Je ne parle que des métiers que je connais, c’est à dire le recrutement en CDI d’ingénieurs en informatique, développeurs ou managers. Il se peut tout à fait que ça ne se généralise pas à d’autres contextes.
On m’a parlé de période d’essai comme solution aux processus de recrutement à rallonge mais…
La période d’essai ne fait pas partie du processus de recrutement (ou ne devrait pas).
Une période d’essai c’est coûteux, financièrement et humainement. Si l’un des deux doit rompre il le fera – et ça arrivera parfois malgré toute la bonne volonté des différentes parties – mais le but du processus de recrutement est justement d’éviter autant que possible de se reposer sur cette possibilité.
C’est d’abord vrai pour le candidat.
Pour venir je dois généralement démissionner avant. Je ne retrouverai pas le poste duquel je suis parti et je risque d’être moins en position de choisir ce que je veux si je dois retrouver quelque chose rapidement après une période d’essai rompue. Si la recherche prend longtemps et que c’est moi qui ai dû quitter une boite toxique en pleine période d’essai, je n’aurais même pas forcément accès aux allocations chômage entre temps.
C’est encore pire pour les plus juniors. Un trou dans le CV ou une première expérience rompue dans les premiers mois peuvent faire peur à un futur employeur. Au mieux ils devront s’en justifier et tous ne sont pas à l’aise avec ça.
C’est aussi vrai pour ceux qui ont quitté une boite en mauvais termes. Si l’expérience suivante est une période d’essai rompue, quelle qu’en soit la raison, ça va commencer à être plus difficile pour les futurs entretiens (à tort, mais c’est la réalité quand même).
Bref, une entreprise qui me proposerait de raccourcir les entretiens préalables en échange d’un risque plus élevé de rompre au niveau de la période d’essai, c’est une entreprise que j’ai envie de fuir.
J’attends que l’entreprise fasse tout son possible pour ne pas jouer à la roulette avec ma situation professionnelle, et s’assurer que je conviens avant de m’embaucher et pas après. C’est une question de respect envers le candidat.
Ça fonctionne d’ailleurs dans les deux sens. J’ai vu dans ma vie des boites ou des managers toxiques. Je sais combien ça peut tuer à petit feu. Je vais passer la majorité du temps non-contraint de ma vie avec l’entreprise sur les prochaines années. J’ai besoin de temps pour discuter, de comprendre les valeurs de la société, de voir mes futurs collègues, tout ça avant d’amorcer la période d’essai.
C’est évidemment aussi vrai pour l’entreprise. Il y a un coût financier important (on parle en centaines d’heures lors de l’intégration d’un nouveau salarié, de décalage de projets, etc.) mais il y a surtout un enjeu humain majeur.
Un nouveau salarié qui se révèle toxique c’est de nature à pourrir toute la boite, durablement et pas que pendant les quelques semaines ou mois de présence.
Un salarié qui se révèle incompétent peut ajouter de la tension sur les questions salariales des présents, faire perdre de la motivation ou donner des envies de départ.
Un salarié inadapté mais avec de grands liens humains peut aussi générer des tensions et départ quand sa période d’essai est rompue.
Dans tous les cas c’est un maximum de perturbations, d’investissement et de projets reculés. On sait qu’on ne pourra pas tout garantir à 100% mais investir quelques heures en amont du recrutement est quasiment toujours rentable.
La règle assez partagée c’est le « en cas de doute il n’y a pas de doute ». C’est à dire que s’il y a un doute dans les entretiens de recrutement, on ne teste pas en période d’essai et on répond « non » immédiatement. Dire non à un candidat intéressant est bien moins coûteux que dire oui à un candidat qui se révèle inadapté.
Bien évidemment ça se module. On peut prendre plus de risques avec un candidat qui a déjà démissionné, en toute transparence et en accord avec lui, qu’avec quelqu’un qui devra démissionner d’un emploi qui lui convient déjà.
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