L’illustration se suffit à elle-même. Combien de bises ? pourquoi ?
Auteur/autrice : Éric
-
La paralysie du tout parfait
Je lis Tristan, et par là un billet essentiel d’Anthony, que malheureusement j’avais manqué en janvier.
Savoir, tout savoir, puis décider
Il me faut un savoir quasi-encyclopédique sur le domaine pour me sentir à l’aise au moment de faire un choix.
Oh combien je m’y retrouve. Au risque de renforcer le petit côté autiste, je dirai que ce fut encore pire pour moi. Pour un achat je construis des tableaux de dix kilomètres en comparant tous les produits du marché sur toutes les boutiques, et même un peu plus, et finis – parfois – par me décider au bout de longs mois. Je ne sais pas lequel de nous deux avec Anthony est le moins impulsif, mais je ne dois pas me laisser tant distancer que ça.
Les bases du choix
Mais là c’est encore simple finalement, parce qu’on peut trouver des critères objectifs, des recommandations, des expériences. Et quand le sujet est purement subjectif alors ? Fut un temps mes connaissances rigolaient (peut être un peu jaune) sur mon incapacité à faire des choix simples comme « quel parfum souhaites-tu ? ». Parce qu’entre la glace à la fraise et la glace à la vanille il n’y a pas vraiment de *raison* de prendre l’un ou l’autre, du coup j’étais incapable de dire quoi que ce soit, ou même de prendre une alternative au hasard. Ce n’est pas tant que j’hésite sur le choix, c’est que le choix n’a souvent pour moi aucun sens si je n’ai pas de critère objectif et de « pourquoi » ; je ne le conçois même pas dans mon esprit.
Heureusement j’évolue. Ça a été un grand travail sur moi-même, et ça l’est encore un peu parfois, avec quelques stratégies d’évitement (« vanille » la glace, il y en a toujours et ça m’évite de faire un choix arbitraire qui n’a aucun sens pour moi). Heureusement en contexte professionnel ce travail sur moi-même je l’ai fait avec encore plus de force, au point qu’il a été au moins en partie transformé en qualité : attention au détail et volonté d’étudier les problématiques profondément.
Avancer, sauter dans l’inconnu
Mais tout n’est finalement pas vraiment une question de savoir faire un choix. C’est un besoin de tout savoir, tout comprendre. Un baptême de plongée, je soupçonne ma femme d’avoir été surprise de me voir être capable d’utiliser le détendeur sans faire trop de simagrées sans pour autant savoir en détail comment ça fonctionne. Côté technique informatique c’est une malédiction qui prend un temps monstrueux.
Bien entendu ça se travaille, mais en grandissant on réalise jour après jour l’étendue de tout ce qu’on ne connait pas, qui grandit bien plus vite que l’étendue de nos propres connaissances.
Apprendre c’est se rendre compte de l’importance de notre ignorance. Parfois il y a de quoi se sentir un peu perdu.
Tout ça pour dire
Si j’ai appris une chose, c’est qu’avancer est le plus difficile. Même quand je suis (très) critique sur des initiatives, je ne perds pas de vue que la grande force c’est d’avoir essayé, d’avoir avancé dans l’inconnu, et que ça c’est plus important que tout. C’est une qualité rare, c’est celle que nous tentons chaque jour de mettre en exergue en startup.
Avancez, sans mettre la charrue avant les boeufs, sans oublier qui vous êtes et ce en quoi vous croyez, mais avancez, c’est ça l’important.
Et cette gêne qui nous impose de tout savoir et tout contrôler, qui nous incite à refuser l’imperfection, faisons-en une force. C’est la même force qui nous pousse à toujours vouloir mieux, et à nous dépasser nous-même. C’est une capacité d’investir pour comprendre et savoir avancer dans la bonne direction au lieu d’avancer bêtement n’importe comment. Ne reniez pas ce trait de votre personnalité, cultivez-le, guidez-le : Le tout est d’avancer.
L’étape suivante c’est savoir déconnecter, profiter de la vie sans toujours avoir dans un coin l’ensemble de tout ce qu’on estime imparfait ou incomplet. C’est là dessus que se situe mon prochain combat.
-
Quand le peuple veut hacker sa constitution…
C’est vrai qu’on n’entendait plus beaucoup parler de l’Islande et de sa nouvelle constitution. L’occasion de recommencer de zéro est rare. Il y a eu là bas un électrochoc qui aurait pu permettre de casser les résistances et de réformer le système. De loin on y a un peu cru.
[…] en réunissant une Assemblée constituante, formée de 25 citoyens « ordinaires » chargés de réécrire la Constitution islandaise. Mieux encore, chacun était invité à participer à cette réécriture collaborative sur le site web dédié. Cela ressemble fort à un conte de fées démocratique […]
C’était sous-estimer la résistance du corps politique pour éviter sa propre remise en cause. Si nous imaginons très bien qu’il puisse y avoir résistance, l’histoire nous donne un enseignement majeur :
Au contraire, le Parlement a décidé de bafouer ses propres déclarations publiques ainsi que la volonté du peuple exprimée par le référendum national, en gelant le projet de loi. De plus, pour couronner le tout, le Parlement a imposé à la hâte la nécessité pour tout changement constitutionnel sous la prochaine législature d’être approuvé par les deux tiers du parlement et 40% du vote populaire. Un taux de participation minimal de 80% sera nécessaire pour qu’une réforme constitutionnelle soit acceptée à la prochaine session du parlement.
Le problème n’est pas tant que le projet ait pu être rejeté, c’est qu’il a été simplement mis de côté, et que le corps politique au pouvoir a vite mis en place des gardes fous immenses pour empêcher toute remise en cause si jamais ils devaient être obligés d’en venir au vote.
Il faut dire que la pression populaire était forte, et que le besoin de créer autre chose était clairement incontestable vu le résultat du premier référendum :
le référendum national du 20 octobre 2012 sur cette loi, au cours duquel 67% de l’électorat a exprimé son soutien à ce projet de loi ainsi qu’à ses principales dispositions spécifiques, y compris la nationalisation des ressources naturelles (83% de Oui), la démocratie directe (73% de Oui), et « Une personne, un vote » (67% de Oui).
À ce niveau là il y a un tel mouvement que voter des lois pour freiner le changement ça ressemble ni plus ni moins à de l’obstruction.
Quand nous ne sommes plus capables de remettre en cause notre propre système politique, alors nous ne sommes plus en démocratie. Il semble que malgré une quasi révolution dans les esprits du peuple Islandais, ils n’en soient pas capables.
Parti de cette expérience, j’ai bien du mal à imaginer que notre système est plus démocratique que le leur. Il nous faudrait bien plus que leur propre élan pour renverser notre propre structure.
Alors, que fait-on ?
-
Déclarons notre patrimoine, et voyons l’inutilité
La déclaration de patrimoine de Jean-Noël Guérini est magnifique. Elle nous offre un très bon exemple de l’absurdité de tout le système :
Notre élu gagne 94 250 € par an. Il faut y rajouter des probables très fortes indemnités de représentations et autres aides diverses liées à sa fonction.
En sortie il n’y a pas de mutuelle (le Sénat y pourvoit), peu de frais de transport (train gratuit, avion peu cher), pas de frais de logement (le premier a été hérité, le second est déjà remboursé – probablement depuis facile une quinzaine d’années vu la date d’achat. Bref, il y a la vie courante et tout ce qu’on a envie de se payer pour son plaisir, et éventuellement des économies.
Donc avec quasiment aucune sortie importante, et des entrées de l’ordre de 100 000 euros au moins… On compte moins de 30 000 € de possessions, 20 000 € de participation à une société qu’il a probablement créée (vu que non cotée) et … moins 4 000 € de liquidités. C’est tout, pas d’assurance vue, d’épargne, d’actions en bourse, rien.
Quel intérêt d’avoir de telles déclarations de revenus ? Vous imaginez qu’avec de tels revenus on enregistre si peu de possessions et des liquidités + épargne qui ne représentent qu’un demi revenu mensuel hors indemnités ?
Autant dire qu’au mieux tout fuit immédiatement dans les possessions familiales grâce à des accords, et que tout ceci n’a aucun sens. Au mieux.
Donc au mieux on vient de prouver par l’exemple la complète absurdité de ces déclarations si elles ne sont pas étendues au moins à la famille. Sauf que la famille n’a rien demandé et on voit mal au nom de quoi on leur imposerait des contraintes.
Quand bien même nous étudierions ce scénario le moins reprochable, il serait on ne peut plus intéressant de se poser la question du « pourquoi, actuellement, organiser la fuite de la totalité des capitaux vers d’autres personnes ? ». Donc plus que savoir si untel est riche ou pas, ce dont je me moque totalement, on voit bien qu’il y a de quoi réfléchir et de quoi inquiéter nos politiques.
-
Joie des cabinets de recrutement
Copie quasi verbatim de ce que je viens d’envoyer aujourd’hui :
Bonjour,
J’avais eu des contacts pertinents par le passé avec [chargé de recrutement 1] et [chargé de recrutement 2] entre 2008 et 2010.
Depuis debut 2011 que vous êtes en charge, vous ne me transmettez que des offres qui ne cadrent aucunement avec mon type de poste et qui sont généralement au moins 30% en dessous du salaire que j’avais en 2008 quand je discutais avec [cabinet de recrutement] (étant entendu que depuis 2008 mes expériences et mes prétentions ont bien évidemment évolué).
Le constatant, je vous en ai fait la remarque dès mai 2011. N’ayant vu aucune amélioration, je vous ai demandé explicitement de me retirer de vos listes en novembre 2011. Toujours sans effet, je vous l’ai encore signalé en février de cette année.
Ne voyant aucune amélioration dans la qualification ni prise d’effet de mes demandes, je suis au regret de devoir faire deux requêtes plus formelles :
- Merci de me communiquer le numéro d’enregistrement CNIL de la base de profil dans laquelle je suis enregistré. Ceci est une requête légale au titre de la loi loi n°78–17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978.
- Ensuite, au choix :
- Soit faire en sorte en interne que mon dossier ne soit plus géré par [chargé de recrutement 3], ni qu’aucune sollicitation ne me soit envoyée de sa part.
- Soit de retirer toute donnée nominative me concernant de vos registres (et pas uniquement de me désinscrire de vos sollicitations), puis de me confirmer cette suppression.
Je suis désolé d’en arriver là mais je ne vois de toutes façons pas comment établir la relation de confiance nécessaire à un recrutement dans le contexte qui m’est présenté actuellement, ni pour moi ni – et encore moins – pour vous recommander à mes relations en recherche d’emploi.
En vous remerciant d’avance pour la prise en compte,
Le pire étant que je ne suis plus en recherche depuis 2007 mais ça…
Sérieusement, c’est à me dissuader de faire appel à des recruteurs pour mes recherches en tant qu’employeur, et encore plus à faire suivre leurs offres à des gens biens.
C’est quoi vos expériences avec des cabinets de recrutement ? Vous en avez à conseiller des biens, pas trop chers, qui comprennent le web, qui savent qualifier des profils de bon niveau et pas taper au hasard ?
-
Paiement avec Mozilla
Je ne sais quoi penser. Mozilla a sorti sa solution de paiement. C’est une étape essentielle dans l’objectif de proposer une plateforme applicative complète concurrente à l’App store d’Apple et au Google Play d’Android.
Maintenant, on va me dire que je suis trop critique sur un projet naissant mais..
Prix par palier
Le prix par palier est une fausse bonne idée. C’est une galère à gérer si on veut vendre sur plusieurs plateformes ou si on vend aussi hors ligne. Comment est-ce que je synchronise les prix ou justifie les différences ?
Google et Apple le font, parce qu’ils veulent que tout passe par eux et se plie à leur structure. Est-ce vraiment le modèle de Mozilla ?
Comment fais-je pour revoir mon business plan tous les six mois ? Tous les six mois Mozilla va changer les prix en euros pour tenir compte des conversions face au dollar (alors que mes coûts sont en euros et ne changent pas). Au final c’est ma marge qui va faire yoyo hors de mon contrôle, et ça c’est sacrément risqué.
Pire, pour moi qui vend du livre numérique avec des prix fixés, je ne peux simplement pas légalement me conformer à cette grille. J’ai pourtant dans les cartons une application mobile full web qui cadre pourtant parfaitement avec la philosophie du Market Place Mozilla : dommage.
Plus étonnant, pourquoi n’ai-je pas de palier au delà de 10€ ? Il y a bien des logiciels qui valent plus de ce montant. Ce n’est même pas rare dans l’App Store ou dans Google Play. Côté Chrome Web Store on a un palier 17 à 37€ et un maximum de transaction à 1000€. Il serait dommage que le Market Place Mozilla se limite aux petits jeux à 2$.
Commission de 30%
Je ne peux pas non plus donner 30% en commission. Désolé, même avec toute la bonne volonté du monde. Comme beaucoup de commerçants, 30% c’est parfois plus que la marge brute de mes ventes. Si je donne ça, je suis déficitaire avant même d’imputer mes coûts.
Oui, Google et Apple le font. Ils profitent de l’enfermement de leurs utilisateurs : Si vous voulez vendre il faut accepter de passer par là et de laisser 30%. Est-ce que vraiment Mozilla cherche aussi à monétiser l’enfermement ?
Mais quitte à comparer il faut parler du Chrome Web Store, qui est bien plus proche de l’approche du Market Place Mozilla. Donc le Chrome Web Store prend 5%. Pas 30%, 5%. Forcément, l’utilisateur n’est ici pas dans un jardin fermé donc il est plus difficile de justifier de telles commissions.
D’ailleurs, quitte à en parler, Google Wallet est capé à 5% mais peut même prendre moins que ça si on dépasse les 9 € sur une transaction. Il y a une API pour du in-app, et au final les mêmes possibilités de paiement puisque pour l’instant Mozilla n’est branché qu’à Google Wallet. Difficile de justifier les 25 points supplémentaires de commission.
Alors ?
Alors une API passe-plat qui fait la liaison avec différents fournisseurs de solutions de paiement ça a de la valeur. Se simplifier la vie aussi.
Disons qu’il faudrait au minimum faire sauter la contrainte du palier maximum. Là je peux être prêt à payer un ou deux points de pourcentage sur le prix de vente. Le prestataire pourra certainement en gagner au moins deux autres avec ses prestataires de paiement vu le volume de transactions en jeu et l’absence d’interaction avec les vendeurs.
Par contre pour 25 points de plus que Google Wallet, ça me parait difficile à justifier. C’est encore plus plus difficile à imaginer aujourd’hui où ça ne fait que Google Wallet avec des contraintes en plus et moins de fonctionnalités.
-
Rendu de l’avis de la Hadopi concernant VLC
J’avais rédigé un billet il y a quelques temps pour envoyer une contribution à propos d’une consultation de la Hadopi concernant VLC. Le billet n’a pas forcément été mis à jour avec la toute dernière version qui a effectivement été envoyée, mais le contenu est assez proche.
La Hadopi a désormais rendu son avis. J’y vois mon argumentation presque copiée.
Dans les faits ça ne change pas grand chose pour VLC, sauf si VideoLan réussit à trouver le financement nécessaire pour une licence auprès du consortium Blu-Ray.
Par contre ça ouvre beaucoup de portes pour plus tard forcer les DRM et autres jardins fermés, par exemple ceux d’Apple ou d’Amazon. D’une manière ou d’une autre, c’est une porte ouverte qui peut avoir de grandes conséquences à l’avenir : Il était temps que cette loi serve à quelque chose.
On y voit aussi que officiellement les clefs de déchiffrements ne font pas partie du « logiciel ». Ça confirme que ces éléments ne sont pas couverts par le droit d’auteur. Je ne suis pas certain que ça ouvre vraiment des portes, mais on ne pourra plus en empêcher l’utilisation sous ce motif.
Pas de quoi sortir le carton à Champagne, mais ça reste une étape intéressante de franchie.
-
Lisez en numérique qu’ils disaient…
Mis à jour, explication en bas du billet
Vous lisez une série sur papier, vous venez de finir le tome 4 et vous chercher le tome 5. Tout le monde vous parle de numérique et vous décidez de tester tout ça.
Vous avez aussi bien vérifié que le livre était « sans DRM » comme on vous a dit de le faire. Toutes les boutiques ne le précisent pas, vous avez du chercher un peu mais c’est bien tombé : celui là est sans DRM.
Vous achetez votre ebook à 15 €. Bon, 14,99 en réalité mais on ne va pas chipoter. Vous avez pris l’EPUB et pas le PDF. Tout ça c’est du chinois mais comme c’est ce qu’on vous conseille partout, vous suivi ce qu’on vous disait. Vous ne comprenez toutefois pas bien pourquoi on tente de vous vendre l’autre s’il ne faut pas l’acheter mais vous faites comme si de rien n’était.
Là les ennuis commencent. Le livre vous donne une méchante impression de déjà vu. Vérification faite, c’est marqué « tome 5 » mais c’est en fait la première moitié du tome 3 que vous avez déjà lu. Vous fouillez et confirmez votre méchante impression : L’éditeur publie chaque livre papier édition poche en deux livres numériques, en renumérotant toute la série. Malheureusement bien que les titres indiquent en gros « tome X », la numérotation des poches et des numériques est différente. Il faut deux livres numériques pour faire un poche. Les tomes 1 et 2 numériques correspondent au tome 1 édition poche et les tomes 3 et 4 numériques au tome 2 édition poche. Le tome 5 numérique est donc la première partie du tome 3 édition poche. Rien ne le signalait explicitement, il fallait faire très attention aux sous-titres pour s’en rendre compte. Ce n’est clairement pas votre faute : Les bonnes librairies avaient même chaîné le tome 5 édition poche avec le tome 5 numérique comme s’ils étaient équivalents.
Vous avez un peu l’impression de vous être fait avoir, surtout à 2×15 € le couple d’ebook alors que le papier n’est pas à 30 €. Un doute vous prend d’ailleurs : Vous n’aviez pas payé si cher que ça les tomes précédents, 10 € tout au plus. Seconde méchante impression. Vous vérifiez et avec la réduction de 5% appliquée presque partout, le tome 5 papier édition poche vaut seulement 8 € pour l’équivalent de deux tomes numériques. Bon, 7,98 € mais on ne va pas chipoter.
Oui, vous venez d’acheter un ebook qui vaut entre 3 et 4 fois plus cher que sa version papier, et qui de plus est totalement renuméroté par rapport à votre lecture précédente.
Sérieusement, comment le lecteur peut-il s’en sortir ?
Oui c’est un cas réel, même si romancé. Non, pas de nom (et je ne parlais pas de Game of Throne même s’il semble d’après les réactions que le problème soit similaire), parce que ça n’apporte rien, que mon objectif n’est pas de pointer du doigt X ou Y, et que je veux bien croire que les concernés soient de bonne foi avec juste d’une mauvaise organisation. Heureusement ces cas relèvent de l’exception, mais la pilule doit parfois être difficile à avaler.
Mis à jour et explication : Le billet a été légèrement modifié après publication pour tenir compte des raisons du problème. Nous avons ici trois facteurs qui se cumulent :
Premier facteur : Tout d’abord, il arrive qu’un livre broché grand format soit publié en plusieurs tomes lorsqu’il passe en édition poche. Plus rare à ma connaissance, il peut aussi arriver l’inverse : Plusieurs tomes grand format sont réédités en un seul livre poche. C’est ce qu’il s’est passé ici.
En papier cela ne pose pas de problème majeur vu que l’édition poche est éditée longtemps après l’édition brochée grand format. Souvent cette dernière n’existe plus et les deux ne circulent pas en parallèle. Dans notre cas le premier tome de l’édition poche est paru trois ans après la fin de commercialisation de l’édition brochée grand format du même tome. Pris isolément c’est maladroit mais tout va bien.
Deuxième facteur : Au lieu d’indiquer « tome 1 et 2 » sur le poche, la série a été entièrement renumérotée. La numérotation des uns et des est indiquée assez visiblement sur la couverture, ce qui peut induire facilement le lecteur en erreur s’il cherche à suivre la série d’une édition à l’autre.
Malheureusement ici, c’est l’édition grand format qui sert de support à l’édition numérique. Elle hérite donc de la même numérotation, concurrente à celle de l’édition poche. Là aussi, pris isolément c’est compréhensible, mais au final les deux se retrouvent bien en vente au même moment, avec le risque que le lecteur glisse du papier au numérique avec une très mauvaise surprise après achat.
Troisième facteur : L’édition numérique est basée sur l’édition brochée grand format. Si elle est bien décotée par rapport au prix original, c’est par rapport au prix de cette édition grand format que le calcul a été fait : 15 € au lieu de 19 €.
Entre temps les poches sont sortis, avec un prix entre 8 et 10 € suivant les tomes, et le prix du numérique n’a pas été impacté. Chaque poche regroupe deux tomes de l’édition grand format, ce qui veut dire qu’un tome édition poche à 8 € contient le même texte que deux livres numériques à 15 €. C’est tout de même un facteur de 3,75 entre les deux prix, en faveur du papier. Incompréhensible pour le lecteur.
Les prix numériques plus chers que l’édition poche correspondante c’était assez fréquent par le passé. Désormais on en trouve de moins en moins. On est juste tombé sur un éditeur qui n’a pas encore fait sa transition sur ce point là.
Comme je le supposais, plus qu’une mauvaise volonté c’est probablement simplement le cumul d’une maladresse et d’un manque de coordination ou/et d’organisation commerciale entre la division numérique et la division papier.
Le problème c’est que non seulement tout ça reste incompréhensible pour le lecteur mais surtout que ce n’est pas son problème. Lui se retrouve à payer 15 € la moitié d’un titre qu’il a déjà lu alors que la version papier de ce qu’il cherchait coute moins de 10 €. S’il revient au numérique plus tard c’est qu’il est sacrément motivé, et ce sera avec un autre libraire/distributeur. On est en train de se tirer une balle dans le pied avec ce type d’histoires.
-
Streaming dans la musique
J’aillais réagir sur un billet concernant le streaming dans le livre, mais finalement c’est toute la mise en contexte que je rejette. Je me méfie beaucoup des chiffres sur la musique. Regardons un peu plus près :
Un achat pour 400 écoutes
0,04 centimes par achat numérique et 0,0001 par écoute, ça veut dire qu’un achat rapporte autant que 400 écoutes.
Il serait intéressant de savoir combien de fois on écoute habituellement nos titres achetés. Si c’est du même ordre de grandeur, alors on peu ignorer superbement tous ceux qui critiquent la rémunération du streaming.
Il faut aussi prendre en compte que le streaming ne remplace pas forcément un achat, particulièrement les écoutes gratuites. Il se fait aussi pour des titres qu’on n’aurait pas acheté, ou dans des situations où on n’aurait pas sorti le baladeur.
Dans ces cas la comparaison est faussée car la rémunération du streaming s’ajoute à celle de l’achat, et là même une petite rémunération doit être vue comme un succès.
Compter en rémunération par écoute au lieu de compter en rémunération globale c’est tenter de faire coller un modèle de rareté, très adapté à la vente physique, au monde numérique qui lui est adapté à un modèle d’abondance : 0,0001 euro sur un million d’écoutes ou 0,01 euro sur 10 000 écoutes ça revient bien au même. L’important n’est pas le prix par écoute ou le nombre d’écoutes, mais combien ça rapporte au final.
Un modèle qui rapporte
Et si on s’attache au cumulé, sur les 9 premiers mois 2012 le streaming c’est un montant équivalent à 75% de l’achat numérique.
Les deux sont en progression donc l’un ne remplace pas l’autre. Le streaming c’est 30% de progression. Autant dire que c’est très bon.
Un marché porteur, nouveau, qui en partie s’ajoute aux précédents, avec une progression de 30%, dans un marché global en baisse, si on frissonne je peux imaginer que c’est de plaisir.
On lit d’ailleurs un peu plus bas que le streaming pèse 57% des revenus musicaux. Pour un modèle déclaré comme ne rapportant rien… ça fait peur.
Parlons de Johny et de répartition
Mais il y a un point très intéressant dans l’histoire, c’est le chiffre annoncé de 0,01 centime par écoute pour Johny Halliday.
Il faut dire que pour le même interprète on parle de 4 centimes pour un achat. Ses titres iTunes sont entre 99 c. et 1,29 euros. Ça veut dire qu’il a un droit d’auteur entre 4 et 5% du hors taxes. Franchement c’est très peu, et je n’y crois guère. Pas pour Johny. C’est particulièrement vrai pour lui qui dure depuis longtemps et qui a des ventes assurées. Il est même un cas particulier en ce qu’il est connu pour vendre très très bien son vieux catalogue. Il est donc probable qu’il arrive à négocier mieux.
Si les chiffres sont vrais, il y a problème et ce n’est pas lié au streaming ou au numérique mais aux contrats faits par les majors. Le problème est là.
C’est particulièrement vrai quand on regarde le 0,01 centime par écoute. Le même billet montre qu’il y a probablement un chiffre d’affaire de 4277 $ pour 800 000 écoutes, soit 0,41 centimes d’euros. L’histoire ne dit pas si c’est du hors taxes ou pas, mais même dans le meilleur des cas ça veut dire que que Johny touche 3% du hors taxe sur les écoutes en streaming, donc encore moins que pour un achat.
Je ne sais pas vous, mais là aussi, moi je n’irai pas taper sur le streaming. Il y a des intermédiaires qui doivent bien en profiter.
On le confirme encore dans le même billet quand le responsable Spedidam se plaint que les musiciens et choristes ne touchent rien du tout. Si le streaming rapporte peu en global c’est une vraie question (mais on a vu que ce n’était pas le cas). Si par contre quelqu’un ne gagne *rien*, alors le problème est plus au niveau de la répartition des droits que sur les revenus générés.
Tout ça est encore illustré par le fait que les sociétés de streaming ne seraient toujours pas rentables. Pour des sociétés qui génèrent 36% des revenus de l’industrie et sachant que les artistes gagnent très peu en droits, il y a des gens qui se gavent au milieu. Je vous laisse deviner qui.
Plus que le streaming, ce sont les intermédiaires qui sont en question dans tous ces chiffres (et ce n’est pas neuf)
Musique, livres
Je me suis concentré ici sur l’exemple de la musique, pour montrer que non, le streaming en soi n’a pas à être peint en noir.
Maintenant pour moi les usages de musique et de littérature sont trop différents pour les associer. Les modèles économiques du streaming des deux activités n’ont pour moi rien de commun. On en parlera dans un autre billet.
-
42 pour une seule école ? ça fait 41 de trop
Bon, une nouvelle école. Quelques réactions :
J’apprécie l’ouverture sans trop faire attention à l’âge. Les formations privées sont trop souvent attachées au cursus avec l’obligation d’enchaîner sans s’arrêter sous peine de devoir passer dans les formations continues spécifiques pour.
J’apprécie aussi l’honnêteté de faire une vraie sélection, sur l’été pour laisser les élèves avoir une porte de sortie avec la fac. Le fait de croire dans une formation de développeur et pas que dans des chefs de projets / ingénieurs, ça me fait aussi plaisir : Il faut recrédibiliser ces postes si on veut avoir des gens compétents.
Technicien expert, C++
On y forme des techniciens, dans la pure lignée Epita / Epitech. Que ce soit un ancien Epitech qui reprenne la chose n’est pas anodin. Ce n’est ni un plus ni un moins, juste différent de beaucoup de formations actuelles. Je continue à voir une vraie différence entre ceux qui sont formés avec une orientation « ingénieur » et ceux qui sont formés avec une orientation « technicien expert ».
Une école de plus avec de réels techniciens informatiques très pointus, ok, pourquoi pas, voyons plus loin.
On ne cède pas à la mode. Tout s’apprend par C++ dès la première année. C’est la langue obligée qui sert de base pour le reste si je lis bien le programme. Je dirais que ça ne fait pas de mal, que les développeurs bas niveau sont trop peu nombreux, mais je questionne la pertinence de voir le modèle objet par le prisme de C++.
Peu de web
Par la suite il y a de nombreuses sections pour C# et les technologies Microsoft, quelques sections Java, mais pour le reste on repassera : 3 crédits pour apprendre toutes les technologies web (Javascript, PHP, HTML, XML, etc.) et 3 autres pour apprendre en même temps les frameworks web et le e-commerce (Rails, Zend, Ruby, le e-commerce, les cms, les IHM web, et même l’ergonomie web), ça fait franchement chiche, même pour un simple survol Si j’étais méchant je dirai qu’on comprend mieux le pourquoi des interfaces de Free.
Peut être est-ce parce que c’est mon domaine et que j’y attache de l’importance, mais le web me semble l’objet technologique majeur de ces dernières années. Bref, pour moi c’est étrange d’y consacrer si peu. Je ne vois pas les gens apprendre Javascript, PHP, HTML5, Zend Framework, Ruby et Rails comme ça d’un coup.
Quelques points datés
Je continue à tiquer sur GANTT, UML, Merise, ITIL. Je peux le comprendre dans certaines formations. J’ai plus de mal dans une nouvelle formation de zéro, et surtout dans celle là qui est très orientée pratique / technique / développement.
À l’inverse, pour une formation axée sur le projet et la mise en pratique, parler de méthodes agiles en dernière année ça me semble un peu du gâchis.
Point global sur le programme
Bon, mais finalement tout ce qui précède reste assez cohérent. On forme des techniciens experts, plutôt bas niveau, dont le haut du panier saura probablement intervenir partout avec aisance et compétence.
Tout juste le programme laisse-t-il apparaître beaucoup de noms de technologies et j’aurais aimé y voir plus d’algorithmie ou de théorie, mais il est tout à fait possible que ce soit abordé à l’occasion des projets.
Je ne vais pas dire que c’est ce que j’aurais choisi en créant une formation, mais ça ne me semble pas mériter toutes les critiques que j’ai vues.
Enrobage marketing
Non, moi ce qui me fait prendre de la distance c’est l’enrobage. Ça pue le mauvais marketing au point que ça en est négatif. J’ai l’impression de retrouver l’EPITA en 97 : tutoiement, on met en avant la création de virus, une épreuve de sélection « ultime et redoutable » (qui élimine 2/3 à 3/4 des candidats, donc bien moins que la plupart des concours ou processus de sélection, dans l’éducatif ou non), le but est plus d’en mettre plein les yeux que d’apparaître sérieux.
On retrouve aussi cet enrobage dans le super marketing « pas de diplôme, l’important ce sont les compétences ». Sauf que le diplôme en France c’est essentiellement un certificat indiquant que tu as suivi une certaine formation. Au lieu d’indiquer « diplôme de master à xxxx » les élèves indiqueront « suivi formation complète à xxx ». S’ils ne le font pas c’est mauvais signe pour la réputation de la formation en question.
Pas de diplôme
Au final ça ne changera donc rien. Ou plutôt si, ça rendra impossible certains emplois publics ou difficile certaines embauches à l’étranger, ça sera irréaliste d’enchaîner sur d’autres études supérieures comme la recherche ou un MBA en gestion/commerce pour la double compétence, et ça empêchera les échanges par équivalence de diplôme/compétence en Europe.
Je note d’ailleurs que le parcours du DG[*] avec un MBA à HEC ne peut probablement pas être fait dans cette nouvelle école (sauf à reprendre de zéro la prépa HEC) justement à cause du manque de diplôme. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Tout ça pour quoi, un effet de manche marketing ?
En fait là aussi ça me fait beaucoup penser à l’EPITA qui à l’époque se défendait de trouver un intérêt à avoir un diplôme reconnu par la CTI mais qui tentait régulièrement de la demande (et se fera rejeter jusqu’en 2007).
Je me dis que l’absence de diplôme en sortie est probablement dû à l’absence de pré-requis du bac en entrée (ça empêche probablement de faire reconnaître le niveau ensuite par l’État) mais ça aurait été plus honnête de l’exprimer ainsi.
[*] D’ailleurs, c’est moi ou il y a un couac ? Dans son profil Linkedin le DG en question est ingénieur EPITA depuis 92 alors que cette dernière ne délivre de diplôme reconnu que depuis 2007. Même chose pour la précision du master EPITECH 2005 alors que l’école n’est habilitée que depuis 2007. Pire, parce que là il indique une formation entre 1999 et 2005 alors qu’il a fondé l’école et en était le DG à ce moment là (ça me parait un peu incompatible avec l’idée d’en sortir diplômé pour moi). On voit qu’effectivement tout n’est pas clair côté diplômes, et ça n’inspire pas confiance (Je me souviens un peu trop de l’ambiguité entretenue concernant le titre ingénieur à l’EPITA avant qu’ils n’obtiennent l’habilitation).
Formation
Je retrouve encore EPITA dans l’idée qu’ils forment des architectes techniques, des chefs de projets et des experts. J’ai bien parlé de technicien expert plus haut, mais c’est plus pour faire la différence avec nombre de formations de techniciens basiques. Il reste que faire miroiter qu’être architecte ou expert en sortie d’école c’est tromper les élèves. À mon époque certains EPITA croyaient valoir deux fois le salaire d’embauche moyen tellement on leur montait la tête à ce niveau (je parle d’EPITA mais ce n’étaient pas les seuls).
Et là où je bip c’est quand je vois parler d’école peer-to-peer. Outre le mot clef marketing pour les élèves en manque, ça me rappelle ce que j’ai vu dans d’autres organismes de formation où ce sont les élèves qui donnent les cours aux autres élèves. Ça peut fonctionner, mais ça a aussi de graves manques. C’est aussi juste infaisable au départ.
Si on ajoute que monter une promo de 1000 élèves en une seule année est quasiment infaisable en arrivant à une bonne qualité de formation, j’ai tendance à croire que les cinq premières promo passeront à la trappe et qu’on s’en moque.
Epita / Epitech / 42
Au final voilà juste une EPITA / EPITECH de plus, fondée par la même personne, avec la même orientation de technicien expert, la même philosophie vis à vis des diplôme (affirmer que c’est inutile jusqu’à enfin réussir à avoir l’habilitation), le même danger sur la formation en partie assurée par les élèves. Faire des écoles en série ne m’inspire pas tant confiance que ça. La formation n’est cependant pas aussi critiquable que ne le laissent entendre quelques geeks.
Côté résultat, comme les EPITA / EPITECH, il peut en sortir du mauvais comme du bon. Et comme dans les deux autres, il en sortira probablement quelques-uns de très bons, comme une masse qui n’est pas exceptionnelle pour autant. Bref, comme partout : La valeur des gens dépend plus des gens que de la formation.
Vus le système, la promo immense et le côté marketing un peu forcé, je conseille tout de même au moins de ne pas faire partie des premières promos qui risquent de payer les pots cassés.
