Auteur/autrice : Éric

  • Corps et tabous

    Je me moque copieu­se­ment de Face­book et de son filtre de respec­ta­bi­lité pour les photos. J’iro­nise sur les censures. On peut voir les corps mais pas de téton fémi­nin ou de sexe. On en arrive a des situa­tions déli­rantes où les artistes mettent des caches-téton sur les photos et où on bannit des photos de promo­tion contre le cancer du sein.

    Je me moque mais fina­le­ment, en discu­tant photo avec des amis, je me rend compte qu’on fait bien les même idio­ties. Notre limite est juste placée un peu plus loin, en auto­ri­sant les seins et un peu de pilo­sité. Même pour des photos artis­tiques et inté­res­santes par ailleurs, j’écarte systé­ma­tique­ment celles où le photo­graphe laisse le sexe appa­rant. Il faut qu’il soit caché ou hors cadre, à la limite dans l’ombre si on ne distingue pas grand chose.

    J’ai l’im­pres­sion de me faire domi­ner par des tabous stupides. Quel sens cela a-t-il de rendre honteux ou inter­dit quelques dizaines de centi­mètres carrés sur un corps sachant qu’on sait bien tous comment c’est fait de toutes façons ? Qu’il y a-t-il de si sulfu­reux à avoir un corps ou à l’as­su­mer ?

    Il y a quelques temps j’avais publié une photo quasi­ment unique­ment pour sortir de ce genre de tabous. C’était fina­le­ment plutôt pudique et consen­suel. Aujourd’­hui j’ai presque envie de repro­duire le tableau de Cour­bet, juste pour montrer qu’il n’y a là rien qui devrait faire faire honte, pour me montrer que je n’en ai pas honte.

    L'origine du monde - Gustave Courbet
    L’ori­gine du monde – Gustave Cour­bet

    Ce tableau a déjà 150 ans, et rien n’a changé. Nous l’ac­cep­tons, mais à condi­tion de ne le voir qu’à titre histo­rique, en pein­ture et entouré d’un cadre.

  • Quelques idéaux sur l’hé­ri­tage

    On a parlé héri­tage et je me rends compte que je n’avais toujours pas écrit ce billet. Pas d’ar­gu­men­ta­tion chif­frée, essen­tiel­le­ment de l’opi­nion pour l’ins­tant :

    Je n’ai jamais compris la légi­ti­mité de l’hé­ri­tage. Au delà de la source d’iné­ga­lité, je ne vois pas en quoi on mérite quoi que ce soit sous prétexte de filia­tion. Alors certes, je comprends que les parents veuillent donner mais la fisca­lité des dons me semble alors parfai­te­ment adap­tée. La volonté passée d’un mort ne me semble pas d’un poids suffi­sam­ment fort pour méri­ter des avan­tages fiscaux dans l’or­ga­ni­sa­tion sociale entre les vivants.

    Ce que j’ima­gine :

    Exoné­ra­tion totale de droits pour :

    – Le conjoint (sous condi­tion de vie commune depuis un certain temps et de déjà gérer leur patri­moine de façon commune) ;

    – Les personnes à charge qui vivent sous le même toit ou en insti­tu­tion (enfants jusque 20 à 25 ans, inva­lides, ascen­dants dépen­dants, …).

    Fran­chise totale jusqu’à 100 000 € pour les autres cas de trans­mis­sions à des proches ayant encore un lien actif (si tu n’as plus de liens de soli­da­rité depuis des années, tu oublies).

    Fisca­li­sa­tion élevée de l’ordre de 60% pour tout le reste, sans excep­tion, sans abat­te­ment, y compris pour l’im­mo­bi­lier. Le 60% n’est pas arbi­traire, c’est la fisca­lité pour les dons quand il n’y a aucun statut privi­lé­gié.

    Aucune trans­mis­sion vers des tiers sans lien affec­tif ou de soli­da­rité récent avec le défunt, sauf à ce qu’ils soient dési­gnés nommé­ment dans un testa­ment. Contrai­re­ment à aujourd’­hui, sauf si  par le défunt le demande expli­ci­te­ment, le petit fils du cousin n’au­rait droit à rien même s’il est le descen­dant le plus direct. Ce genre d’hé­ri­tage n’a aucun sens et aucune légi­ti­mité.

    * * *

    Par contre je trou­ve­rai légi­time de trou­ver une solu­tion éviter la mise aux enchères forcée des biens dont l’at­ta­che­ment fami­lial est parti­cu­lier.

    Le dona­teur trans­met une habi­ta­tion fami­liale dans laquelle le léga­taire a passé une partie signi­fi­ca­tive de sa vie et dont il projette de faire sa rési­dence prin­ci­pale ? On peut imagi­ner deman­der le paie­ment des droits de succes­sions corres­pon­dants, modulo des inté­rêts légaux, unique­ment quand cette situa­tion change.

    On peut imagi­ner un système simi­laire au cas par cas pour d’autres biens comme des objets d’art.

    Pour les petites entre­prises histo­rique­ment contrô­lées par la famille et dont le léga­taire prévoit d’en reprendre le contrôle actif, on peut imagi­ner un méca­nisme simi­laire, ou que l’État en devienne action­naire silen­cieux avec un droit de sortie conjoint auto­ma­tique en cas de revente.

    Bref, il y a des solu­tions à la problé­ma­tique de la fameuse maison fami­liale qui a pris une valeur déme­su­rée.

    * * *

    Je sais que ça ne chan­gera pas les finances publiques de façon gigan­tis­sime, mais si on réaf­fecte ces sommes pour subven­tion­ner l’édu­ca­tion des jeunes ou leur prise d’in­dé­pen­dance, ça sera proba­ble­ment mieux utilisé et plus légi­time.

    Je sais, tout ça est irréa­li­sable, mais au moins ça me permet­tra d’y faire réfé­rence sur une prochaine discus­sion.

  • Sens du marquage au sol des dos d’âne

    J’ai l’im­pres­sion d’être fou. Je me souviens avec force que dans ma jeunesse les dos d’ânes avaient un marquage au sol avec les flèches pointe vers le conduc­teur – le sens du marquage aidant à mieux perce­voir le relief en ques­tion.

    Aujourd’­hui le marquage au sol se fait avec la pointe dans le sens de circu­la­tion. Si ça évite de trom­per sur le sens de circu­la­tion, illu­sion d’op­tique oblige, ça a aussi tendance à réduire l’im­pres­sion de relief du dos d’âne.

    Mes souve­nirs sont très forts, j’au­rais parié n’im­porte quoi. Étran­ge­ment je ne trouve aucun texte sur cet éven­tuel chan­ge­ment, ou même aucune image avec cet éven­tuel ancien marquage au sol. S’il y a vrai­ment eu une inver­sion un jour, ça a pour­tant forcé­ment du faire parler…

    J’ai vécu en Italie pendant ma jeunesse donc peut-être est-ce là bas que c’était diffé­rent, mais je n’en trouve pas plus de traces. Ma femme a le même souve­nir mais avec les mêmes termes, donc peut-être que l’un a influencé l’autre, ou que nous avions eu un dos d’âne anor­ma­le­ment marqué dans le mauvais sens près de chez nous à un moment dans notre vie.

    Est-ce que je délire ? Me suis-je vrai­ment forgé un faux souve­nir de façon aussi forte ?

  • Mon problème avec E. Macron

    Je lis le billet d’Au­thueil qui illustre très bien mon problème avec Emma­nuel Macron. On nous vend du disrup­tif, du renou­veau, mais je n’ai toujours qu’un superbe embal­lage marke­ting. Je suis désolé, ce n’est pas ce que j’en attends, même si ça fonc­tionne.

    Sur la méthode, Macron détonne égale­ment. Un excellent article de Média­part (payant) explique très bien que « En marche » est diri­gée par un staff qui sort d’HEC, et qu’il est dirigé comme une start-up, avec des méthodes commer­ciales et de mana­ge­ment qui sont fami­lières à ceux qui bossent en entre­prise, mais tota­le­ment étran­gères au monde poli­tique. Le choix des théma­tiques et des messages, comme le posi­tion­ne­ment centriste « ni droite ni gauche », ne doivent rien au hasard, et il y a du y avoir de bonnes études de marché au préa­lable. Emma­nuel Macron est lancé comme un nouveau produit, avec toutes les tech­niques marke­ting qui vont bien pour ça. C’est, pour l’ins­tant, redou­ta­ble­ment effi­cace, et cela donne un sérieux coup de vieux aux appa­reils poli­tiques tradi­tion­nels.

    Moi j’ai­me­rais bien qu’on choi­sisse notre repré­sen­tant natio­nal sur la poli­tique qu’on souhaite appliquer et pas simple­ment sur l’ef­fi­ca­cité de son équipe de commu­ni­ca­tion. Oui, je sais, je suis vieux jeu.

    Authueil parle aussi du programme. Comme tous ses parti­sans, il pointe vers un site tiers pour se faire une idée du programme. Le simple fait de devoir aller pour ça sur un site tiers qui n’en­gage pas le candi­dat alors que l’équipe de commu­ni­ca­tion est jugée excel­lente par tout le monde, ça devrait faire réflé­chir. Sur ce site on y trouve des cita­tions très longues qu’il faut inter­pré­ter sur chaque sujet.

    Si j’osais, je dirais que ça ressemble à un évan­gile. Quel que soit la thèse qu’on défend, on pourra s’y retrou­ver. C’est presque magique. Mais du coup, pour affir­mer quelle est réel­le­ment la posi­tion du candi­dat ou ce qu’il va faire…

    * * *

    Vous ne me croyez pas ? J’ai pris l’exemple de la laïcité, sujet clivant en ce moment s’il en est. La moitié du texte décrit le présent ou le passé de façon neutre. C’est « le diagnos­tic ».

    Je me concentre donc sur les prises de posi­tion dans la partie « action ». J’in­siste, j’ai sauté la partie « diagnos­tic ». Ici vous trou­ve­rez verba­tim toute la partie « action » et unique­ment la partie « action ». Vous voulez de l’ac­tion ? il faudra repas­ser :

    Il consi­dère qu’il faut « préser­ver comme un trésor la concep­tion libé­rale de laïcité qui a permis que dans ce pays, chacun ait le droit de croire ou de ne pas croire, l’ex­pres­sion se lisant d’ailleurs dans les deux sens. »

    Je vous mets au défi de trou­ver un candi­dat signi­fi­ca­tif qui ne soit pas d’ac­cord avec ça.

    Ainsi, selon cette concep­tion libé­rale, « en France, aucune reli­gion n’est un problème. »

    Emma­nuel Macron fait néan­moins une distinc­tion majeure entre les reli­gions et les compor­te­ments se plaçant sous le signe du reli­gieux : « Ce qui est un problème […] ce sont certains compor­te­ments, placés sous le signe du reli­gieux, quand ils sont impo­sés à la personne qui les pratique. […] Car si la liberté de conscience est totale, l’in­tran­si­geance quant au respect des lois de la Répu­blique, elle, est abso­lue. […] En France, il y a des choses qui ne sont pas négo­ciables. On ne négo­cie pas les prin­cipes élémen­taires de la civi­lité. On ne négo­cie pas l’éga­lité entre les hommes et les femmes. On ne négo­cie pas la liberté. »

    Toutes les reli­gions sont accep­tables, mais pas forcé­ment tous les compor­te­ments au titre de ces reli­gions. Vous pouvez l’in­ter­pré­ter pour dire tout et son contraire.

    Je soutiens la vision multi­cul­tu­relle ? ça fonc­tionne. Je soutiens la vision qui défend la France d’ex­tré­mistes isla­miques ? ça fonc­tionne. Je soutiens la vision des mulsul­mans, y compris radi­caux non violents, qui se sentent brimés ? ça fonc­tionne. Je peux même soute­nir une vision large­ment raciste qui se défend de vouloir bannir la reli­gion musul­mane mais qui veut en inter­dire toute mani­fes­ta­tion sous prétexte de civi­lité ou égalité.

    Bref, E. Macron est pour le respect des lois, l’éga­lité, la civi­lité et la liberté. Quel candi­dat ne l’est pas ? Aucune action.

    Emma­nuel Macron se réfère à la loi de 1905 qui n’in­ter­dit pas les mani­fes­ta­tions reli­gieuses dans l’es­pace public tant qu’il n’ap­pa­rait pas de trouble à l’ordre public. Il fustige à ce titre les débats autour de l’ex­pres­sion du reli­gieux dans l’es­pace public : « l’Etat est laïc, pas la société. »

    Selon lui, « le laïcisme qui se déve­loppe aujourd’­hui, à gauche et à droite, est une concep­tion étriquée et dévoyée de la laïcité qui dénote à la fois une insé­cu­rité cultu­relle profonde et une incom­pré­hen­sion histo­rique de la France. »

    Là il y a un début de prise de posi­tion. Malheu­reu­se­ment il n’est pas encore suffi­sam­ment clair et tran­ché. Je rappelle que toutes les lois et toutes les actions faites au nom de la laïcité se font surtout au nom de l’ordre public. On retire le voile complet ? au nom de l’ordre public. Le Burkini ? au nom de l’ordre public (et de l’hy­giène). La fin des prières sur les trot­toirs faute de place place à la Mosquée ? au nom de l’ordre public.

    Bref, même si les soutiens d’une laïcité comba­tive tique­ront un peu, tout le monde pourra y trou­vera son compte. Toujours aucune action.

    Si Emma­nuel Macron refuse une « concep­tion étriquée et dévoyée de la laïcité », il ne prétend pas cepen­dant que toutes les situa­tions soient simples. « Ne soyons pas naïfs : certaines tendances d’un islam parti­cu­liè­re­ment rétro­grade sont à l’œuvre dans notre société pour venir en quelque sorte ‘tes­ter’ les limites de la laïcité, pour monter en épingle des compor­te­ments isolés ou mino­ri­taires. »

    Ouf. Comme le para­graphe précé­dent était outra­geu­se­ment modéré, voilà qui va renfor­cer n’im­porte quelle posi­tion radi­cale. Comme on ne parle que de « certaines tendances » sans rien nommer, les modé­rés seront bien d’ac­cord aussi.

    On vient de récon­ci­lier tout le monde en ne prenant… aucune posi­tion.

    Concer­nant par exemple le débat sur le « burkini », il consi­dère que « le port de ce vête­ment de plage, inventé il y a quelques années par une styliste austra­lienne, n’a abso­lu­ment rien de cultuel. Il n’est ni une tradi­tion, ni une pratique reli­gieuse.  C’est donc bien à tort qu’on a voulu l’en­ca­drer sous l’angle d’un prin­cipe de laïcité mal compris. En revanche, l’État impose des règles de vie en société compre­nant le respect intran­si­geant de certaines valeurs : l’éga­lité entre les hommes et les femmes, la civi­lité, l’ordre public… »

    Vision multi­cul­tu­relle : « il a dit qu’on a eu tort de vouloir l’en­ca­drer sous l’angle de la laïcité ».

    Vision radi­cale : « il a dit qu’il fallait être intran­si­geant sur l’éga­lité et l’ordre public » (on se deman­dera d’ailleurs ce que viennent faire l’ordre public ou la civi­lité sur un maillot de bain couvrant).

    Mais fina­le­ment, pensait-il que c’était une bonne chose ou non d’in­ter­dire le Burkini ? Pensait-il que les mairies étaient libres de prendre des arrê­tés ou non ?

    Toujours magique, aucune prise de posi­tion mais des paroles qui peuvent être lues dans les deux sens oppo­sés. Aucune action.

    Pour Emma­nuel Macron, bien que le cœur même de la laïcité exige une neutra­lité de l’Etat, le devoir de permettre à chacun d’exer­cer digne­ment sa reli­gion doit être réaf­firmé : « Lais­sons les Français musul­mans prendre leurs respon­sa­bi­li­tés en toute trans­pa­rence. Aidons-les en sortant aussi de nos réflexes histo­riques, de nos défiances. Aidons-les en coupant les ponts à des orga­ni­sa­tions parfois occultes, à des modes de finan­ce­ment inac­cep­tables, à des compor­te­ments tout autant inac­cep­tables. »

    Vision multi­cul­tu­relle : neutra­lité, permettre à chacun, aidons-les

    Vision radi­cale : (à condi­tion qu’)ils coupent les ponts avec des orga­ni­sa­tions, changent leurs finan­ce­ment, arrêtent les compor­te­ment que nous trou­vons inac­cep­tables

    Bref, toujours lisible dans les deux sens, et aucune action claire.

    L’or­ga­ni­sa­tion de l’is­lam en France et le combat contre une forme radi­cale de l’is­lam ne passent pas pour Emma­nuel Macron par de nouveaux textes ou de nouvelles lois, mais par l’ap­pli­ca­tion de celles exis­tantes : « Nous devons mener ensemble […] un combat contre l’is­lam radi­cal, un islam qui veut inter­fé­rer dans certains quar­tiers sur la chose publique, et qui se pense comme préva­lant sur la Répu­blique et ses lois ». « Je suis pour cette bien­veillance exigeante, je suis pour la laïcité de 1905, mais, dans le même temps, nous avons, sur le terrain, des combat­tants de cette laïcité, des combat­tants des droits des femmes, des combat­tants des règles de la Répu­blique. »

    Là il y a une prise de posi­tion : pas de nouvelle loi.

    Dans le même temps on insiste sur une meilleure appli­ca­tion des exis­tantes comme la solu­tion, ça peut tout de même coller avec les radi­caux qui en demandent plus.

    On voit bien le « bien­veillance exigeante » et le « dans le même temps » qui font bien atten­tion à montrer les deux côtés sous un angle accep­table pour tout le monde sans avan­cer une quel­conque action ou posi­tion clivante.

    Emma­nuel Macron plaide pour une mobi­lité accrue des jeunes habi­tants des quar­tiers popu­laires grâce à un meilleur accès aux trans­ports, à la culture, aux études, à l’em­ploi. « Dans ces quar­tiers, nous avons laissé les arti­sans d’un islam radi­cal faire leur œuvre, faire leur miel de la frus­tra­tion de nos jeunes, de la frus­tra­tion des Français. Voilà pourquoi […] nous devons réin­ves­tir nos quar­tiers pour redon­ner aux habi­tants des oppor­tu­ni­tés et de la mobi­lité ». « Notre mission, elle sera diffi­cile, elle pren­dra du temps, elle sera exigeante avec toutes et tous. Ce sera de faire que les Français de confes­sion musul­mane soient toujours plus fiers d’être Français que fiers d’être musul­mans. »

    blabla­bla­bla. Il y a bien une posi­tion mais liée à l’ur­ba­nisme, et abso­lu­ment consen­suelle. Je suis tout à fait d’ac­cord que ça peut être une piste pour réduire ce qui a mené au symp­tôme « problème reli­gieux » mais ça s’ar­rête là. On redonne un coup de natio­na­lisme à la fin pour équi­li­brer.

    Marine Le Pen et François Fillon n’au­raient peut-être pas avancé les trans­ports et la culture mais en reti­rant ces deux mots je vous mets au défi d’ex­clure que ça aurait pu venir de leur discours. Vouloir des trans­ports et de la culture pour permettre aux français de réin­ves­tir les quar­tiers, ça reste large­ment accep­table donc ça ne choquera pas même avec ces deux mots (surtout que les radi­caux les plus durs consi­dèrent que ne pas se couvrir ou que le style de musique font partie de la culture à impo­ser à ceux qui auraient un avis diffé­rent).

    Bien entendu, très à gauche, mettre du trans­port, de la culture et de l’édu­ca­tion pour désen­cla­ver les quar­tiers, tout le monde sera d’ac­cord. Bien évidem­ment aussi qu’il faut mettre fin au chômage des quar­tiers diffi­ciles. Mélan­chon, Jadot ou Hamon auraient eux aussi pu pronon­cer ce para­graphe.

    Bon, on fait comment ? On fait quoi en pratique ? On coupe les allocs pour inci­ter au travail ou on met en place des CV anonymes et du testing anti-discri­mi­na­tion ? Oui je cari­ca­ture les deux posi­tions oppo­sées mais pour ce qui est de l’ac­tion… on ne saura pas.

    Au nom de sa concep­tion d’une laïcité de liberté plutôt que d’in­ter­dit, Emma­nuel Macron se prononce contre l’in­ter­dic­tion du voile à l’uni­ver­sité car, à la diffé­rence de l’école où les indi­vi­dus sont mineurs, « l’uni­ver­sité est le lieu des consciences éclai­rées et adultes. »

    Selon Emma­nuel Macron, l’in­ter­dic­tion du voile à l’uni­ver­sité serait contre-produc­tive : « Ce qui trouble, c’est le risque que cette jeune femme voilée ait subi une pres­sion maxi­mum, qu’elle ait été contrainte. Il n’em­pêche : inter­dire le voile à l’uni­ver­sité, c’est para­doxa­le­ment inter­dire à cette jeune femme d’avoir ce qui serait peut-être la seule expé­rience qui lui permet­trait de sortir de sa commu­nauté, d’ac­cé­der à un univer­sel, au savoir, à des expé­riences qui pour­raient l’éman­ci­per. En lui refu­sant cet accès, on renfor­ce­rait le commu­nau­ta­risme puisqu’elle serait renvoyée à son quar­tier, à sa situa­tion, à son confi­ne­ment social. En ce sens, les laïcistes favo­risent le commu­nau­ta­risme dans les quar­tiers car ils recréent du clivage. Ils favo­risent une iden­tité qui se construit contre la Répu­blique au prétexte que cette répu­blique exclu­rait. »

    Donc E. Macron est contre l’in­ter­dic­tion du voile à l’uni­ver­sité. Valls avait tenté de renfor­cer sa posture d’homme ferme face aux dérives avec une décla­ra­tion là dessus et l’UMP avait fait de même deux ans avant. Je pense que le FN ne serait pas tota­le­ment contre non plus.

    Bref on aura eu UNE vraie posi­tion claire au dernier para­graphe sur les cinq pages de texte. C’est d’ailleurs la seule phrase en gras sur toute la partie laïcité.

    Bon, en même temps, depuis, le Conseil d’État a pris offi­ciel­le­ment posi­tion pour dire que ça ne passe­rait jamais le Conseil Cons­ti­tu­tion­nel. Le Conseil natio­nal de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche (Cneser) comme l’Ob­ser­va­toire de la laïcité sont eux expli­ci­te­ment contre. Le ballon d’es­sai de Valls a montré que même la popu­la­tion était plutôt contre aussi, au point de se faire reca­drer immé­dia­te­ment par Hollande (et s’il y a une chose à laquelle on dit que E. Macron tient beau­coup, ce sont bien les études d’opi­nion).

    Bref, une prise de posi­tion qui aurait été clivante dans le passé mais qui n’a plus vrai­ment de sens aujourd’­hui. Il n’y a plus que quelques trolls comme E. Ciotti pour avan­cer dans cette voie (et proba­ble­ment plus pour faire la une que pour réel­le­ment le faire voter). Pas d’ac­tion.

    * * *

    C’est tout. La partie action manque telle­ment d’ac­tion que que je vous épargne la partie diagnos­tic.

    Moi j’y lis une vision multi­cul­tu­relle à l’op­posé du combat des radi­caux pro-laïcité, mais la présence systé­ma­tique de contre-poids à chaque phrase permet­tra à tout le monde de croire que ça va dans son sens. Je suis convaincu que, du FN au PG, tout le monde pour­rait se sentir rela­ti­ve­ment en phase avec les para­graphes cités.

    Entre temps, mis à part la non-inter­dic­tion du voile à l’uni­ver­sité qu’au­cun poli­tique sérieux n’au­rait désor­mais jugé réaliste, on n’a que de vagues décla­ra­tions géné­rales sans aucune action derrière.

    Ce que je retiens : E. Macron accueille toutes les reli­gions mais pas les mauvais compor­te­ments. Il est pour l’éga­lité, la liberté, la civi­lité et l’ordre public. Il est bien­veillant mais exigeant. Il est pour inter­ve­nir dans les quar­tiers terreau de compor­te­ments radi­caux mais ne dit pas encore comment. Comment être contre ?

    Si ça se trouve il est même pour la paix dans le monde. C’est dire s’il est bien comme candi­dat. Sauf… qu’on n’est pas à un concours de beauté des années 1990.

    * * *

    On me dit que c’est un bosseur, qu’il est sérieux, ouvert, qu’il veut faire enfin bouger les choses. Ça a plutôt l’air vrai dans ce qu’on a pu voir mais… est-ce suffi­sant ?

    Je n’adhère pas à cette vision tech­no­cra­tique où l’élu doit être un expert et bon gestion­naire, où l’ac­tion remplace la vision. On tue la poli­tique, le choix du peuple souve­rain sur son futur et la gestion de son État.

    À force on finit par oublier que derrière il y a des choix, des choix qui sont tout à fait arbi­traires, qui tiennent à des modèles de société. Ce sont ces choix qui doivent nous guider. Si on cherche juste à opti­mi­ser et à gérer, on risque de se retrou­ver avec un modèle de société qu’on n’a pas choisi.

    Comment est-ce que je fais avec E. Macron et sa campagne ? Ça fonc­tionne très bien parce qu’il arrive à trou­ver de beaux mots qui vont à tout le monde, parce qu’il a une image de réfor­ma­teur actif et sérieux, mais quel est son modèle de société ? est-ce le mien ? est-ce le votre ? Je n’en sais rien et c’est gênant.

    Les grands discours de deux heures avec des phrases parfois sans queue ni tête arbi­trées par les études d’opi­nion et des experts en commu­ni­ca­tion devant un public télé­com­mandé… ça fonc­tionne peut être mais j’at­tends autre chose. J’ai­me­rais bien qu’on se mette à discu­ter poli­tique et modèle de société. Oui, je suis vieux jeu. Je l’ai déjà dit plus haut.

  • Les 10 enga­ge­ments Anti­cor

    Je suis embêté. Je m’ap­prê­tais à appuyer l’ini­tia­tive mais en fait j’ai deux désac­cords sur 10 points, et ça fait beau­coup.

    J’ai un problème avec le 1– pas de casier et le 3– fin de l’im­mu­nité.

    Avant d’ar­gu­men­ter pour les deux, j’ai­me­rais mettre un peu de contexte avec les paroles attri­buées au Cardi­nal Riche­lieu « Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trou­ve­rai de quoi le faire pendre. »

    1. instau­rer comme condi­tion d’éli­gi­bi­lité à toutes les élec­tions l’ab­sence de condam­na­tion inscrite au bulle­tin n° 2 du casier judi­ciaire ;

    Je me rappelle tous ces dépu­tés qui un jour on dit « oui, moi aussi j’ai déjà fumé un joint ». Tech­nique­ment c’est de l’usage illi­cite de stupé­fiant. Une telle mesure devrait leur inter­dire de siéger. La seule diffé­rence c’est qu’ils n’ont pas été pris ou pour­sui­vis.

    Je ne crois pas qu’il faille empê­cher quelqu’un de repré­sen­ter le peuple parce qu’il a fumé un joint, ni parce qu’il a été condamné pour outrage et rébel­lion dans une mani­fes­ta­tion passée. On sait combien c’est facile d’en être la cible quand on n’est pas déjà quelqu’un.

    Je ne crois pas non plus qu’il eut fallu par exemple empê­cher José Bové d’être élu natio­nal sous prétexte qu’il a démonté un Mac Do lors d’une opéra­tion de protes­ta­tion.

    Pire : À l’heure où François Fillon tente de s’ac­cro­cher aux branches en accu­sant ses adver­saires de vouloir le disqua­li­fier, vous imagi­nez si n’im­porte quel délit mineur pouvait rendre inéli­gible ? Nous trans­gres­sons tous la loi sur un point ou un autre. Tous, sans excep­tion. Il suffi­rait que l’exé­cu­tif force un peu la main pour cette fois réel­le­ment exclure un gêneur. Même si ça parait peu probable, je ne veux pas ouvrir cette voie au futur.

    l’ins­tau­ra­tion d’une nouvelle clause d’éli­gi­bi­lité, faisant de l’ab­sence de toute condam­na­tion pour des délits ayant trait à la gestion de l’argent public un préa­lable à toute candi­da­ture

    Cette formu­la­tion de la prési­den­tielle de 2012 était bien plus légi­time. Pour faire bonne mesure je n’au­rais pas été contre y ajou­ter les abus de bien sociaux ou d’autres délits liés au pouvoir et au détour­ne­ment de respon­sa­bi­li­tés. Ce sont là des délits graves, et surtout perti­nents vis à vis de l’exer­cice du pouvoir public.

    Je suis furieux parce que cette année ils s’adonnent au popu­lisme et surfent sur la défiance envers les élus. Ce n’est pas ce que j’at­tends d’une asso­cia­tion aussi impor­tante.

    Si on veut vrai­ment pous­ser la probité on pour­rait aussi impo­ser la publi­ca­tion du casier des candi­dats, la tota­lité cette fois. À chacun de justi­fier son passé ou de démon­trer que juste­ment c’est du passé mais on n’han­di­cape ainsi ni la repré­sen­tion ni la rési­lience face aux abus du pouvoir en place.

    1. suppri­mer l’in­vio­la­bi­lité dont béné­fi­cient le Président de la Répu­blique et les parle­men­taires (qui leur permet de ne pas être pour­suivi pendant la durée de leur mandat, même pour des actes étran­gers à l’exer­cice de leurs fonc­tions)

    Petit aparté : L’im­mu­nité parle­men­taire est double. Irres­pon­sa­bi­lité et invio­la­bi­lité. Contrai­re­ment à ce que laisse entendre Anti­cor, l’ir­res­pon­sa­bi­lité ne concerne que les actes dans l’exer­cice de leur fonc­tion (c’est à dire quasi­ment que leur présence à l’As­sem­blée ou au Sénat). L’in­vio­la­bi­lité empêche les mesures coer­ci­tives pendant leur mandat mais, contrai­re­ment à ce que laisse entendre le texte d’An­ti­cor, n’em­pêche pas forcé­ment d’être mis en examen, ni même d’être condamné. S’il y a condam­na­tion à de la prison, ça atten­dra juste la fin du mandat.

    Celui là est plus théo­rique mais il me semble encore plus dange­reux pour la démo­cra­tie (oui, rien que ça).

    L’im­mu­nité prési­den­tielle c’est empê­cher que, même justi­fiés, des faits mineurs ne puissent mettre tout le pays en diffi­culté via la mise en cause de son repré­sen­tant. Injuste ou pas, ça me parait impor­tant et assez peu cher payé. Je n’ai pas en tête de cas où ça ait été un problème majeur.

    L’ir­res­pon­sa­bi­lité parle­men­taire dans l’exer­cice de ses fonc­tions est aussi une liberté essen­tielle au fonc­tion­ne­ment des insti­tu­tions. Vous imagi­nez qu’un député soit inca­pable de parler de terro­risme ou de la loi sur l’apo­lo­gie du terro­risme sans être accusé d’apo­lo­gie ? moi pas. La liberté de parole proté­gée par l’im­mu­nité est essen­tielle au fonc­tion­ne­ment parle­men­taire.

    Plus loin, on touche aussi à la sépa­ra­tion des pouvoirs et à la rési­lience du système répu­bli­cain.

    On permet que l’exé­cu­tif, qui contrôle les forces de police et les procu­reurs, ne puisse empê­cher un parle­men­taire de faire son travail. On évite que n’im­porte quel poli­cier puisse enclen­cher arbi­trai­re­ment une garde à vue ou un contrôle d’iden­tité et bloque le parle­men­taire pendant un vote ou une décla­ra­tion. Si ça vous semble ridi­cule c’est que vous n’écou­tez pas assez l’ac­tua­lité inter­na­tio­nale.

    On permet plus géné­ra­le­ment que le judi­ciaire ne puisse inquié­ter les repré­sen­tant de la nation, de même que l’ina­mo­vi­bi­lité des magis­trats les protège contre les pres­sions de l’exé­cu­tif.

    Malgré toutes les polé­miques on vit ajourd’­hui une démo­cra­tie apai­sée. Ça n’a pas toujours été le cas. Certains ont tendance à oublier que nos grand-parents ont connu d’autres temps, que d’autres pays les vivent en ce moment, et que rien ne nous permet d’écar­ter des jours moins heureux en France dans le futur.

    J’ai­me­rais qu’on évite de jeter nos assu­rances pour l’ave­nir juste parce que les risques ne semblent pas se réali­ser dès la semaine prochaine.

    *

    À noter que dans les deux immu­ni­tés ont des méca­nismes si jamais son béné­fi­ciaire est en roue libre.

    La justice peut deman­der une levée de l’im­mu­nité parle­men­taire. Elle est déci­dée par les pairs du concerné (Assem­blée natio­nale ou Sénat). Contrai­re­ment à ce qu’on peut imagi­ner… ça arrive. Il y a eu huit levées d’im­mu­nité sur la manda­ture actuelle.

    Pour rappel, l’in­vio­la­bi­lité n’em­pêche pas par prin­cipe les pour­suites ou la condam­na­tion. Il est très diffi­cile d’ima­gi­ner un refus de levée d’im­mu­nité pour un parle­men­taire offi­ciel­le­ment condamné.

    Pour le Président il y a des possi­bi­li­tés d’em­pê­che­ment et de desti­tu­tion. C’est plus diffi­cile, mais ce n’est pas une mauvaise chose.

  • Il est temps d’en parler

    J’ai du mal parce qu’on parle encore de Aulnay et de Théo. Oui, Théo s’en sort avec 60 jours d’ITT et une perfo­ra­tion anale faite à l’aide d’une matraque par un dépo­si­taire de l’ordre public et c’est gravis­sime. Cepen­dant parler de cet homme fait croire qu’il s’agit juste d’une bavure et d’une poignée de personnes impliquées.

    Sauf que non. Le même commis­saire en charge aujourd’­hui avait déjà fait l’objet d’une condam­na­tion il y a moins de 10 ans pour absten­tion volon­taire à empê­cher un crime ou délit dans une affaire ou un subor­donné avait menacé de sodo­mie en glis­sant un enjo­li­veur dans les fesses d’un chauf­fard.

    Vous allez me dire que 10 ans c’est beau­coup, mais à Drancy deux semaines avant, se tenait le procès d’un poli­cier muni­ci­pal pour… une perfo­ra­tion anale de 10cm faite avec une matraque enfon­cée à l’ho­ri­zon­tale sur une personne menot­tée et 10 jours d’ITT. Ça ne vous rappelle rien ? Pascal (c’est son prénom) n’a pas eu autant d’im­pact média­tique et les faits ont été requa­li­fiés de viol à violences aggra­vées avec l’ex­cuse du « je ne me l’ex­plique pas, si la matraque a ripé c’était invo­lon­taire ». Six mois de prison avec sursis ont été requis.

    Ne parlons même pas de la mort d’Adama Traoré où, au mini­mum, il y a eu empê­che­ment des secours et maquillage. Là aussi ce n’est pas le premier cas, même si heureu­se­ment c’est rare.

    * * *

    Non ce ne sont pas des cas isolés. Ces cas font surface à cause d’en­re­gis­tre­ments vidéos et/ou de bles­sures impos­sible à attri­buer à autre chose. Ce n’est pas pour rien que depuis un an les forces de l’ordre font la chasse à ceux qui sortent leur smart­phone pour enre­gis­trer, menacent de casser l’ap­pa­reil ou forcent illé­ga­le­ment à effa­cer les images. Même les photo­graphes de presse offi­ciels s’en plaignent.

    Le problème n’est pas que tous les poli­ciers agissent ainsi, c’est qu’il y a une vraie impu­nité et une violence qui n’est pas anec­do­tique. Ce qui est gravis­sime c’est qu’il n’y a pas de remise en cause géné­ra­li­sée, que nos poli­tiques cantonnent tout ça à un fait divers de temps en temps, le seul qui a crevé le plafond média­tique. Même celui là est parfois contesté ou nié.

    * * *

    Il n’y a pas besoin de cher­cher bien loin pour avoir souve­nir de ces images pendant les mani­fes­ta­tions de 2016, avec des forces de l’ordre qui donnent des coups puis­sants sur des mani­fes­tants à terre ou tenus par des collègues, avec des tirs tendus de flash ball qui font perdre des yeux, avec des gens à terre en sang qui sont gazés à bout portant… sans réac­tion poli­tique à part un soutien aux forces de l’ordre et du bout des lèvres une compas­sion pour les quelques cas les plus graves qui ont fait la une des jour­naux plus de quelques jours d’af­filé à cause d’en­re­gis­tre­ments vidéo.

    Même sans parler de ces cas graves, discu­tez avec des gens de banlieue pour comprendre les insultes, les brimades volon­taires, parfois les coups et passages à tabac. Non ce n’est pas que dans les films.

    Je me rappelle, toujours 2016, où quelques jeunes ont échoué à faire recon­naitre au tribu­nal qu’ils étaient contrô­lés tous les jours au même endroit, parfois 10 fois par jour.

    * * *

    Le pire c’est que les poli­ciers se défendent en mettant en accu­sa­tion leurs victimes d’ou­trage et rébel­lion. Leur parole n’est que très diffi­ci­le­ment mise en doute. Vu qu’on ne croit pas les victimes, ce sont les poli­ciers qui le racontent le mieux :c4xgtexw8ae1y7e

    Si vous préfé­rez des faits jugés, il y a ceux de 2010 juste­ment dans la cité de Théo, où une voiture de la BAC renverse et blesse un autre poli­cier. Les sept poli­ciers s’étaient mis d’ac­cord sur une fausse version accu­sant le fuyard de tenta­tive d’ho­mi­cide. Ils s’en sortent avec du sursis.

    Encore une fois, sans prétendre que tous les poli­ciers fautent, il ne s’agit pas d’in­ci­dent isolés mais bien d’un problème struc­tu­rel.

    * * *

    Alors oui, moi aussi je condamne les violences, les voitures brûlées ou les vitrines cassées. Main­te­nant vous m’ac­cor­de­rez aussi que c’est le seul moyen pour qu’on parle un mini­mum de ce qu’il se passe. Et même là quasi­ment personne ne lève le problème global.

    Si j’osais, tant que nos élus ne prennent pas la dimen­sion du problème et n’an­noncent pas publique­ment un vrai plan de reca­drage des forces de l’ordre, moi j’ai l’im­pres­sion que les mani­fes­tants ne font au contraire pas assez de bruit. Et oui, du bruit violent parce que sinon ça ne fera même pas un entre­fi­let dans le jour­nal.

    Vous avez une autre solu­tion ? Propo­sez, mais les violences subies semblent aller gran­dis­santes et nous ne sommes même pas capables d’im­po­ser aux poli­ciers de respec­ter leur obli­ga­tion d’af­fi­cher un équi­valent de matri­cule sur eux.

    Diffi­cile pour un candi­dat en pleine campagne de remettre en cause les forces de l’ordre et se mettre à dos toute la droite dure et la gauche auto­ri­taire. En même temps, avec les affaires Fillon qui commencent à fati­guer, il y a juste­ment un espace à prendre. Ce n’est pas si irréa­li­sable.

  • Proté­ger les droits d’au­teurs ? « Oh non… » ? Expli­ca­tions

    Quelqu’un m’ex­plique pourquoi je lis des « Oh non ! … » sur le web lorsque quelqu’un parle de proté­ger les droits d’au­teurs ? C’est plutôt une bonne chose, non ?

    Comme sur les statuts Face­book, la vraie réponse est « c’est compliqué ». Instal­lez-vous. Je vous raconte mais c’est un peu long.

    Tout d’abord un rapide rappel sur le droit d’au­teur.

    Le prin­cipe géné­ral est celui du domaine public. Les idées, les concepts, la culture et plus large­ment les créa­tions intel­lec­tuelles circulent libre­ment. Le droit d’au­teur n’est défini que comme une excep­tion limi­tée à ce prin­cipe géné­ral. Cette hiérar­chie est réaf­fir­mée régu­liè­re­ment dans l’his­toire du droit d’au­teur moderne.

    Pour résu­mer, on parle plus exac­te­ment de deux excep­tions à la libre circu­la­tion des créa­tions intel­lec­tuelles : 1– on ne peut pas s’at­tri­buer ou déna­tu­rer vos œuvres (le droit moral) et 2– pendant un temps donné, toute utili­sa­tion doit se faire avec votre accord expli­cite (le mono­pole d’ex­ploi­ta­tion, dit droit patri­mo­nial ou droit pécu­niaire vu qu’il se négo­cie habi­tuel­le­ment contre finances).

    Il y a bien entendu d’autres détails, et des limites à ces deux excep­tions, mais lais­sons ça de côté pour l’ins­tant.

    Quand on parle de droit d’au­teur on parle donc d’un équi­libre entre l’in­té­rêt du public et celui des ayants droit (oui, je ne parle pas des auteurs, on verra pourquoi). Durcir la protec­tion du droit d’au­teur c’est affai­blir le domaine public au profit des ayants droit, et inver­se­ment.

    Avant de prétendre discu­ter de cet équi­libre, il faut voir d’où on vient et où on en est.

    Un mono­pole de plus en plus long

    Aux États-Unis, le droit d’au­teur moderne remonte à 1790. Il instaure alors un mono­pole de 14 ans au profit de l’au­teur, renou­ve­lable une fois si l’au­teur est toujours vivant.

    En France, à cette même époque,  on vient d’abo­lir les privi­lèges royaux, c’est à dire les mono­poles au profit des éditeurs. Nous allons déjà bien plus loin que les États-Unis en instau­rant en 1791 un mono­pole à vie en faveur de l’au­teur, suivi encore 5 ans après sa mort.

    Oui, le droit d’au­teur moderne est si récent que ça, à peine plus de deux siècles.  Avant ça il y avait quand même de la créa­tion, et de la copie.

    *

    Il ne faudra que deux années pour doubler cette durée à 10 ans post-mortem. En 1866 on décu­plera la durée initiale en éten­dant le mono­pole à 50 ans après la mort de l’au­teur. Ça ne s’ar­rê­tera pas là.

    Le lecteur atten­tif notera dans un coin que l’au­teur étant par défi­ni­tion mort à ce moment là, l’ex­plo­sion des durées post-mortem du mono­pole profite en réalité aux éditeurs et aux héri­tiers. On en repar­lera.

    Ce qui se dessine clai­re­ment dès le début c’est que ces ayants droit feront tout ce qu’il faut pour étendre la durée de leur mono­pole de façon à ce qu’il n’ex­pire jamais.

    Aux États-Unis, la loi qui étend à 120 ans la protec­tion des œuvres collec­tives d’en­tre­prise s’ap­pelle loi Mickey Mouse suite au mili­tan­tisme très actif de Disney dont les tout premiers dessins de Mickey allaient passer dans domaine public.

    *

    En France on en est aujourd’­hui à 70 ans après la mort de l’au­teur, plus jusqu’à 14–15 ans pour proro­ga­tion de guerre le cas échéant. Le livre que j’ai écrit à 25 ans sera ainsi mono­po­lisé quelque chose comme 130 ans. Mon arrière-arrière-arrière-petit-fils en profi­tera encore. C’est le fils de mon fils de mon fils de mon fils de mon fils (non il n’y a pas d’er­reur). Du coup je l’ai appelé Bob.

    La répar­ti­tion des livres en vente par année de publi­ca­tion montre des livres récents, des livres très anciens, et… un énorme trou entre les deux. On appelle ça les indis­po­nibles du XXe siècle. Des conte­nus qui ne sont plus acti­ve­ment exploi­tés mais qui sont encore sous mono­pole donc inac­ces­sibles au public. Ça devrait inci­ter à réflexion.

    *

    Le mono­pole d’ex­ploi­ta­tion ne concerne d’ailleurs pas que les auteurs. Les produc­teurs d’en­re­gis­tre­ments musi­caux, par exemple, ont ce qu’on appelle un droit voisin sur l’œuvre et son exploi­ta­tion. J’en parle parce qu’on y a encore ajouté 20 ans tout récem­ment, en 2011.

    Des rede­vances et paie­ments indi­rects

    Il n’y a de toute façon pas que la durée de ce mono­pole d’ex­ploi­ta­tion qui est en jeu. On parle aussi par exemple des rede­vances et gestions collec­tives diverses.

    L’exemple le plus connu est proba­ble­ment l’ex­ploi­ta­tion des œuvres musi­cales. C’est par exemple ce que paye une radio pour pouvoir diffu­ser de la musique mais on entend aussi souvent parler des factures envoyées aux écoles pour des spec­tacles de fin d’an­née ou quand les élèves ont chanté un au-revoir à un enca­drant qui part à la retraite. Oh, en Alle­magne on veut même faire payer les chorales d’écoles mater­nelles parce qu’elles exploitent les chan­sons. Oui je suis sérieux (et ils ne font qu’ap­pliquer stric­te­ment les lois, rien de plus).

    *

    Très connue aussi on a la rede­vance pour la copie privée. Vous avez acheté un mp3 sur votre ordi­na­teur ? Le mettre sur votre disque externe, sur votre bala­deur, sur votre platine de salon ou sur votre smart­phone est une copie. Si vous copiez, même de votre PC à votre bala­deur, vous devez payer pour compen­ser l’en­torse au mono­pole de l’au­teur.

    Oui, je suis sérieux. Vous le payez sans le savoir à chaque fois que vous avez un appa­reil qui enre­gistre, un disque ou un espace mémoire quel­conque. C’est 20€ de plus sur la facture pour un disque dur externe, 15 € sur votre smart­phone, 25 € sur la capa­cité d’en­re­gis­tre­ment de votre box Inter­net, 15 à 30 € sur votre bala­deur mp3…

    L’édi­teur ou le produc­teur mettent des verrous qui empêchent les copies ? vous n’en­re­gis­trez que des conte­nus libres de droits ou vos photos de vacances ? peu importe, vous payez quand même.

    *

    Il y en a d’autres. Les biblio­thèques payent pour avoir le droit de vous prêter des livres. Les écoles payent pour que le profes­seur ait le droit de photo­co­pier des extraits très réduits de certaines revues (qui se rappelle la campagne le photo­co­pillage tue le livre et son superbe logo ?). Les maga­sins de photo­co­pies payent d’ailleurs aussi. J’en oublie proba­ble­ment des dizaines et je ne parle même pas des contri­bu­tions obli­ga­toires au cinéma ou à la créa­tion que payent certains acteurs comme les chaînes de télé­vi­sion.

    Une dernière que j’aime bien : Certains types d’œuvres d’art ont même un droit de suite, élargi en 2007. À chaque revente de l’œuvre par un profes­sion­nel, on prélève une partie des fonds pour la rever­ser aux ayants droit.

    Malgré tous ces paie­ments indi­rects, il n’est toujours pas légal pour autant de parta­ger sur Face­book une photo avec votre petit ami devant la Tour Eiffel éclai­rée (l’éclai­rage est soumis au droit d’au­teur), ni de prêter à ce même petit ami votre livre numé­rique favori ou votre dernier mp3 acheté hier (pira­tage ! honte à vous !).

    La lutte contre le pira­tage

    Et puis il y a juste­ment… la lutte contre le pira­tage. Ce n’est pas neuf, on en parlait déjà lors des lois de 1791/93. Les ayants droit ont hurlé à la fin du droit d’au­teur à l’ar­ri­vée de la radio, à l’ar­ri­vée des K7 audio, à celle des photo­co­pieurs, à celle des magné­to­scopes et des K7 vidéo, à celle des graveurs CD et des graveurs DVD, tout autant à l’ar­ri­vée des bala­deurs mp3 qui auto­ri­saient la copie, et même plus récem­ment à l’ar­ri­vée des box inter­net qui enre­gis­traient la TV (même si tout le monde le faisait déjà avec les magné­to­scopes).

    Les rede­vances dont j’ai parlé plus haut viennent de là. Aujourd’­hui on a peur des smart­phones, d’In­ter­net, des moteurs de recherche et des liens hyper­textes. Atten­dez-vous à payer.

    Contre le pira­tage on a pour­tant un arse­nal digne de la lutte contre le grand bandi­tisme. Depuis 2016, la contre­façon (c’est le vrai nom du pira­tage) expose à des peines allant jusqu’à 5 ans de prison (7 ans de prison et 750 000 euros d’amende dans le cas d’une bande orga­ni­sée), plus les dommages civils qui peuvent se comp­ter au prix d’achat de tout ce qui est échangé. C’est plus que le vol ou la destruc­tion de biens physiques, ou même que la provo­ca­tion au suicide ayant entraîné la mort. Allez compren­dre…

    *

    Ce qui est vrai­ment gênant c’est que depuis quelques années on tente de contour­ner le système judi­ciaire jugé trop laxiste ou trop poin­tilleux et d’auto­ma­ti­ser les actions.

    On incite les éditeurs de sites à signer des chartes qui les engagent à suppri­mer les conte­nus sous droit d’au­teur, voire effec­tuer une surveillance et détec­tion auto­ma­ti­sée à leurs propres frais.

    Souvent ces robots sont incon­trô­lables. Ça touche la vidéo de votre fille de 3 ans qui danse sur une musique de fond. On a vu des vidéos suppri­mées parce qu’il y avait un chant d’oi­seau et qu’un CD de chant d’oi­seau présente des simi­li­tudes. Ça touche aussi les paro­dies ou les événe­ments poli­tiques retrans­mis en direct, et donc la liberté d’ex­pres­sion. Ironique­ment ça touche même parfois ceux qui ont payé les droits de diffu­sion ou les ayants droit eux-même.

    On incite de la même façon les pres­ta­taires de paie­ment à signer des chartes qui les engagent à refu­ser les paie­ment sur et vers certains sites recon­nus comme source de pira­tage. La liste n’a aucune exis­tence juri­dique et ne permet donc aucun recours concret. On l’a vue utili­sée contre des sites légaux dans leur pays mais qui gênent les autres pays.

    On est en train d’in­ci­ter les four­nis­seurs d’ac­cès à signer eux aussi des chartes pour être proac­tif dans la lutte contre le pira­tage.

    On pense aussi à la Hadopi. Si les millions d’eu­ros consom­més pour une poignée de condam­na­tions peuvent prêter à sourire, il s’agit surtout d’un passage très offi­ciel à une justice admi­nis­tra­tive aux mains de l’exé­cu­tif et sous impul­sion des indus­tries cultu­relles elles-mêmes, sous couvert d’être plus effi­cace. L’exemple est français mais le mouve­ment est mondial.

    *

    L’en­vers du décor c’est aussi le droit d’au­teur utilisé comme menace, voire comme arme. Il est utilisé pour faire dépu­blier des conte­nus qui ne plaisent pas. Il suffit que quelqu’un se présente comme un ayant droit sur un contenu pour deman­der à faire reti­rer des conte­nus du web.

    Théo­rique­ment l’hé­ber­geur doit analy­ser la requête. Théo­rique­ment les faux signa­le­ments sont punis par la loi. En réalité les retraits auto­ma­ti­sés se font souvent dans le cadre de chartes et accords privés, et tout le monde s’en lave bien les mains. On a vu des cas très concrets où des majors ont fait reti­rer des conte­nus critiques et tout le monde s’en laver les mains ensuite.

    Et les auteurs dans tout ça ?

    Le plus navrant c’est que ça ne protège pas les auteurs, et c’est bien pour ça que je parle d’ayant droit depuis le début.

    Le président du CNL (Centre natio­nal du livre) estime à moins d’une centaine le nombre d’au­teurs qui vivent de leur œuvre. Factuel­le­ment ils sont moins de 3500 à être inscrits à l’Agessa (les auteurs profes­sion­nels), c’est à dire à avoir gagné d’une façon ou d’une autre au moins 8 500 € dans l’an­née, la moitié d’un SMIC brut. On compte là dedans ceux qui ont eu une bourse.

    L’his­toire n’est pas très diffé­rente dans les autres arts. On entend les musi­ciens et chan­teurs dire que les CD ne leur apportent que de la visi­bi­lité pour faire payer des pres­ta­tions live.

    La réalité c’est que seuls quelques très rares auteurs vivant gagnent énor­mé­ment. On pour­rait presque les lister ici. Tous les autres ne prétendent même pas en vivre, et n’en vivront jamais.

    Le jack­pot est surtout touché par les grands éditeurs, les produc­teurs, et les héri­tiers des quelques auteurs gagnants. Ce sont ces ayants droit qui profitent des durées à rallonge, des droits annexes et des durcis­se­ments du droit d’au­teur.

    Les auteurs et leur pauvreté n’en sont plus que le prétexte. Les lois succes­sives n’ont d’ailleurs pas changé grand chose à cette situa­tion.

    Ce que veut dire « renfor­cer le droit d’au­teur » aujourd’­hui

    Vous croyez désor­mais comprendre la raison du « Oh non ! » quand on parle de durcir le droit d’au­teur ? Naïfs…

    Le présent n’est rien à côté de ce qu’on nous prépare. Je ne vais pas tout détailler alors je pose en vrac, sans être exhaus­tif :

    • Rendre payant l’ex­ploi­ta­tion du domaine public
    • Impo­ser une rede­vance pour faire un lien vers un contenu sous droit d’au­teur sur le web, pour affi­cher une vignette ou quelques lignes de résumé, ou simple­ment pour indexer le web
    • Étendre les droits voisins, ceux qui profitent aux éditeurs, aux produc­teurs, et à tous ceux qui gravitent autour des auteurs
    • Renfor­cer les moyens de lutte extra-judi­ciaire contre le pira­tage
    • Taxer les abon­ne­ments à Inter­net ou les entre­prises du secteur pour finan­cer les ayants droit
    • Permettre que la numé­ri­sa­tion des œuvres du domaine public fasse courir un nouveau droit d’au­teur ou droit voisin
    • Inter­dire la copie ou l’ex­ploi­ta­tion d’œuvres dans le domaine public déte­nues par l’État (par exemple dans les musées)

    Pour donner un exemple de bataille perdue : Pendant ces dernières années et jusqu’à une déci­sion contraire de la cour de justice euro­péenne, l’édi­teur a pu s’ac­ca­pa­rer le droit d’ex­ploi­ter la version numé­rique d’un livre du XXe siècle sans accord de l’au­teur, et même sans l’en infor­mer. Quand il l’a fait il a en même temps empê­ché quiconque de faire pareil, y compris l’au­teur lui-même.

    *

    Le droit d’au­teur n’est nulle­ment en danger, il se durcit même assez sale­ment au fur et à mesure. Quand les ayants droit parlent de « proté­ger le droit d’au­teur », voilà ce qu’ils entendent.

    On ne parle pas que de finan­cier. Affai­blir le domaine public c’est aussi affai­blir la créa­tion. Personne ne créé à partir de rien. Les œuvres s’ins­pirent des précé­dentes, s’ins­crivent dans un cadre cultu­rel, réuti­lise et trans­forment l’exis­tant. Étudiez n’im­porte quelle œuvre et vous trou­ve­rez d’où elle vient. Réduire le domaine public c’est direc­te­ment réduire la liberté de créer.

    Cette direc­tion ne profite fina­le­ment qu’aux actuels ayants droit, qui pour­ront faire étendre et entre­te­nir leur rente au détri­ment du public mais aussi des créa­teurs à venir.

    Se battre pour les communs

    À côté de ça certains se battent pour faire recon­naître le domaine public dans les textes, et pas unique­ment en creux du droit d’au­teur. Cela permet­trait d’em­pê­cher son affai­blis­se­ment progres­sif.

    On se bat aussi pour faire recon­naître des excep­tions de bon sens comme permettre d’adap­ter les conte­nus pour les rendre acces­sibles aux personnes avec un handi­cap mais il y en a d’autres :

    • Permettre le droit de prêt sur les conte­nus numé­riques dans les biblio­thèques
    • Permettre le prêt et la copie à titre privé de livres musique et vidéo avec des proches
    • Permettre un droit de pano­rama (prendre en photo les monu­ments visibles dans la rue et de les publier sur un site genre Face­book)
    • Permettre la numé­ri­sa­tion des conte­nus sous droit d’au­teur
    • Permettre de contour­ner les dispo­si­tifs anti-pira­tage pour des usages expli­ci­te­ment garan­tis par la loi (oui, c’est inter­dit même dans ce cas)
    • Éviter que l’édi­teur d’un livre puisse à la fois exploi­ter la version numé­rique sans l’ac­cord de l’au­teur et empê­cher qu’un tiers fasse de même (cette bataille on l’a perdue)
    • Reti­rer les bridages géogra­phiques (par exemple l’im­pos­si­bi­lité d’ache­ter de nombreux livres français depuis l’Ita­lie, ou de visua­li­ser une vidéo qui est diffu­sée dans un autre pays)

    Les travaux de la député euro­péenne Julia Reda sont un bon commen­ce­ment si le sujet vous inté­resse.

    *

    Je pour­rais parler de la réduc­tion de la durée du mono­pole d’ex­ploi­ta­tion mais plus personne n’y croit à moyen terme. Il faudrait rené­go­cier des conven­tions inter­na­tio­nales qui sont aujourd’­hui quasi­ment impos­sible à faire bouger en ce sens (par contre rien n’in­ter­dit d’al­lon­ger les durées, voyez où est le piège).

    Ça se fera peut être un jour, pourquoi pas reve­nir à 10 ans après publi­ca­tion renou­ve­lables une fois (les œuvres qui rapportent signi­fi­ca­ti­ve­ment au delà de 20 ans sont quasi toujours déjà des œuvres à Jack­pot sur les 20 premières années), mais ça ne se fera proba­ble­ment pas de notre vivant à vous et moi. Ça deman­dera une vraie lame de fond dans l’opi­nion publique inter­na­tio­nale. Tout ce que nous pouvons faire c’est amor­cer la réflexion et faire prendre conscience des enjeux.

    *

    En réalité nous avons parfois quelques micro avan­cées comme la possi­bi­lité de prendre des photos dans les musées natio­naux (oui, des trucs si bêtes que ça) mais nous sommes bien loin de faire bouger les lignes. Nous avons déjà toutes les peines du monde à empê­cher l’es­ca­lade infi­nie vers le durcis­se­ment du droit d’au­teur. C’est déjà bien quand on arrive à frei­ner un peu.

    L’idée même d’un wiki­pe­dia ouvert donne des boutons à tous ces ayants droits. À les entendre c’est l’ar­ché­type du mal. Voilà où nous en sommes.

  • Passeur d’er­reurs – @Pas­seurS­ciences

    Je vais le faire plutôt ici.

    Je résume pour ceux qui découvrent : Vous avez créé une page Wiki­pe­dia sur un sujet obscur maitrisé par une poignée de personnes et qui n’en inté­resse proba­ble­ment pas beau­coup plus. Dans cette page, vous avez mêlé du vrai et du (très) faux . Il s’est passé quelques semaines sans que le faux n’ait été détecté et corrigé.

    Il est facile de se faire passer pour un cher­cheur qui publie un résul­tat qui gêne. En réalité vous avez surtout répété ce qui a déjà été fait vingt fois et ce dont, surprise, la plupart des utili­sa­teurs de wiki­pe­dia auraient pu vous révé­ler le résul­tat à l’avance.

    Bref, rien de neuf, d’in­connu, ni même de surpre­nant. Le problème n’est pas là.

    * * *

    J’ai un premier problème pour quelqu’un qui prétend avoir une démarche scien­ti­fique : Que comp­tiez-vous démon­trer ?

    Vous auriez pu choi­sir un sujet d’ac­tua­lité ou qui prête à débat public, ce qui aurait collé avec le contexte des fake news que vous invoquez. François Fillon, Donald Trump, l’évo­lu­tion du climat… il y avait le choix. Rien de tout cela ici.

    Pour que le sujet ait un quel­conque inté­rêt, il aurait fallu en prendre un avec un mini­mum d’au­dience. Si la page n’est pas lue, vous géné­rez des résul­tats qui n’ont d’im­pact que sur vous-même. Forcé­ment, ce n’est pas vrai­ment impor­tant et, comme expé­rience scien­ti­fique, ça se pose là.

    Combien de lecteurs qui réel­le­ment souhai­taient s’in­for­mer ? Sur ceux là, combien qui se sont inté­res­sés à la section avec de fausses infor­ma­tions ? Sur ceux là, combien ont réel­le­ment été trom­pés au final ? Voilà le chiffre qui aurait pu être inté­res­sant.

    Ici vous dites vous-même qu’il y aurait eu quelques dizaines de lecteurs en cinq semaines. Sur Wiki­pe­dia ça se traduit quasi­ment par zéro. Outre qu’on se demande sérieu­se­ment quel a été l’ou­til de mesure de l’au­dience, quelques dizaines c’est ce que j’au­rais estimé pour ceux qui surveillent les nouvelles créa­tions ou qui suivent les liens sortants des pages annexes qui ont été modi­fiées. On parle juste­ment de modi­fi­ca­tions de forme sans toucher au fond.

    Bref, le scéna­rio choisi n’avait quasi­ment aucune chance d’ap­por­ter quelque chose faute d’avoir pris un sujet perti­nent.

    Non seule­ment le résul­tat était connu à l’avance mais vous avez choisi une expé­rience où il n’avait en plus aucun inté­rêt. Chapeau.

    * * *

    Main­te­nant le vrai problème que j’ai avec votre démarche, outre qu’elle était inutile et sans inté­rêt, c’est qu’elle s’at­taque à des tiers.

    Vous êtes jour­na­liste au Monde. Avez-vous tenté de faire des erreurs volon­taires dans un sujet obscur destiné au jour­nal papier ? sur le jour­nal en ligne ? Avez-vous même tenté de faire un faux sur votre blog et voir s’il serait détecté ?

    Je doute que ce soit bien vu. Il s’en trou­vera pour dire que ça montre les failles d’un jour­nal qui se veut sérieux, ou que vous trans­for­mez après coup le contenu erroné en fausse expé­rience, ou qu’à tout le moins ils ne pour­ront pas se fier au contenu à l’ave­nir faute de savoir si c’est une nouvelle expé­rience. Ne parlons même pas du risque d’un mauvais buzz où les gens n’en­tendent parler que de l’er­reur mais pas de l’ex­pli­ca­tion qui suit.

    Mon problème est là. Vous êtes jour­na­liste profes­sion­nel. Vous savez que l’in­for­ma­tion a un impact, et que cet impact n’est pas neutre. Combien, même sans n’avoir rien appris de neuf et même si votre expé­rience ne montre pas cela, ne feront que renfor­cer l’image que Wiki­pe­dia n’est pas fiable sur les sujets d’im­por­tance ?

    Et ça s’est fait pour quoi ? pour savoir qu’un contenu lu par personne sur un sujet connu par pas grand monde pouvait conte­nir des erreurs intro­duites volon­tai­re­ment et qui ne seraient pas corri­gées en quelques semaines.

    La ratio dommage / béné­fice m’hor­ri­fie. En tant que jour­na­liste comme en tant que scien­ti­fique, c’est une donnée qui aurait du vous préoc­cu­per.

    * * *

    Person­nel­le­ment je retiens une chose : C’est la personne qui prétend étudier les fake news qui en est juste­ment à l’ori­gine. Ça permet de réflé­chir et il n’y a pas de quoi être fier.

    Pour rire, sur le Deco­dex, à propos de lemonde.fr, faut-il ajou­ter « publie de fausses infor­ma­tions sur les autres sites » ?

  • Logi­ciel de mot de passe

    Ça faisait long­temps que je voulais passer à un gestion­naire de mot de passe un peu évolué.

    J’ai tenté par deux fois de me mettre à Last­pass. Je ne saurais dire pourquoi mais les deux fois j’ai fini par peu l’uti­li­ser, le lais­ser dans un coin et reve­nir à mes habi­tudes.

    Depuis peu de temps j’ai tenté avec Dash­lane. Il n’y a pas de client Linux, l’in­ter­face web et en lecture seule mais son gros avan­tage est de pouvoir fonc­tion­ner tota­le­ment offline. Mieux : C’est une entre­prise française. Même si le chif­fre­ment fait que mes données sont théo­rique­ment illi­sibles par le pres­ta­taire, j’ai un peu plus confiance que dans une société US.

    Peut-être est-ce l’er­go­no­mie mais cette fois la sauce a pris. J’ap­pré­cie le login auto­ma­tique sur le navi­ga­teur. J’aime le fonc­tion­ne­ment de l’app mobile qui se contente de l’em­preinte digi­tale si l’app a déjà été déver­rouillée récem­ment par le mot de passe maître.

    Pour le même prix il m’a signalé les sites où mon mot de passe était trop faible ou obso­lète (genre le mot de passe Yahoo qui n’a pas changé depuis les failles) et a su le chan­ger d’un simple bouton sans me deman­der d’al­ler faire les mani­pu­la­tions moi-même sur les diffé­rents sites.

    Il me reste la fonc­tion­na­lité de partage que je n’ai pas testée mais j’ai bon espoir que ça résolve nos diffi­cul­tés de comptes commun avec ma femme.

    Enfin la bonne surprise c’est le mode urgence : Permettre à un tiers iden­ti­fié de récu­pé­rer ma base de mots de passe si je ne décline pas sa requête après un certain nombre de jours. Quelque part ça peut faire office de testa­ment numé­rique, même si ça n’est pas parfait.

    Depuis on m’a pointé vers le récent Enpass, qui ne demande que 10 € pour l’achat à vie de l’app mobile (contre 40 € par an pour le premium Dash­lane). Il a le support Linux, le offline, sa synchro­ni­sa­tion se fait par des pres­ta­taires de cloud habi­tuels, mais il n’y a pour l’ins­tant pas de partage possible. Ça vaut peut-être le coup de commen­cer par Enpass si vous n’avez pas besoin de cette dernière fonc­tion­na­lité.

  • Samsung A5 2017

    J’ai cédé et j’ai acheté un nouveau smart­phone. Ça faisait 9 mois que le tiers supé­rieur de la dalle tactile du précé­dent ne fonc­tion­nait plus et que je le tour­nais dans tous les sens pour faire la moindre action.

    Bref, le Samsung A5 2017 est sorti, avec des réduc­tion tempo­raires qui le font tomber à 310 €, ce qui semble raison­nable pour un dessus de moyen de gamme.

    Étanche, auto­no­mie qui semble plus impor­tante que feu mon Z3 compact, pour­tant connu pour en avoir une excep­tion­nelle. Le Always On remplace parfai­te­ment son seul défaut : l’ab­sence d’une LED pour les noti­fi­ca­tions. Pour l’ins­tant je recom­mande sans hési­ta­tion.

    Quitte à jouer les recom­man­da­tions, la coque souple anti­choc Spigen est parfaite et ne coûte pas grand chose.