Auteur/autrice : Éric

  • Quand le pdg d’Air France divague sur les acquis sociaux

    [Il] enchaîne sur un sujet que l’on pensait désor­mais impos­sible à remettre en cause : l’in­ter­dic­tion du travail des enfants. Mais mani­fes­te­ment, pour le patro­nat décom­plexé, aucun sujet n’est tabou. « Je me suis penché sur l’évo­lu­tion du travail des enfants. On a d’abord inter­dit aux enfants de moins de huit ans de travailler, puis l’in­ter­dic­tion a été portée à douze ans, puis à seize. (…) Qu’est-ce que c’est qu’un enfant ? Est ce qu’il faut les faire travailler, pas travailler ? Pas sûr »,[…]

    Reve­nant sur son expé­rience de patron d’Air France, Alexandre de Juniac se met à expliquer les effroyables contraintes auxquelles il est soumis. Sans possi­bi­lité d’agir sur le prix du kéro­sène, ou sur les tarifs des rede­vances aéro­por­tuaires, sa seule marge de manœuvre, explique-t-il, « c’est le coût du travail ». Tout cela impose, selon lui, de « mettre des limites aux acquis sociaux », d’au­tant qu’il faut faire face à une concur­rence redou­table, avec d’un côté les compa­gnies low cost et de l’autre les compa­gnies du Golfe. Ni les unes ni les autres ne sont bridées par le droit social, à l’en­tendre.

    Se sentant porté par son sujet, le pdg d’Air France ne peut s’em­pê­cher alors de racon­ter une anec­dote, qui mani­fes­te­ment lui tient à cœur : « Comme le disait mon homo­logue de Qatar Airways hier à propos de la grève, “M. de Juniac, chez nous, ce ne serait pas possible, on les aurait tous envoyés en prison” », raconte-t-il d’une mine gour­mande, sous les applau­dis­se­ments de la salle. C’est dire combien la France est défa­vo­ri­sée ! Et le Qatar est un si bel exemple ! Les sala­riés émigrés, trai­tés comme des esclaves, y meurent par tombe­reaux sur les chan­tiers.

    — Media­part, à partir d’en­re­gis­tre­ments vidéos publiés

    Si vous ne croyez pas à la lutte des classes (peut être pas celle de la grande époque des syndi­cats, mais au moins sa décli­nai­son moderne avec le 1‰ qui domine les entre­prises), vous devriez y regar­der à deux fois cas si nous sommes ici dans un excès, la posi­tion de fond est en fait assez repré­sen­ta­tive de ce que j’ai vu de mes propres yeux plus d’une fois.

    La compé­ti­ti­vité et la renta­bi­lité sont l’al­pha et l’omega qui justi­fient l’as­ser­vis­se­ment des 99,9%. Ils ne se rendent même pas compte du déca­lage qu’ils ont avec le reste de la popu­la­tion et certains croient même méri­ter leur distinc­tion.

  • Paypal Cuts Off Mega Because It Actually Keeps Your Files Secret

    MEGA has demons­tra­ted that it is as compliant with its legal obli­ga­tions as USA cloud storage services opera­ted by Google, Micro­soft, Apple, Drop­box, Box, Spide­roak etc, but PayPal has advi­sed that MEGA’s « unique encryp­tion model » presents an insur­moun­table diffi­culty.

    […]

    And, this all goes back to this dange­rous effort by the White House a few years ago to set up these « volun­tary agree­ments » in which payment compa­nies would agree to cut off service to sites that the enter­tain­ment indus­try decla­red « bad. » There’s no due process. There’s no adju­di­ca­tion. There’s just one indus­try getting to declare websites it doesn’t like as « bad » and all payment compa­nies refu­sing to serve it. This seems like a pretty big problem.

    — Tech­dirt

    Quand les proces­sus extra-judi­ciaires deviennent le moyen d’ac­tion de prin­cipe, que ce soit aux USA ou en France, l’État de droit est un loin­tain souve­nir.

    Quand le chif­fre­ment de bout en bout motive de couper les vivres, nous avons à nous inquié­ter, quoi qu’on pense de Mega ou de son contenu.

  • Compa­rai­son de peines

    Parce qu’à la fois ça ne veut rien dire et qu’il est impos­sible de juger à partir de 5 lignes de presse, à la fois ça semble telle­ment symp­to­ma­tique de l’ordre habi­tuel des choses…

  • Couvrez ce voile que je ne saurais voir

    Et puis c’est un raccourci un peu rapide et dange­reux de consi­dé­rer que le voile est *for­cé­ment* un signe d’as­ser­vis­se­ment alors que la mini-jupe voire la nudité serait *for­cé­ment* une preuve de liberté.

    Il y a 11 planches de BD, et ça dit exac­te­ment ce que je n’ai person­nel­le­ment jamais su expri­mer correc­te­ment. Merci Julie

  • Mettre en produc­tion le vendredi

    L’idée de base c’est que s’il se passe quelque chose d’im­prévu, les veilles de jours chômés sont les moins bons jours pour cela.

    Au pire on ne le détecte pas et on a une catas­trophe à gérer au retour. Au mieux on le détecte et on fait inter­ve­nir les personnes d’as­treinte. Dans les cas inter­mé­diaires il faut faire déran­ger l’équipe opéra­tion­nelle pendant les jours de repos, ce qui n’est pas idéal non plus. Rien de très atti­rant.

    Et s’il y a des centaines de mini-déploie­ments réus­sis par jour ? des tests unitaires, un déploie­ment auto­ma­tisé, un triple envi­ron­ne­ment iso dev / test / prod, une capa­cité de reve­nir à la version anté­rieure sur simple requête, et un moni­to­ring complet … ?

    Génial. C’est un bon objec­tif qui améliore sacré­ment le niveau de confiance.

    Main­te­nant on ne parle pas niveau de risques, on parle équi­libre de risques. Si le risque d’em­mer­de­ment est faible mais que le béné­fice d’une livrai­son le vendredi soir plutôt que le lundi matin est encore plus faible… autant attendre.

    Cet équi­libre seul vous pouvez le connaitre, mais ne vous leur­rez pas quant à votre couver­ture de test. Elle ne couvre que ce que vous avez pensé à couvrir. La ques­tion n’est pas de savoir si vous aurez des problèmes mais de quand vous les aurez, et dans quelles condi­tions.

    Du coup oui, j’ai tendance à conseiller par défaut d’évi­ter de livrer dans les périodes qui arrangent le moins. Les fins de jour­née les veilles d’opé­ra­tions tech­niques plani­fiées impor­tantes, vendre­dis après midi, veilles de jours chômés, et quelques dates très spéci­fiques genre autour de Noël pour le e-commerce.

    Ça ne veut pas dire « on ne bosse pas » (on peut même livrer en pré-produc­tion), ça ne veut même pas dire « on ne livre pas » (parfois le rapport béné­fice/risque est assez haut, par exemple pour des correc­tifs), ça veut juste dire « ne pas faire comme si rien ne pouvait se passer » et garder une vision objec­tive de la situa­tion – impact d’un imprévu compris.

  • AT&T To Match Google Fiber In Kansas City, Charge More If You Want Privacy

    The company plans to charge $70/month for giga­bit service, but that’s a subsi­di­zed price. Subsi­di­zed by what, you ask? Your privacy. AT&T says if you want to opt out of letting them track your brow­sing history, you’ll have to pay $29 more per month. They say your infor­ma­tion is used to serve targe­ted adver­ti­sing, and includes any links you follow and search terms you enter.

    L’in­for­ma­tion n’est pas surpre­nante par son contenu mais par ses chiffres. Vos infor­ma­tions person­nelles valent 30€/mois d’après AT&T, unique­ment pour mieux cibler les publi­ci­tés (ça laisse donc entre­voir le gain des publi­ci­tés elles-mêmes, forcé­ment supé­rieur)

    — via Slash­dot

  • Frais des dépu­tés : l’As­sem­blée rate sa réforme

    Quelque 40 millions d’eu­ros d’argent public sont ainsi distri­bués chaque année aux dépu­tés. Certains thésau­risent beau­coup, voire s’en­ri­chissent

    Les dépu­tés n’ont même pas à justi­fier quoi que ce soit sur l’uti­li­sa­tion des fonds. Le scan­dale est connu. Tout le monde s’ac­corde à dire qu’il faut agir.

    Au Royaume-Uni, pour des détour­ne­ments plus anec­do­tiques que ceux qu’on craint chez nous, il y a eu des démis­sions et tout un système de véri­fi­ca­tion détaillé des notes de frais.

    Pas ici. Alors pour les dépu­tés (les mêmes que plus haut, qui pour certains s’en­ri­chissent)…

    À l’ar­ri­vée, le bureau de l’As­sem­blée a prévu, sans rire, que chaque député four­ni­rait une « décla­ra­tion sur l’hon­neur qu’il a utilisé l’IRFM (…) confor­mé­ment aux règles établies ». En cas de soupçons (déclen­chés par on ne sait trop qui, lettre anonyme ou média), le président de l’As­sem­blée pourra tout de même saisir le déon­to­logue « d’une demande d’éclair­cis­se­ments ».

    Parce qu’en France on ne rigole pas avec les détour­ne­ments de fonds publics et la déon­to­lo­gie.

    via entre autres Media­part, article payant

  • The scariest thing about the British SIM card hack is how little it accom­pli­shed

    The Gemalto attack is unique not just for its aggres­sive scope, but for how little it seems to have actually accom­pli­shed. Intel­li­gence agen­cies were already able to listen in on phone conver­sa­tions through targe­ted exploits, stin­gray attacks and carrier requests. While the Gemalto attack took bold and crimi­nal steps to break through SIM encryp­tion, it seems to have offe­red only a margi­nal impro­ve­ment in that ability.

    Pour faire court, il faut 2h sur un PC stan­dard pour casser la crypto de la 3G, encore moins pour la 2G. La crypto ne sert de toutes façons qu’entre l’an­tenne relai et le télé­phone. Pour ceux (dont font partie la NSA) qui ont le plus souvent accès aux données derrière l’an­tenne relai, ça n’ap­porte un bonus que dans des cas assez limi­tés. Ne parlons même pas du fait de monter des fausses antennes relai, qui doit être plus facile que d’écou­ter et déchif­frer le trafic en temps réel.

    Intel­li­gence agen­cies are unac­coun­table by design

    If that sounds reas­su­ring, it shouldn’t. If anything, it’s proof of how out of control the GCHQ really is. […] The agen­cies are unac­coun­table by design, and there’s no indi­ca­tion that will change any time soon.

    Ils l’ont fait parce qu’ils peuvent le faire, qu’ils n’ont aucune limite. Il n’y a aucune évalua­tion de propor­tion­na­lité, d’étude de besoin. Nous lais­sons notre sécu­rité mais aussi notre démo­cra­tie à ces gens là, hors contrôle.

    Cela dit ce que tout le monde feint d’igno­rer, c’est que plus que les cartes SIM pour télé­phone portable, Gemalto produi­sait aussi les cartes à puce pour les cartes bancaires et pour les cartes d’ac­cès sécu­ri­sées de beau­coup d’en­tre­prises.

    via theverge

  • Yahoo exec goes mano a mano with NSA direc­tor over crypto back­doors

    Alex Stamos: “Thank you, Admi­ral. My name is Alex Stamos, I’m the CISO for Yahoo!. … So it sounds like you agree with Direc­tor Comey that we should be buil­ding defects into the encryp­tion in our products so that the US govern­ment can decrypt…

    […]

    AS: We’ll agree to disa­gree on that. So, if we’re going to build defects/back­doors or golden master keys for the US govern­ment, do you believe we should do so — we have about 1.3 billion users around the world — should we do for the Chinese govern­ment, the Russian govern­ment, the Saudi Arabian govern­ment, the Israeli govern­ment, the French govern­ment? Which of those coun­tries should we give back­doors to?

    MR: So, I’m not gonna… I mean, the way you framed the ques­tion isn’t desi­gned to elicit a response.

    — Arstech­nica

    Nos États construisent leur propre défaite. Au lieu de promou­voir une sécu­rité à toute épreuve, qui ne peut qu’être favo­rable à la démo­cra­tie, ils encou­ragent l’idée qu’il est normal qu’un État fouille et écoute tout sur simple requête.

  • À la pour­suite des objec­tifs

    J’ai vu des commer­ciaux tenter par tous les moyens d’avan­cer la factu­ra­tion ou la signa­ture de clients pour faire rentrer le chiffre corres­pon­dant dans la période en cours et atteindre l’objec­tif.

    (même si vous ne lisez pas tout, plani­fiez de regar­der les deux vidéo de 10 et 2 minutes, vrai­ment)

    objec­tifs, pour le pire et…
    surtout le pire

    Une part impor­tante de l’éner­gie était dépen­sée non à signer ou factu­rer, mais à avan­cer ces évène­ments de quelques semaines. La valeur ajou­tée est faible pour l’en­tre­prise. C’est autant d’ef­forts et de fatigue qui sont perdus pour réali­ser de nouveaux contrats.

    Bien entendu, pour y réus­sir, on grille quelques faveurs, on fait des remises excep­tion­nelles qu’on aurait pu éviter, et on signe des contrats discu­tables au niveau de la renta­bi­lité. Peu importe, ça permet de joindre l’objec­tif. Là on est dans une une perte directe pour l’en­tre­prise.

    Il faudra recom­men­cer la période suivante mais il y faudra en plus compen­ser les projets qui manquent, ceux qui ont été avancé à la période précé­dente. Magni­fique effet boule de neige et fuite en avant. Jusqu’à épui­se­ment ou effon­dre­ment.

    Je ne l’ai pas vu une seule fois. Je l’ai vu dans trois entre­prises diffé­rentes, avec des gens diffé­rents, dans des contextes rela­ti­ve­ment diffé­rents.

    Ne croyez pas qu’il s’agisse unique­ment d’une culture commer­ciale : J’ai vu des chefs de projet trai­ter ou ne pas trai­ter les anoma­lies – voire ne pas les enre­gis­trer – unique­ment pour opti­mi­ser les résul­tats en fonc­tion des objec­tifs, au détri­ment du projet lui-même. J’ai vu des mana­gers deman­der à leurs colla­bo­ra­teurs de tricher dans les rapports d’ac­ti­vité – faus­sant du même coup la factu­ra­tion et le contrôle de gestion – pour tenir les objec­tifs.

    Je ne saurais même pas dire combien j’ai vu de colla­bo­ra­teurs, de l’exé­cu­tant au direc­teur, travailler au détri­ment de l’in­té­rêt de l’en­tre­prise unique­ment pour atteindre les objec­tifs fixés, qu’ils soient person­nels ou collec­tifs.

    Je n’ai par contre jamais vu d’ef­fet posi­tif, et je dis bien jamais. Peut-être ai-je toujours eu la chance de travailler avec des gens respon­sables qui ont toujours cher­ché d’eux-même l’in­té­rêt de l’en­tre­prise quand ils n’avaient pas instruc­tion de faire autre­ment (et parfois même malgré les instruc­tions de faire autre­ment), qu’ils aient des objec­tifs ou pas.

    Netflix s’ef­force de ne recru­ter que des “adultes respon­sables” : ils parle­ront ouver­te­ment des problèmes qu’ils rencontrent à leurs collègues et leurs supé­rieurs et jamais n’abu­se­ront des avan­tages qui leur sont donnés. La confiance érigée en valeur supé­rieure entraîne des pratiques diffé­rentes en matière de contrôle. Ainsi, on part du prin­cipe que les employés dépensent l’argent de l’en­tre­prise comme s’il s’agis­sait du leur et on contrôle moins les notes de frais. Si l’em­ployé prend des vacances, c’est qu’il en a besoin et qu’il sera plus perfor­mant après s’être reposé.

    Les primes habi­tuel­le­ment distri­buées dans les grandes entre­prises sont aban­don­nées car elles n’amé­liorent pas la perfor­mance des “adultes respon­sables” qui, payés au juste prix du marché, sont de toute manière déjà inté­res­sés au succès de l’en­tre­prise qu’ils servent. Ils ont décidé eux-mêmes de la part du salaire et des stock options dans leur rému­né­ra­tion, en fixant l’équi­libre corres­pon­dant le mieux à leurs besoins et à leur degré d’aver­sion au risque

    — RH, le modèle Netflix

    Une stra­té­gie claire et expliquée, un suivi par le mana­ger ou par l’équipe pour garder la moti­va­tion, un envi­ron­ne­ment qui permet la confiance, l’au­to­no­mie, des moyens adap­tés, une rému­né­ra­tion décente et un droit à l’er­reur… ça vaut tous les objec­tifs du monde.

    rému­né­ra­tion variable, arme fatale

    La pres­sion du mana­ge­ment suffit le plus souvent à obte­nir les dérives citées en début de texte mais si en plus on rému­nère le compor­te­ment par des bonus… vous vous doutez bien qu’il va y avoir du répon­dant.

    Jusque là les exemples restent assez soft.

    J’ai aussi vu des commer­ciaux faire des signa­tures pour les annu­ler ensuite – avec péna­li­tés – un peu après le calcul d’at­teinte des objec­tifs. J’ai vu des mana­gers modi­fier après coup les impu­ta­tions des mois ou années précé­dentes pour obte­nir de faux résul­tats. J’ai vu des direc­tions déca­ler des primes et des rému­né­ra­tions variables de plusieurs mois pour tenir l’objec­tif de résul­tat net. J’ai vu des chefs de projet livrer des projets incom­plets ou avec des trous béants unique­ment pour tenir la date.

    J’ai vu de nombreuses choses illé­gales ou simple­ment très immo­rales, toutes au détri­ment de l’in­té­rêt de l’en­tre­prise mais dans l’in­té­rêt de la rému­né­ra­tion variable de leur auteur.

    Vous pour­riez me dire qu’un variable sur objec­tif signi­fi­ca­tif permet au moins de moti­ver et d’as­su­rer une meilleure produc­ti­vité. Vous auriez tort.

    Il y en a même une seconde depuis :

    We find that finan­cial incen­tives can result in a nega­tive impact on overall perfor­mance

    — Dr. Bernd Irlen­busch, London school of econo­mics

    Parfois les faits, quand ils sont analy­sés froi­de­ment, ne valident pas le ressenti et l’in­tui­tion : Plus la prime à l’objec­tif est forte, moins nous sommes produc­tifs. L’argent n’est pas source de moti­va­tion, c’est son manque qui est source de démo­ti­va­tion (hey! non, ça ne veut pas dire la même chose, pensez-y).

    À défaut de permettre de meilleurs résul­tats, et en plus de provoquer des dysfonc­tion­ne­ments voire des actions contre-produc­tives dans l’en­tre­prise, on ajoute surtout de la démo­ti­va­tion et du stress.

    Le stress pour cher­cher à atteindre les objec­tifs court terme (qui remplace celui de faire son travail le mieux possible, sur le long terme). Le stress de savoir si la prime sera bien versée (et ce d’au­tant plus si le mana­ge­ment n’a pas toujours été très clean, même si ce n’est qu’en appa­rence). On cherche à courir des sprints épui­sants alors que l’en­tre­prise devrait être une course de fond qui se mesure dans la durée.

    Mais aussi la démo­ti­va­tion quand les objec­tifs ne sont pas atteints et la prime non versée (alors que si la prime n’avait simple­ment pas été prévue, à rému­né­ra­tion iden­tique, il n’y aurait pas eu démo­ti­va­tion) – démo­ti­va­tion démul­ti­pliée si le colla­bo­ra­teur a l’im­pres­sion de ne pas avoir été entiè­re­ment en contrôle des résul­tats et en moyen de les atteindre. Même effet si la prime est quand même fina­le­ment versée (trop tard, l’ef­fet néga­tif a déjà eu lieu car anti­cipé, au mieux on arri­vera à un solde de moti­va­tion neutre mais pas une moti­va­tion posi­tive due à la récep­tion de la prime).

    La démo­ti­va­tion est d’ailleurs valable indé­pen­dam­ment de l’ori­gine de la prime. Qu’elle soit sur objec­tifs person­nels, objec­tifs collec­tifs ou inté­res­se­ment aux béné­fices, elle intro­duit un stress dès qu’elle est atten­due ou espé­rée, puis une démo­ti­va­tion en cas d’an­nu­la­tion ou un effet posi­tif extrê­me­ment court terme en cas de verse­ment. (quant à ceux qui croient encore au stress posi­tif : vous êtes dange­reux et vous n’en avez pas conscience).

    The facts are abso­lu­tely clear. There is no ques­tion that in virtually all circum­stances in which people are doing things in order to get rewards, extrin­sic tangible rewards under­mine intrin­sic moti­va­tion.

    — New Scien­tist 9th April 2011. pp 40–43

    cas de conscience

    Le pire arrive quand l’em­ployé commence à avoir le choix entre réali­ser ce qu’il sait être dans l’in­té­rêt de l’en­tre­prise et réali­ser ce qui est inscrit sur ses objec­tifs. Comme les objec­tifs sont fixés plusieurs mois à l’avance et ne s’en­combrent pas des détails, ça arrive régu­liè­re­ment.

    Certains choi­si­ront leurs objec­tifs. Vous venez de leur dire que travailler pour l’en­tre­prise n’est pas dans leur inté­rêt, et de leur prou­ver qu’ils ont raison. Les rembarquer va être très diffi­cile.

    D’autres choi­si­ront l’in­té­rêt de l’en­tre­prise et vous allez les sanc­tion­ner pour ça en leur refu­sant leur prime. Au mieux ils devront s’en justi­fier auprès de leur direc­tion pour que vous allouiez quand même la prime de façon discré­tion­naire. Ça sera quand même trop tard. Ils devront se battre pour avoir le droit de privi­lé­gier l’en­tre­prise.

    Ça fonc­tionne une fois, deux fois, peut-être trois. Ensuite ça finit en rési­gna­tion et désillu­sion. Ça peut finir en burn-out, en démis­sion, ou en rési­gna­tion et désim­pli­ca­tion. Une fois que vous aurez perdu ceux qui ont essayé par bonne volonté, les récu­pé­rer est mission impos­sible.


    Seule solu­tion : la prime excep­tion­nelle surprise, qui elle aura un effet unique­ment posi­tif, long terme. Malheu­reu­se­ment elle finira par être atten­due si elle devient fréquente ou régu­lière.