Pitié, arrêtons avec ça. On nous a déjà fait le coup plusieurs fois. Remettons de l’ordre dans les légendes urbaines en utilisant des indicateurs objectifs et pas du ressenti publiés par des gens qui y ont intérêt.
L’informatique n’est pas en pénurie
La tension du marché est caractérisée par le ratio entre les offres et les demandes. Il y a 25 % moins d’offres que de demandes. C’est d’autant plus significatif que nous avons un domaine avec quelques spécificités comme un turn-over deux fois plus important que la moyenne et des annonces de recrutement permanentes sur tous les sites de recrutement pour alimenter des bases de profils.
Nous avons 1 création de poste pour 4 recrutements et pour 8 offres. Malgré cela nous avons encore un tiers plus de demandes que d’offres. Pour être encore plus clair : En 2010 il y a plus de nouveaux diplômés en informatiques que d’offres d’embauche pour ces primo-demandeurs. Si ça c’est une pénurie, il faudra m’expliquer.
L’informatique a un taux de chômage conséquent
Le chômage des informaticiens a même monté de 45 % sur 2009 si on prend en compte les primo-demandeurs, après 7 mois successif de hausse sur les derniers mois 2008.
L’étude des années 2000 à 2010 montre un chômage moyen de 7,2 % avec des périodes de chômage structurel de près de 80 % de la période. Il faut bien prendre en compte que sur les 20 % restants nous avons eu deux années d’euphorie qu’on a nommé après « la bulle Internet », qu’il est difficile de considérer comme représentatives de la réalité ou de l’avenir.
C’est d’autant plus significatif que 75 % des salariés du secteur sont des cadres, habituellement moins touchés par le chômage. Le secteur n’est pas en pénurie, mais il n’est pas tellement mieux loti que le reste non plus. Il est par exemple factuellement moins porteur que l’agriculture (surtout si on compare au domaine « études et recherche »).
L’embauche en informatique n’est pas si difficile
Nous n’avons pas de pénurie, nous avons même un chômage structurel. Alors, avons-nous au moins des difficultés de recrutement exceptionnelles ?
L’APEC a deux statistiques intéressantes à ce niveau. Elle mesure un indicateur de difficulté d’embauche. Cet indicateur est dans notre secteur de 22 % pour les cadres et de 5 % pour les non-cadres. Il est à comparer à 20 % pour l’ensemble du secteur tertiaire. Nous n’avons donc pas de difficulté exceptionnelle pour les cadres, et une grande facilité pour les non-cadres. Pour référence le même indicateur est de 56 % dans l’industrie du bâtiment et de 28 % pour l’industrie manufacturière.
Le second indicateur mesure l’adéquation des embauchés par rapport aux attentes. L’APEC nous indique que 92 % des recruteurs estiment que l’écart entre le profil recherché et celui de la personne recrutée est nul ou faible.
Bref, recruter est difficile, surtout pour un travail intellectuel. C’est vrai en informatique comme ailleurs, mais pas plus qu’ailleurs, et pas à cause d’une soi-disante pénurie.
Il n’y a pas de tensions sur les salaires en informatique
Cette absence de tension réelle se voit d’ailleurs sur les salaires. Étrangement si la statistique précédente nous dit que les profils recrutés sont à 92 % conformes aux attentes, la même statistiques nous dit aussi que 85 % des salaires à l’embauche sont équivalents ou inférieurs à ceux envisagés.
Les salaires vont plutôt à la baisse par rapport aux attentes initiales sans que ce ne soit justifié par des profils moins compétents que prévu. Ce n’est pas réellement le reflet d’une difficulté à recruter.
Pourtant ces mêmes salaires sont déjà bas. L’activité « études, développement et intégration » a le 32ème salaire médian sur les 36 référencées, juste avant « études techniques et essais », « conception », « recherche fondamentale » et « autre enseignement ». Ce n’est pas là non plus le reflet d’un marché en tension.
Entre septembre 2010 et mars 2011 les salaires à l’embauche des cadres a augmenté de 2,9 % tous secteurs confondus, sans qu’on ne parle de pénurie. En informatique et telecom, il n’a été que de 0,4 % : 7 fois moins.
Que cette question du salaire soit la source de la difficulté de recrutement ou le signe de son absence relève de l’interprétation, mais en tous cas ça ne colle pas avec un marché en tension et en pénurie.
Mais alors, quel est le problème en informatique ?
Là nous entrons dans la partie d’opinion alors que le reste était basé sur des chiffres objectifs. Je réserve donc ça pour un billet séparé. Pour faire court ça tient tout de même en quelques points : SSII, activité cyclique et évolution de carrière.
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