Je vais logiquement parler ici plus souvent de livre numérique. Je propose donc aux néophytes une présentation de 2 minutes montre en main qui présente rapidement les bases : formats, liseuses et tablettes.
Auteur/autrice : Éric
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Bragelonne et la DRM Amazon
Bragelonne c’est une maison d’édition de SF et fantasy que j’aime bien, même si je ne crois pas avoir eu l’occasion de lire un de leur livre. Ils ont régulièrement pris position contre les DRM.
L’histoire veut que les lecteurs passant par Amazon aient subit des DRM récemment avec Bragelonne. Un communiqué a été fait à propos de Bragelonne et la DRM Amazon : Le DRM serait indispensable pour profiter de toutes les fonctionnalités annexes fournies par le Kindle : Text to speech, et Facebook Connect.
S’il fallait des exemples sur le modèle fermé d’Amazon et à quel point l’objectif est d’inciter le lecteur à mettre la main dans l’engrenage et le retenir captif, le voilà.
Tout d’abord soyons clairs : Il n’y a aucune raison technique qui justifie que le format principal avec toutes ses fonctionnalités soit dépendant du chiffrement du livre et de l’interdiction d’export via la DRM.
Lier les fonctionnalités et le DRM ne sert qu’un dessein : inciter à accepter ou mettre en place la DRM sur les fichiers, et faire en sorte de garder les lecteurs captifs par la suite. La DRM, plus qu’empêcher la contrefaçon des pirates, est surtout fait pour retirer la possibilité de quitter Amazon et le Kindle sans abandonner tous ses achats précédents, ou d’utiliser des services tiers sur lesquels Amazon ne touche rien.
Maintenant mon problème n’est pas Amazon, qui produit un excellent service avec un très bon matériel. S’ils changent de modèle pour s’ouvrir, je serai le premier à en dire du bien.
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Source licite de la copie privée : Ne laissons pas faire
J’ai longuement reproché à ceux qui soutenaient l’initiative copieprivee.org que contrairement à leur communication, ils ne se battaient pas pour la copie privée mais pour la rémunération liée à la copie privée. Si dans notre loi l’un ne va pas sans l’autre, le soutien n’est pas transitif. Mieux : Il existe d’autres modèles.
La différence se voit en ce que toute la communication et toutes les actions sont bien liées à la justification et à la pérennité de la rémunération pour copie privée. Rien n’est fait pour la copie privée elle-même. Pourtant il y a matière : La profusion des systèmes de streaming, les verrous numériques et autres DRM viennent tous les jours restreindre l’exercice de ce droit qu’est la copie privée. Les réactions des autorités sont molles, voient dans le mauvais sens.
Licité de la source
Alors voilà, La Quadrature se bat contre un cavalier, l’insertion de l’origine licite de la source (en gras dans la citation) dans l’exception pour copie privée :
Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) les copies ou reproductions strictement réalisées à partir d’une source licite et réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective
Entendons-nous bien. Il est légitime d’imposer que la source soit licite. On ne peut pas envisager une sorte de blanchissement des contrefaçons à coup de copie privée. La cour de cassation avait d’ailleurs déjà éclairci ce point en imposant exactement cela. (Mise à jour: visiblement c’est même moins clair que cela)
Comment la prouver ?
Je ne vois pas comme La Quadrature, le danger dans le fait que l’utilisateur ait ou pas à prouver la licité de la source, même si ça reste effectivement un problème sérieux.
Mon problème c’est que c’est au copiste de se réclamer de l’exception pour copie privée et de prouver qu’il y répond.
Plus que de prouver l’origine de la source, une telle démarche m’imposerait surtout de tenir un cahier de toutes les copies pour en expliciter la source, et m’assurer de trouver à chaque fois des éléments pour plus tard pour au moins prouver ma bonne foi au cas où la source disparaît à l’avenir (ce qui arrive très régulièrement). C’est à ce prix que je pourrai apporter au moins un élément sur la licité de la source.
Je ne veux pas tout noter
Or, sérieusement, je ne veux pas avoir à ajouter un commentaire en face de chaque conversion en mp3 pour noter le numéro de série de chaque CD voire une photo pour prouver que je l’ai bien eu en main, au cas où on m’accuserait de contrefaçon quelques années plus tard. Je ne veux pas noter dans un cahier la date et heure de chaque émission que j’enregistre pour être certain de pouvoir dire « sisi, ce dessin animé je l’ai bien copié à partir d’une source licite vu que je l’ai enregistré à partir de la télévision il y a cinq ans ».
Ce n’est pas sur cet équilibre que la société s’est engagée, et tenter de l’imposer ferait courir un vrai risque à long terme à la copie privée.
De la différence entre ceux qui défendent la copie et ceux qui défendent la rémunération
Le projet de loi d’un côté sécurise les rémunérations passées jugées illégales par le Conseil d’État (c’est à dire évite d’avoir à les rembourser bien qu’elles soient illégitimes), de l’autre fait porter un gros risque sur l’exercice de la copie privée à l’avenir tout en restant muet sur toutes les dérives tendant à rendre impossible la mise en œuvre de cette exception.
Devinez ce que soutient copieprivee.org, le site qui se réclame défenseur de la copie privée… Indice : il est majoritairement soutenu par des sociétés d’ayant droits.
Devinez ce que soutient La Quadrature, qui se réclame aussi défenseur de l’exception à la copie privée mais qui n’a pas pour objectif réel de défendre la rémunération… Pas d’indice, vous n’en avez pas besoin.
Et vous ?
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Apple, boîte vide
J’ai vu des réactions sur la boite vide de l’ex-employé d’Apple, mais à mon avis elles manquent le principal. Oui il est normal que les créations appartiennent à la société. Oui il est normal que la société puisse décider de leur (non-)communication.
L’intéressant dans le billet n’est pas la boite vide, qui peut être acceptable légalement comme moralement. L’important c’est la capacité de l’employé de se rendre compte que ce fonctionnement ne lui convient pas, et d’aller ailleurs. Il faut du recul, et un peu de courage pour quitter un boulot comme celui là, mais chacun de nous est responsable de ses propres choix, et d’aller travailler dans une société en accord avec ses propres valeurs et aspirations. C’est dans cette dernière phrase qu’est le sens du billet :
« I thought you had made some sort of mistake. – Yes, exactly »
Et vous, où en êtes-vous ?
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Et si on sucrait la compensation pour copie privée ?
On est en train de se faire avoir.
Pourquoi la copie privée ?
La copie privée c’est une idée géniale. C’est l’idée que je peux photocopier un livre. Il ne s’agit pas de faire payer à chaque type d’utilisation (en voiture, sur le canapé, dans le lit) mais d’utiliser le principe d’un paiement pour un objet physique.
La copie privée c’était aussi pouvoir enregistrer une émission de radio ou de tv, donc quelque chose qu’on n’a pas acheté mais auquel on a accès légitimement, pour regarder en différé.
Dans les deux cas nous sommes loin d’un nouvel achat et le « manque à gagner » de la part des ayants droits n’est pas énorme. Que je regarde le film en différé avec mon magnétoscope ou en direct avec ma TV n’implique pas vraiment de justification à repayer le film. Même chose si je tire une photocopie d’un livre pour faire des annotations tranquille. On se situe vraiment dans une rémunération annexe.
Ce n’était pas prévu pour ça
On nous a toujours dit « le droit d’auteur et la copie privée ne prévoyait pas des usages numériques et des partages à grande échelle ». J’aimerai bien retourner l’argument.
Jamais il n’était envisagé de faire payer de nouveau l’acheteur parce qu’il écoute son vinyle sur deux tournes disques de marques différentes. Pourtant c’est bel et bien ce qu’on essaye de nous faire avaler avec la compensation pour copie privée liée aux disques et cartes mémoires.
J’ai acheté mon mp3 mais il faudrait que je repaye pour le télécharger via mon disque dur (copie privée), puis une nouvelle fois pour le déposer sur mon baladeur audio (copie privée) puis une nouvelle fois pour le graver à destination de mon auto-radio (copie privée) puis .. Il n’y a là rien qui justifie un quelconque empiètement sur les droits de l’auteur ou une rémunération supplémentaire.
Il n’y a rien à rémunérer
J’oserai même dire que sans cette possibilité, le mp3 de départ serait purement virtuel car je n’aurai même pas la possibilité de le télécharger initialement. Je suis en train d’être taxé pour avoir le droit d’acheter le contenu.
On parle d’équilibre et de paiement d’un droit. Les community manager des lobbies de la propriété intellectuelle sont en train, sur twitter et sur le webn de nous expliquer que sans cette compensation il nous faudrait repayer le mp3 pour chaque appareil.
Est-ce vraiment ce modèle qui était prévu avant la copie privée ? Est-ce ce modèle de droit d’auteur que nous souhaitons ?
Il y a d’autres modèles que le « tu payes pour chaque appareil » et le « tu compenses pour chaque appareil ». Il y a un modèle où on peut juger que les copies privées ne sont pas dommageables aux auteurs et ne réalisent aucun manque à gagner justifiant une rémunération. Le « fair use » anglo-saxon est en ce sens, même s’il est lui-même imparfait. Et finalement, copier un mp3 acheté sur PC vers son baladeur n’est-il pas « fair » ?
D’autant que la copie privée telle qu’entendue initialement, il n’y en a plus
C’est d’autant plus vrai quand de l’autre côté on nous verrouille de DRM et de protections pour empêcher la dite copie. Je ne peux pas copier mon DVD ou mon Bluray pour le mettre sur un autre support. Les disques sont chiffrés par des DRM, le câble entre mon écran et mon lecteur utilise une communication chiffrée pour que je ne puisse pas sortir la vidéo dans un montage personnel. Mieux, certaines chaînes interdisent purement et simplement aux « box » des opérateurs qu’on puisse récupérer les enregistrements faits à partir de leurs émissions.
Pourtant la copie privée c’était bien ça au départ. On m’a coupé et « interdit » tous les usages qui justifiaient la copie privée. Bon, pas interdit, ils n’en ont pas le droit d’après la loi, mais ils l’ont rendu impossible et ont interdit le contournement des obstacles, ce qui revient bien au même.
Je paye pour quoi alors ?
À l’inverse on me fait payer pour tous les usages qui n’étaient pas prévus au départ, et dont la compensation est franchement illégitime. Alors, finalement on paye pourquoi ?
Quand en plus le projet de loi cherche à éviter de faire rembourser tous les paiements qui ont été jugés illégaux par la justice, il devient de moins en moins justifiable de défendre cette rémunération et le système qu’il y a derrière.
Je paye pour mes clefs usb qui servent à des contenus que j’ai personnellement créé, pour des GPS, pour mes disques et CD de sauvegardes, pour les cartes mémoires où je stocke mes propres photos… Pourquoi ?
Il est temps d’arrêter le délire de la copie privée qui devient une rente de situation sur le dos des fabricants d’électronique. Je paye pour mes contenus, si vous continuez c’est même ça que je vais remettre au cause.
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Le Riche et le Pauvre: la France égalitaire ?
Le Riche et le Pauvre: la France égalitaire. D’après l’auteur qui se baserait sur des chiffres INSEE, le rapport entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres serait non seulement un des plus faibles au monde mais en plus diminuerait avec le temps. Cela va clairement à l’encontre des préjugés actuels, au moins sur la seconde partie.
Je ne sais qu’en penser. Déjà sur le rapport de 6,6, qui est en même temps beaucoup et pas excessif, mais aussi sur les chiffres eux même. Malheureusement, critique persistante pour à peu près tous ceux qui publient sur LeMonde.fr, il n’y a pas de liens ou de références. La référence à l’INSEE est vague et j’aurai bien aimé avoir un lien direct vers la statistique concernée pour voir ce qu’elle recoupe. En particulier, qu’est-t-il compté dans le niveau de vie ? dans le revenu ? Est-ce qu’on compte aussi les revenus du capital ? le capital- lui même ? Sans ces réponses il est bien impossible d’interpréter les affirmations.
Mais aussi j’ai peur que le jeu soit encore faussé ici. Ce qui serait parfait c’est une représentation par courbe et pas que les premiers et derniers déciles. La France est connue pour avoir une médiane très basse et une pointe haute très réduite. Si nous comparons au 1% les plus riches et non aux 10% c’est que justement même dans les 10% les plus riches, nous avons un gros palier et juste quelques uns qui accaparent l’intégralité de la valeur de ce dernier décile. Le fait de dire qu’en amortissant sur 10% ça prend forme humaine ne compense pas l’inacceptable de quelques uns.
C’est intéressant, ça incite à modérer un peu certaines idées, mais tel quel impossible d’interpréter le billet pour en tirer des choses vraiment intéressantes. Il faudrait aller plus loin. Qui tente de fouiller un peu ?
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Hotfile : Warner Bros a fait retirer des fichiers sans en détenir les droits
Si d’aucuns pensaient encore que les ayants droits sont des chevaliers blancs qui luttent contre l’infâme contrefaçon, voilà de quoi détromper. Via les outils anti-contrefaçon proposés par Hotfile : Warner Bros a fait retirer des fichiers sans en détenir les droits.
Des fichiers sont supprimés en masse simplement parce qu’ils contiennent un mot du titre du dernier film sorti. On peut voir ça comme une erreur mais c’est surtout une conséquence d’une volonté de ne pas vérifier les objets supprimés un à un, même pas leur titre, et de se moquer des dégâts collatéraux.
On trouve aussi au moins un logiciel d’optimisation de téléchargement. Là je vois difficilement une erreur et plus probablement une volonté d’outrepasser ses droits en faisant justice soi même et retirer un logiciel qui leur semble globalement faciliter le téléchargement de contrefaçon (même si pour le coup ça servait à tous les téléchargements sans faire de lien spécifique).
Warner Bross refuse à ce qu’on l’oblige à vérifier un à un chaque fichier supprimé pour en vérifier la légalité. Le fait que ce soit ce que justement ces sociétés cherchent pourtant justement à imposer aux plateformes d’échange et de diffusion ne les effleurent même pas. Difficile ensuite de soutenir leur combat.
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Amazon.fr : quand Larousse vaut bien Flammarion
On va me dire que j’ai une dent contre Amazon (alors que je trouve au contraire qu’ils ont réussit à faire beaucoup et pour le livre et pour la culture numérique, et des vraies réussites tant techniques que commerciales), mais là … Il y a un vrai problème de politique propre à tromper le consommateur dans ce qu’il va comprendre, et à remettre en cause le principe du prix unique.
Proposer une édition moins chère c’est une chose, mais quand on le fait en s’introduisant dans la fiche tarifaire d’un autre produit qu’on vend et en semant la confusion sur le fait que c’est une offre promotionnelle propre au magasin ou simplement une édition concurrente … là ça frise le parasitage.
Je ne sais pas si c’est légal (j’en doute mais à vrai dire je ne m’y connais pas assez pour me risquer à une affirmation), mais ça ne me semble en tout cas pas correct, ni pour l’éditeur, ni pour le consommateur. Il suffirait simplement d’une meilleure présentation. Dis Amazon, tu peux faire ça pour moi ?
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Un an de prison ferme pour des bonbons à 2 euros
Nos juges sont laxistes ! ou pas. On peut tourner ça comme on veut, mais quand bien même il est important de mettre une fin à une quinzaine de condamnations, je ne pourrai jamais considérer comme légitime un an de prison pour un sachet de bonbons.
C’est une faute du gouvernement d’avoir mis en place ces paliers stupides, une faute du juge qui n’a pas osé outrepasser ce palier (il le peut techniquement), et la faute du système qui regroupe sous une seule peine maximale des faits trop différents.
Mais finalement là où je souhaite attirer l’attention c’est sur la fin de l’article : 750 € de dommages et intérêts pour outrage et rébellion. Ça me gêne beaucoup parce que ce sont des dommages et intérêts au bénéfice personnel du policier et pas une amende au titre de l’État.
Ces chefs d’accusations ne sont liés qu’à la fonction du policier, du service public. Il n’y a donc aucune justification à les verser en dommages et intérêts personnel. Et puis, franchement, un outrage aurait provoqué un dommage de 750 € ? Si la somme est importante c’est encore une fois à titre public, pour éviter la réitération, et pas au titre personnel du policier.
C’est de plus très dangereux car ces accusations d’outrage sont aussi souvent utilisées comme menace de la part des policiers, et on voit parfois la justice retoquer clairement des accusations infondées. On a un chef d’accusation qu’il est difficile de contester, et qui bénéficie directement à celui qui le pose. Je serai le policier je me féliciterai d’avoir pu être outragé et j’aurai bien envie que le suivant fasse de même.
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Report d’effet dans le temps
Le conseil constitutionnel a fait sauté l’interdiction de perquisition de certains lieux imposée par l’exécutif au nom du secret défense ou de la séparation des pouvoirs. Il y a cependant un report d’effet dans le temps, de trois semaines.
Il m’est difficile de commenter sans paraphraser tellement, pour une fois, j’ai une vision similaire à celle de Samuel. Du coup je me contente de citer :
« C’est la première fois que le Conseil constitutionnel « aménage » ainsi une décision d’inconstitutionnalité, pour le confort du pouvoir politique de manière aussi évidente. »
« En reportant ainsi l’effet dans le temps de sa décision, le Conseil constitutionnel se rend coupable de complicité de destruction de preuves. »
« Il y a encore du chemin pour que nous ayons une cour constitutionnelle indépendante de l’exécutif, ou qui au moins, ait un minimum de dignité… »