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  • Gérer les abon­ne­ments

    J’ai vu des sites faire des news­let­ters à la main. C’est beau, c’est effi­cace et c’est un chemin bien maîtrisé pour le visi­teur.

    Je travaille pour un petit site perso et je ne voulais pas avoir à me rajou­ter une charge manuelle de concep­tion ou d’en­voi à chaque mise à jour. En fait je ne veux même pas avoir à gérer moi-même les inscrip­tions.

    On m’a orienté vers une auto­ma­ti­sa­tion inté­res­sante de Mail­chimp : La créa­tion d’une news­let­ter auto­ma­tique à partir du flux RSS.

    Désor­mais j’ai une petite icône @ en bas de page sur le site en ques­tion. D’un clic ils arrivent sur une page Mail­chimp où ils peuvent lais­ser leur email. Ceux qui le font rece­vront un cour­rier le matin à chaque mise à jour du site, avec les derniers conte­nus publiés.

    La mise en page est plus que rudi­men­taire (parce que celle de mon flux RSS l’est) mais le flot est simple à comprendre pour le visi­teur, y compris celui qui ne comprend rien à la tech­nique.


    Mais pourquoi pas RSS ?

    Parce qu’il faudrait que je commence par affi­cher une page de texte à qui veut s’abon­ner. Là j’ai déjà perdu quasi­ment tout le monde.

    Sur cette page de texte il faudrait que j’ex­plique le fonc­tion­ne­ment de RSS à des non tech­no­philes. Honnê­te­ment ils n’en ont rien à faire, ils ne veulent pas savoir (et ils ont raison). Une partie ne sait déjà pas ce qu’est une URL ou faire la diffé­rence entre Inter­net, Google et le navi­ga­teur web. Expliquer RSS en moins d’une heure est une vraie gageure.

    Mettons que j’y arrive et que le visi­teur soit convaincu. Il faut ensuite lui recom­man­der un logi­ciel pour sa plate­forme. Pour certains ça ne posera pas de problème. Pour d’autres choi­sir Mac ou Windows, Intel ou ARM, 32 bits ou 64 bits, iOS ou Android, puis télé­char­ger, lancer l’ins­tal­la­tion sans se poser mille ques­tions, trou­ver l’icône pour lancer le logi­ciel, et c’est diffi­cile à faire sans accom­pa­gne­ment person­na­lisé. Ensuite il faut poin­ter sur le flux, lui expliquer comment en copier l’URL, la faire ajou­ter dans le logi­ciel, avec plusieurs captures d’écran suivant le logi­ciel.

    Et enfin, et ce n’est pas le moindre, il faut que le visi­teur lance régu­liè­re­ment le logi­ciel, rien que pour mon site. Et là, pour les rares qui y sont arri­vés, ça coince. Il le fera une fois, deux fois, puis après trois semaines sans mise à jour il aura oublié et c’est perdu.

    Si tant est qu’il le fasse, vu que je serai proba­ble­ment le seul flux sur son agré­ga­teur, quel sera l’in­té­rêt par rapport à une page de mon site mise en favori et que je lui deman­de­rai de revi­si­ter régu­liè­re­ment ?

    On a essayé.

    Ça fait des années qu’on essaie. J’ai de multiples billets sur le sujet ici. J’en remets régu­liè­re­ment une couche sur les réseaux sociaux, y compris sur le compte asso­cié au site web en ques­tion.

    J’ai tenté de mettre des liens vers une page wiki­pe­dia, vers des tuto­riaux. Je conti­nue à mettre en avant le flux RSS dans les entêtes, dans le bas de page, avec l’icône orange et dans en plein texte. J’en remets même une couche jusque sur le formu­laire d’abon­ne­ment par email, au cas où.

    Je le fais mais c’est plus par mili­tan­tisme. Les tech­no­philes ont juste besoin d’une icône ou d’une décla­ra­tion dans les entêtes. Les autres ne savent de toutes façons pas ce que c’est.

    Même les tech­no­philes convain­cus se détournent de plus en plus de tout ça. Il reste les irré­duc­tibles. J’en fais partie.

    Bref, j’es­saie de pous­ser RSS — il est toujours là — mais il faut propo­ser un autre circuit en paral­lèle, plus simple, plus évident, plus maîtrisé. L’email en est un, ça peut être autre chose.

  • Négo­cier son contrat de travail

    Quand je discute avec mes employeurs j’ai parfois l’im­pres­sion d’être le seul emmer­deur à discu­ter du contenu du contrat de travail. J’y tiens pour­tant. Je ne veux pas m’en­ga­ger à n’im­porte quoi, ou garder en perma­nence une épée au dessus de la tête à cause d’une clause beau­coup trop déséqui­li­brée.

    Je suis agréa­ble­ment surpris parce que visi­ble­ment je ne suis pas le seul. Une un gros tiers d’entre vous semble en faire autant.

    https://twit­ter.com/edasfr/status/1384136682820161538

    Le point essen­tiel :

    Le contrat de travail est au béné­fice de l’em­ployeur.

    Votre salaire et votre poste sont déjà sur la promesse d’em­bauche. Vos moda­li­tés de temps de travail ou conven­tion collec­tive seront les mêmes que les autres, et faci­le­ment prou­vables, donc il vous est inutile d’en avoir une copie à vous.

    Sur le contrat de travail il y a surtout les clauses au béné­fice de l’em­ployeur : l’ex­clu­si­vité, la non-concur­rence, la confi­den­tia­lité, la mobi­lité, le non-débau­chage, la propriété intel­lec­tuelle et j’en passe.

    Tout ça fait partie du deal d’un travail sala­rié mais ça ne se signe que si c’est accep­table et suffi­sam­ment équi­li­bré.

    Comment ça se passe ?

    Les dépar­te­ments RH sont plus souvent récep­tifs à des chan­ge­ments moti­vés et raison­nables qu’on ne le croit.

    Si vous ne compre­nez pas quelque chose ou que vous n’êtes pas certain, posez la ques­tion par email. Si quelque chose vous gêne, propo­sez une modi­fi­ca­tion raison­nable et expliquez pourquoi, là aussi par email.

    Le bon moment

    La première étape c’est de faire ça au bon moment : Quand on discute de l’offre, juste avant de l’ac­cep­ter. Les condi­tions d’en­ga­ge­ment font partie de l’offre, c’est normal de les deman­der, et éven­tuel­le­ment de les discu­ter. Certains trou­ve­ront peut-être ça inha­bi­tuel mais ça ne choquera personne : Deman­dez le brouillon du contrat de travail type à ce moment là.

    C’est toujours faisable après coup à lors des premiers jours de travail quand on vous propo­sera le contrat déjà fina­lisé, mais ça arri­vera comme un cheveux sur la soupe et ça sera bien plus diffi­cile à négo­cier.

    La confiance et la bonne intel­li­gence

    La chose diffi­cile c’est de réfu­ter toute notion de confiance et de bonne intel­li­gence. Bien entendu que vous faites confiance à votre employeur et qu’en cas de problème vous trai­te­rez ça tous deux en bonne intel­li­gence.

    Le truc c’est que le contrat sert juste­ment dans les autres cas, quand il y aura un conflit ouvert que vous ne pour­rez pas le résoudre entre vous en confiance et/ou en bonne intel­li­gence (ou que vous aurez une opinion diffé­rente de la dite bonne intel­li­gence). C’est d’ailleurs pour ça que votre employeur vous en impose un. Là, ce sera le texte qui comp­tera. Si ce que dit le texte n’est pas bon dans ce contexte, alors il faut le chan­ger.

    Peut-être que vos inter­lo­cu­teurs chan­ge­ront et ne seront plus là pour tenir leurs inter­pré­ta­tions ou enga­ge­ments. Peut-être que la société elle-même chan­gera de contrôle et impo­sera une autre vision.

    C’est dans ce contexte qu’il faut discu­ter, et dès qu’on vous parle de confiance ou de bon intel­li­gence, c’est proba­ble­ment cette hypo­thèse qu’il faut rappe­ler.

    Dans tous les cas la confiance et la bonne intel­li­gence sont à double entrée. On ne peut pas vous mettre une clause large et puni­tive qui montre que eux n’ont pas confiance (et préparent le cas du conflit) tout en vous deman­dant à vous de faire confiance.

    L’écrit

    Faites un maxi­mum d’échanges par email, quitte à vous-même faire un résumé de la discus­sion que vous enver­rez par email. Les inter­pré­ta­tions et réas­su­rances qu’on vous donnera (et dans une bien moindre mesure celles que vous aurez résumé et qu’ils n’au­ront pas contesté) leur seront poten­tiel­le­ment oppo­sables si besoin était.

    Faute de faire chan­ger les textes, si les enga­ge­ments oraux vous semblent raison­nables, une possi­bi­lité peut aussi être de repo­ser les inter­pré­ta­tions, réas­su­rances et enga­ge­ments qu’on vous a fait dans le cour­rier qui indique que vous accep­tez leur offre.

    J’ai bien noté dans nos échanges à propos du contrat de travail que […]. Merci de ces éclair­cis­se­ments. Je suis donc heureux d’ac­cep­ter cette offre […]

    Vous pouvez d’ailleurs jouer aussi sur ce que vous ne compre­nez pas (si effec­ti­ve­ment vous ne le compre­nez pas, ne faites pas semblant). Dire « je ne comprends toujours pas […] » est enga­geant parce que ce qu’on vous fait signer tout en sachant que vous ne le compre­nez pas est poten­tiel­le­ment réfu­table plus tard. C’est une bonne réponse si le dépar­te­ment RH vous dit « ta gueule, c’est la version légale, ça ne compte pas et ça ne veut pas dire ce que tu crois » (en plus poli).

    L’is­sue

    Idéa­le­ment vous vous mettez d’ac­cord et vous amen­dez le contrat. Vous pouvez aussi faire un avenant spéci­fique au contrat. Ça permet à l’em­ployeur de ne pas toucher au contrat commun mais vous accor­der des exclu­sions ou modi­fi­ca­tions spéci­fiques.

    À défaut de modi­fi­ca­tions sur le texte lui-même, tout enga­ge­ment ou inter­pré­ta­tion expli­ci­tée par votre employeur a force de contrat, d’où les écrits propo­sés plus haut.

    Enfin, si l’em­ployeur ne lâche rien, à vous de voir quels compro­mis vous voulez faire. Leur refus est toute­fois une infor­ma­tion en soi : Voulez-vous vrai­ment travailler dans une entre­prise qui a des clauses déséqui­li­brées ou inac­cep­tables et un dépar­te­ment RH qui refuse de tran­si­ger intel­li­gem­ment ?

    À quoi faire atten­tion

    Choi­sis­sez vos combats. Vous pouvez négo­cier le contrat de travail mais pas tout le réécrire. Si vous en faites trop, vous aller simple­ment braquer votre inter­lo­cu­teur.

    Foca­li­sez-vous sur les points les plus impor­tants pour vous ainsi sur ceux qui à votre avis sont les plus faciles à entendre pour l’em­ployeur.

    Mon conseil : Si quelque chose est vrai­ment mani­fes­te­ment exces­sif ou illé­gal au point que ça ne pourra jamais être utilisé, n’en parlez pas. Une clause de non-concur­rence illé­gale est tout à votre avan­tage : Vous pouvez espé­rer la faire exécu­ter si elle vous est béné­fique, tout en la faisant sauter si elle se révèle contrai­gnante.

    Mieux vaut porter l’at­ten­tion sur ce qui peut réel­le­ment vous nuire, ainsi que ce qui est border­line ou dont l’in­ter­pré­ta­tion peut varier.

    Voici quelques points auxquels je fais atten­tion (la liste n’est malheu­reu­se­ment pas exhaus­tive) :

    Exclu­si­vité

    Est-ce que je peux écrire un livre en paral­lèle de mon acti­vité ? Est-ce que je peux prési­der une asso­cia­tion non lucra­tive ? Est-ce que je peux faire recom­man­der un ami pour un recru­te­ment ? Est-ce que je peux faire le mentor après d’un déve­lop­peur ou mana­ger plus junior ? Est-ce que je peux contri­buer à des projets open source ou commu­nau­taires ?

    C’est en partie parce que j’ai fait tout ça en paral­lèle de mes acti­vi­tés sala­riés que je suis qui je suis, là où je suis. M’in­ter­dire ces acti­vi­tés c’est en vouloir le résul­tat sans accep­ter de me lais­ser me déve­lop­per.

    Géné­ra­le­ment l’em­ployeur ne trouve rien à redire à ma liste, alors on retire la clause, ou on fait des excep­tions expli­cites à l’écrit. C’est honnê­te­ment une clause très simple à faire amen­der tant qu’on ne prétend pas faire un second boulot plein temps en paral­lèle du premier.

    Non débau­chage

    Cette clause là est en géné­ral bien plus diffi­cile à faire chan­ger parce que les employeurs qui en ont une sont assez soupçon­neux.

    Le problème c’est que toutes les clauses de ce type que j’ai croisé sont exces­si­ve­ment larges. Elles inter­disent en géné­ral toute solli­ci­ta­tion, directe ou indi­recte, de n’im­porte qui.

    Je ne cherche pas à débau­cher mais je ne veux pas de problème si jamais un ancien collègue me rejoint. Je ne veux pas que lui soit mis dans l’im­pos­si­bi­lité de le faire, puisque pour certains employeurs ces clauses sont autant là pour restreindre leurs possi­bi­li­tés des sala­riés actuels que pour éviter le non-débau­chage.

    Un argu­ment qui porte parfois et qui m’est parti­cu­liè­re­ment impor­tant : Est-ce qu’une telle clause aurait pu m’em­pê­cher de vous rejoindre si un ancien collègue travaillait déjà pour vous et que mon ancien employeur était devenu peu coopé­ra­tif entre temps ? Si oui alors c’est inco­hé­rent (si ce n’est pas assumé) ou immo­ral (si ça l’est).

    Secret ou confi­den­tia­lité

    Ces clauses sont géné­ra­le­ment exces­si­ve­ment larges. Elles ne pose­ront proba­ble­ment pas de problème à une grande partie des sala­riés mais permet­tront un arbi­traire total si votre rôle est de commu­niquer à l’ex­té­rieur (confé­rences, recru­te­ment, commu­nauté, etc.).

    De manière inté­res­sante, c’est la seule clause qu’il est plus facile de négo­cier après le début du travail, parce qu’il y a la menace de l’ap­pliquer de façon litté­rale avec « désolé, je ne peux pas, je suis inter­dit par contrat ».

    Quand l’em­ployeur accepte la discus­sion, une solu­tion est de lui faire expli­ci­ter les cas dont il veut se proté­ger. Souvent ces cas sont déjà couverts par défaut par le droit du travail et le secret des affaires, et il n’est pas la peine d’en rajou­ter à ce point.

    J’es­saie d’être assez strict là dessus mais c’est souvent assez diffi­cile à faire amen­der.

    J’es­saie par contre au moins de refu­ser la double contrainte. Je ne peux pas avoir pour rôle de commu­niquer à l’ex­té­rieur (ce qui est proba­ble­ment le cas sur un poste de direc­tion ou mana­ge­ment infor­ma­tique, où au mini­mum on vous deman­dera de parta­ger des infor­ma­tions lors de recru­te­ments) tout en ayant une inter­dic­tion totale et abso­lue de commu­niquer quoi que ce soit.

    À minima j’es­saie donc de faire préci­ser expli­ci­te­ment — idéa­le­ment dans la même clause, à défaut dans les missions — que j’ai un rôle de commu­ni­ca­tion exté­rieure qui demande un certain degré d’au­to­no­mie dans ce que je peux avoir à dire.

    Mobi­lité et réver­si­bi­lité du télé­tra­vail

    Là c’est assez simple : Étes-vous d’ac­cord pour vous dépla­cer là où l’in­dique le contrat de travail, pour les durées indiquées ou de façon perma­nente le cas échéant ?

    Si non, c’est à faire modi­fier. Si l’em­ployeur tient à vous impo­ser une zone large malgré votre oppo­si­tion, c’est peut-être un bon signe de sa façon de voir le sala­rié.

    Même chose pour la réver­si­bi­lité du télé­tra­vail. Si le télé­tra­vail est un élément essen­tiel, ce doit être indiqué comme tel et pas comme un élément sur lequel l’em­ployeur peut reve­nir. Et, s’il y a une réver­si­bi­lité, elle ne doit pas être à l’autre bout de la France.

    Si vous voulez éviter l’ar­bi­traire, vous pouvez aussi tenter de faire ajou­ter des condi­tions pour que les mobi­li­tés ne se fassent qu’à l’oc­ca­sion du dépla­ce­ment de toute l’équipe, ou de tout le bureau, et pas sur des critères indi­vi­duels.

    Temps de travail

    Les proba­bi­li­tés qu’on modi­fie les temps de travail unique­ment pour vous sont extrê­me­ment faibles mais ça mérite d’en parler quand même.

    Peut-être qu’ils ne proposent pas de RTT mais sont en réflexion pour le faire et que vous pour­riez être un premier contrat pour ça, ou que votre rôle / posi­tion pour­rait le justi­fier, ou qu’on peut vous assu­rer par contrat une auto­ri­sa­tion d’un certain nombre de jours de congés sans solde.

    Missions

    J’en parle en dernier parce que c’est ce à quoi on pense tout le temps et qui ne me semble pas forcé­ment le plus impor­tant.

    Toute­fois : Si une mission vous gêne, faites la enle­ver. Si vous voulez faire quelque chose (recru­te­ment, commu­ni­ca­tion exté­rieure, archi­tec­ture, que sais-je…), faites le ajou­ter.

    Autres ajouts

    Autant faire modi­fier des choses n’est pas toujours aisé, autant en faire ajou­ter l’est beau­coup plus qu’on ne le croit.

    On vous parle de congés sans soldes ? Faites-le écrire. On vous parle de forma­tions ou de confé­rences ? Faites-le écrire. On vous parle d’aug­men­ta­tion au bout d’un ou deux ans ? Faites-le écrire.

    Écrire ce qui est évident ou déjà acté ne coûte rien à personne et ça offre toujours un peu de garan­ties au cas où le contexte change dans la direc­tion de l’en­tre­prise.

  • On peut

    Je supporte de moins en moins le « on ne peut pas » en poli­tique.

    Honnê­te­ment, on peut.

    On peut vacci­ner toute la planète en moins de 6 mois. On est capables de monter des centaines ou milliers d’usines du jour au lende­main et de créer de toutes pièces la logis­tique adéquate.

    On peut garan­tir un loge­ment à tous dans le pays. On peut élimi­ner la faim dans le monde et assu­rer une vie décente à tous. On peut faire trans­for­mer notre société vis à vis du climat.

    Je ne dis pas que c’est simple, que c’est sans consé­quences, ou même que c’est souhai­table. Je dis juste qu’aujourd’­hui, au regard des capa­ci­tés tech­no­lo­gies, indus­trielles et humaines de nos civi­li­sa­tions actuelles, l’hu­ma­nité peut quasi­ment tout ce qu’elle veut. Elle n’a qu’à le vouloir.

    Cette diffé­rence entre pouvoir et vouloir est impor­tante en poli­tique.

    Dire qu’on ne peut pas c’est couper le débat en masquant le choix. C’est refu­ser de remettre en cause un exis­tant. Oser dire qu’on ne veut pas est un peu plus humble, c’est oser se regar­der dans les yeux avec ses choix et ses contra­dic­tions.

    Tout ça est parti­cu­liè­re­ment vrai avec l’ex­cuse du « pas les moyens ». En fait on a les moyens. On a la tech­no­lo­gie, les ressources, les compé­tences, la main d’œuvre. Ce qu’on n’a éven­tuel­le­ment pas ce sont des chiffres libel­lés en euros sur une base de données élec­tro­niques quel­conque. Ce qu’on ne veut pas c’est remettre en cause l’or­ga­ni­sa­tion finan­cière et sociale pour choi­sir d’autres prio­ri­tés collec­tives.

    Encore une fois, je ne dis pas que c’est simple et sans consé­quences, ou même souhai­table, mais ça fait réflé­chir.

    En géné­ral quand on aborde la ques­tion on fait surtout face à beau­coup de FUD, cari­ca­tures et fantasmes. Le chan­ge­ment radi­cal est diffi­cile à appré­hen­der, surtout quand ceux qui se posent la ques­tion sont fina­le­ment ceux dont la situa­tion est la plus favo­rable. C’est de bonne foi, pas volon­taire, souvent même pas conscient. C’est juste humain.

    Le savoir, le prendre en compte, cher­cher un peu de recul, permet­trait peut-être d’en­vi­sa­ger autre chose et de dire cette fois « en fait on peut si on le veut vrai­ment, et si on le faisait ? »

    Oui je suis un rêveur, un idéa­liste, un utopique même peut-être. Peut-être qu’on devrait tous l’être, parce que c’est comme ça qu’on avance aussi.

  • Un peu de respect et d’em­pa­thie

    Ce matin Jean-Pierre, ton collègue de bureau, a annoncé avoir débuté son nouveau régime. Tu as le droit de prendre deux fois du dessert mais évite de lancer « super le dessert ce midi, qui en a pris deux fois ? » dans l’open space ; juste pas ce jour là, ou pas formulé ainsi.

    C’est juste une marque de déli­ca­tesse et d’em­pa­thie.


    Tu as oublié le régime de Jean-Pierre ou tu n’avais pas réalisé ce que ça impliquait et tu as effec­ti­ve­ment lancé « super le dessert ce midi, qui en a pris deux fois ? » juste ce jour là dans l’open space ?

    Tu n’as rien fait de grave mais t’ex­cu­ser de cette maladresse montre­rait un peu d’em­pa­thie et de respect envers Jean-Pierre.

    Le vrai fond n’est pas dans la maladresse ou dans l’ex­cuse, même si on peut espé­rer que c’est une évidence pour toi.

    Le vrai fond c’est que, si tu choi­sis de t’ex­cu­ser, ça ne devrait pas géné­rer un torrent de haine contre ton choix de t’ex­cu­ser, ni contre Jean-Pierre ou tous ceux qui choi­sissent de faire des régimes, ni contre les régimes eux-même. Ça devrait encore moins géné­rer des cris au nom de la liberté d’ex­pres­sion et de la défense de notre consti­tu­tion.


    Tu penses que les régimes des maga­zines sont des attrape-nigauds ? Tu crois, tu sais ou tu as lu d’une auto­rité quel­conque qu’il est quand même possible de manger des desserts pendant les régimes, que des écarts ponc­tuels devraient être accep­tables, ou que ces desserts là apportent des éléments indis­pen­sables à la bonne santé ?

    Peu importe, ça n’est pas le sujet. Si tu connais bien Jean-Pierre et que tu sais que ton avis sur le sujet est bien­venu, alors tu pour­ras éven­tuel­le­ment lui dire en privé par ailleurs.

    Pour autant, dans tous les cas, tu évites quand même de lancer dans l’open space cette remarque maladroite vis à vis du dessert de ce midi, pas ce jour là du moins. Ça ne coûte rien et ça montre à Jean-Pierre qu’il compte à tes yeux quand bien même tu ne partages pas ses choix.


    Je dis ça je dis rien mais ça fonc­tionne aussi si tu vends de l’eau en bouteille et que tu exprimes « qui a bu son litre d’eau aujourd’­hui ? » en pleine jour­née sur Twit­ter le jour même du début du rama­dan où un nombre signi­fi­ca­tif de personnes tente de renon­cer un maxi­mum à boire en jour­née, et que tu choi­sis de t’ex­cu­ser de ta maladresse après en avoir pris conscience.

    Ça ne devrait lancer aucune polé­mique pour critiquer le choix de s’ex­cu­ser, aucune pancarte « on ne peut plus rien dire », aucune haine envers les musul­mans et leurs pratiques, aucun mouve­ment parlant de liberté d’ex­pres­sion bran­dis­sant la consti­tu­tion (surtout si c’est au final pour repro­cher à quelqu’un d’avoir exprimé des excuses, soyons un peu cohé­rents).

    On parle d’em­pa­thie et de respect. Vous avez le droit d’être inaptes sur ces émotions de base mais évitez de repro­cher aux autres d’avoir des compor­te­ments humains corrects, et évitez d’en profi­ter pour déver­ser votre haine.

  • CTO, VP engi­nee­ring, mana­ger, … C’est quoi tout ça ?

    Ma matrice est à deux colonnes et à cinq lignes.

    En colonne je place le péri­mètre d’ac­tion. Pour simpli­fier je parle d’hu­main et de tech­nique. Côté humain j’ai le mana­ge­ment et l’ani­ma­tion des équipes, le suivi des livrables en termes d’agenda et de qualité, l’or­ga­ni­sa­tion interne et le budget. Côté tech­nique j’ai les choix tech­no­lo­giques, l’abou­tis­se­ment de la R&D, et l’adé­qua­tion aux besoins.

    En lignes je place la portée des actions. Ça va de la portée indi­vi­duelle jusqu’à la direc­tion de l’en­tre­prise. Les étapes inter­mé­diaires sont assez arbi­traires, elles servent juste à illus­trer..

    HumainTech­nique
    Comité exécu­tif
    Ensemble de la tech
    (sous)-Dépar­te­ment
    Équipe(s)
    Indi­vi­duel

    On joue ?

    Clas­se­ment simple

    De manière géné­rale on a la hiérar­chie suivante :
    CxO > VP > Head > Direc­tor > Staff > Lead

    HumainTech­nique
    Comité exécu­tifVP of Engi­nee­ringCTO
    Ensemble de la techVP of Engi­nee­ring
    Head of Engi­nee­ring
    CTO
    Direc­tor of Archi­tec­ture
    Prin­ci­pal Engi­neer
    (sous)-Dépar­te­mentVP of …
    Direc­tor of …
    Tribe direc­tor
    Staff Engi­neer
    (Lead) Archi­tect
    Équipe(s)Engi­nee­ring Mana­gerLead deve­lo­per
    Indi­vi­duelSenior deve­lo­perSenior deve­lo­per

    Ok mais le CTO ?

    Quand il est seul, le CTO s’oc­cupe à la fois de la tech­nique et de l’hu­main. C’est proba­ble­ment le cas sur la plupart des struc­tures de moins de 25 ingé­nieurs.

    À l’in­verse, parfois sur des grandes struc­tures on a un CTO qui est essen­tiel­le­ment au niveau du comité exécu­tif et des action­naires (la première ligne) et l’opé­ra­tion­nel est laissé à un couple VP of Engi­nee­ring / Prin­ci­pal Engi­neer (la seconde ligne).

    Enfin, on a parfois un CTO co-fonda­teur qui passe la main au fur et à mesure que la struc­ture gran­dit. Il peut alors conti­nuer sur un rôle proche du prin­ci­pal engi­neer en gardant son titre de CTO. Celui qui a le vrai rôle de CTO est alors le vp of engi­nee­ring plus expé­ri­menté qu’on fait venir pour prendre la suite.

    Ok mais en français ?

    En français on a le direc­teur tech­nique qui corres­pond aux quatre cases du haut de la grille, parfois même aux six premières.

    On peut avoir un direc­teur tech­nique qui est au niveau d’un direc­teur de dépar­te­ment (direc­tor of …), sous la respon­sa­bi­lité du DSI. On peut à l’op­posé avoir un direc­teur tech­nique au niveau du comité exécu­tif et un DSI au niveau du dépar­te­ment support infor­ma­tique interne.

    Bref, en français direc­teur tech­nique et DSI ne disent pas grand chose. On sait juste que s’il n’y a pas « direc­teur » mais « respon­sable », alors on n’est pas sur la première ligne de la grille mais à priori sur la seconde (peut-être) ou sur la troi­sième (proba­ble­ment).

    Pire, en France on utilise le terme de CTO sans la conno­ta­tion CxO qu’il a chez les anglo-saxons. On alors un CTO qui n’est pas au comité exécu­tif mais juste un titre relui­sant qu’on donne au respon­sable d’une petite équipe R&D, ou au déve­lop­peur lead de la seule équipe présente.

    L’autre parti­cu­la­rité française par rapport à la grille plus haut, c’est que les rôles humains et tech­niques ont tendance à être fusion­nés, ou à ne pas porter de titres distincts.

    S’il fallait une hiérar­chie ça serait la suivante :
    Vice Président > Direc­teur > Respon­sable > Chef > Lead.

    Atten­tion donc, un direc­teur en France n’est pas un direc­tor anglo-saxon. Ce dernier corres­pond plus à respon­sable en France.

    Pourquoi tout ça ?

    Honnê­te­ment les titres on s’en fout un peu, ou on devrait.

    Pour autant, s’il est réflé­chi, le titre qu’on vous donnera est révé­la­teur du niveau de respon­sa­bi­lité et du niveau de déci­sion où on vous atten­dra. Ça permet d’évi­ter les incom­pré­hen­sions, ou de les résoudre.

    Le titre c’est aussi ce qui sera vu par les tiers à l’ex­té­rieur de l’en­tre­prise. Ça peut impliquer qui on vous mettra en face lors de discus­sions, ou sur quel péri­mètre on vous jugera perti­nent.

    Un ancien titre peut aussi crédi­bi­li­ser un futur poste (mais un titre ronflant pour un rôle qui ne corres­pond pas peut aussi décré­di­bi­li­ser votre posi­tion).

  • Impu­nité poli­cière

    Juste quelques liens, à mon propre usage parce qu’à chaque fois qu’on me demande des réfé­rences sur ce type de cas, je ne sais pas les retrou­ver. D’autres s’ajou­te­ront proba­ble­ment avec le temps.

    Le poli­cier se défend à propos d’un menot­tage sans justi­fi­ca­tion. Peu avant il a été prouvé par vidéo que l’in­ter­pel­la­tion ne corres­pon­dait pas à son PV et qu’il n’y avait pas eu la rébel­lion pour laquelle il portait plainte.

    Ce serait, dit-on, un bizu­tage courant dans certains commis­sa­riats. Sauf que ce 16 mai 2020, les poli­ciers y vont fort en la jetant dans la geôle. La jeune gardienne de la paix se frac­ture le poignet. Elle a beau se plaindre, ses deux collègues la laissent mari­ner aux fers.

    Le lende­main, ils sont obli­gés de consta­ter que la jeune femme ne jouait pas la comé­die : son poignet est bien abîmé. Qu’à cela ne tienne, ces deux membres d’une brigade de jour convainquent leur collègue de mettre sa bles­sure sur le compte du premier venu. Cela tombe bien, ils viennent de procé­der à l’in­ter­pel­la­tion un peu musclée d’un indi­vidu qui a refusé de se lais­ser contrô­ler et a résisté. L’homme est placé en garde à vue et un procès-verbal est dressé, détaillant par le menu de quelle manière il s’en est pris violem­ment à la poli­cière. La preuve : celle-ci voit un méde­cin qui lui délivre un arrêt de travail et établit son inca­pa­cité tempo­raire totale (ITT) à plusieurs dizaines de jours.

    Au commis­sa­riat de Vanves, deux poli­ciers bruta­lisent une collègue et font accu­ser un tiers


    Indi­gnés par les peines de prison ferme pronon­cées contre les fonc­tion­naires, leurs collègues ont mani­festé devant le tribu­nal de Bobi­gny. Le minis­tère de l’In­té­rieur a jugé la condam­na­tion « dispro­por­tion­née »

    […]

    Ce jour-là, un poli­cier est blessé à la jambe, percuté par une voiture de police lors une course-pour­suite. Lui et ses collègues décident alors de mentir et accusent dans leur procès-verbal le conduc­teur de la voiture qu’ils pour­sui­vaient. Ce dernier est placé en garde à vue pour tenta­tive d’ho­mi­cide sur fonc­tion­naire de police, un crime passible de la perpé­tuité.

    Polé­mique après la condam­na­tion de 7 poli­ciers

    Dans leur rapport, ils avaient indiqué que l’homme s’était livré à une tran­sac­tion douteuse avant de s’en­fuir et de les percu­ter à deux reprises alors qu’ils lui deman­daient de s’ar­rê­ter.

    Sur les images de vidéo surveillance de la ville, « on ne voit pas de crime ou de délit commis par le conduc­teur du scoo­ter », mais « on voit qu’un agent muni­ci­pal percute le scoo­ter avec son vélo et va au contact du conduc­teur » […]
    A la suite de cette affaire, le maire de Belfort Damien Meslot avait suspendu « pour une durée indé­ter­mi­née » certaines actions de coopé­ra­tion entre la police muni­ci­pale et la police natio­nale. Il jugeait alors la garde à vue des deux poli­ciers muni­ci­paux « dispro­por­tion­née ».

    Belfort: deux poli­ciers muni­ci­paux mis en examen pour « faux en écri­ture »

  • Dice­ware

    Règle géné­rale : Lais­sez votre gestion­naire de mots de passe géné­rer des mots de passe outra­geu­se­ment complexes.

    Vous n’au­rez jamais besoin de les taper ou vous en souve­nir vous-même. Vous n’avez en fait même pas besoin de voir ou de savoir à quoi ces mots de passe ressemblent. Lais­sez-le faire.

    Le géné­ra­teur de mot de passe interne de Bitwar­den

    Et puis parfois on a besoin d’un mot de passe dont on doit se souve­nir, un qu’on doit pouvoir taper au clavier ou un qu’on doit pouvoir dicter au télé­phone.

    Et dans ce cas là je vous invite à utili­ser des mots français plutôt que des lettres, chiffres et symboles incom­pré­hen­sibles.

    La raison est simple : il est plus facile de rete­nir 4 mots connus que 8 lettres chiffres et symboles aléa­toires.

    La seule contrainte c’est d’uti­li­ser des mots réel­le­ment aléa­toires et pas ceux auxquels on pense en essayant naïve­ment de trou­ver des mots soi-même. Votre gestion­naire de mots de passe devrait savoir vous géné­rer cette suite de mots. Si ce n’est pas le cas la méthode dice­ware est à votre dispo­si­tion :

    1. Cher­chez une liste de mots de votre langue en cher­chant « dice­ware » sur votre moteur de recherche favori. Ce sont géné­ra­le­ment des listes de 7776 mots qui vont de 11 111 à 66 666.
    2. Lancez 5 fois un dé à 6 faces, regar­dez le mot qui corres­pond dans votre grille. Recom­men­cez autant de fois que vous avez besoin de mots.

    Calcul d’en­tro­pie pour diffé­rentes combi­nai­sons (les paliers de couleur sont arbi­traires à respec­ti­ve­ment 48, 56, 72, 96, 128 et 256 bits d’en­tro­pie)

    La sécu­rité c’est parfois contre intui­tif : Il suffit de 4 mots français pour être aussi robuste que 8 carac­tères acces­sibles au clavier, symboles inclus.

    À 5 mots vous avez l’équi­valent d’un mot de passe de 10 carac­tères clavier tota­le­ment aléa­toires en comp­tant 28 symboles possibles en plus des lettres et des chiffres.

    À 6 mots vous vous avez l’équi­valent d’un mot de passe de 12 carac­tères tota­le­ment aléa­toires, proba­ble­ment suffi­sant pour quasi­ment tous les usages aujourd’­hui. Si vous êtes para­noïaque, 8 mots c’est l’équi­valent de 16 carac­tères tota­le­ment aléa­toires.


    Tout ça n’est pas nouveau. XKCD en parlait déjà il y a plusieurs années. Cette bande dessi­née a été parfaite pour démo­cra­ti­ser l’idée mais trop de gens oublient que ça ne fonc­tionne que pour des mots réel­le­ment tirés au hasard.

    XKCD 936 : Pass­word Strength

    Atten­tion toute­fois : L’hu­main est très mauvais pour piocher au hasard.

    Même avec toute la bonne volonté du monde et en vous croyant machia­vé­lique dans votre choix, il est probable que vous ne pioche­rez que dans quelques centaines de mots, éven­tuel­le­ment un ou deux milliers.

    Le problème d’ailleurs aussi pour les mots de passe « clas­siques ». « Nico­las2012! » et « Julie+Mar­c2307 » sont de très mauvais mots de passe bien qu’ils respectent parfai­te­ment toutes les règles.

    Je donne là une évidence mais c’est plus géné­ral que ça. Un mot de passe qui est généré sans aide d’un géné­ra­teur d’aléa­toire est un mauvais mot de passe, peu importe à quoi il ressemble de loin. Les chiffres et symboles sont quasi­ment aux mêmes posi­tions. Certaines lettres et chiffres sont peu voire pas du tout utili­sés.

    Tout ça dimi­nue signi­fi­ca­ti­ve­ment la robus­tesse du mot de passe, même quand vous essayez de vous même d’y palier en cher­chant compliqué. Utili­sez une machine ou un système externe quel qu’il soit, quitte à ce que ce soit une paire de dés lancés à la main.

  • Mot de passe fort

    Je rage à chaque fois que je vois des règles complexes sur les mots de passe saisis. J’ai l’im­pres­sion qu’on a échoué à expliquer la sécu­rité.

    Une fois qu’on exclut les mots de passe unique­ment en chiffres, il n’y a quasi­ment plus que la longueur du mot de passe qui compte. Vous voulez un mot de passe sûr avec unique­ment des lettres ? Il suffit d’ajou­ter un unique carac­tère supplé­men­taire. Autant dire pas grand chose quand on est déjà à 9 ou 10.

    En réalité la diffé­rence est encore plus réduite que ça parce qu’en deman­dant d’ajou­ter des chiffres et symboles ce sont toujours les mêmes qui appa­raissent, mis à la fin ou en rempla­ce­ment des mêmes lettres (a qui donne @ par exemple).

    Pire : Pour rete­nir un mot de passe complexe avec majus­cules, chiffres et symboles, l’uti­li­sa­teur risque de mettre quelque chose de connu ou déjà utilisé ailleurs. On est parfois dans le contre-produc­tif.

    Si vous deviez utili­ser des règles de saisie du mot de passe, gardez n’en qu’une : la longueur. Le reste c’est de la litté­ra­ture.


    Main­te­nant, et si vous chan­giez de stra­té­gie ? Aidez l’uti­li­sa­teur et expliquez-lui ce qu’il se passe au lieu de lui appor­ter des contraintes.

    Commen­cez par lui propo­ser un mot de passe par défaut, avec une liste de mots connus et à ortho­graphe simple.

    Propo­sez ensuite un indi­ca­teur pour la force du mot de passe. Là vous pouvez prendre en compte la longueur mais aussi la présence dans la base Have I Been Pwnd.

    Une fois passé le strict mini­mum, c’est à l’uti­li­sa­teur de déci­der ce qu’il veut. Ne lui impo­sez pas un mot de passe de 12 carac­tères pour réali­ser un sondage sur la date de sa prochaine soirée entre amis.

    Votre rôle c’est de lui donner les clefs pour faire son choix, pas de le faire à sa place.

    L’in­di­ca­teur de complexité peut tout à fait avoir plusieurs paliers en fonc­tion de la présence de diffé­rentes classes de carac­tères. Vous pouvez aussi essayer de détec­ter des dates, le fait que le dernier carac­tère soit juste un chiffre ou un point d’ex­cla­ma­tion, et des suites un peu trop clas­siques comme 123 ou ou azerty.

    Si vous détec­tez des espaces alors c’est proba­ble­ment une phrase (s’il y a des petits mots faci­le­ment recon­nais­sables comme « le », « la », « il », « ce », « est », etc. ) ou des suites de mots (dans le cas contraire). Vous pouvez là aussi adap­ter votre calcul de complexité et la longueur recom­man­dée.

    Au bout d’une certaine résis­tance parlons unique­ment amélio­ra­tion.

  • Longueur du proces­sus de recru­te­ment

    Le proces­sus clas­sique des entre­tiens de recru­te­ment en infor­ma­tique c’est :

    1. Une prise de connais­sance
    2. Un entre­tien orienté tech­nique
    3. Un entre­tien orienté humain
    4. Un entre­tien de confir­ma­tion

    Suivant les entre­prises, l’en­tre­tien humain vient avant ou après l’en­tre­tien tech­nique. C’est d’ailleurs inté­res­sant parce que ça en dit parfois long sur ce que la boite prio­rise dans ses recru­te­ments.

    Sur les postes à respon­sa­bi­lité on a souvent une multi­tudes de discus­sions avec diffé­rents acteurs clefs de la société entre les deux entre­tiens prin­ci­paux et l’en­tre­tien de confir­ma­tion.

    La tota­lité du proces­sus décrit ici c’est entre 3 et 6 heures au total.


    Ok, mais est-ce bien raison­nable tout ça ?

    Le fond c’est que le candi­dat et l’en­tre­prise ont tout inté­rêt à s’as­su­rer que la rela­tion est bonne avant de se taper dans la main et d’en­ta­mer la période d’es­sai. On n’est jamais certain à 100 % mais on ne peut pas non plus s’en­ga­ger au hasard pour un boulot qui repré­sen­tera la majo­rité de notre temps non contraint pour les prochaines années et qui impac­tera dura­ble­ment notre vie en cas de mauvais choix.

    Oui mais, en détail ?

    La prise de connais­sance c’est souvent 15 minutes pour confir­mer ce qu’il y a derrière l’an­nonce (pour le candi­dat), ce qu’il y a derrière le CV (pour l’en­tre­prise) et que les deux corres­pondent avant de deman­der à chacun d’in­ves­tir du temps. Quand la commu­ni­ca­tion passe bien et que le candi­dat a du temps ou des ques­tions ça peut aller jusqu’à 45 minutes, rare­ment plus.

    L’en­tre­tien humain semble la partie la moins comprise autour de moi quand j’en discute. On me parle de test psy et de marke­ting bull­shit. Pour moi c’est de la discus­sion et c’est litté­ra­le­ment le plus impor­tant dans tout le proces­sus, que ce soit côté candi­dat ou côté employeur. Il s’agit de s’as­su­rer que le candi­dat, la boite et les autres sala­riés vont s’en­tendre. Si le terme de valeurs est galvaudé, il y a beau­coup de ça. On parlera aussi fonc­tion­ne­ment de l’en­tre­prise, évolu­tion des postes, orga­ni­sa­tion, moti­va­tions, mana­ge­ment, etc.
    Sur cet partie j’ap­pré­cie un temps long parce qu’il s’agit d’ou­vrir une discus­sion au delà des discours prépa­rés.

    L’en­tre­tien tech­nique c’est le plus liti­gieux pour moi. La plupart comprennent « test tech­nique » mais je n’ai jamais vu pour l’ins­tant de test tech­nique que je trouve vrai­ment perti­nent. On arrive souvent bien mieux à quali­fier les choses en montrant le code source, en discu­tant autour, ou éven­tuel­le­ment en parlant en codant ensemble.
    Plus que quali­fier le niveau tech­nique, on quali­fie aussi que ça se passera bien sur la base de code, sur comment l’équipe travaille, etc. C’est de la discus­sion et donc ça prend du temps aussi.

    L’en­tre­tien de confir­ma­tion c’est pour toutes les ques­tions qui restent. On reparle souvent de valeur. On discute des ques­tions levées par les entre­tiens précé­dents. On parle de l’ave­nir et des objec­tifs de l’en­tre­prise. On parle rému­né­ra­tion.
    C’est entre­tien est aussi impor­tant en ce qu’il permet de faire inter­ve­nir une autre personne et d’avoir un feed­back diffé­rent, que ce soit pour le recru­teur ou pour le candi­dat.

    Si on prend le temps de la discus­sion, on arrive plus à 5 heures qu’à 3 heures, et je ne vois rien d’inu­tile à faire sauter là dedans.

    À chaque étape la ques­tion est essen­tiel­le­ment « Est-ce qu’on veut travailler ensemble ? pourquoi ? qu’est-ce qui pour­rait coin­cer ? ». À l’en­tre­tien tech­nique on peut éven­tuel­le­ment ajou­ter « Où posi­tion­ner le candi­dat par rapport aux sala­riés actuels au niveau compé­tences et rému­né­ra­tion ? ». Le reste c’est de la litté­ra­ture.


    On peut par contre modu­ler.

    Je disais que je n’ai jamais vu de test tech­nique vrai­ment perti­nent, encore moins ceux à réali­ser chez soi, mais j’ai à moitié menti. Il y a une chose qui a assez bien fonc­tionné : « Tiens, je te donne accès à notre code source et nos PR, tu peux fouiller comme tu veux et c’est à toi de nous dire si tu as les compé­tences et l’en­vie de travailler là dessus. Si oui on t’in­vite à la discus­sion tech­nique et tu verras si tu veux travailler avec nous. ».

    Du coup l’en­tre­tien tech­nique lui même est essen­tiel­le­ment « Passe une demie jour­née avec un déve­lop­peur à discu­ter du code, de l’équipe, de son orga­ni­sa­tion, et faire du pair program­ming. Tu pour­ras nous confir­mer ensuite si tu as bien envie de travailler avec nous. »

    C’est plus long mais quand c’est possible ça me parait une approche plus saine et plus effi­cace que la démarche de test. Les retours des candi­dats ont tous été très posi­tifs, plus que sur les autres proces­sus que j’ai pu super­vi­ser. Vu que ça permet bien de cerner la personne on peut réduire d’au­tant les autres étapes et on arrive à garder une durée totale assez simi­laire.

    Ça c’est ce que je préfère vis à vis de mes valeurs et mes fonc­tion­ne­ments. D’autres boites appuie­ront plus sur les compé­tences tech­niques. D’autres préfé­re­ront vous faire discu­ter avec les équipes produit ou un direc­teur. En fait tout ça est inté­res­sant, ça en dit long aussi sur ce qui est jugé impor­tant par la société, donc ça permet au candi­dat de savoir lui aussi où il met les pieds.


    Est-ce encore trop ?

    Possible. Je n’ai pas de réponse univer­selle. Je ne donne que mes retours et mon expé­rience.

    L’idée c’est de propo­ser un proces­sus « idéal » et ensuite de l’adap­ter autant que possible aux circons­tances et aux personnes, par exemple pour qui habite loin, qui ne peut pas se libé­rer en jour­née, ou qui ne peut pas se permettre d’être vu dans les locaux avant que ce ne soit offi­ciel.

    Ce qui m’ap­pa­rait certain c’est que je ne sais pas évaluer un employeur, son équipe, son orga­ni­sa­tion, ses valeurs et le poste qu’il propose en deux heures. J’ai vécu des envi­ron­ne­ments et direc­tions toxiques. Croyez-moi si je dis que jamais ne ne conseille­rai à quiconque de s’en­ga­ger en CDI rapi­de­ment sans faire un vrai proces­sus.

    C’est vrai aussi dans l’autre sens. En tant qu’em­ployeur je ne sais pas faire évaluer l’adé­qua­tion d’un candi­dat sur des discus­sions de moins d’une heure ou après avoir vu une seule personne.


    Que faire alors pour qui ne peut ou ne veut inves­tir plus de 2 heures ?

    Je ne sais pas. Je suis ouvert aux sugges­tions mais ma réponse pour l’ins­tant est « je ne sais pas faire ».

    On parle de s’en­ga­ger pour 6 à 8 heures par jour, 5 jours par semaine, pour 2 à 10 ans. Tout ça ne se résume pas en quelques ques­tions et « je fais mon job tu me payes, pas besoin d’er­go­ter ».

    Ça serait très diffé­rent pour une mission courte ou un rôle de consul­tant (ou en tout cas ça l’a été pour moi vu que j’ai aussi ces expé­riences là).


    Pour complé­ter :

    https://twit­ter.com/edasfr/status/1364840708675424257

    Aujourd’­hui près de 60% des réponses est entre 3 ou 6 heures ou plus de 6 heures.

    https://twit­ter.com/edasfr/status/1364840711393325059

    Et c’est là que ça devient inté­res­sant. Quand on demande le proces­sus idéal, les répon­dant n’ex­cluent pas du tout les entre­tiens de 3 à 6 heures, au contraire. C’est même la réponse la plus mise en avant.

    Ce n’est repré­sen­ta­tif que des gens qui ont répondu, mais je trouve ça inté­res­sant quand même. Je ne semble pas être le seul à trou­ver impor­tant de quali­fier la rela­tion avant d’en­trer en période d’es­sai.

    L’enjeu est pour moi beau­coup plus de ce qu’on met dans les diffé­rentes étapes du proces­sus que de sa longueur effec­tive (tant qu’on reste dans le raison­nable, on m’a parlé de tests tech­niques de 15 h à faire chez soi et ça… juste non). Je veux des discus­sions libres à double sens et pas des tests unila­té­raux.

  • Se repo­ser sur la période d’es­sai


    Je ne parle que des métiers que je connais, c’est à dire le recru­te­ment en CDI d’in­gé­nieurs en infor­ma­tique, déve­lop­peurs ou mana­gers. Il se peut tout à fait que ça ne se géné­ra­lise pas à d’autres contextes.


    On m’a parlé de période d’es­sai comme solu­tion aux proces­sus de recru­te­ment à rallonge mais…

    La période d’es­sai ne fait pas partie du proces­sus de recru­te­ment (ou ne devrait pas).

    Une période d’es­sai c’est coûteux, finan­ciè­re­ment et humai­ne­ment. Si l’un des deux doit rompre il le fera – et ça arri­vera parfois malgré toute la bonne volonté des diffé­rentes parties – mais le but du proces­sus de recru­te­ment est juste­ment d’évi­ter autant que possible de se repo­ser sur cette possi­bi­lité.

    C’est d’abord vrai pour le candi­dat.

    Pour venir je dois géné­ra­le­ment démis­sion­ner avant. Je ne retrou­ve­rai pas le poste duquel je suis parti et je risque d’être moins en posi­tion de choi­sir ce que je veux si je dois retrou­ver quelque chose rapi­de­ment après une période d’es­sai rompue. Si la recherche prend long­temps et que c’est moi qui ai dû quit­ter une boite toxique en pleine période d’es­sai, je n’au­rais même pas forcé­ment accès aux allo­ca­tions chômage entre temps.

    C’est encore pire pour les plus juniors. Un trou dans le CV ou une première expé­rience rompue dans les premiers mois peuvent faire peur à un futur employeur. Au mieux ils devront s’en justi­fier et tous ne sont pas à l’aise avec ça.

    C’est aussi vrai pour ceux qui ont quitté une boite en mauvais termes. Si l’ex­pé­rience suivante est une période d’es­sai rompue, quelle qu’en soit la raison, ça va commen­cer à être plus diffi­cile pour les futurs entre­tiens (à tort, mais c’est la réalité quand même).

    Bref, une entre­prise qui me propo­se­rait de raccour­cir les entre­tiens préa­lables en échange d’un risque plus élevé de rompre au niveau de la période d’es­sai, c’est une entre­prise que j’ai envie de fuir.

    J’at­tends que l’en­tre­prise fasse tout son possible pour ne pas jouer à la roulette avec ma situa­tion profes­sion­nelle, et s’as­su­rer que je conviens avant de m’em­bau­cher et pas après. C’est une ques­tion de respect envers le candi­dat.

    Ça fonc­tionne d’ailleurs dans les deux sens. J’ai vu dans ma vie des boites ou des mana­gers toxiques. Je sais combien ça peut tuer à petit feu. Je vais passer la majo­rité du temps non-contraint de ma vie avec l’en­tre­prise sur les prochaines années. J’ai besoin de temps pour discu­ter, de comprendre les valeurs de la société, de voir mes futurs collègues, tout ça avant d’amor­cer la période d’es­sai.


    C’est évidem­ment aussi vrai pour l’en­tre­prise. Il y a un coût finan­cier impor­tant (on parle en centaines d’heures lors de l’in­té­gra­tion d’un nouveau sala­rié, de déca­lage de projets, etc.) mais il y a surtout un enjeu humain majeur.

    Un nouveau sala­rié qui se révèle toxique c’est de nature à pour­rir toute la boite, dura­ble­ment et pas que pendant les quelques semaines ou mois de présence.

    Un sala­rié qui se révèle incom­pé­tent peut ajou­ter de la tension sur les ques­tions sala­riales des présents, faire perdre de la moti­va­tion ou donner des envies de départ.

    Un sala­rié inadapté mais avec de grands liens humains peut aussi géné­rer des tensions et départ quand sa période d’es­sai est rompue.

    Dans tous les cas c’est un maxi­mum de pertur­ba­tions, d’in­ves­tis­se­ment et de projets recu­lés. On sait qu’on ne pourra pas tout garan­tir à 100% mais inves­tir quelques heures en amont du recru­te­ment est quasi­ment toujours rentable.

    La règle assez parta­gée c’est le « en cas de doute il n’y a pas de doute ». C’est à dire que s’il y a un doute dans les entre­tiens de recru­te­ment, on ne teste pas en période d’es­sai et on répond « non » immé­dia­te­ment. Dire non à un candi­dat inté­res­sant est bien moins coûteux que dire oui à un candi­dat qui se révèle inadapté.

    Bien évidem­ment ça se module. On peut prendre plus de risques avec un candi­dat qui a déjà démis­sionné, en toute trans­pa­rence et en accord avec lui, qu’a­vec quelqu’un qui devra démis­sion­ner d’un emploi qui lui convient déjà.