Auteur/autrice : Éric

  • Comment la France veut contrer Netflix

    On note déjà par le titre que la France n’a pas pour objec­tif de four­nir un service meilleur ou aussi bon, ni de profi­ter d’une acti­vité écono­mique nouvelle, mais unique­ment de contrer et empê­cher quelque chose de neuf, et d’amé­ri­cain.

    Déjà ça part mal, et quand on aura dépassé ce stade, alors peut être qu’on pourra parler de French Tech, d’in­no­va­tion et de muta­tion numé­rique.

    Il [le CNC, centre natio­nal du cinéma, organe géré par le gouver­ne­ment] préco­nise des rappro­che­ments pour abou­tir à des offres visant l’au­dience la plus large possible ou un public plus restreint, dites offres de niche, afin de redy­na­mi­ser le secteur. Objec­tif : éviter que Netflix ne prenne une avance trop forte par rapport aux acteurs français.

    […]

    La première option des pouvoirs publics était la plus évidente : favo­ri­ser un rappro­che­ment, dans ce domaine, entre Orange et Canal+, deux des trois prin­ci­paux acteurs de la VoD en France (avec TF1). Cette option pouvait même appor­ter une solu­tion au cas Daily­mo­tion. Mais les négo­cia­tions ont échoué (lire ci-dessous). Le CNC a donc iden­ti­fié plusieurs entre­prises qui pour­raient servir de tête de pont face à Netflix. AlloCiné figure en tête.

    Bref, ça se confirme, et la méthode prévue c’est créer un masto­donte orga­ni­sa­tion­nel. La seule chose qu’on est capable de voir dans Netflix c’est la taille. Parler d’ex­pé­rience utili­sa­teur, de cible diffé­rente, d’ap­proche client ? Certai­ne­ment pas. On va juste créer une entité qui rapproche quelques énormes entre­prises et croire que d’un coup ça va appor­ter une solu­tion. Comme si c’était le problè­me…

    Quand c’est qu’on met des gens qui réflé­chissent à la tête des subven­tions gérées par l’État ?

  • Jour­na­listes, arrê­tez de parler de méta­don­nées

    D’abord c’est quoi une méta­don­née ? Le préfixe « méta » est utilisé pour dési­gner une réflexion. La méta­don­née c’est une donnée sur la donnée.

    La donnée d’une conver­sa­tion télé­pho­nique c’est la conver­sa­tion. La méta­don­nées c’est qui télé­phone à qui, combien de temps ça dure, dans quelle langue, par quel opéra­teur, à quelle heure, etc.

    Le point impor­tant c’est que tout ça est ques­tion de contexte. La « donnée sur la donnée » est une donnée à part entière. Si vous vous inté­res­sez à qui télé­phone à qui, ce que vous récu­pé­rez c’est de la donnée, pas de la « méta­don­née ».

    Ce qui pouvait être un simple terme tech­nique devient un élément de langage pour amoin­drir l’im­por­tance du viol de nos vies privées.

    Les États ne récu­pèrent pas des méta­don­nées, ils récu­pèrent nos données, tout simple­ment. Pas toutes les données, par exemple peut être pas le contenu des conver­sa­tion télé­pho­nique, ou pas tout le temps, mais des données tout de même, et pas des moindres.

    En conti­nuant à parler de méta­don­nées vous sortez de la descrip­tion objec­tive de ce qu’il se passe et vous oubliez votre rôle d’ana­lyste de l’in­for­ma­tion : Vous retrans­met­tez les éléments de langages de tiers qui ont pour but de façon­ner le ressenti de vos lecteurs. En cela vous trom­pez et vous vous compro­met­tez.

    Petit exemple pratique ? Quand on titre « Voda­fone confirme que six pays ont un accès direct à ses méta­don­nées » on trompe le lecteur en le distançant de ce qu’il se passe. Non seule­ment ce sont des données, mais ce sont les données de ses clients, pas celles de Voda­fone (même s’il en a le dépôt).

    Titrez « Voda­fone confirme que six pays ont accès à une partie des données de ses clients » et vous verrez une prise de conscience bien diffé­rente. Ce sera en tout cas bien plus proche de ce qu’il se passe.

  • Comp­ta­bi­lité « un peu artis­tique »

    Selon lui, son épouse tenait une comp­ta­bi­lité « un peu artis­tique », et « n’avait déclaré aucun revenu pour 2011 », suite à quoi le fisc « a réta­bli des reve­nus chif­frés à 181.122 euros ».

    Oui, on peut gagner 180 000 euros et en décla­rer zéro, juste parce qu’on ne tient pas tout à fait bien ses comptes. C’est presque pareil il faut dire.

    Le PDG d’EDF Henri Proglio, objet d’une enquête préli­mi­naire pour « trafic d’in­fluence », a indiqué lundi avoir remboursé 60.000 euros versés à son épouse par une asso­cia­tion soute­nue par EDF, tout en assu­rant n’avoir jamais fait pres­sion pour que l’en­tre­prise ou ses four­nis­seurs financent ses spec­tacles.

    Parce que finan­cer 60 000 euros sur fond asso­cia­tif à un artiste qui en gagne déjà 180 000 par an, ça n’a rien d’ex­cep­tion­nel.

    On ne doit pas vivre dans les mêmes mondes.

  • A color picker pen that repro­duce any color

    J’en connais qui vont se jeter dessus si jamais la qualité de l’encre et de rendu est sympa. Le stylo capture une couleur via un capteur et sait la repro­duire en interne en mélan­geant des encres.

    scri-2684729-jpg_2324692Bon, 150$ le stylo avec de la vraie encre (l’autre est juste un capteur et une pointe capa­ci­tive pour tablette) mais tout de même…

    Ils promettent 20% de moins pour ceux qui feraient un kicks­tar­ter. Ça fait descendre à quelque chose comme 90€ avec le trans­port. Cher mais possible pour un coup de coeur.

  • Une France qui sacri­fie sa jeunesse

    Fran­che­ment le graphique est éclai­rant quand on compare avec l’Al­le­magne ou le Royaume Uni. On savait que la géné­ra­tion de 1950 était dorée, mais pas qu’elle handi­ca­pait à ce point les géné­ra­tions suivantes. Image et contenu sur un article du Monde.

    4434487_6_7771_les-inegalites-entre-les-generations-en_2337ca0403ae2df266903a78594922ceNous voyons surtout la baisse des salaires nets subie par les nouveaux entrants, dont l’an­cien­neté future ne permet­tra jamais de remé­dier au choc initial. L’ex­pan­sion des niveaux de diplômes a créé une géné­ra­tion iden­ti­fiée à la classe moyenne supé­rieure, mais dont le revenu glisse sous celui des classes moyennes infé­rieures de la géné­ra­tion de ses parents. Cette nouvelle géné­ra­tion vit une tendance montante de déclas­se­ment écono­mique.

    […]

    La compa­rai­son montre aussi l’ef­fet de cica­trice au bout duquel le chômage et la préca­rité des ving­te­naires se trans­forment en bas salaires à vie, en retraites plom­bées au-delà. La société française, comme les autres socié­tés médi­ter­ra­néennes, ne se contente pas de sauver le confort des seniors d’aujourd’­hui au prix de diffi­cul­tés d’in­té­gra­tion de sa jeunesse, elle l’or­ga­nise de telle sorte que les ressources perdues à l’en­trée dans la vie adulte ne se rattrapent pas.

  • GPG keysi­gning and govern­ment iden­ti­fi­ca­tion

    Ok, je n’uti­lise pas GPG. J’ai tenté par le passé mais trop peu de gens en face l’uti­lisent pour que ce soit perti­nent de mon côté (oui, je sais que l’ar­gu­ment est cyclique).

    Have you been a US barten­der before? Or held any other posi­tion where you’ve had to verify an ID? It’s not an easy thing to do. People in those posi­tions have books of valid IDs from different states. They have lights that show the secu­rity marks. They still get it wrong regu­larly. A very amateur fake ID, or borro­wed real ID, will fool just about everyone in any infor­mal context.

    Par contre j’ai toujours trouvé idiot la procé­dure qui demande à ce qu’on véri­fie physique­ment l’iden­tité du corres­pon­dant. Ce qui m’in­té­resse c’est que la personne à qui j’écris ou qui m’écrit est bien celle que j’at­tends. Pour ça la seule solu­tion c’est de faire un ou plusieurs aller-retours écrits.

    Non seule­ment je ne serai abso­lu­ment pas capable de détec­ter une fausse carte d’iden­tité, même une mal faite à 30€, mais en plus je n’ai que faire de son iden­tité civile. Ce n’est pas du tout ce que je cherche à certi­fier.

    Entre ceux qui véri­fient l’iden­tité civile à la légère en lieu et place de l’iden­tité numé­rique, et ceux qui ne véri­fient rien, le « web of trust » est assez illu­soire aujourd’­hui. Il nous faut des outils qui auto­ma­tisent et guident nos pas, sans quoi rien ne chan­gera.

  • L’ab­sence de trans­pa­rence sur le patri­moine des parle­men­taires

    Comment rendre (volon­tai­re­ment) inex­ploi­table l’exer­cice de trans­pa­rence voulu par la popu­la­tion suite au scan­dale Cahu­zac.

    Les décla­ra­tions de patri­moine ne pour­ront être ni repro­duites, ni copiées, et seuls les élec­teurs pour­ront les consul­ter en présence d’un agent. Photos ou prise de notes seraient ainsi inter­dites, empê­chant toute analyse globale.

    En clair, pour connaître le patri­moine d’un élu, il faudra être élec­teur de sa circons­crip­tion, puis prendre rendez-vous en préfec­ture. Une fois sur place, on pourra le consul­ter quelques instants, en étant accom­pa­gné, et sans pouvoir prendre la moindre note ou photo­gra­phie. Rappe­lons aussi que la presse n’a pas le droit de mention­ner le fameux patri­moine, sous peine d’une amende.

    Oh comme nous sommes loin des pays nordiques où n’im­porte qui peut deman­der commu­ni­ca­tion de n’im­porte quel docu­ment, de la note de frais d’un élu au CV d’un candi­dat à un poste public…

    Je note aussi la détes­table déviance qui voudrait que le député ne soit rede­vable que devant sa circons­crip­tion. On oublie que si le vote est local, le mandat est natio­nal. Je n’ai pas « un » député, j’en ai 577. Ils me repré­sentent tous, et j’ai moti­va­tion à me sentir concerné par chacun. De manière plus réaliste, c’est juste une solu­tion pour empê­cher toute compa­rai­son et toute statis­tique.

    Il est vrai­ment temps de mettre un coup de pied dans la four­mi­lière et d’avoir des mesures radi­cales sur le fonc­tion­ne­ment de la vie publique. Aucun repré­sen­tant n’y a inté­rêt, malgré les belles décla­ra­tions. C’est à nous de l’im­po­ser.

  • Pourquoi la France ne sera jamais acces­sible

    Oui, ça parle d’ac­ces­si­bi­lité des maga­sins aux personnes handi­ca­pées. Ne fuyez pas, c’est percu­tant et abso­lu­ment pas donneur de leçons. Ça en dit plus sur notre façon de penser nos lois et règle­ments que sur le handi­cap.

    Je crois que si j’étais commerçante, je lâche­rai l’af­faire, ça me dépri­me­rait.

    Alors je voudrais deman­der pardon, pardon à tous les commerçants qui doivent nous haïr à l’idée de faire des travaux galères, mais je vous jure, c’est pas de notre faute. Moi je suis prête à vous offrir des planches gratos et à deve­nir vendeuse ambu­lante. Mais même ça, ça serait trop simple.

     

    Le pire c’est que tout ça a de bonnes raisons d’être : La rampe qui dépasse sur le trot­toir empiète sur l’es­pace public. Il ne faut pas que ce soit la solu­tion de faci­lité, d’au­tant que si elle reste à demeure elle fera chuter des passants dans la rue (ça serait con de créer plus de handi­ca­pés, il faut bien avouer).

    Je comprends aussi qu’une rampe mal posée à la va vite par quelqu’un qui n’y a pas réflé­chi ça peut se casser la gueule, poten­tiel­le­ment abîmer un fauteuil (rappel : ça peut couter le prix d’une belle voiture ces trucs là). Deux heures d’ex­pli­ca­tions seront peut être super­flues pour quasi­ment tout le monde mais si c’est celui qui vend la rampe qui dispense la chose, ça ne sera peut être pas inutile.

    Main­te­nant il y a comme un truc qui ne fonc­tionne pas. À vouloir faire parfait on ne fait pas, et on met bien entendu les commerçants sur le dos des handi­ca­pés.

    Allez lire.

  • It’s almost impos­sible to come up with really inno­va­tive things when you have a dead­line and sche­dule

    Je ne partage pas pour le billet mais pour la cita­tion :

    “It’s almost impos­sible to come up with really inno­va­tive things when you have a dead­line and sche­dule.”

    La ques­tion n’est pas d’avoir un temps infini ou non contrôlé, mais que l’in­no­va­tion appa­rait hors des proces­sus défi­nis. On ne découvre pas la fleur hors des sentiers battus quand on se défi­nit un plan de marche et en program­mant à l’avance les étapes le soir. Il faut se permettre d’ex­plo­rer, flâner, réflé­chir. Et ça ça ne se programme pas.

  • Sous la dette publique, l’ar­naque néoli­bé­rale

    C’est un article Media­part, donc payant, mais la source est d’ac­cès public.

    On véri­fie aisé­ment que les dépenses (même y compris les inté­rêts) ne présentent pas de tendance à la hausse. Certes, on observe deux pics en 1993 et 2010, qui corres­pondent aux réces­sions. Mais sur moyen terme, les dépenses de l’État ont au contraire baissé, passant d’en­vi­ron 24 % du PIB jusqu’en 1990 à 21 % en 2008. Tout le problème vient du fait que les recettes ont, elles aussi, baissé, parti­cu­liè­re­ment au cours de deux périodes : entre 1987 et 1994, puis à partir de 2000.

    En *pan* pour la croyance popu­laire qui voudrait que l’État prélève et dépense de plus en plus. Non seule­ment la part des dépenses dans le PIB a tendance à bais­ser, mais en plus ses recettes (donc les impôts et taxes) baissent encore plus. Elles baissent assez vite pour que ce soit juste­ment le facteur de créa­tion de dette.

    G3

    « Au total, de 2000 à la mi-2012, les mesures de baisse d’im­pôts ont repré­senté 4,3 %  du PIB. Elles ont souvent favo­risé les plus riches (baisse de l’im­pôt sur le revenu, de l’ISF, des droits de succes­sion), les grandes entre­prises (niche Copé, Crédit impôt recherche) et certains lobbys (baisse de la TVA dans la restau­ra­tion). Signa­lons en parti­cu­lier que le taux margi­nal supé­rieur de l’im­pôt sur le revenu qui était de 65 % entre 1982 et 1985, avait baissé à 54 % en 1999. Il a été abaissé à 49,6 % en 2002, 48 % en 2003 et 40 % en 2006.

    Comme les baisses d’im­pôts béné­fi­cient forcé­ment aux plus riches (pour rappel, la moitié de la popu­la­tion ne paye pas d’im­pôt sur le revenu, et la TVA a elle tendance à augmen­ter derniè­re­ment), nous créons de la dette au profit des plus riches.

    la France, malgré la crise, aurait presque encore été à l’époque en confor­mité avec les sacro-saints critères de Maas­tricht si ces baisses d’im­pôts n’étaient pas inter­ve­nues, et notam­ment le critère euro­péen qui fait obli­ga­tion à ce que la dette d’un État ne dépasse pas 60 % de sa richesse natio­nale. Concrè­te­ment, sans ces baisses d’im­pôts, la France aurait certes crevé ce plafond, mais dans des propor­tions raison­nables. Juste un chouïa…

    Bien entendu on ne peut pas se conten­ter de réflé­chir ainsi, les baissent d’im­pôts ayant proba­ble­ment eu des effets macro-écono­miques posi­tifs par ailleurs qui ont pu (ou pas) compen­ser en partie, mais ça fait réflé­chir.

    Ils y ajoutent un effet boule de neige, à cause du mode de finan­ce­ment de la dette et ses inté­rêts anor­ma­le­ment élevés. Ces derniers relèvent d’un choix poli­tique pur et simple : Les banques empruntent à la BCE à coût quasi nul, puis prêtent à l’État à des coûts non négli­geables. Les inté­rêts supplé­men­taires vont gros­sir la dette qui à leur tour vont faire gros­sir les inté­rêt et ainsi de suite : faire un joli effet boule de neige unique­ment dû à un choix poli­tique de finan­ce­ment.

    Sans ce cumul d’ef­fet, voilà ce que nous aurions :

    grafsynthese

    Comme le disent les auteurs du rapport, la dette publique a donc été le prétexte au cours de ces dernières années d’un formi­dable mouve­ment de « redis­tri­bu­tion à l’en­vers », ou si l’on préfère d’un immense mouve­ment de trans­ferts de reve­nus puisque si les hauts reve­nus sont double­ment gagnants, les bas reve­nus, eux, sont perdants, étant conviés en bout de course à suppor­ter le poids du plan d’aus­té­rité pris pour conte­nir l’ex­plo­sion de la dette. En résumé, ce que les hauts reve­nus gagnent au travers des baisses d’im­pôt ou de la poli­tique de l’argent cher, ce sont les reve­nus modestes qui le financent au travers de la poli­tique d’aus­té­rité.

    Double effet kiss-cool, comme ce sont aussi les plus riches qui ont de l’épargne dans les banques, voire des parts dans les banques qui récu­pèrent les inté­rêts de la dette, ils en profitent double­ment.

    Illé­gi­time la dette ? C’est une autre ques­tion. Mais elle relève clai­re­ment de choix poli­tiques que nous avons pris, et qui sont loin d’être neutres dans la répar­ti­tion.