Catégorie : Politique et société

  • Plafond pour licen­cie­ment abusif

    Plafon­ner les indem­ni­tés pour licen­cie­ment abusif c’est le système de l’amende forfai­taire. C’est faci­li­ter et inci­ter à la logique du « je sais combien ça me coûte, donc si je paye alors j’ai le droit de violer la loi ».

    L’im­pact malsain est vu et revu à chaque fois qu’on instaure une péna­lité forfai­taire : On instaure en réalité une auto­ri­sa­tion soumise à paie­ment. Exemple assez connu : La péna­lité pour les parents qui sont en retard pour cher­cher leurs enfants à la garde­rie de l’école. Après mise en place, non seule­ment les retards augmentent en fréquence et en volume, mais en plus les parents deviennent agres­sifs quand on leur reproche. Intel­lec­tuel­le­ment ils ont acquis un droit de retard. Ils ont payé donc personne n’a plus le droit de leur repro­cher. Certaines biblio­thèques l’ont constaté aussi pour les péna­li­tés des livres rendus en retard.

    Est-ce vrai­ment ça qu’on souhaite pour les licen­cie­ments abusifs ?

    Si le contexte des TPE et PME mérite vrai­ment qu’on simpli­fie ou qu’on assou­plisse des procé­dures, alors réflé­chis­sons-y, mais ne donnons pas à ceux qui peuvent se le permettre un permis de violer une inter­dic­tion qu’on souhaite garder par ailleurs. Ça ne résout pas le problème de l’en­tre­pre­neur qui est en limite de renta­bi­lité (il aura quand même des dommages et inté­rêts à payer) et à l’in­verse ça faci­lite la vie de celui qui en abuse et fait un vrai système RH d’ex­ploi­ta­tion et pres­sion sur le sala­rié.

    Mais le vrai scan­dale n’est même pas là. Le vrai scan­dale c’est qu’on ne parle pas d’une amende. On parle d’in­dem­ni­tés pour compen­ser un dommage pour la victime (à priori le sala­rié dans le cas d’un licen­cie­ment abusif). Il s’agit d’un équi­libre entre deux inté­rêts privés, pas d’une péna­lité pour les entre­pre­neurs indé­li­cats.

    La règle norma­le­ment c’est que celui qui cause un dommage fautif en indem­nise le dommage, tout le dommage. Que se passe-t-il si on instaure un plafond et que le dommage dépasse ce plafond ? et bien le reste est à la charge de la victime. Tant pis pour elle. Elle l’a bien mérité après tout, non ? non ? ah…

    C’est certain que de simpli­fier et assou­plir les règles là où c’est perti­nent ça aurait demandé plus de courage poli­tique, et une vraie réflexion de fond. Visi­ble­ment les deux manquent.

  • Les inéga­li­tés atteignent un point critique, selon l’OCDE

    Evolution des revenus des plus pauvres, des classes moyennes et des plus riches depuis 1985 © OCDE
    Évolu­tion des reve­nus des plus pauvres, des classes moyennes et des plus riches / OCDE

    Ce sont des pour­cen­tages, pas des valeurs abso­lues. Et si le graphique n’est pas assez clair :

    La France […] La hausse des inéga­li­tés entre 2007 et 2011 est la troi­sième plus forte augmen­ta­tion de tous les pays de l’OCDE. Les 10 % les plus riches y gagnent 7,4 fois plus que les 10 % les plus pauvres contre 6,6 fois en Alle­magne, ou 5,8 fois en Suède.

    […]

    En Grèce, le revenu moyen a dimi­nué de 8 % par an entre 2007 et 2011, en Espagne, en Irlande, en Islande, les pertes annuelles ont été supé­rieures à 3,5 %. Mais ce ne sont que des moyennes, prévient le rapport. En Espagne, pendant que le revenu des 10 % des plus pauvres chutait de presque 13 % par an, celui des 10 % les plus riches se rédui­sait de 1,5 %. En France, comme aux États-Unis ou en Autriche, les plus riches ont conti­nué à béné­fi­cier de hausse de reve­nus pendant que les plus pauvres voyaient les leurs dimi­nuer, pendant cette période.

    Le magique c’est le rapport de l’OCDE :

    Les poli­tiques fiscales et de redis­tri­bu­tion « consti­tuent les instru­ments les plus effi­caces et puis­sants de redis­tri­bu­tion des richesses (…) La redis­tri­bu­tion à travers les taxes et les trans­ferts est souvent présen­tée comme un handi­cap à la crois­sance écono­mique. S’ils sont bien conçus, une fisca­lité plus élevée et les trans­ferts pour réduire les inéga­li­tés ne nuisent pas à la crois­sance » […]

    Il plaide aussi pour des réformes ambi­tieuses de la fisca­lité. « Les gouver­ne­ments devraient réexa­mi­ner large­ment leur système fiscal pour s’as­su­rer que les ménages les plus riches assument leur part dans la charge fiscale », insiste le rapport. Cela passe, selon lui, par une hausse des taux d’im­po­si­tion mais surtout par des remises en cause de tous les systèmes de niches, de déduc­tions qui ont pros­péré dans tous les pays occi­den­taux ces dernières décen­nies, amenant les plus fortu­nés à échap­per de plus en plus à l’im­pôt.

    Article complet sur Media­part, accès payant ; On en parle aussi rapi­de­ment à Libé­ra­tion

  • On envi­sage de refu­ser les patients qui risquent d’im­mo­bi­li­ser trop long­temps des lits

    La ministre est bien sévère avec le direc­teur géné­ral du plus grand CHU de France, un bon élève pour­tant, qui vise un budget à l’équi­libre en 2016, dans le contexte très rigou­reux décidé par le gouver­ne­ment : d’ici 2017, l’hô­pi­tal doit écono­mi­ser 10 milliards d’eu­ros. Ce ne sont pas des écono­mies sèches : les budgets des hôpi­taux vont conti­nuer d’aug­men­ter, mais bien moins que la demande de soins, portée par le vieillis­se­ment de la popu­la­tion, le déve­lop­pe­ment des mala­dies chro­niques et le progrès tech­nique.

    ou sur une vision plus concrète

    À mes débuts il y a 33 ans dans mon service de chirur­gie, 2 infir­mières étaient char­gées en binôme de 12 malades. Aujourd’­hui, 1 infir­mière a la charge de 11 lits. Nous consa­crons 20 minutes à chaque patient pour les soins, les expli­ca­tions, les papiers d’en­trée et de sortie, les mots de récon­fort.

    avec les consé­quences

    Mais l’aug­men­ta­tion constante de notre acti­vité se fait à moyens constants. Par exemple, dans un service de 50 lits, on doit accueillir 50 patients de plus chaque année, avec les mêmes effec­tifs. Cela veut dire que les patients doivent rester moins long­temps. Et si notre acti­vité n’aug­mente pas assez, on nous supprime des postes. Avec les méde­cins, on envi­sage de refu­ser les patients qui risquent d’im­mo­bi­li­ser trop long­temps des lits. Mais où vont-ils aller ? Nous sommes l’hô­pi­tal public, le dernier recours.

    On peut se battre contre les impôts, la dépense publique, mais il ne faut pas oublier ce qu’il y a derrière. Quand on sait que notre système est non seule­ment envié à l’étran­ger, mais en plus moins coûteux au final que ceux des autres pays simi­lai­res…

    Vision comp­table du service publique, qu’est-ce qui pour­rait mal tour­ner ?

    L’AP-HP se mobi­lise contre Martin Hirsch et ses « 35 heures autre­ment » (media­part, accès payant)

  • Mais que va faire Char­lie Hebdo de tout son argent ?

    Avant, Char­lie Hebdo était un “fanzine” (dixit Luz), défi­ci­taire, qui se vendait à près de 30.000 exem­plaires, et comp­tait près de 10.000 abon­nés.

    Mais, ça c’était avant. Depuis les atten­tats, le nombre d’abon­nés a grimpé à 220.000. Le numéro du 14 janvier a été tiré à 8 millions d’exem­plaires, un record histo­rique pour la presse française. Le tirage du numéro suivant, qui paraît ce mercredi 25 février, reste à un niveau sans équi­valent en France, à 2,5 millions d’exem­plaires.

    Je n’ai déjà pas bien compris pourquoi d’un coup les gens ont donné ou se sont abon­nés à Char­lie Hebdo en réponse aux atten­tats. Que l’État donne 1 million était déjà juste déme­suré – malheu­reu­se­ment on commence à s’ha­bi­tuer à la poli­tique spec­tacle, donc il fallait un gros chiffre – mais ce qu’est devenu l’ap­pel à dons (qui date d’avant l’at­ten­tat) me laisse perplexe.

    Le numéro du 14 janvier a rapporté 10 à 12 millions d’eu­ros (7 à 8 millions après impôts), a indiqué Me Richard Malka, l’avo­cat de l’heb­do­ma­daire, au Monde. Et les abon­ne­ments devraient géné­rer 3 millions d’eu­ros de marge. A cela s’ajoute le million d’eu­ros d’aide d’ur­gence accordé par le minis­tère de la Culture.

    […] Mais ce n’est pas tout. Le “jour­nal irres­pon­sable” a aussi reçu 4,2 millions d’eu­ros de dons versés par des parti­cu­liers via deux canaux: l’as­so­cia­tion Presse et plura­lisme (2,65 millions d’eu­ros), et l’As­so­cia­tion des amis de Char­lie Hebdo (1,5 million d’eu­ros). A noter que Google a aussi versé 250.000 euros.

    Au total on parle de 20 à 25 millions d’eu­ros. Juste incom­pré­hen­sible dans le montant.

    Qu’il faille défendre le droit de dire des conne­ries ne rend pas d’un coup le contenu édito­ria­le­ment magni­fique, et ne trans­forme pas l’heb­do­ma­daire en orga­nisme cari­ta­tif. Si on veut donner pour faire un geste dans la bonne direc­tion, Repor­ters sans fron­tières me semble telle­ment plus perti­nent et plus utile…

    Bref, le présent n’est pas ration­nel, ce qui n’éton­nera personne. Aujourd’­hui j’ap­prends le passé, et là je ris jaune :

    en 2006 après la publi­ca­tion des cari­ca­tures de Maho­met, un numéro qui s’écoula à 500.000 exem­plaires. En effet, quand Char­lie se portait bien, les béné­fices n’ont pas été gardés en réserve, mais rever­sés en quasi-inté­gra­lité aux action­naires qui, en six ans, se sont ainsi octroyés collec­ti­ve­ment 3,8 millions d’eu­ros de divi­dendes.

    […] En 2009, le résul­tat a plongé dans le rouge, et depuis lors, plus aucun divi­dende n’a été distri­bué. En 2010,  l’heb­do­ma­daire a dû augmen­ter son prix de vente de 2 à 2,5 euros, et licen­cier 12 sala­riés sur 50. Et à peine deux mois avant les atten­tats, un appel aux dons était lancé face à une situa­tion finan­cière critique…

    Donc voilà, on lance un licen­cie­ment écono­mique tout juste quelques années après avoir sorti près de 4 millions de divi­dendes, et on finit en appel aux dons publics quelques années après. … Et c’est ce jour­nal qui désor­mais patauge dans plus de 20 millions d’eu­ros, essen­tiel­le­ment de géné­ro­sité publique.

    — via Les crises

  • Courbe de Frig­git

    Inté­res­sante à plus d’un titre cette courbe. Déjà pour voir le niveau anor­mal de l’im­mo­bi­lier aujourd’­hui. Ce n’est pas tenable, pas ainsi.

    Les tenta­tives d’aides et soutien à l’im­mo­bi­lier pour éviter que la courbe ne s’ef­fondre – ce qui pose­rait de sérieux problèmes aux jeunes proprié­taires, moi le premier – sont dange­reuses pour notre avenir et illé­gi­times. Nous ne faisons que main­te­nir et renfor­cer une bulle.

    Mais surtout, on voit aussi – oui, c’est mon sujet du moment – un conflit de géné­ra­tion. Ceux qui ont profité d’un achat peu cher, parfois même avec un taux d’in­té­rêt plus faible que l’in­fla­tion, et qui s’en­ri­chissent sans raison sur la géné­ra­tion suivante. Mais aussi ceux, plus récents, qui sont partis avec une très grosse mise gagnée ou (souvent) héri­tée, qui ont pu ache­ter après le début de la montée, et qui ne comprennent pas pourquoi ils devraient perdre ce qu’ils ont investi.

    Il reste qu’aujourd’­hui, ache­ter dans certaines régions n’est possible que via un héri­tage ou en reven­dant un bien précé­dent acheté à la bonne période. Impen­sable à Paris d’ache­ter avec son seul revenu, même si ce revenu est dans les 10% les plus élevés en France.

    — Courbe tirée d’une page plus complète sur le tunnel de Frig­git

  • Revenu et capi­tal

    Regar­dez votre revenu net annuel (pour l’exer­cice, comp­tez aussi les allo­ca­tions fami­liales, allo­ca­tions loge­ment, et toutes les aides ou subven­tions diverses).

    Regar­dez main­te­nant votre capi­tal (pour l’exer­cice comp­tez vos posses­sions, y compris ce qui sort du finan­cier et de l’im­mo­bi­lier, retran­chez éven­tuel­le­ment le capi­tal restant à rembour­ser sur vos emprunts – hors inté­rêts ou péna­li­tés de rembour­se­ment).

    Comment se présente votre ratio capi­tal / revenu ?

    Au niveau du pays, en 2010 notre capi­tal aurait repré­senté envi­ron 6x notre revenu (le PIB), contre 3x seule­ment en 1950 (en sortie de guerre, donc c’est logique).

    Ce ratio n’est pas compa­rable à votre ratio indi­vi­duel, par exemple parce que nous avons beau­coup de capi­tal public, commun, mais il reste inté­res­sant. Sur la géné­ra­tion du baby-boom, il y a eu une créa­tion et accu­mu­la­tion de capi­tal forte, qui n’est plus de mise aujourd’­hui (quand on parle de crois­sance stop­pée, c’est de ça qu’on parle).

    Pas besoin d’être grand clerc pour y voir que les déséqui­libres d’aujourd’­hui ne se placent plus que dans les reve­nus, mais aussi dans le capi­tal. Regar­dez ce qu’on appelle les « grandes familles », ceux qui ont le capi­tal, et à quelle date ce capi­tal a été amorcé.

    Avec la préca­rité impor­tante, la pres­sion du chômage, quand on a moins d’un an devant soi, pas éton­nant qu’on ne voit pas tant l’ave­nir au beau fixe.

    — Diva­ga­tions libres à partir de la vidéo Les Jeunes (la géné­ra­tion Y) [25 minutes mais ne vous lais­sez pas avoir par le titre bateau ou les premières secondes qui parlent de la chan­son des resto du cœur]

  • Poten­tiel de trans­for­ma­tion sociale

    Il y a plus de poten­tiel de trans­for­ma­tion sociale chez un papa qui fait la vais­selle ou qui joue avec sa fille, ou chez un grand-père qui explique à son petit-fils qu’il faut parta­ger les jouets, que dans tous les drapeaux rouges que vous pouvez appor­ter à une manif.
    Les Jeunes (la géné­ra­tion Y) [vidéo, 25 min.]

    Je n’ai jamais compris les mani­fes­ta­tions telles qu’on les fait aujourd’­hui. Un rapport de force, une révolte – même paci­fiste : oui, ça a du sens. Mais défi­ler pour porter des drapeaux et des slogans… je ne crois pas à l’im­pact autre que celui de la poli­tique spec­tacle.

    Je crois par contre beau­coup à tous les gestes de tous les jours, à tous ces petits riens qui bout à bout forgent notre société et la font bouger. Quand on vous reprend sur un mauvais mot, un mauvais geste, dire « ce n’est pas grand chose », c’est se trom­per de combat.

    Pour ne choi­sir qu’un seul sujet, un mois sans blague sexiste aura beau­coup plus d’in­fluence sur notre société et son avenir qu’un mois de mani­fes­ta­tion fémi­niste avec des millions de gens dans la rue.

    C’est trans­po­sable à l’in­fini quel que soit le sujet. Ce sont nos petits renon­ce­ments de tous les jours qui rendent les grands chan­ge­ments diffi­ciles.

  • Ce que l’aus­té­rité a fait au système de santé

    Actuel­le­ment les mères grecques doivent débour­ser 600 euros pour un accou­che­ment et 1 200 euros s’il y a une césa­rienne ou des compli­ca­tions. Pour les étran­gères vivant en Grèce, le prix est deux fois plus élevé. La mère doit payer la facture en quit­tant l’hô­pi­tal. Au début, lorsque ces tarifs ont été intro­duits et si la mère ne pouvait pas payer, l’hô­pi­tal gardait le bébé jusqu’au paie­ment de la facture. Condam­née à l’échelle inter­na­tio­nale, cette pratique a été inter­rom­pue et l’argent est désor­mais récu­péré au moyen d’une taxe supplé­men­taire. Néan­moins, si la famille n’a pas les moyens de payer, son loge­ment ou sa propriété peut être confisqué. Et si elle ne peut toujours pas payer, elle peut être empri­son­née. Un nombre crois­sant de nouveau-nés sont aban­don­nés à l’hô­pi­tal. […] pour la première fois, le nombre de décès en Grèce est en train de dépas­ser celui des nais­sances. Les gens ne peuvent plus se permettre finan­ciè­re­ment d’avoir des bébés. C’est déjà suffi­sam­ment dur de nour­rir et soigner les enfants exis­tants.

    […] L’ef­fon­dre­ment du système de santé public a entraîné un double­ment des cas de tuber­cu­lose, la réémer­gence de la mala­ria qui avait disparu depuis 40 ans et une multi­pli­ca­tion par 700 des infec­tions HIV. La pauvreté de l’ali­men­ta­tion entraîne égale­ment une dété­rio­ra­tion de la santé de la popu­la­tion. D’après l’OCDE, 1,7 million de Grecs, soit presque un sur cinq, n’ont pas assez à manger

    — CADTM

    Tous les beaux discours sur la respon­sa­bi­lité des grecs, sur la crois­sance qui revien­dra si on fait les efforts néces­saires, sur l’im­pos­si­bi­lité de prêter ou donner sinon les autres pays y vien­dront aussi… ça ne se heurte pas à la réalité d’aujourd’­hui : Nous lais­sons ce pays mourir et si nous ne sommes pas forcé­ment respon­sables des causes, nous sommes bien en bonne partie respon­sables de la situa­tions qui en découle.

  • Bien­tôt, le meilleur des mondes

    Elle implique que les élites, le gouver­ne­ment par exemple, prennent toujours de bonnes mesures, mais qu’elles ne savent pas bien les vendre. Et nous voilà tous trans­for­més en débiles (tout au moins les récal­ci­trants) : si nous sommes mécon­tents, c’est que nous n’avons pas saisi où était notre inté­rêt bien compris. Seul Big Brother sait ou réside notre bien.

    — Le blog des correc­teurs du Monde (qui excep­tion­nel­le­ment fait de la poli­tique)

    J’avais déjà souf­fert de ça avec le président précé­dent. Je ne vis pas ça comme une infan­ti­li­sa­tion, ou comme le fait d’être pris en débile.

    J’y vois surtout la néga­tion du choix poli­tique lui-même : feindre de croire qu’en expliquant tout le monde se rangera forcé­ment de notre côté, comme s’il n’y avait qu’une seule solu­tion viable, aucun choix poli­tique à faire.

    C’est malheu­reu­se­ment une réelle stra­té­gie. On fait peur en agitant les extrêmes, on radi­ca­lise les dicours, on se moque des autres, on évite de débattre du fond. Il n’y a qu’une seule voie : celle qu’on nous vend.

    La démarche coïn­cide très bien avec cette vision de la poli­tique spec­tacle qui utilise l’af­fi­chage publi­ci­taire plutôt que des dossiers étayés sur le fond, des conseillers en commu­ni­ca­tion plutôt que des experts du sujet, du marke­ting plutôt que de la convic­tion.

    Nous sommes tombés bien bas. Nous vivons la poli­tique comme une émis­sion de télé­vi­sion, et nous fini­rons bien­tôt aussi abru­tis et passifs que devant cette dernière, à regar­der le programme sans en déci­der le contenu.

  • Le tribu­nal correc­tion­nel de Bordeaux condamne un délit de faciès

    « Le prévenu en situa­tion irré­gu­lière a fait l’objet d’un contrôle d’iden­tité dans le cadre de l’ar­ticle 78.2, posent-ils dans leur juge­ment. Ce contrôle a été effec­tué sur la base d’une tenue vesti­men­taire banale et d’une appa­rence physique de type nord-afri­cain. Ces véri­fi­ca­tions qui ont pour but d’iden­ti­fier des personnes suspec­tées de commettre des infrac­tions limi­ta­ti­ve­ment énumé­rées et défi­nies par la réqui­si­tion ne peuvent être utili­sés pour faire des contrôles discri­mi­na­toires.  »

    Le tribu­nal correc­tion­nel a donc annulé ce contrôle au faciès, « enta­ché d’ir­ré­gu­la­rité ainsi que toute la procé­dure qui a suivi »

    — Le Monde

    C’est bien la première fois que j’en­tends parler d’un contrôle au faciès reconnu comme tel en justice. Grande avan­cée.

    Plus qu’à espé­rer que ça fasse boule de neige. Faites un tour Gare du Nord à Paris, il ne faudra pas une demie-heure pour comprendre que les critères premiers sont la couleur de peau et le survê­te­ment-capuche.

    J’ai honte pour ma police quand des gens non typés cauca­siens me racontent leur fréquence de contrôle, moi qui n’ai jamais été contrôlé à 36 ans.

    Un gros merci au tribu­nal de Bordeaux pour son courage. Vu que par défi­ni­tion on ne peut pas prou­ver la discri­mi­na­tion sur un acte arbi­traire non motivé, il aurait été facile de reje­ter le motif discri­mi­na­toire, comme partout ailleurs.