Je l’ai promis à Pascale, alors je tente de décrire la façon dont je lis. Attention c’est long.
J’ai à l’esprit ce héros qui lit les livres en photographiant mentalement chaque page qu’il tourne à vitesse rapide. Je suis certain que vous en avez un en tête, qu’il soit personnage de livre ou de série télévisée.
Survoler les pages
Je ne sais pas le faire, et c’est bien dommage, mais je garde une sorte de lecture photographique, ce qui me permet de faire semblant de me croire dans la même catégorie que le héros plus haut.
Je crois que je n’ai jamais lu en suivant les lignes comme ont semblé le faire mes camarades au moins jusqu’aux études supérieures. Je me rappelle même mon primaire où après une première lecture à ma façon je me mettais à bouger les lèvres ou à bouger les yeux de gauche à droite en attendant que ça passe pour faire comme les autres et éviter de me faire remarquer.
Lecture verticale
Pour la fiction, format poche, mes yeux parcourent une ligne qui va de haut en bas, assez rapidement. Plus la lecture demande de l’attention (dialogues, personnages multiples), plus cette ligne se rapproche du quart gauche du texte, verticale. Plus la lecture est simple plus on se rapproche du milieu voire du tiers droit du texte, et prend un angle vers la diagonale.
Avec ma propre fatigue, un besoin d’attention ou de la lumière, je finis aussi par mélanger le suivi de cette ligne avec quelques points de focalisation à droite : Suivi de la ligne à gauche, un point à droite un peu plus bas, puis on reprend la ligne un peu plus bas à gauche, faisant une sorte de zig zag. Plus la fatigue monte, plus je fais de points à droite. Disons entre trois et six sur un format poche. Quand je commence à en faire plus j’abandonne assez rapidement la lecture.
Lecture en diagonale
Pour les autres textes je commence généralement ma ligne directrice en haut du tiers droit du texte et descend en diagonale vers le bas du tiers gauche avant de glisser horizontalement de nouveau à droite. Si ma compréhension n’est pas suffisante je remonte par l’autre diagonale (oui, à l’envers), puis commence par éventuellement chercher des points encore peu couverts (dans l’ordre : milieu du tiers droit, en bas au centre, milieu du tiers gauche, en haut au centre, …). Si je ne comprends toujours pas alors je reprends du haut avec un système en zig zag comme pour la fiction, mais je pense que j’abandonne souvent avant d’en arriver là.
On peut dire que dans la non-fiction je scanne plus que je ne lis, et c’est un peu vrai, mais quand je fais vraiment une lecture en diagonale ou une recherche, je pars quasiment toujours du bas à droite pour remonter au haut à gauche. Je suis convaincu que c’est une procédure d’évitement inconsciente pour me forcer à ne pas lire justement.
Compréhension et ressenti du texte
Comprendre
Vous pourriez me dire que c’est une lecture en diagonale et que je ne lis pas le texte mais vous vous tromperiez. Je perçois au contraire très bien le texte, avec la prétention d’une compréhension de texte plutôt au dessus de la moyenne.
Le résultat c’est que je lis vite, avec une compréhension globale très bonne. Je suis aussi très sensible au style d’un bon auteur. Une écriture hachée, sèche et ponctuée aura un impact direct sur mon ressenti. Certains auteurs jouent très bien avec ça et me transportent totalement.
Détail ou image globale
La lecture de gauche à droite m’est réellement pénible. Elle me fatigue, et elle m’agace. L’abandon n’est jamais loin derrière et la compréhension est loin d’être meilleure. Elle ne me permet pas d’embrasser le texte ou d’entrer dans l’histoire. C’est pour moi comme regarder une peinture en regardant chaque centimètre carré séquentiellement sans jamais reculer pour voir l’ensemble.
En échange je perds certains détails, y compris des détails majeurs. Un détail majeur c’est quand le héros assiste à un enterrement mais que le mort lui-même ne prend pas réellement place dans l’intrigue. Je lis le contexte, le ressens, comprends les émotions, les implications, mais je peux totalement passer à côté du fait qu’il y a eu un enterrement. C’est un détail, majeur vu qu’on y passe deux chapitres, mais un détail quand même qui n’est pas l’objet du déroulé de l’histoire, ou en tout cas dans mon vécu de l’histoire. Ce « détail » est tout de même lu donc s’il devient important par la suite je l’aurai en tête à ce moment là, et au pire rebrousserai chemin cinq chapitres en arrière pour relire les trois pages concernées avant de revenir à ma page en cours.
Me relire, moi ?
Cette lecture globale de la page me rend très difficile les relectures. Je sais que se relire est une épreuve pour tous mais j’ai vraiment l’impression que j’ai une difficulté supplémentaire : Comme je ne lis pas phrase à phrase mais que je perçois le texte, non seulement je perçois ce que j’ai voulu écrire et non ce que j’ai écrit, mais en plus je peux laisser des demies-phrases sans queue ni tête sans que ça ne me choque un seul instant – l’ordre des mots ou l’absence de la moitié d’une phrase n’est finalement qu’un détail dans la vue d’ensemble.
Dis, comment il s’appelle le héros ?
Pour revenir à la méthode de lecture elle-même, si vous suivez l’ordonnancement de mes sens de lecture, tout ça implique que je porte bien plus d’attention aux lectures de fiction (bien plus proches de la droite de la page et d’une lecture en diagonale) qu’aux lecture de non-fiction (plus proche de la gauche et d’une lecture en zig zag).
La lecture de mes romans de fantasy habituels me demande effectivement beaucoup plus d’attention que des documents techniques. C’est à relier à un symptôme très clair : Je suis incapable de vous dire comment s’appelle le héros de l’histoire que je suis en train de lire. Mais alors totalement incapable.
Méthode globale
Je repère le nom du héros dans le texte et au bout d’un moment je l’intègre et le fais mien. Je suis toujours totalement incapable de savoir le prononcer, et je ne suis même pas certain de le reconnaitre si vous l’oralisez, mais je sais que ce mot là c’est le héros. Je tiquerai par contre immédiatement si vous l’écrivez avec une faute, même si le nom est une succession improbable et imprononçable de consonnes ; surtout dans ce cas là d’ailleurs.
Je lis par reconnaissance de mots, voire de groupes de mots. J’ai même tendance à croire que dans des lectures rapides je perçois des ensembles de mots et y associe un sens global, sans suivre les phrases elles-mêmes.
Il y a quelques années on parlait de méthode syllabique et de méthode globale aux JT, je suis clairement du second côté. Je sais qu’on m’a enseigné le b-a-ba mais je ne me rappelle pas me l’être vraiment approprié comme méthode.
Euh, c’est qui lui ?
Le défaut de la méthode globale c’est la reconnaissance des mots nouveaux. C’est d’autant plus vrai que je lis la page elle-même globalement et non phrase à phrase. Un mot inconnu est donc totalement ignoré, comme s’il n’était pas là. Le plus souvent le sens reste compris mais si ce mot inverse le sens complet du texte, je risque définitivement de ne rien comprendre. Expérience rare mais vécue, malheureusement.
Cette non reconnaissance des mots inconnus c’est aussi une difficulté accrue pour intégrer des personnages ou des termes techniques à l’histoire. Les allers-retours avec les premiers chapitres sont donc assez fréquents, même passé la moitié du livre.
Continuer à lire beaucoup de fantasy avec des noms totalement inventés pour les objets, les concepts et les personnes doit relever chez moi du masochisme le plus primaire. C’est encore pire quand le héros est parfois nommé par un prénom et parfois par un nom car alors je vais mettre un bon moment pour recoller les deux dans mon esprit.
Et vous ?
J’ai tenté un peu d’introspection, en essayant d’éviter de trop faire coller mes observations avec ce que j’aimerai observer. Toute observation modifie l’objet mesuré, et celle ci ne fait pas exception. Je ne prétends pas être objectif mais j’ai toujours eu l’impression de lire réellement différemment des autres, la vitesse de lecture n’étant qu’une conséquence de la méthode de lecture.
Qu’en est-il réellement ? Et vous, vous lisez comment ?
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