J’entends souvent que « il faut faire quelque chose ».
Oui, je partage (souvent) l’opinion qu’agir est nécessaire, parfois rapidement. Non cela n’autorise pas à prendre des décisions qui auraient des effets secondaires graves.
Non, je n’ai (souvent) pas mieux à proposer. Non cela ne veut pas dire que la décision contestée est forcément bonne à prendre.
Vous voulez éliminer la contrefaçon ?
Le blocage administratif de sites web a déjà montré plusieurs fois son échec.
On y retrouve beaucoup de sites qui n’auraient jamais du s’y retrouver. Parmi eux en Australie on a retrouvé une liste impressionnante de sites qui simplement militaient contre l’interdiction, pour d’autres solutions, ou contre le gouvernement. Ailleurs on a retrouvé des liens que le prestataire qui gère la liste de blocage a trouvé gênant pour ses intérêts économique. On y a même retrouvé des sites qui gênent X ou Y, ou leur morale personnelle. D’autres fois on a même supprimé tout un hébergeur avec des centaines de milliers de sites personnels et d’opinion.
À chaque fois le gouvernement était démocratiquement élu, de bonne foi. Les risques de dérapage si quelqu’un souhaite détourner volontairement l’outil de son objectif sont juste inimaginables. Malheureusement souvent (c’est à dire toujours sauf quand ça touche d’un coup des millions de gens), on ne l’a su que grâce à des lanceurs d’alerte, longtemps après.
En parallèle les utilisateurs ont très vite appris à utiliser des VPN et autres solutions de contournement, quand ce ne sont pas les sites qui ont simplement changé d’adresse. Il y a surement eu plus de visites bloqués sur des sites qui n’auraient jamais du l’être que sur des sites légitimement interdits.
Pourtant dans une majorité des cas on a souhaité utiliser le blocage administratif dans un cadre restreint très facile à identifier : la pédophilie. La contrefaçon est à la fois plus large et Quand on commence à parler droit d’auteur c’est quand même non seulement plus large et le côté manifeste est parfois loin d’être évident.
Bref : c’est inacceptable et non, le gain pour votre propre domaine d’activité ne pourra jamais justifier d’utiliser massivement cet outil.
Le blocage automatique est encore pire
Le blocage automatique c’est par exemple ce qu’utilise Youtube. L’idée est attirante : On prend l’empreinte de vrais contenu et on supprime automatiquement tous les nouveaux contenus qui correspondent. Le reste est signalé puis supprimé de façon automatique par les ayants droits.
Le système d’empreinte est connu pour faire un peu n’importe quoi, des suppressions de contenus contenant des chants d’oiseau à des arrêts brutaux et définitifs de flux live officiels lors multiples d’événements culturels ou politiques. Les usages de type remix, parodie sont directement mis à la poubelle quand bien même ils seraient légaux. Le fair use est totalement oublié dans les pays où il existe et une musique de fond à peine audible suffit à faire supprimer la vidéo d’anniversaire de votre Chérubin.
Quand l’empreinte n’a pas été reconnue, c’est Warner qui fait du copyfraud sur Happy Birthday. Universal quant à lui a officiellement et consciemment fait retiré des vidéos tout à fait légales mais qui étaient contre ses intérêts politiques. Comme c’est dans le cadre d’un accord privé avec Youtube, personne ne peut rien leur reprocher légalement. Les effacements arbitraires sont légions, et les utilisateurs totalement impuissants.
Reste les notifications de retrait
On peut toujours demander à Google la désindexation de liens via la procédure de la LCEN en France ou le DMCA aux États Unis. C’est encore la moins mauvaise solution parce qu’on cible une adresse très précise, normalement vérifiée en amont manuellement.
Ajoutez à cela les copyfraud qui deviennent de plus en plus fréquent et qui permettent une censure immédiate sans passer par la case judiciaire et on a une sauce explosive. Il y a bien des mesures qui condamnent les fausses notifications mais à connaissance elles ne sont pas appliquées.
En pratique certains ayant-droits commencent à faire des robots qui font des requêtes légales de désindexation automatiques. Disons que c’est l’outil le moins dangereux pour l’instant, mais il en faudra peu pour qu’il s’industrialise encore plus et devienne un des pire : car avec un cadre légal rendant responsable tout intermédiaire qui n’agirait pas comme demandé.
Alors quoi ?
Alors je ne sais pas. Je n’ai pas la solution. Je sais juste que celles proposées me semblent trop dangereuses.
Je reste juste très dubitatif face à tous ces gens qui considèrent l’absence de procédure judiciaire comme un point positif et indispensable. On a pourtant bien des procédures qui se font en 24 ou 48h, avec un juge qui pourrait jouer l’arbitre et stopper les dérives les plus évidentes.
Quand on veut on peut. Mais non, on préfère demander des procédures d’exception au lieu de demander une justice rapide. Pourquoi ? À qui profite le crime ? je vous laisse répondre avec les éléments ci-avant.
Photo d’entête sous licence CC BY-NC-ND par Spyros Papaspyropoulos
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