nous devons d’al­ler plus loin. La copie d’un livre et sa diffu­sion sont de coût quasi nul. Si je lis deux livres par mois, pour le même montant d’achat, la valeur ajou­tée sera de me donner accès à des dizaines de nouveaux titres par mois. Le résul­tat final ne sera pas bien diffé­rent. Par contre j’es­saie­rai de nouveaux genres en fonc­tion de mon humeur du jour, je décou­vri­rai de nouveaux auteurs, je ne me limi­te­rai pas aux éditeurs ou collec­tions de réfé­rence.

    L’échec sera de faible impor­tance : Un livre qui ne plait pas peut être aban­donné, un autre pren­dra la suite, éven­tuel­le­ment un connu pour se rassu­rer. Ce prisme diffé­rent est une béné­dic­tion, il permet de ne pas se limi­ter par le vécu mais de réel­le­ment tester et décou­vrir, sans rete­nue.

    Voilà pourquoi, que j’achète trente titres à 1 € pour en lais­ser 25 sur l’éta­gère n’est pas la ques­tion. La ques­tion est de savoir ce que j’ai décou­vert, ce que j’ai vécu, si j’ai aimé. Si nous parlons de richesse cultu­relle, indé­nia­ble­ment, il y a eu amélio­ra­tion.


    Dans la même série :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel (ce billet)
    3. Le livre cet objet rare
    4. D’une écono­mie de la rareté à une écono­mie de l’abon­dance
    5. Inéluc­table écono­mie de l’abon­dance
    6. Penser l’éco­no­mie de l’abon­dance
  • 1 – Ne plus comp­ter les livres non lus

    Comme d’autres, j’ai profité avec largesse d’offres promo­tion­nelles de livres numé­riques. Nous voilà avec dix, vingt ou trente livres dont parfois une majo­rité reste­ront intou­chés, délais­sés sur leur support de stockage.

    En lisant et écou­tant autour de moi je perçois agace­ment, moque­ries, dédain et mépris pour ces faux lecteurs qui stockent au lieu de lire, voire pour ces offres qui permettent aux faux lecteurs de s’adon­ner à leur glou­ton­ne­rie au lieu de profi­ter de la litté­ra­ture de façon respec­table, livre après livre, en en lisant chaque ligne.

    Mais pourquoi donc s’at­ta­cher à dénom­brer et parler des livres que je n’ai pas lus ?

    Je le comprends d’au­tant moins que des livres que je ne lis pas il en sort presque 6 000 par mois rien qu’en France. Par rapport aux 5 970 autres de ce mois là, au moins ai-je contri­bué, même symbo­lique­ment, à l’au­teur et à l’édi­teur des trente que je stocke sur mon disque. C’est à peu près la seule diffé­rence que je vois, et elle est plutôt posi­tive.

    Et si nous parlions plutôt des livres que j’ai lu, des auteurs que j’ai décou­vert, des histoires qui m’ont trans­porté, des pensées que j’ai partagé ou des réflexions qui ont émergé dans mon esprit suite à ces lectures ?

    De tous ceux que j’ai ouïe critiquer l’hé­ré­sie des lecteurs qui achètent plus de livres qu’ils n’en lisent, aucun n’a tenté d’en­ga­ger la conver­sa­tion sur les livres effec­ti­ve­ment lus, seule­ment sur ceux qui ne l’ont pas été. Si j’osais, le réel problème est plutôt là. Doit-on restreindre la litté­ra­ture à un décompte des boîtes de petits pois stockées inuti­le­ment dans le cellier ?


    Suites à ce billet :

    1. Ne plus comp­ter les livres non lus (ce billet)
    2. Décou­vrir, cet enri­chis­se­ment cultu­rel
    3. Le livre cet objet rare
    4. D’une écono­mie de la rareté à une écono­mie de l’abon­dance
    5. Inéluc­table écono­mie de l’abon­dance
    6. Penser l’éco­no­mie de l’abon­dance
  • Combien de bises ?

    L’illus­tra­tion se suffit à elle-même. Combien de bises ? pourquoi ?

    Nombre de vises

  • La para­ly­sie du tout parfait

    Je lis Tris­tan, et par là un billet essen­tiel d’An­thony, que malheu­reu­se­ment j’avais manqué en janvier.

    Savoir, tout savoir, puis déci­der

    Il me faut un savoir quasi-ency­clo­pé­dique sur le domaine pour me sentir à l’aise au moment de faire un choix.

    Oh combien je m’y retrouve. Au risque de renfor­cer le petit côté autiste, je dirai que ce fut encore pire pour moi. Pour un achat je construis des tableaux de dix kilo­mètres en compa­rant tous les produits du marché sur toutes les boutiques, et même un peu plus, et finis – parfois – par me déci­der au bout de longs mois. Je ne sais pas lequel de nous deux avec Anthony est le moins impul­sif, mais je ne dois pas me lais­ser tant distan­cer que ça.

    Les bases du choix

    Mais là c’est encore simple fina­le­ment, parce qu’on peut trou­ver des critères objec­tifs, des recom­man­da­tions, des expé­riences. Et quand le sujet est pure­ment subjec­tif alors ? Fut un temps mes connais­sances rigo­laient (peut être un peu jaune) sur mon inca­pa­cité à faire des choix simples comme « quel parfum souhaites-tu ? ». Parce qu’entre la glace à la fraise et la glace à la vanille il n’y a pas vrai­ment de *rai­son* de prendre l’un ou l’autre, du coup j’étais inca­pable de dire quoi que ce soit, ou même de prendre une alter­na­tive au hasard. Ce n’est pas tant que j’hé­site sur le choix, c’est que le choix n’a souvent pour moi aucun sens si je n’ai pas de critère objec­tif et de « pourquoi » ; je ne le conçois même pas dans mon esprit.

    Heureu­se­ment j’évo­lue. Ça a été un grand travail sur moi-même, et ça l’est encore un peu parfois, avec quelques stra­té­gies d’évi­te­ment (« vanille » la glace, il y en a toujours et ça m’évite de faire un choix arbi­traire qui n’a aucun sens pour moi). Heureu­se­ment en contexte profes­sion­nel ce travail sur moi-même je l’ai fait avec encore plus de force, au point qu’il a été au moins en partie trans­formé en qualité : atten­tion au détail et volonté d’étu­dier les problé­ma­tiques profon­dé­ment.

    Avan­cer, sauter dans l’in­connu

    Mais tout n’est fina­le­ment pas vrai­ment une ques­tion de savoir faire un choix. C’est un besoin de tout savoir, tout comprendre. Un baptême de plon­gée, je soupçonne ma femme d’avoir été surprise de me voir être capable d’uti­li­ser le déten­deur sans faire trop de sima­grées sans pour autant savoir en détail comment ça fonc­tionne. Côté tech­nique infor­ma­tique c’est une malé­dic­tion qui prend un temps mons­trueux.

    Bien entendu ça se travaille, mais en gran­dis­sant on réalise jour après jour l’éten­due de tout ce qu’on ne connait pas, qui gran­dit bien plus vite que l’éten­due de nos propres connais­sances.

    Apprendre c’est se rendre compte de l’im­por­tance de notre igno­rance. Parfois il y a de quoi se sentir un peu perdu.

    Tout ça pour dire

    Si j’ai appris une chose, c’est qu’a­van­cer est le plus diffi­cile. Même quand je suis (très) critique sur des initia­tives, je ne perds pas de vue que la grande force c’est d’avoir essayé, d’avoir avancé dans l’in­connu, et que ça c’est plus impor­tant que tout. C’est une qualité rare, c’est celle que nous tentons chaque jour de mettre en exergue en star­tup.

    Avan­cez, sans mettre la char­rue avant les boeufs, sans oublier qui vous êtes et ce en quoi vous croyez, mais avan­cez, c’est ça l’im­por­tant.

    Et cette gêne qui nous impose de tout savoir et tout contrô­ler, qui nous incite à refu­ser l’im­per­fec­tion, faisons-en une force. C’est la même force qui nous pousse à toujours vouloir mieux, et à nous dépas­ser nous-même. C’est une capa­cité d’in­ves­tir pour comprendre et savoir avan­cer dans la bonne direc­tion au lieu d’avan­cer bête­ment n’im­porte comment. Ne reniez pas ce trait de votre person­na­lité, culti­vez-le, guidez-le : Le tout est d’avan­cer.

    L’étape suivante c’est savoir décon­nec­ter, profi­ter de la vie sans toujours avoir dans un coin l’en­semble de tout ce qu’on estime impar­fait ou incom­plet. C’est là dessus que se situe mon prochain combat.

  • Quand le peuple veut hacker sa consti­tu­tion…

    C’est vrai qu’on n’en­ten­dait plus beau­coup parler de l’Is­lande et de sa nouvelle consti­tu­tion. L’oc­ca­sion de recom­men­cer de zéro est rare. Il y a eu là bas un élec­tro­choc qui aurait pu permettre de casser les résis­tances et de réfor­mer le système. De loin on y a un peu cru.

    […] en réunis­sant une Assem­blée consti­tuante, formée de 25 citoyens « ordi­naires » char­gés de réécrire la Cons­ti­tu­tion islan­daise. Mieux encore, chacun était invité à parti­ci­per à cette réécri­ture colla­bo­ra­tive sur le site web dédié. Cela ressemble fort à un conte de fées démo­cra­tique […]

    C’était sous-esti­mer la résis­tance du corps poli­tique pour éviter sa propre remise en cause. Si nous imagi­nons très bien qu’il puisse y avoir résis­tance, l’his­toire nous donne un ensei­gne­ment majeur :

    Au contraire, le Parle­ment a décidé de bafouer ses propres décla­ra­tions publiques ainsi que la volonté du peuple expri­mée par le réfé­ren­dum natio­nal, en gelant le projet de loi. De plus, pour couron­ner le tout, le Parle­ment a imposé à la hâte la néces­sité pour tout chan­ge­ment consti­tu­tion­nel sous la prochaine légis­la­ture d’être approuvé par les deux tiers du parle­ment et 40% du vote popu­laire. Un taux de parti­ci­pa­tion mini­mal de 80% sera néces­saire pour qu’une réforme consti­tu­tion­nelle soit accep­tée à la prochaine session du parle­ment.

    Le problème n’est pas tant que le projet ait pu être rejeté, c’est qu’il a été simple­ment mis de côté, et que le corps poli­tique au pouvoir a vite mis en place des gardes fous immenses pour empê­cher toute remise en cause si jamais ils devaient être obli­gés d’en venir au vote.

    Il faut dire que la pres­sion popu­laire était forte, et que le besoin de créer autre chose était clai­re­ment incon­tes­table vu le résul­tat du premier réfé­ren­dum :

    le réfé­ren­dum natio­nal du 20 octobre 2012 sur cette loi, au cours duquel 67% de l’élec­to­rat a exprimé son soutien à ce projet de loi ainsi qu’à ses prin­ci­pales dispo­si­tions spéci­fiques, y compris la natio­na­li­sa­tion des ressources natu­relles (83% de Oui), la démo­cra­tie directe (73% de Oui), et « Une personne, un vote » (67% de Oui).

    À ce niveau là il y a un tel mouve­ment que voter des lois pour frei­ner le chan­ge­ment ça ressemble ni plus ni moins à de l’obs­truc­tion.

    Quand nous ne sommes plus capables de remettre en cause notre propre système poli­tique, alors nous ne sommes plus en démo­cra­tie. Il semble que malgré une quasi révo­lu­tion dans les esprits du peuple Islan­dais, ils n’en soient pas capables.

    Parti de cette expé­rience, j’ai bien du mal à imagi­ner que notre système est plus démo­cra­tique que le leur. Il nous faudrait bien plus que leur propre élan pour renver­ser notre propre struc­ture.

    Alors, que fait-on ?

  • Décla­rons notre patri­moine, et voyons l’inu­ti­lité

    La décla­ra­tion de patri­moine de Jean-Noël Guérini est magni­fique. Elle nous offre un très bon exemple de l’ab­sur­dité de tout le système :

    Notre élu gagne 94 250 € par an. Il faut y rajou­ter des probables très fortes indem­ni­tés de repré­sen­ta­tions et autres aides diverses liées à sa fonc­tion.

    En sortie il n’y a pas de mutuelle (le Sénat y pour­voit), peu de frais de trans­port (train gratuit, avion peu cher), pas de frais de loge­ment (le premier a été hérité, le second est déjà remboursé – proba­ble­ment depuis facile une quin­zaine d’an­nées vu la date d’achat. Bref, il y a la vie courante et tout ce qu’on a envie de se payer pour son plai­sir, et éven­tuel­le­ment des écono­mies.

    Donc avec quasi­ment aucune sortie impor­tante, et des entrées de l’ordre de 100 000 euros au moins… On compte moins de 30 000 € de posses­sions, 20 000 € de parti­ci­pa­tion à une société qu’il a proba­ble­ment créée (vu que non cotée) et … moins 4 000 € de liqui­di­tés. C’est tout, pas d’as­su­rance vue, d’épargne, d’ac­tions en bourse, rien.

    Quel inté­rêt d’avoir de telles décla­ra­tions de reve­nus ? Vous imagi­nez qu’a­vec de tels reve­nus on enre­gistre si peu de posses­sions et des liqui­di­tés + épargne qui ne repré­sentent qu’un demi revenu mensuel hors indem­ni­tés ?

    Autant dire qu’au mieux tout fuit immé­dia­te­ment dans les posses­sions fami­liales grâce à des accords, et que tout ceci n’a aucun sens. Au mieux.

    Donc au mieux on vient de prou­ver par l’exemple la complète absur­dité de ces décla­ra­tions si elles ne sont pas éten­dues au moins à la famille. Sauf que la famille n’a rien demandé et on voit mal au nom de quoi on leur impo­se­rait des contraintes. 

    Quand bien même nous étudie­rions ce scéna­rio le moins repro­chable, il serait on ne peut plus inté­res­sant de se poser la ques­tion du « pourquoi, actuel­le­ment, orga­ni­ser la fuite de la tota­lité des capi­taux vers d’autres personnes ? ». Donc plus que savoir si untel est riche ou pas, ce dont je me moque tota­le­ment, on voit bien qu’il y a de quoi réflé­chir et de quoi inquié­ter nos poli­tiques.

  • Joie des cabi­nets de recru­te­ment

    Copie quasi verba­tim de ce que je viens d’en­voyer aujourd’­hui :

    Bonjour,

    J’avais eu des contacts perti­nents par le passé avec [chargé de recru­te­ment 1] et [chargé de recru­te­ment 2] entre 2008 et 2010.

    Depuis debut 2011 que vous êtes en charge, vous ne me trans­met­tez que des offres qui ne cadrent aucu­ne­ment avec mon type de poste et qui sont géné­ra­le­ment au moins 30% en dessous du salaire que j’avais en 2008 quand je discu­tais avec [cabi­net de recru­te­ment] (étant entendu que depuis 2008 mes expé­riences et mes préten­tions ont bien évidem­ment évolué).

    Le consta­tant, je vous en ai fait la remarque dès mai 2011. N’ayant vu aucune amélio­ra­tion, je vous ai demandé expli­ci­te­ment de me reti­rer de vos listes en novembre 2011. Toujours sans effet, je vous l’ai encore signalé en février de cette année.

    Ne voyant aucune amélio­ra­tion dans la quali­fi­ca­tion ni prise d’ef­fet de mes demandes, je suis au regret de devoir faire deux requêtes plus formelles :

    1. Merci de me commu­niquer le numéro d’en­re­gis­tre­ment CNIL de la base de profil dans laquelle je suis enre­gis­tré. Ceci est une requête légale au titre de la loi loi n°78–17 rela­tive à l’in­for­ma­tique, aux fichiers et aux liber­tés du 6 janvier 1978.
    2. Ensuite, au choix :
    • Soit faire en sorte en interne que mon dossier ne soit plus géré par [chargé de recru­te­ment 3], ni qu’au­cune solli­ci­ta­tion ne me soit envoyée de sa part.
    • Soit de reti­rer toute donnée nomi­na­tive me concer­nant de vos registres (et pas unique­ment de me désins­crire de vos solli­ci­ta­tions), puis de me confir­mer cette suppres­sion.

    Je suis désolé d’en arri­ver là mais je ne vois de toutes façons pas comment établir la rela­tion de confiance néces­saire à un recru­te­ment dans le contexte qui m’est présenté actuel­le­ment, ni pour moi ni – et encore moins – pour vous recom­man­der à mes rela­tions en recherche d’em­ploi.

    En vous remer­ciant d’avance pour la prise en compte,

    Le pire étant que je ne suis plus en recherche depuis 2007 mais ça…

    Sérieu­se­ment, c’est à me dissua­der de faire appel à des recru­teurs pour mes recherches en tant qu’em­ployeur, et encore plus à faire suivre leurs offres à des gens biens.

    C’est quoi vos expé­riences avec des cabi­nets de recru­te­ment ? Vous en avez à conseiller des biens, pas trop chers, qui comprennent le web, qui savent quali­fier des profils de bon niveau et pas taper au hasard ?