Auteur/autrice : Éric

  • Culture, entre propriété indi­vi­duelle et bien commun

    Je lis Niel Jomunsi abor­der avec brio la ques­tion de la diffu­sion de ses oeuvres, de la copie et de son impact. Je n’ai limite rien à ajou­ter telle­ment c’est bien pensé et bien expliqué. Je ne saurai trop vous recom­man­der la lecture.

    Thierry Crou­zet répond, en parlant d’al­go­rithmes.  Je ne comprends pas cette vision et ce voca­bu­laire tech­nique.

    On copie. Pas d’al­go­rithme ou de magie à l’oeuvre du point de vue utili­sa­teur. Copier on le fait déjà avec des images, avec du texte, avec de la musique. On l’a toujours fait.

    On avait peur de l’im­pri­me­rie quand elle est arri­vée. Plus tard on a eu peur de la radio, avec des conte­nus gratuits ça serait la mort de la produc­tion phono­gra­phique. Puis on a eu peur des cassettes audio, puis des mêmes en vidéo, du photo­co­pieur, du graveur de CD, du rattra­page TV.

    Non, ce qui arrive n’est pas l’ef­fet de bord de la révo­lu­tion numé­rique. Ce qui arrive est l’évo­lu­tion natu­relle de notre société, conti­nue depuis des siècles. Le fait qu’on travaille avec du numé­rique n’est pas plus struc­tu­rant que le fait qu’on ait travaillé avec des photo­co­pieurs il y a 50 ans ou avec du plomb il y a 100 ans.

    Je ne dis pas que le partage numé­rique à grande échelle ne va rien chan­ger – au contraire – mais d’une part il faut arrê­ter de croire que la présence de conte­nus gratuits va dimi­nuer d’au­tant le budget cultu­rel – le passé a prouvé plusieurs fois que ce n’était pas le cas – d’autre part affir­mer que la rému­né­ra­tion à la copie est indis­pen­sable est forte­ment mécon­naitre notre histoire : Ce modèle actuel de rému­né­ra­tion à la copie est tout récent, la part la plus impor­tante de notre culture s’est forgée dans d’autres modèles.

     

    Pour la suite, désolé, mais je ne comprends pas l’ar­gu­men­ta­tion qui veut amal­ga­mer les caisses auto­ma­tiques, le trading haute fréquence et le droit de parta­ger un livre numé­rique à son voisin. Je ne dis pas que ce sujet est inin­té­res­sant, mais ça n’a un peu rien à voir à mon humble avis.

    Quand on parle de copie de conte­nus cultu­rels on ne parle pas d’au­to­ma­ti­sa­tion d’un travail manuel, on parle d’équi­libre entre l’in­té­rêt indi­vi­duel de l’au­teur (et de la chaîne d’édi­tion/produc­tion) et entre l’in­té­rêt collec­tif de la société. C’est un sujet qui n’est pas léger, mais ce n’est « que » ça : un équi­libre à trou­ver.

    Inter­dire les copies ? C’est chan­ger l’équi­libre pour se rappro­cher de l’in­té­rêt indi­vi­duel (puisque des copies et des prêts on en a toujours eu même avant le numé­rique).
    Lais­ser faire les copies ? C’est lais­ser l’équi­libre déri­ver vers le collec­tif. C’est une direc­tion qui est prise depuis des dizaines ou des centaines d’an­nées, bien avant le numé­rique, mais qui fait un bon inima­gi­nable aujourd’­hui.

    La ques­tion est juste là. Où se situe l’équi­libre entre l’in­di­vi­duel et le collec­tif ? Celui qui croit avoir une réponse simple a proba­ble­ment mal compris la problé­ma­tique.

  • Justice folle sur le numé­rique

    Notre justice est folle. Bon, celle des US, mais ça aurait pu se passer ici.

    No-ip est un service qui permet à des inter­nautes de donner un nom public à leurs machines person­nelles pour pouvoir y accé­der faci­le­ment depuis Inter­net. On parle de millions d’uti­li­sa­teurs.

    Ce service a été anec­do­tique­ment utilisé par des logi­ciels malveillants pour infec­ter des machines sous Micro­soft Windows.

    Réac­tion : Micro­soft s’adresse à la justice pour faire cesser le problème (plus exac­te­ment ici : filtrer les accès malveillants et réus­sir à en tracer l’ori­gine). La justice lui délègue tota­le­ment la gestion des noms de domaine No-ip corres­pon­dants.

    Bien entendu Micro­soft n’a pas eu l’in­fra­struc­ture suffi­sante pour gérer le trafic et le service No-ip s’est partiel­le­ment écroulé, lais­sant les utili­sa­teurs dans le noir.

    À vrai dire tout se serait bien passé que le scan­dale serait quand même là. La justice vient de donner à Micro­soft, qui n’est pas ciblé par les attaques infor­ma­tiques mais unique­ment concerné indi­rec­te­ment parce que ça exploite des failles de son OS, l’ac­cès aux noms de domaine d’une société tierce à qui on ne reproche rien.

    Avec ça Micro­soft contrôle (et ici a fait s’écrou­ler) le busi­ness d’un tiers, peut en tracer le volume, les clients, les services utili­sés, etc. Sans compen­sa­tion aucune.

    Tout ça sans même avoir contac­ter No-ip pour tenter de résoudre le problème en colla­bo­ra­tion initia­le­ment.

    Vous avez un .com ? prenez peur.

     

  • Auto­pre­fixer

    Je note ici autant pour ceux qui ne connaissent pas que pour mon moi de plus tard : Auto­pre­fixer, qui prend une CSS clas­sique et qui ajoute les versions préfixées utiles pour les diffé­rents navi­ga­teurs.

    Ça ne le fait pas bête­ment, genre pour flex­box ça sait gérer les diffé­rences de syntaxes. Bref : utile.

  • Mise en page fixe sur l’EPUB

    Le web a un histo­rique avec beau­coup de mises en page fixes. On allait jusqu’à indiquer en bas de page avec quel taille et quelle réso­lu­tion d’écran il fallait pour consul­ter le site dans les meilleures condi­tions.

    C’était déjà diffi­ci­le­ment tenable avant, mais l’ar­ri­vée des tablettes et smart­phones a tota­le­ment changé la donne. Depuis, c’est le terme « respon­sive web design » qui repré­sente l’état de l’art : des mises en page dyna­miques qui s’adaptent à toutes les tailles d’écran et une majo­rité des tailles de carac­tères.

    Photo sous licence CC par Jean Cotchin
    Photo sous licence CC par Jean Cotchin

    La litté­ra­ture est en train de vivre une bascule simi­laire avec le numé­rique : Les livres, au moins la litté­ra­ture clas­sique, s’adapte à l’écran et à la taille de carac­tères choi­sies. Dans le format EPUB on parle de reflow.

    Là où je suis perplexe, c’est devant l’ar­ri­vée des EPUB à mise en page fixe. D’une part parce qu’ils ont tendance à bête­ment rempla­cer le PDF, sans réelle valeur ajou­tée. Même contraintes, moins de compa­ti­bi­lité avec les lecteurs actuels, pas vrai­ment plus stan­dard vue le nombre de direc­tives proprié­taires.

    Je reste heureux de savoir que c’est du zip + html + css, parce que ça s’em­barquera plus faci­le­ment sur le web dans le futur, mais je ne peux m’em­pê­cher d’être dubi­ta­tif sur les raisons prag­ma­tiques qui peuvent pous­ser à rempla­cer du PDF par de l’EPUB à mise en page fixe.

    Photo sous licence CC par antjeverena
    Photo sous licence CC par antje­ve­rena

    Mais surtout j’ai l’im­pres­sion que l’édi­tion va encore une fois à rebours de l’his­toire du web. Pourquoi vouloir faire de la mise en page fixe ?

    Des conte­nus graphiques, parfois extrê­me­ment complexes, le web en a plus d’un, et les solu­tions pour les vues adap­ta­tives existent. Parfois ce n’est pas simple, souvent ça demande un véri­table travail de créa­tion, mais on y arrive.

    On me cite Apol­li­naire, et l’adap­ta­tion est ici extrê­me­ment limi­tée car l’objec­tif est de respec­ter une oeuvre ancienne qui ne bougera pas. C’est un exemple qui reste toute­fois excep­tion­nel.

    Des livres photo, des livres tech­niques, des livres pour enfants, des livres illus­trés, des guides de voya­ge… tout ça existe sur le web, en adap­ta­tif. Les deux seules raisons que je vois pour faire de la mise en page fixe sont le coût et la compa­ti­bi­lité.

    Sauf que si on ne veut pas inves­tir dans la créa­tion numé­rique  – ce qui me semble être un problème non seule­ment pour l’ave­nir mais aussi pour le présent proche vu que le numé­rique repré­sente déjà plus de 30% du livre aux États Unis – et qu’on souhaite une compa­ti­bi­lité maxi­ma­le… le PDF convient très bien. En fait il convient bien mieux.

    Et même là, une majo­rité de ce que je vois en mise en page fixe serait assez « simple » – toutes propor­tions gardées – à faire en adap­ta­tif. Il n’y a qu’à… C’est d’au­tant plus vrai qu’on s’oriente vers un avenir où les lecteurs EPUB sont basés sur des navi­ga­teurs web tout ce qu’il y a de plus modernes, en fait la même base que Chrome ou Safari.

    Il y a même proba­ble­ment parfois moyen de faire de l’adap­ta­tif qui dégrade très bien sur les lecteurs qui ne savent relire que du bête texte. Tout reste encore à inven­ter.

    Photo sous licence CC par Len Matthews
    Photo sous licence CC par Len Matthews

    En fait il y a une troi­sième raison que je vois très bien : Les éditeurs ont toujours pensé des mises en page fixes jusqu’à présent, des graphismes qui ne souffrent d’au­cune adap­ta­tion après impres­sion, que tout le monde voit exac­te­ment pareil.

    C’est un vrai chan­ge­ment de para­digme qu’il faut pour accep­ter des adap­ta­tions, des compro­mis, que ce ne sera pas exac­te­ment pareil partout. Ce chan­ge­ment d’état d’es­prit a mis long­temps à s’im­po­ser sur le web. C’est juste dommage qu’on recom­mence à zéro sur le livre, voire un peu en dessous de zéro.

  • Deci­sions are made by people…

    Certaines fois certaines cari­ca­tures en bande dessi­née sont telle­ment proches de certaines expé­riences passées…

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  • Reti­ring the Netflix Public API

    To better focus our efforts and to align them with the needs of our global member base, we will be reti­ring the public API program. Effec­tive on Novem­ber 14, 2014, public API deve­lo­pers will no longer be able to access Netflix content. All requests to the public API will return 404 errors.

    […]

    Thank you to all of the deve­lo­pers who have parti­ci­pa­ted in the ecosys­tem throu­ghout the years.

    Termi­ner comme ça c’est ajou­ter une insulte à l’hu­mi­la­tion.

    Vous nous avez bien servi, main­te­nant nous capi­ta­li­sons sur ce que vous avez créé et qui nous rému­nère le plus et nous vous coupons l’ac­cès au reste. L’éco­sys­tème ne nous inté­res­sait que le temps qu’on gagne une posi­tion domi­nante.

  • Travail et auto­ma­ti­sa­tion : la fin du travail ne touche pas que les emplois les moins quali­fiés

    Pour les cher­cheurs, l’in­for­ma­ti­sa­tion devrait surtout porter sur des emplois peu quali­fiés. Ils n’ont réalisé aucune esti­ma­tion pour évaluer le nombre d’em­plois touchés par l’au­to­ma­ti­sa­tion dans les années à venir, mais ils concluent leur prédic­tion en expliquant que les employés peu quali­fiés et les profes­sions à bas salaires qui devraient être les plus touchées devront être réaf­fec­tés à des tâches qui ne sont pas sensibles à l’in­for­ma­ti­sa­tion, comme celles néces­si­tant de l’in­tel­li­gence créa­tive et sociale

    L’au­to­ma­ti­sa­tion des tâches et l’avan­ce­ment des tech­no­lo­gies fait dispa­raitre les travaux les moins quali­fiés au profits de travaux plus quali­fiés mais plus rares ?

    Fumis­te­rie.

    Si dans les 20 dernières années du XXe siècle nous avons connu un exode des emplois les moins quali­fiés vers des emplois quali­fiés et très quali­fiés, la perte d’em­ploi se fait désor­mais dans tous les domaines de compé­tences.

    Et même quand ce n’est pas le cas, ce n’est pas forcé­ment une bonne nouvelle

    Si l’au­to­ma­ti­sa­tion peut amélio­rer le travail, le rendre plus stimu­lant et inté­res­sant, une machine trop sophis­tiquée peut aussi géné­rer de la déqua­li­fi­ca­tion, trans­for­mant un arti­san compé­tent en opéra­teur de machine modé­ré­ment quali­fié.

    Mais surtout on a de moins en moins besoin de réflé­chir. D’une part grâce à l’aide de l’in­for­ma­ti­sa­tion, d’autre part parce que la réflexion se concentre aux mains de quelques uns.

    Les travailleurs de la connais­sance sont eux-mêmes en train de se déqua­li­fier, ressem­blant de plus en plus à des opéra­teurs infor­ma­tiques, estime Carr.

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    On peut faci­le­ment mettre ça en rela­tion avec la concen­tra­tion des richesses et du capi­ta­lisme forcené. Moins de très riches, qui contrôlent et exploitent le travail des autres. Ceux qui restent deviennent opéra­teurs de systèmes auto­ma­ti­sés ou sur des tâches manuelles trop complexes à auto­ma­ti­sées (par des ouvriers loca­li­sées dans des pays à très bas coûts).

    Le graphique est éclai­rant. On a de moins en moins d’em­plois qui néces­sitent de réflé­chir, et on chute à un niveau excep­tion­nel­le­ment bas.

    Le pire c’est que nos poli­tiques conti­nuent à faire perdu­rer le mythe des avan­cées tech­no­lo­giques qui poussent vers des postes plus quali­fiés, alors qu’en réalité on réduit surtout le nombre d’em­ploi, en les écra­sant tous plus ou moins vers de l’exé­cu­tion intel­lec­tuelle, du contrôle de proces­sus.

    En fait, depuis les années 2000, la concur­rence dans les emplois manuels peu quali­fiés s’est accrue et les travailleurs plus quali­fiés ont pris la place des moins quali­fiés pour des emplois eux-mêmes moins quali­fiés.

    La poli­tique du « avec un meilleur diplôme vous aurez un emploi » ne fait que repor­ter le problème. L’im­por­tant est juste d’avoir un meilleur diplôme que les autres, même si la haute compé­tence est inutile. On en est à deman­der le bac ou des études supé­rieures pour tout, du person­nel de ménage jusqu’au jardi­nier en passant par l’ou­vrier à la chaîne. Le pire c’est qu’en plus on spécia­lise forte­ment les diplôme, rendant les gens très diffi­cile à redé­ployer sur d’autres missions.

    Je n’ai pas de solu­tion au problème de déqua­li­fi­ca­tion des emplois. Si ce n’est arrê­ter de s’y soumettre, profi­ter du besoin moindre pour réali­ser tu travail libre, sur des tâches qui sont et plus valo­ri­sante et plus utiles à la société. Pour ça le revenu de base est une piste.

    La pour­suite du tout emploi n’amène de toutes façons à rien, sauf le bonheur des 0,1% qui concentrent capi­tal comme capa­cité de déci­sion.

  • The empe­ror’s new clothes were built with Node.js

    Atten­tion ça va réagir :)

    I want to address one-by-one all of the strange and misgui­ded argu­ments for Node.js in one place.

    C’est chez Eric Jiang, et si c’est plein d’opi­nion, d’iro­nie et de cari­ca­ture, c’est quand même vrai sur le fond.

  • J’ai un travail, je cherche un revenu de base

    Sans chan­ge­ments de notre orga­ni­sa­tion écono­mique, seuls les proprié­taires des robots et des algo­rithmes, et quelques artistes vedettes et fonc­tion­naires réus­si­ront à gagner leur vie. Tendance déjà mani­feste quand on voit se creu­ser l’écart entre les pauvres et les riches. Pour nous sortir de cette impasse, nous devons bannir l’usage du mot chômage et instau­rer un revenu de base incon­di­tion­nel.

    C’est à la fois cari­ca­tu­ral et telle­ment vrai : J’ai un travail, je cherche un revenu [de base]